LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 10 janvier 2007, M. X... (la caution), gérant de la société X... RCMG (la société), s'est rendu caution des engagements de celle-ci envers la société BNP Paribas (la banque), à concurrence de la somme de 24 000 euros ; que, la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement la caution qui a opposé la disproportion de son engagement, invoqué la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels et sollicité le bénéfice des dispositions de l'article L. 331-2 du code de la consommation ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Attendu que pour dire que l'engagement de la caution n'était pas disproportionné à ses biens et revenus, l'arrêt retient que la banque justifie de ce que le compte de la société était créditeur au 31 décembre 2006 d'une somme de 18 624 euros et que le raisonnement de la caution tendant à considérer que l'emprunt cautionné à la fin de l'année 2004 constituait une dette pouvant être activée à tout moment n'est dès lors pas pertinent ; qu'il retient encore que la caution et Mme X... ont obtenu, dans le temps où était souscrit l'engagement litigieux, deux prêts immobiliers pour la construction d'un pavillon individuel, ce dont il résulte, soit que le couple a agi inconsidérément et ne peut se prévaloir de sa propre légèreté, soit qu'il offrait les garanties nécessaires et que, de plus fort, cet engagement ne présentait aucun caractère excessif ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'engagement souscrit n'était pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution au moment de cet engagement, quand celle-ci faisait valoir que l'absence de patrimoine et de revenus conséquents, attestés par ses avis d'impôt sur les revenus de 2006 et 2007 et le formulaire fiscal 2065 pour l'année 2007, démontraient cette disproportion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
Attendu que pour rejeter la demande de la caution tendant à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels, l'arrêt retient qu'elle ne conteste pas avoir reçu les listings et fait seulement valoir que les courriers sont incomplets au regard des exigences légales ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs qui ne permettent pas à la Cour de cassation de vérifier que les informations fournies par la banque à la caution répondaient aux prescriptions du texte susvisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt d'avoir reçu la société BNP Paribas en ses demandes et, la déclarant bien fondée, d'avoir condamné Monsieur X... à lui verser la somme de 23. 296, 50 euros avec intérêts à taux légal à compter du 9 septembre 2009, d'avoir prononcé la capitalisation des intérêts et d'avoir débouté Monsieur X... de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la société BNP Paribas justifie de ce que le compte de la société était créditeur au 31 décembre 2006 d'une somme de 18. 624 euros et que le raisonnement de Monsieur X... tendant considérer que l'emprunt cautionné fin 2004 constituait une dette pouvant être activée à tout moment n'est dès lors pas pertinent ; qu'à bon droit la BNP Paribas souligne que l'exploitation du fonds de commerce de carterie a permis de rembourser le crédit sans difficulté pendant les trois premières années ; que c'est justement encore qu'elle relève que Monsieur X... qui argue de la disproportion de l'engagement de caution souscrit à hauteur de 24. 000 euros en janvier 2007, a obtenu dans le même temps avec son épouse, deux prêts immobiliers personnels pour la construction d'un pavillon individuel, ce dont il résulte soit que le couple a agi inconsidérément et ne peut se prévaloir de sa propre légèreté soit qu'il offrait les garanties nécessaires et que de plus fort, l'engagement de caution ne présentait aucun caractère excessif ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le caractère disproportionné du cautionnement doit s'apprécier à la date de la conclusion de celui-ci soit en l'espèce le 10/ 01/ 2007 ; ¿ qu'il n'apporte aucun élément ni pièce prouvant que sa situation financière était incompatible avec l'engagement conclu en janvier 2007 ; qu'au contraire le fait que M. X... ait pu obtenir d'une autre banque, un prêt hypothécaire de 168. 650 euros en août 2005 pour la construction d'une maison, et un autre prêt de 31. 435 euros en septembre 2007 pour travaux complémentaires, laisse présumer des revenus conséquents ;
1°) ALORS QUE le caractère manifestement disproportionné d'un engagement de caution, personne physique, au profit d'un créancier professionnel, s'apprécie par rapport à ses revenus et biens ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui n'a pas recherché, comme il lui était demandé, si les revenus de Monsieur X..., au moment de la souscription du cautionnement du 10 janvier 2007, attestés par la production de son avis d'impôt sur les revenus de 2006 et 2007, le formulaire fiscal 2065 pour l'année 2007, ainsi que l'absence de bien valorisable à la date de l'engagement de caution, ne révélaient pas le caractère disproportionné de ses engagements, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, 2288 du Code civil et L. 341-4 du Code de la consommation ;
2°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que Monsieur X... produisait pour justifier du caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution du 10 janvier 2007 son avis d'impôt sur les revenus de 2006 et 2007, le formulaire fiscal 2065 pour l'année 2007, ainsi que le procès-verbal de l'assemblée du 12 décembre 2005 de la société X... RCMG fixant sa rémunération annuelle à 19. 000 euros net et un extrait de son compte bancaire chez la société BNP Paribas indiquant au 24 janvier 2007 un découvert de 225, 95 euros ; qu'en n'examinant pas ces pièces essentielles, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le caractère manifestement disproportionné d'un engagement de caution, personne physique, au profit d'un créancier professionnel, s'apprécie par rapport à ses seuls revenus et biens au jour de son engagement ; qu'en se référant aux garanties présentées par Monsieur et Madame X... et aux crédits immobiliers obtenus par ce couple bien avant et bien après l'acte de cautionnement, quand seul Monsieur X... s'est porté caution par acte conclu le 10 janvier 2007, la Cour d'appel qui n'a pas examiné l'engagement de la caution au regard de sa situation financière personnelle, ni au jour de son engagement, a violé les articles 1147, 2288 du Code civil et L. 341-4 du Code de la consommation ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande subsidiaire de déchéance des intérêts pour absence d'information annuelle de la caution, de l'avoir condamné à verser à la société BNP Paribas la somme de 23. 296, 50 euros avec intérêts à taux légal à compter du 9 septembre 2009, d'avoir prononcé la capitalisation des intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'acte de cautionnement du 10/ 01/ 2007 stipulait que la production d'un listing informatique ferait foi sans qu'il y ait lieu de recourir à plus de formalisme concernant l'information annuelle de la caution sur la situation de la dette cautionnée ; que Monsieur X... ne conteste pas avoir reçu ces listings, faisant juste valoir qu'il s'agit de courriers incomplets au regard de l'article sus-énoncé, de sorte qu'il convient de rejeter sa demande de ce chef ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'acte de cautionnement du 10/ 01/ 2007 stipulait, comme la loi l'autorise, qu'en matière d'information la production d'un listing informatique ferait foi, qu'il n'est pas établi que la production de ce listing n'a pas eu lieu ; que par ailleurs il n'incombe pas à la banque de prouver que la caution a effectivement reçu l'information ;
1°) ALORS QUE les banques sont tenues de faire connaître à la caution la totalité des informations figurant à l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier ; que la Cour d'appel, qui ne constate nulle part que les listings ou courriers qui auraient été adressés à la caution contenaient les informations légales requises, a violé l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier ;
2°) ALORS QUE Monsieur X... faisait valoir dans ses conclusions qu'« au cas d'espèce, il n'y a pas de listing mais un courrier et la question n'est pas de savoir si Monsieur X... a reçu ou pas le courrier, mais de constater que le courrier reçu était incomplet » (p. 24 des conclusions de Monsieur X...), détaillant ensuite plus précisément en quoi les courriers reçus étaient incomplets ; qu'en n'examinant pas, comme il lui était demandé, si la banque avait ou non fourni à la caution les informations requises par la loi dans les courriers reçus, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de limiter, en tout état de cause, sa condamnation de façon à laisser à la caution personne physique le minimum de ressources dont elle ne peut être privée en application de l'article L. 331-2 du Code de la consommation augmenté des frais de personnes à sa charge ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... sollicite l'application des articles L. 331-2 du Code de la consommation et 2301 du Code civil prévoyant que le montant des dettes résultant du cautionnement ne peut avoir pour effet de priver la personne physique qui s'est portée caution d'un minimum de ressources fixée par le premier de ces articles ; mais attendu qu'ainsi que le souligne la société BNP Paribas, il s'évince de l'emplacement de l'article 2301 du Code civil que celui-ci ne concerne que la caution simple en droit d'invoquer le bénéfice de discussion, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il s'ensuit que la réclamation présentée de ce chef doit de même être rejetée ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le Tribunal ignorera la limitation réclamée au titre de l'article L. 331-2 du Code de la consommation, les dispositions de cet article ne s'appliquant pas dès lors que la caution était dirigeante de fait ou de droit de la société débitrice principale ;
1°) ALORS QUE, selon l'article 2301 du Code civil, « en toute hypothèse, le montant des dettes résultant du cautionnement ne peut avoir pour effet de priver la personne physique qui s'est portée caution d'un minimum de ressources fixé à l'article L. 331-2 du code de la consommation » ; que, en l'absence de toute restriction, ce texte a une portée générale et s'applique à tout cautionnement, simple ou non, souscrit par une personne physique ; que la Cour d'appel, en estimant que cet article ne concerne que la caution simple, a violé l'article 2301 du Code civil, et l'article L. 331-2 du Code de la consommation ;
2°) ALORS QUE l'article 2301 du Code civil ne renvoie à l'article L. 331-2 du Code de la consommation que pour le minimum de ressources qui y est fixé ; qu'au surplus l'article L. 331-2 du Code de la consommation n'exclut pas en lui-même les dirigeants de fait ou de droit de son champ d'application, mais étend, sans distinction, son application à toute personne physique ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé les article 2301 du code civil et L. 331-2 du code de la consommation.