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10/12/2013 | FRANCE | N°12-22424

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 décembre 2013, 12-22424


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le troisième moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 février 2012), que Thérèse X..., veuve Y... est décédée le 19 septembre 2006 après avoir institué Mme Z..., le 5 mai précédent, comme bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie ; qu'à la demande de Mme Z..., le capital de ce contrat a été intégré à l'actif de la succession à partager entre elle, en sa qualité de légataire universelle, et l'héritière réservataire ; que l'administration fiscale a notifié à Mme Z... une pro

position de rectification, en soutenant qu'elle avait préalablement accepté tacitement...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le troisième moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 février 2012), que Thérèse X..., veuve Y... est décédée le 19 septembre 2006 après avoir institué Mme Z..., le 5 mai précédent, comme bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie ; qu'à la demande de Mme Z..., le capital de ce contrat a été intégré à l'actif de la succession à partager entre elle, en sa qualité de légataire universelle, et l'héritière réservataire ; que l'administration fiscale a notifié à Mme Z... une proposition de rectification, en soutenant qu'elle avait préalablement accepté tacitement le bénéfice de l'assurance-vie, afin de mettre à sa charge des droits de mutation par décès à concurrence de la fraction des primes versées par la défunte, après l'âge de soixante-dix ans, excédant le montant prévu par l'article 757 B du code général des impôts ; qu'après mise en recouvrement et rejet de sa réclamation amiable, Mme Z... a saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargée de cette imposition, en faisant valoir qu'elle n'avait pas accepté le bénéfice du contrat litigieux en raison du caractère manifestement exagéré de la prime versée, en sorte que, par application de l'article L. 132-13 du code des assurances, le capital avait été rapporté à la succession ;
Attendu que le directeur général des finances publiques fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné le dégrèvement des droits de mutation mis à la charge de Mme Z..., alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 132-13 du code des assurances que « le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés » ; que le caractère excessif des primes versées doit être prouvé par le jugement d'un tribunal civil saisi de cette demande par les héritiers du contractant ; que selon la jurisprudence constante, le caractère manifestement exagéré des primes s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge du souscripteur, de sa situation patrimoniale et familiale et de l'utilité de la souscription ; qu'en l'espèce, Mme Z... ne rapporte pas la preuve qu'un tribunal, saisi par les héritiers de Mme Y..., ait statué sur le caractère excessif ou non des primes ; qu'en affirmant que «la déclaration de succession déposée le même jour confirme l'intégration du montant de l'assurance-vie en raison du caractère manifestement exagéré des primes versées par le défunt, reconnu par Mme Z..., dans l'actif successoral», sans rechercher si ce caractère exagéré avait été établi par un jugement rendu à la demande des héritiers de Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-13 du code des assurances ;
Mais attendu qu'aucun texte n'impose qu'un jugement, constatant le caractère manifestement exagéré des sommes versées par le contractant à titre de primes, ait été préalablement rendu à la demande des héritiers ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement et ordonné le dégrèvement des droits de mutation à titre gratuit mis à la charge de Madame Henriette Z....
AUX MOTIFS QUE « considérant que le bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie peut accepter le bénéfice de ce contrat ou y renoncer, que ce soit avant le décès du stipulant comme après celui-ci, s'il n'a pas de son vivant accepté le bénéfice ;
Considérant que Madame Z..., désignée comme bénéficiaire du contrat d'assurance-vie souscrit par Madame Y..., soutient qu'elle n'a pas accepté celui-ci, et que dès lors en application des dispositions de l'article L. 132-11 du code des assurances, le capital garanti fait partie de la succession du contractant ;
Considérant qu'il appartient au directeur des finances publiques, qui oppose que Madame Z... a tacitement accepté le bénéfice du contrat, d'en apporter la preuve ; que cette preuve peut être faite par tous moyens ;
Considérant que s'il est acquis que Madame Z... a le 30 janvier 2007 donné pouvoir au clerc du notaire chargé de la succession de procéder au déblocage du capital placé sur le contrat d'assurance-vie de la défunte, elle a précisé également qu'elle entendait ainsi faire rapport du capital de l'assurance-vie à la succession, dans laquelle elle détenait des droits en sa qualité de légataire universelle ;
Que la déclaration de succession déposée le même jour confirme l'intégration du montant de l'assurance-vie en raison du caractère manifestement exagéré des primes versées par le défunt, reconnu par Madame Z..., dans l'actif successoral ;
Considérant qu'ainsi, si Madame Z... a accepté que les fonds du contrat d'assurance-vie soient versés entre les mains du notaire, elle a pour elle-même renoncé au bénéfice exclusif du contrat ;
Considérant que dès lors les pièces communiquées aux débats ne rapportant pas la preuve que Madame Z... ait accepté le bénéfice du contrat, les dispositions de l'article 757 B du code général des impôts ne sont pas applicables ;
Qu'il convient d'infirmer le jugement et d'ordonner au bénéfice de Madame Z... le dégrèvement des droits perçus en application de l'article 757 B du code général des impôts ».
ALORS, D'UNE PART QU'aux termes de l'article L. 132-9 du code des assurances, la stipulation, en vertu de laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé, devient irrévocable par l'acceptation expresse ou tacite du bénéficiaire ; que l'acceptation tacite ne peut résulter que d'actes positifs exprimant une intention dépourvue d'ambiguïté de la part du bénéficiaire ; qu'en l'espèce Mme Z... a donné pouvoir à son notaire de procéder, pour elle et en son nom personnel, au déblocage du capital placé sur le contrat d'assurance-vie et de payer les droits de mutation dus pour son compte dans le cadre de la succession de la défunte, et notamment, les droits résultant du contrat d'assurance-vie en cause ; qu'il résulte de ces actes que Mme Z... a nécessairement, et sans ambiguïté, accepté tacitement le bénéfice du contrat d'assurance-vie ; qu'en considérant que les dispositions de l'article 757 B du code général des impôts n'étaient pas applicables dans la mesure où les pièces communiquées aux débats ne rapportaient pas la preuve de l'acceptation du bénéfice du contrat d'assurance-vie par Mme Z..., la cour d'appel a violé l'article L. 132-9 du code des assurances.
ALORS, D'AUTRE PART QU'il résulte des dispositions de l'article 1134 du code civil que les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer le sens clair et précis des documents de la cause ; qu'en affirmant que les pièces communiquées aux débats ne rapportaient pas la preuve que Mme Z... avait accepté le bénéfice du contrat d'assurance-vie alors que par courrier des 30 janvier et 15 février 2007 elle a donné pouvoir au notaire de procéder au déblocage du capital placé sur ledit contrat d'assurance-vie et de régler pour son compte les droits de mutation en résultant, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis des documents susvisés et violé l'article 1134 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement et ordonné le dégrèvement des droits de mutation à titre gratuit mis à la charge de Madame Henriette Z....
AUX MOTIFS QUE « considérant que le bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie peut accepter le bénéfice de ce contrat ou y renoncer, que ce soit avant le décès du stipulant comme après celui-ci, s'il n'a pas de son vivant accepté le bénéfice ;
Considérant que Madame Z..., désignée comme bénéficiaire du contrat d'assurance-vie souscrit par Madame Y..., soutient qu'elle n'a pas accepté celui-ci, et que dès lors en application des dispositions de l'article L. 132-11 du code des assurances, le capital garanti fait partie de la succession du contractant ;
Considérant qu'il appartient au directeur des finances publiques, qui oppose que madame Z... a tacitement accepté le bénéfice du contrat, d'en apporter la preuve ; que cette preuve peut être faite par tous moyens ;
Considérant que s'il est acquis que Madame Z... a le 30 janvier 2007 donné pouvoir au clerc du notaire chargé de la succession de procéder au déblocage du capital placé sur le contrat d'assurance-vie de la défunte, elle a précisé également qu'elle entendait ainsi faire rapport du capital de l'assurance-vie à la succession, dans laquelle elle détenait des droits en sa qualité de légataire universelle ;
Que la déclaration de succession déposée le même jour confirme l'intégration du montant de l'assurance-vie en raison du caractère manifestement exagéré des primes versées par le défunt, reconnu par Madame Z..., dans l'actif successoral ;
Considérant qu'ainsi, si Madame Z... a accepté que les fonds du contrat d'assurance-vie soient versés entre les mains du notaire, elle a pour elle-même renoncé au bénéfice exclusif du contrat ;
Considérant que dès lors les pièces communiquées aux débats ne rapportant pas la preuve que Madame Z... ait accepté le bénéfice du contrat, les dispositions de l'article 757 B du code général des impôts ne sont pas applicables ;
Qu'il convient d'infirmer le jugement et d'ordonner au bénéfice de Madame Z... le dégrèvement des droits perçus en application de l'article 757 B du code général des impôts ».
ALORS QU' il résulte des dispositions de l'article L. 132-12 du code des assurances que le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré ; que le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré ; que l'article L. 132-11 du même code précise que lorsque l'assurance en cas de décès a été conclue sans désignation de bénéficiaire, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine ou de la succession ; que, selon la doctrine administrative, lorsque l'assuré a désigné plusieurs bénéficiaires à des rangs successifs, la renonciation du premier bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie a pour effet d'attribuer le droit au capital au second bénéficiaire désigné ; que le capital ou la rente résultant du contrat d'assurance-vie n'est réintégré à la succession de l'assuré que si tous les bénéficiaires y ont expressément renoncé ; qu'en l'espèce, il n'est pas prouvé que les bénéficiaires de premier et de second rang ont renoncé au bénéfice du contrat d'assurance-vie ; qu'en considérant que « si Madame Z... a accepté que les fonds soient versés entre les mains du notaire, elle a pour elle-même renoncé au bénéfice exclusif du contrat » sans rechercher si, Madame A..., bénéficiaire de second rang, a, elle aussi, renoncé au bénéfice du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-11 et L. 132-12 du code des assurances.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement et ordonné le dégrèvement des droits de mutation à titre gratuit mis à la charge de Madame Henriette Z....
AUX MOTIFS QUE « considérant que le bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie peut accepter le bénéfice de ce contrat ou y renoncer, que ce soit avant le décès du stipulant comme après celui-ci, s'il n'a pas de son vivant accepté le bénéfice ;
Considérant que Madame Z..., désignée comme bénéficiaire du contrat d'assurance-vie souscrit par Madame Y..., soutient qu'elle n'a pas accepté celui-ci, et que dès lors en application des dispositions de l'article L. 132-11 du code des assurances, le capital garanti fait partie de la succession du contractant ;
Considérant qu'il appartient au directeur des finances publiques, qui oppose que madame Z... a tacitement accepté le bénéfice du contrat, d'en apporter la preuve ; que cette preuve peut être faite par tous moyens ;
Considérant que s'il est acquis que Madame Z... a le 30 janvier 2007 donné pouvoir au clerc du notaire chargé de la succession de procéder au déblocage du capital placé sur le contrat d'assurance-vie de la défunte, elle a précisé également qu'elle entendait ainsi faire rapport du capital de l'assurance-vie à la succession, dans laquelle elle détenait des droits en sa qualité de légataire universelle ;
Que la déclaration de succession déposée le même jour confirme l'intégration du montant de l'assurance-vie en raison du caractère manifestement exagéré des primes versées par le défunt, reconnu par Madame Z..., dans l'actif successoral ;
Considérant qu'ainsi, si Madame Z... a accepté que les fonds du contrat d'assurance-vie soient versés entre les mains du notaire, elle a pour elle-même renoncé au bénéfice exclusif du contrat ;
Considérant que dès lors les pièces communiquées aux débats ne rapportant pas la preuve que Madame Z... ait accepté le bénéfice du contrat, les dispositions de l'article 757 B du code général des impôts ne sont pas applicables ;
Qu'il convient d'infirmer le jugement et d'ordonner au bénéfice de Madame Z... le dégrèvement des droits perçus en application de l'article 757 B du code général des impôts ».
ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article L. 132-13 du code des assurances que « le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés » ; que le caractère excessif des primes versées doit être prouvé par le jugement d'un tribunal civil saisi de cette demande par les héritiers du contractant ; que selon la jurisprudence constante, le caractère manifestement exagéré des primes s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge du souscripteur, de sa situation patrimoniale et familiale et de l'utilité de la souscription ; qu'en l'espèce, Mme Z... ne rapporte pas la preuve qu'un tribunal, saisi par les héritiers de Mme Y..., ait statué sur le caractère excessif ou non des primes ; qu'en affirmant que « la déclaration de succession déposée le même jour confirme l'intégration du montant de l'assurance-vie en raison du caractère manifestement exagéré des primes versées par le défunt, reconnu par Mme Z..., dans l'actif successoral », sans rechercher si ce caractère exagéré avait été établi par un jugement rendu à la demande des héritiers de Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-13 du code des assurances.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-22424
Date de la décision : 10/12/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 07 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 déc. 2013, pourvoi n°12-22424


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.22424
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