LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 17 septembre 2012), que Mme X... était propriétaire à Montbazon d'une parcelle située sur un éperon rocheux menaçant de s'effondrer à la suite d'un premier effondrement partiel du soubassement en mars 2001 ; qu'à la suite de deux arrêtés de péril et deux rapports d'expertise amiable, la commune a assigné Mme X... devant un tribunal de grande instance afin de mettre à sa charge le coût des travaux qu'elle avait pris en charge rendus nécessaires par l'instabilité de l'éperon rocheux ;
Attendu que la commune de Montbazon fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen, que le seul fait que le propriétaire de la chose n'ait pas conscience de l'imminence possible d'un dommage ne suffit pas à l'exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui de plein droit sur le fondement de l'article 1384 du code civil ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le syndicat intercommunal pour la surveillance des cavités souterraines et des masses rocheuses instables d'Indre-et-Loire avait préconisé dès 1997 la purge de blocs en surface, ce dont résultait que le risque hydrique était connu ; qu'en décidant que les fortes pluies survenues au premier trimestre 2001 auraient constitué pour Mme X... une circonstance exonératoire, sans constater que ces pluies, par leur intensité inédite, auraient elles-mêmes été imprévisibles et irrésistibles, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1384 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'intégralité du coteau, comprenant l'éperon rocheux litigieux, a fait l'objet d'une inspection du syndicat intercommunal pour la surveillance des cavités souterraines et des masses rocheuses instables qui a conseillé la purge de certains blocs en surface en raison de l'écaillage de parties de la paroi qui correspondait à une dégradation naturelle du coteau ; que les deux experts qui sont intervenus sont d'accord pour conclure que le seul facteur ayant déclenché l'instabilité du terrain est sans aucun doute possible la saturation en eau du massif rocheux ; que le premier expert a précisé que cette saturation est due à un apport hydrique anormal et très important dans la masse crayeuse que constituait l'éperon tandis que le second expert a expliqué que l'effondrement résulte des effets des fortes pluviométries de ces derniers mois enregistrées sur la région et indiqué que l'éperon s'est révélé une zone sensible d'une part sous l'effet direct des conditions climatiques, mais également du fait de sa position terminale au plateau qui a conduit l'écoulement des eaux d'infiltration dans l'ensemble de la masse crayeuse du coteau vers ce secteur ; que l'expert a également retenu que l'effondrement de l'éperon résulte de l'effondrement du pied de falaise survenu cinq jours plus tôt qui a entrainé l'effondrement de deux murs de soutènement ; que le pied de la falaise qui s'est effondré en premier n'est pas la propriété de Mme X... et que l'expert a relevé que depuis cet effondrement la falaise a reculé et se situe dorénavant uniquement sur les parcelles appartenant à Mme X... ; qu'il résulte de ces observations précises et entièrement concordantes que l'effondrement de la propriété de Mme X... est dû, d'une part, à l'effondrement du pied de la falaise survenu cinq jours avant sur des parcelles qui ne lui appartenaient pas et, d'autre part, à de fortes pluies ayant un caractère anormal qui ont entrainé, sur son fonds, en sus d'infiltrations directes, l'écoulement des eaux d'infiltrations provenant de tous les fonds voisins également composés d'une masse crayeuse compartimentée ; qu'aucun signe précurseur de l'effondrement n'a existé avant le 16 mars 2001 et qu'il était impossible, à cette date, de procéder à des travaux immédiats qui auraient été à la fois dangereux et inutiles ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire l'existence d'une cause étrangère, imprévisible et irrésistible exonérant Mme X... de sa responsabilité en qualité de gardienne de l'éperon rocheux ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième et le troisième moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Montbazon aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Montbazon, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la commune de Montbazon
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la commune de Montbazon de l'ensemble de sa demande tendant à ce que Mme Brigitte X... soit condamnée à lui payer une somme de 66.261,86 euros ;
AUX MOTIFS QU'en 1997, l'intégralité du coteau, comprenant l'éperon rocheux litigieux, a fait l'objet d'une inspection du syndicat intercommunal pour la surveillance des cavités souterraines et des masses rocheuses instables d'Indre et Loire, lequel n'a relevé aucun risque d'effondrement mais uniquement conseillé la purge de certains blocs en surface en raison de l'écaillage de parties de la paroi qui correspondait à une dégradation naturelle, mais non inquiétante, du coteau ; que rien ne permettait à Mme X... de soupçonner un prochain effondrement de l'éperon rocheux soutenant sa tour ;que les deux experts qui sont intervenus sont d'accord pour conclure que la seul facteur ayant déclenché l'instabilité du terrain est « sans aucun doute possible » la saturation en eau du massif rocheux ; que M. Y... a précisé que cette saturation est due « à un apport hydrique anormal et très important dans la masse crayeuse que constituait l'éperon » tandis que le CEBTP a expliqué que l'effondrement résulte des « effets des fortes pluviométries de ces derniers mois enregistrées sur la région » et indiqué que « l'éperon s'est révélé une zone sensible d'une part sous l'effet direct des conditions climatiques, mais également du fait de sa position terminale au plateau qui a conduit l'écoulement des eaux d'infiltration dans l'ensemble de la masse crayeuse du coteau vers ce secteur » ; que le CEBTP a également retenu en page 6 de son rapport que l'effondrement de l'éperon cadastré numéro 380 résulte de l'effondrement du pied de falaise survenu cinq jours plus tôt qui a entrainé l'effondrement de deux murs de soutènement et déstabilisé la plate forme supérieure supportant la tour ; qu'il résulte de ce même rapport que le pied de la falaise qui s'est effondré en première est cadastré numéros 379et 371 et n'est pas la propriété de Mme X... et que le CEBTP a d'ailleurs relevé que depuis cet effondrement « la falaise a reculé et se situe dorénavant uniquement sur les parcelles 380 et 381, propriétés de l'appelante » ; que M. Y... a enfin précisé que les travaux préconisés par la commune dans ses arrêtés de péril pris entre le 16 mars et le 21 mars 2001 auraient été sans effets et n'auraient nullement empêché l'effondrement survenu à cette dernière date ; qu'il résulte de ces observations précises et entièrement concordantes que l'effondrement de la propriété de l'appelant est dû, d'une part à l'effondrement du pied de la falaise survenu cinq jours avant sur des parcelles qui ne lui appartenaient pas, d'autre part à de fortes pluies ayant un caractère anormal qui ont entrainé, sur son fonds, en sus d'infiltrations directes, l'écoulement des eaux d'infiltrations provenant de tous les fonds voisins également composés d'une masse crayeuse compartimentée ; qu'aucun signe précurseur de l'effondrement n'a existé avant le 16 mars 2001 et qu'il était impossible, à cette date, de procéder à des travaux immédiats qui auraient été à la fois dangereux et inutiles ; qu'il ne saurait dès lors être retenu que le sinistre est dû à un vice inhérent au terrain de Mme X... ou à une absence de mise en oeuvre, par cette dernière, de mesures de conformation immédiates et qu'il convient de constater l'existence d'une cause extérieure, imprévisible et irrésistible exonérant l'appelante de la responsabilité qui lui incombait en sa qualité de gardienne de l'éperon rocheux ;
1°- ALORS QUE le seul fait que le propriétaire de la chose n'ait pas conscience de l'imminence possible d'un dommage ne suffit pas à l'exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui de plein droit sur le fondement de l'article 1384 du Code civil ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le syndicat intercommunal pour la surveillance des cavités souterraines et des masses rocheuses instables d'Indre et Loire avait préconisé dès 1997 la purge de blocs en surface, ce dont résultait que le risque hydrique était connu ; qu'en décidant que les fortes pluies survenues au premier trimestre 2001 auraient constitué pour Mme X... une circonstance exonératoire, sans constater que ces pluies, par leur intensité inédite, auraient elles-mêmes été imprévisibles et irrésistibles, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1384 du Code civil ;
2°- ALORS QU'il ne résulte en rien du rapport de M. Y... que les travaux préconisés par la commune dans ses arrêtés de péril pris entre les 16 et 21 mars 2001 auraient été « sans effets » ; qu'en retenant, pour décider que le dommage aurait été irrésistible, que l'expert Y... a « précisé que les travaux préconisés par la commune dans ses arrêtés de péril pris entre le 16 mars et le 21 mars 2001 auraient été sans effets et n'auraient nullement empêché l'effondrement survenu à cette dernière date », la cour d'appel a dénaturé son rapport et a violé l'article 1134 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la commune de Montbazon de sa demande tendant à ce que Mme X... soit condamnée à lui payer une somme de 66.261,86 euros, sur le fondement subsidiaire de l'enrichissement sans cause
AUX MOTIFS QUE si l'intimée s'est indéniablement appauvrie en exposant une somme de 66.261,86 euros, elle prétend cependant uniquement que l'enrichissement de Mme X... résulterait de ce qu'elle « avait l'obligation d'effectuer les travaux ayant été exécutés à la demande et sur l'initiative de la commune de Montbazon après que cette dernière ait constaté la défaillance de l'appelante à répondre aux demandes et mise en demeure qui lui ont été adressées » ; que la commune ne peut exciper des mises en demeure adressées à l'appelante avant l'effondrement de sa tour, auxquelles Mme X... à bon droit refusé de déférer puisque les travaux demandés auraient été sans effets pour justifier l'organisation de travaux réalisés par elle sans mise en demeure préalable après l'effondrement de cette même tour ; qu'elle n'indique pas pourquoi Mme X... avait l'obligation d'effectuer les travaux qui ont été réalisés par elle et présente une argumentation dépourvue de pertinence puisque, si tel avait été le cas, le paiement aurait incombé à l'appelante sur le fondement de cette obligation et non sur celui d'un enrichissement sans cause ; qu'il a au contraire été retenu que l'existence d'une cause extérieure exonérait Mme X... de toute responsabilité ; qu'enfin, l'intimée ne distingue pas, parmi les travaux qu'elle a ordonnés, ceux qui ressortaient de la mise en sécurité du site et de ses environs et ceux qui auraient pu enrichir le fonds de l'appelante mais verse au contraire aux débats une attestation qui lui a été délivrée le 16 juin 2009 par M. Y... qui certifie que la somme de 66.261,86 euros correspond aux « travaux ont été nécessaires à la mise en sécurité du site et ont consisté à l'application de mesures conservatoires pour faire cesser la situation de péril imminent » ; qu'il résulte tant de cette attestation que des factures acquittées par la commune que l'ensemble des travaux dont cette dernière sollicite paiement a été réalisé pour procéder à la mise en sécurité du site sinistré, ainsi que des maisons, parcelles et voies de communication voisines et pour déblayer la tour qui avait glissé en contrebas de l'éperon rocheux ; que l'intimée, qui n'allègue ni que la tour a été replacée sur le terrain de Mme X..., ni que la partie de coteau appartenant à cette dernière a fait l'objet d'autres travaux que de sécurisation, n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les dépenses qu'elle a exposées ont enrichi l'appelante et sera déboutée de ses demandes en paiement formées sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
ALORS QUE celui qui, par un fait qui lui est personnel l'ayant appauvri, a enrichi un tiers sans que celui-ci puisse se prévaloir d'une juste cause d'enrichissement est en droit d'obtenir indemnisation sur le fondement des règles de l'enrichissement sans cause » ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les travaux exécutés par la commune, et qui l'avaient appauvrie, avaient en partie consisté dans le déblaiement de la tour propriété de Mme X... et dans des travaux de sécurisation de la partie de coteau appartenant à cette dernière, ce dont résultait qu'ils avaient au moins en partie profité à celle-ci ; qu'en déboutant néanmoins la commune de l'intégralité de sa demande, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1371 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(encore plus subsidiaire) :Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la commune de Montbazon de sa demande tendant à ce que Mme X... soit condamnée à lui payer une somme de 66.261,86 euros, sur le fondement subsidiaire de la gestion d'affaires,
AUX MOTIFS QUE la gestion d'affaire implique l'intention du gérant d'agir pour le compte et dans l'intérêt du maître de l'affaire ; que la commune de Montbazon n'a jamais contracté au nom de Mme X... ou dans son intérêt mais au contraire agi en son propre nom et dans l'intérêt de ses administrés ou des personnes traversant son territoire en visant expressément les pouvoirs qui lui sont conférés par le code général des collectivités territoriales pour prendre des mesures de mise en sécurité des riverains et des voies de communication que l'appelante n'aurait pas eu le pouvoir de décider ;
ALORS QUE la circonstance que le gérant ait agi dans son intérêt en même temps que dans celui du maître de l'affaire n'est pas exclusive de l'existence d'une gestion d'affaires ; qu'en se bornant à constater que la commune avait agi en son nom et dans l'intérêt de ses administrés, sans rechercher si elle n'avait pas également agi dans l'intérêt de Mme X... qui, à défaut, aurait normalement dû prendre des dispositions pour remédier à l'effondrement de sa propriété et prévenir les dangers qu'elle continuait de présenter pour les tiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1372 et 1375 du code civil.