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26/11/2013 | FRANCE | N°12-25004

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 novembre 2013, 12-25004


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 4 avril 2005, M. X... a été nommé directeur général de la Société d'économie mixte locale de financement du développement de la Polynésie française (la société) ; que le 7 avril suivant, M. X... et le président de la société ont signé une "lettre d'engagement valant contrat à durée indéterminée" prévoyant, notamment, qu'il pourrait être mis fin à tout moment aux fonctions de M. X... et que, dans ce cas, la société serait tenue de lui verser une indem

nité égale à douze mois de rémunération mensuelle ; que M. X... ayant fait virer s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 4 avril 2005, M. X... a été nommé directeur général de la Société d'économie mixte locale de financement du développement de la Polynésie française (la société) ; que le 7 avril suivant, M. X... et le président de la société ont signé une "lettre d'engagement valant contrat à durée indéterminée" prévoyant, notamment, qu'il pourrait être mis fin à tout moment aux fonctions de M. X... et que, dans ce cas, la société serait tenue de lui verser une indemnité égale à douze mois de rémunération mensuelle ; que M. X... ayant fait virer sur son compte une somme de ce montant après avoir été révoqué de ses fonctions au sein de la société, celle-ci l'a fait assigner pour faire déclarer nulle la stipulation de l'acte du 7 avril 2005 lui octroyant une indemnité de cessation de fonctions et obtenir la restitution de cette somme ; que M. X... a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour révocation abusive ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société, alors, selon le moyen, que la nullité d'une convention conclue en méconnaissance de l'article L. 225-38 du code de commerce n'est encourue qu'à la condition que cette convention ait eu des conséquences dommageables pour la société ; qu'en retenant que faute d'avoir été préalablement autorisée par le conseil d'administration, la clause litigieuse prévoyant l'octroi à M. X... d'une indemnité en cas de cessation de ses fonctions de directeur général était nulle sans rechercher si la stipulation de cette indemnité avait eu des conséquences dommageables pour la Sofidep, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-42 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la stipulation litigieuse relevait du régime juridique des conventions réglementées organisé par les articles L. 225-38 et suivants du code de commerce dès lors que la société se trouvait automatiquement débitrice, en cas de cessation des fonctions de son directeur général, d'une indemnité dont le montant représentait une année de rémunération, faisant ainsi ressortir que cette stipulation avait eu des conséquences dommageables pour la société, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt retient qu'il ressort de la lettre d'engagement du 7 avril 2005 que ce dernier était révocable ad nutum ; qu'il en déduit que sa révocation n'avait pas à être motivée et qu'elle pouvait intervenir sans que la preuve de l'existence d'une faute ou d'un grief ait été rapportée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la lettre du 7 avril 2005 se borne à prévoir qu'il pourra être mis fin à tout moment aux fonctions de directeur général de M. X..., la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé le texte susvisé ;
Et sur la quatrième branche du même moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la révocation de M. X... ne revêtait pas un caractère abusif eu égard aux circonstances dans lesquelles elle était intervenue, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... tendant au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 21 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Condamne la Société d'économie mixte locale de financement du développement de la Polynésie française aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nulle la clause « cessation de fonctions » du contrat signée le 7 avril 2005 entre le président de la Sofidep et M. X... et d'avoir en conséquence condamné celui-ci à restituer à la première la somme de 11.472.000 FCP avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2007 ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 1-1° de la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983, les sociétés d'économie mixte locales sont régies, sauf dispositions spécifiques, par les règles applicables aux sociétés anonymes ; qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article L. du code de commerce, le conseil d'administration détermine la rémunération du directeur général et de ses directeurs délégués ; qu'il est juridiquement possible à un directeur général de bénéficier d'un contrat de travail à condition que la fonction salariée corresponde à un emploi effectif et subordonné ; que toutefois, les stipulations du contrat de travail afférentes à la rémunération, en conformité avec la règle mentionnée par l'article 225-53 susvisée, doivent être acceptées par le conseil d'administration ; que par ailleurs, la clause prévoyant l'octroi d'une indemnité en cas de cessation des fonctions, négociée hors la présence du conseil d'administration, doit être soumise à cet organe pour approbation dans la mesure où, d'une part, elle constitue une limitation au principe de révocation ad nutum du mandataire social et où, d'autre part, elle est juridiquement classée dans la catégorie des conventions réglementées comme passée entre la société et son directeur général et comme exclue de la catégorie des conventions courantes conclues à des conditions normales ; qu'en l'espèce, si le contrat de travail signé le 7 avril 2005 entre le président de la SEML Sofidep et M. X... est difficilement critiquable quant à ses stipulations reprenant la rémunération fixée quatre jours auparavant par le conseil d'administration, tel n'est pas le cas, par contre, de la clause prévoyant l'octroi d'une indemnité de cessation de fonctions correspondant à douze mois de salaire ; que cette clause relève en effet du régime juridique des conventions réglementées organisé par les articles L. 225-38 à L. 225-40 du code de commerce compte tenu des circonstances de son versement (la société se trouve automatiquement débitrice en cas de cessation des fonctions de son directeur général) et compte tenu de son montant (une année de salaire) ; que le fait que cette clause soit intégrée dans un contrat de travail est juridiquement indifférent quant au régime juridique qui lui est applicable dès lors que l'ordre public commercial ne permet pas, sous couvert de la négociation d'un contrat de travail, au directeur général de s'affranchir des règles afférentes aux conventions réglementées ; que dès lors qu'en contrariété avec les articles L. 225-38 et L. 225-40 du code de commerce, dont les dispositions sont d'ordre public, ni le conseil d'administration, ni l'assemblée générale n'ont été amenés à donner leur avis sur cette convention, le tribunal n'avait d'autre alternative que d'en prononcer la nullité ;
ALORS QUE la nullité d'une convention conclue en méconnaissance de l'article L. 225-38 du code de commerce n'est encourue qu'à la condition que cette convention ait eu des conséquences dommageables pour la société ; qu'en retenant que faute d'avoir été préalablement autorisée par le conseil d'administration, la clause litigieuse prévoyant l'octroi à M. X... d'une indemnité en cas de cessation de ses fonctions de directeur général était nulle sans rechercher si la stipulation de cette indemnité avait eu des conséquences dommageables pour la Sofidep, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-42 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la demande d'allocation de dommages-intérêts de M. X... n'est pas fondée ; qu'en effet, il existe deux types de révocation d'un mandat social, à savoir ad nutum ou pour justes motifs ; qu'ainsi qu'il le reconnaît lui-même dans ses écritures et que cela ressort de la lettre d'engagement du 7 avril 2005, l'appelant était révocable ad nutum ; que sa révocation n'avait donc pas à être motivée et pouvait intervenir sans que l'existence d'une faute ou d'un grief n'ait été rapportée ;
1°) ALORS QU'en stipulant qu'« il pourra être mis fin à tout moment à vos fonctions de directeur général et ce, sans préavis », la lettre d'engagement de M. X... ne déroge pas aux dispositions de l'article L. 225-55 du code de commerce qui, en disposant que « le directeur général est révocable à tout moment », ne prévoit pas pour autant qu'il est révocable ad nutum dès lors qu'il précise plus loin que « si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts » ; qu'en retenant qu'il ressortait de la lettre d'engagement de M. X... que celui-ci était révocable ad nutum et non pour justes motifs, la cour d'appel en a dénaturé les termes, violant ainsi l'article 1134 du code civil.
2°) ALORS QU'en faisant application, pour décider que le mandat de M. X... était révocable ad nutum, de la clause stipulée par le lettre d'engagement du 7 avril 2005 selon laquelle « Il pourra être mis fin à tout moment à vos fonctions, et ce sans préavis, avec cependant obligation de vous verser une indemnité égale à douze mois de rémunération mensuelle» après avoir constaté la nullité de cette convention, laquelle liait la possibilité de mettre librement fin au contrat de M. X... à l'indemnisation due en ce cas par la société, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1134 du code civil et le principe quod nullum est nullum producit effectum.
3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, M. X... ne soutenait pas qu'il était révocable ad nutum mais indiquait seulement, à titre subsidiaire, que si la cour d'appel devait considérer que tel était le cas, elle devrait alors considérer qu'il a été abusivement révoqué ; qu'en retenant que M. X... reconnaissait dans ses écritures qu'il était révocable ad nutum, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions d'appel et violé ainsi l'article 4 du code de procédure civile.
4°) ALORS en toute hypothèse QUE la révocation d'un mandataire social révocable ad nutum engage la responsabilité délictuelle de la société si elle revêt un caractère abusif, ce qui est le cas lorsqu'elle intervient brutalement sans respecter le principe de la contradiction ; qu'en se bornant, pour débouter M. X... de sa demande de dommages-intérêts, à relever qu'étant révocable ad nutum, sa révocation n'avait pas à être motivée et pouvait intervenir sans que la preuve de l'existence d'une faute ou d'un grief n'ait été rapportée, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si en mettant fin à ses fonctions de directeur général du jour au lendemain et sans débat contradictoire préalable, la Sofidep ne l'avait pas abusivement révoqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-25004
Date de la décision : 26/11/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 21 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 nov. 2013, pourvoi n°12-25004


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.25004
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