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17/12/2013 | FRANCE | N°12-25151

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 décembre 2013, 12-25151


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2012), que le 21 décembre 2009, la société Korea Exchange Bank (la banque) a payé le montant de la lettre de crédit irrévocable qu'elle avait émise le 26 septembre 2008, sur ordre de la société Sensy international (la société Sensy) au profit de la société PCBank21 ; que la société Sensy a été placée sous sauvegarde judiciaire le 29 juin 2009, puis mise en liquidation judiciaire le 4 avril 2011 ; que la créance déclarée pa

r la banque a été rejetée par ordonnance du juge-commissaire du 3 décembre 2010 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2012), que le 21 décembre 2009, la société Korea Exchange Bank (la banque) a payé le montant de la lettre de crédit irrévocable qu'elle avait émise le 26 septembre 2008, sur ordre de la société Sensy international (la société Sensy) au profit de la société PCBank21 ; que la société Sensy a été placée sous sauvegarde judiciaire le 29 juin 2009, puis mise en liquidation judiciaire le 4 avril 2011 ; que la créance déclarée par la banque a été rejetée par ordonnance du juge-commissaire du 3 décembre 2010 ;
Attendu que la société Sensy et son liquidateur font grief à l'arrêt d'avoir admis la créance de la banque au passif de la liquidation judiciaire de cette société à titre chirographaire pour la somme de 82 603, 27 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges du fond doivent vérifier qu'avant de procéder au règlement de la lettre de crédit, la banque était en possession de tous les documents requis aux termes de cette lettre ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que la banque était en possession des documents contractuels requis pour effectuer le règlement et que la copie du certificat Rohs produite aux débats portait la mention moniteur LCD référence LCD22Jet-7 correspondant aux marchandises, sans constater ni même vérifier, comme elle y était invitée que, lorsqu'elle a effectué le règlement, la banque était bien en possession de l'original du certificat Rohs et si elle n'était pas seulement entrée en possession d'une copie de ce certificat postérieurement au règlement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, 12 et 14 des règles et usances uniformes de la chambre de commerce internationale relatives aux crédits documentaires (RUU 600) ;
2°/ que, même lorsque le crédit documentaire est stipulé irrévocable, le donneur d'ordre peut en paralyser la réalisation en établissant une fraude portant sur la mise en place ou l'exécution de ce crédit documentaire, c'est-à-dire en établissant que les documents présentés à la banque par le bénéficiaire de la lettre de crédit sont dépourvus de sincérité ; qu'ayant elle-même constaté qu'avant le règlement de la lettre de crédit le 21 décembre 2009, d'une part la société Sensy avait alerté la banque de ce que la société PC Bank 21 n'avait pas expédié les marchandises et d'autre part que le représentant de cette dernière avait confirmé à la banque qu'elle annulerait ou payerait la lettre de crédit à la date d'échéance et que la société Sensy n'avait pas à payer la lettre de crédit à la banque, ce dont il résultait qu'avant le règlement, la banque avait été informée par le donneur d'ordre de l'absence de sincérité et donc du caractère frauduleux des documents présentés par le bénéficiaire de la lettre de crédit ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui ne pouvait juger que cette lettre ne suffisait pas à établir une fraude affectant les documents du crédit documentaire de nature à faire échec au paiement, a violé l'article 1134 du code civil et la maxime " la fraude corrompt tout " ;
3°/ qu'en n'expliquant pas pourquoi la lettre adressée par la société PC Bank 21 à la KEB, qui indiquait que la société Sensy n'avait pas à payer la lettre de crédit à la banque et que la société PC Bank 21 annulerait ou payerait cette lettre de crédit à la date d'échéance, ne suffisait pas à établir une fraude affectant les documents du crédit documentaire de nature à faire échec au paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil et de la maxime " la fraude corrompt tout " ;
4°/ que dans leurs conclusions la société Sensy et son liquidateur faisaient valoir que la société PC Bank 21 n'avait jamais livré les marchandises pour lesquelles la société Sensy avait sollicité l'ouverture de la lettre de crédit, que c'était la raison pour laquelle cette société était toujours en possession du bill of lading original qu'elle aurait dû remettre pour récupérer les marchandises si elle les avait reçues, et que la société PC Bank 21 avait présenté des documents frauduleux à la banque puisque le packing list et le bill of lading mentionnaient que les marchandises auraient été chargées sur le bateau... le 30 septembre 2008, alors que le site de MOL faisait état d'un départ du... le 4 septembre 2008, ce dont il était justifié par la production du bill of lading original et de l'extrait MOL ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la lettre de crédit litigieuse subordonnait son exécution à la présentation, notamment, d'un certificat Rohs en trois exemplaires, l'arrêt relève que si la lettre intitulée " arrival notice of documents " n'énumérait pas ces documents, la société Sensy ne pouvait contester avoir reçu ceux présentés à la banque, ayant signé cette lettre en y apposant son cachet, et qu'elle n'avait non plus émis aucune réserve relative aux documents à réception de la lettre recommandée de la banque du 18 octobre 2009 lui indiquant n'avoir eu aucune instruction de sa part pour effectuer le règlement, s'étant bornée à invoquer une fraude du fournisseur qui n'avait pas expédié les marchandises ; qu'il relève encore que le certificat Rohs produit portait sur un moniteur LCD référence LCD22Jet-7 correspondant à celui visé dans la facture commerciale versée en original aux débats par la banque, signée du dirigeant de la société Sensy et faisant mention du numéro de la lettre de crédit en cause ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la banque disposait des documents contractuels requis lorsqu'elle a effectué le paiement, et dont elle a pu déduire l'absence de fraude affectant les documents de la lettre de crédit de nature à faire échec à son paiement, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche devenue inopérante évoquée à la première branche, qui a répondu, en les écartant aux conclusions prétendument délaissées et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sensy international et la société Garnier-Guillouet, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Sensy international et la société Garnier-Guillouet, ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR admis la créance de la KEB au passif de la liquidation judiciaire de la société SENSY INTERNATIONAL à titre chirographaire pour la somme de 82 603, 27 ¿ ;
AUX MOTIFS QUE « Il est constant que la KEB a payé, le 21 décembre 2009, la lettre de crédit stipulée irrévocable, ouverte le 26 septembre 2008 pour un montant de 115. 000 USD, sous la référence 5632ILU080910006, pour le compte de la société Sensy International, donneur d'ordre, au bénéfice de la société PC Bank21, entre les mains de la Woori Bank. Après divers reports, la lettre de crédit était arrivée à échéance le 25 septembre 2009. Selon les règles du crédit documentaire, la banque émettrice est tenue de verser le montant du crédit documentaire dès lors qu'elle a constaté que les documents présentés sont conformes. En l'espèce, il ressort des termes de la lettre de crédit que la réalisation du crédit a été subordonnée à la présentation des documents suivants :- facture commerciale en trois exemplaires,- liste de colisage en 3 exemplaires,- ensemble des lettres de chargement à bord (on board bill ou bill of ladind),- connaissement avec adresse de livraison,- certificat ROHS en 3 exemplaires. La KEB produit notamment la facture commerciale en date du 29 septembre 2008, signée de M. S. X..., président du fournisseur, la société PC Bank21, avec le tampon'Original', qui porte le numéro de la lettre de crédit en cause, le montant de 115 500 USD ainsi que la description des marchandises à savoir 875 moniteur LCD reference LCD22JET--7 ainsi que la liste de colisage et le bill of lading émis le 30 septembre 2009. Si le courrier adressé par la KEB le 6 octobre 2009 à la société Sensy International sous l'intitulé " Arrival notice of documents " ne vise aucune liste de documents, la société Sensy International ne peut contester avoir reçu les documents présentés à la banque puisqu'elle a validé ledit courrier en y apposant son cachet. De plus, la société Sensy International produit également en pièce n° 2 le bill of lading, revêtu du tampon " Original, émis le 30 septembre 2009, qu'elle a donc nécessairement reçu. Par ailleurs, aucune réserve relative aux documents n'a été faite à la suite de la lettre recommandée de la KEB en date du 28 octobre 2009 où l'on peut lire : " Nous n'avons reçu aucune instruction de votre part pour effectuer le règlement " sinon l'invocation d'une fraude du fournisseur, Mme Y..., gérante de la société Sensy International répondant par lettre du 6 novembre 2009 que la société PC Bank 21 n'a pas expédié les marchandises et que son représentant " vous a confirmé que PC Bank annulera ou paiera cette L/ C à la date d'échéance ". De ces éléments, il s'évince que la KEB était en possession des documents contractuels qui étaient requis pour effectuer le règlement étant souligné que la copie du certificat ROHS produit au débat porte la mention moniteur LCD reference LCD22JET-7 correspondant aux marchandises. Par suite et alors que la lettre invoquée de la société PC Bank21 déclarant annuler le crédit ne suffit pas à établir une fraude affectant les documents du crédit documentaire de nature à faire échec au paiement, la banque se prévaut justement d'une créance au titre du crédit acquitté pour le compte de la société Sensy International. L'ordonnance déférée sera donc infirmée et la créance admise » ;
1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond doivent vérifier qu'avant de procéder au règlement de la lettre de crédit, la banque était en possession de tous les documents requis aux termes de la lettre de crédit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que la KEB était en possession des documents contractuels qui étaient requis pour effectuer le règlement et que la copie du certificat ROHS produite aux débats par la KEB portait la mention moniteur LCD référence LCD22JET-7 correspondant aux marchandises, sans constater ni même vérifier, comme elle y était invitée (conclusions p. 4) que, lorsqu'elle a effectué le règlement, la KEB était bien en possession de l'original du certificat ROHS et si elle n'était pas seulement entrée en possession d'une copie de ce certificat postérieurement au règlement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, 12 et 14 des règles et usances uniformes de la chambre de commerce internationale relatives aux crédits documentaires (RUU 600) ;
2°/ ALORS, D'AUTRE PART, QUE même lorsque le crédit documentaire est stipulé irrévocable, le donneur d'ordre peut en paralyser la réalisation en établissant une fraude portant sur la mise en place ou l'exécution de ce crédit documentaire, c'est-à-dire en établissant que les documents présentés à la banque par le bénéficiaire de la lettre de crédit sont dépourvus de sincérité ; qu'en l'espèce, ayant elle-même constaté qu'avant le règlement de la lettre de crédit le 21 décembre 2009, d'une part la société SENSY INTERNATIONAL avait alerté la KEB de ce que la société PC Bank 21 n'avait pas expédié les marchandises et d'autre part que le représentant de cette dernière avait confirmé à la KEB qu'elle annulerait ou payerait la lettre de crédit à la date d'échéance et que la société SENSY INTERNATIONAL « n'avait pas à payer la lettre de crédit à la KEB » (arrêt, p. 2 § 3 et p. 4 § 1), ce dont il résultait qu'avant le règlement la banque avait été informée par le donneur d'ordre de l'absence de sincérité et donc du caractère frauduleux des documents présentés par le bénéficiaire de la lettre de crédit ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait juger que cette lettre ne suffisait pas à établir une fraude affectant les documents du crédit documentaire de nature à faire échec au paiement, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et la maxime « fraus omnia corrumpit » ;
3°/ ALORS, AUSSI, QU'en n'expliquant pas pourquoi la lettre adressée par la société PC Bank 21 à la KEB, qui indiquait que la société SENSY INTERNATIONAL « n'avait pas à payer la lettre de crédit à KEB » et que la société PC Bank 21 annulerait ou payerait cette lettre de crédit à la date d'échéance, ne suffisait pas à établir une fraude affectant les documents du crédit documentaire de nature à faire échec au paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et de la maxime « fraus omnia corrumpit » ;
4°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE dans leurs conclusions (page 2), les exposantes faisaient valoir que la société PC Bank 21 n'avait jamais livré les marchandises pour lesquelles la société SENSY INTERNATIONAL avait sollicité l'ouverture de la lettre de crédit, que c'était la raison pour laquelle la société SENSY INTERNATIONAL était toujours en possession du Bill of Lading original qu'elle aurait dû remettre pour récupérer les marchandises si elle les avait reçues, et que la société PC Bank 21 avait présenté des documents frauduleux à la KEB puisque le Packing list et le Bill of Lading mentionnaient que les marchandises auraient été chargées sur le bateau... le 30 septembre 2008, alors que le site de MOL faisait état d'un départ du... le 4 septembre 2008, ce dont les exposantes justifiaient par la production du Bill of Lading original et de l'extrait MOL ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-25151
Date de la décision : 17/12/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 déc. 2013, pourvoi n°12-25151


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.25151
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