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20/11/2013 | FRANCE | N°12-27726

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 novembre 2013, 12-27726


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 260, 270 et 271 du code civil et 562 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ; qu'il résulte du dernier qu'en cas d'appel général d'un jugement de divorce, la décision, quant au divorce, ne peut passer en force de chose jugée, sauf acquiescement

ou désistement, avant le prononcé de l'arrêt, peu important, même en c...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 260, 270 et 271 du code civil et 562 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ; qu'il résulte du dernier qu'en cas d'appel général d'un jugement de divorce, la décision, quant au divorce, ne peut passer en force de chose jugée, sauf acquiescement ou désistement, avant le prononcé de l'arrêt, peu important, même en cas de divorce sur demande acceptée, que l'acceptation du principe de la rupture ne puisse plus être contestée, sauf vice du consentement ;
Attendu qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y..., sur le fondement de l'article 233 du code civil ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant alloué une prestation compensatoire à l'épouse, après avoir rappelé les termes des articles 270 et 271 du code civil, l'arrêt retient que le premier juge a relevé que le divorce mettait fin à 30 ans de mariage dont étaient issus trois enfants, l'épouse étant alors âgée de 60 ans et le mari de 58 ans, que l'épouse justifiait d'une allocation de retour à l'emploi de 678 euros avec la charge d'un loyer résiduel de 251 euros et que ses droits mensuels à la retraite devraient être de l'ordre de 723 euros à compter du mois de juillet 2011 ;
Qu'en se plaçant à la date du prononcé du jugement de divorce, alors que, M. X... ayant interjeté un appel général, c'est au jour où elle statuait qu'elle devait apprécier l'existence du droit de l'épouse à bénéficier d'une prestation compensatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant M. X... à payer à Mme Y... une prestation compensatoire de 40 000 euros, l'arrêt rendu le 26 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. X....
- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur Louis X... à payer à Madame Elisabeth Y... une somme de 40.000 ¿ en capital à titre de prestation compensatoire et dit que faute d'avoir réglé le capital dans l'année du jugement à intervenir, Monsieur Louis X... prendra en charge les éventuels suppléments d'impôts qui seraient appliqués à Madame Elisabeth Y... imposée alors au titre des revenus exceptionnels
- AU MOTIF PROPRE QU'aux termes de l'article 270 du code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge. En l'espèce, le premier juge a retenu que le divorce mettait fin à 30 ans de mariage dont sont issus trois enfants, l'épouse étant alors âgée de 60 ans, et l'époux de 58 ans (en réalité 68 ans !). L'épouse justifiait d'une allocation de retour à l'emploi de 678 ¿, avec la charge d'un loyer résiduel de 251¿. Ses droits mensuels à la retraite devraient être de 723 ¿ à compter de juillet 2011. La modestie de ces droits était considérée en première instance comme la conséquence des choix du couple quant à l'éducation des enfants. L'actif de la communauté était évalué à environ 445.000 ¿. Le partage de celui-ci laissait entrevoir, après récompenses, une somme supérieure au profit de l'époux, sans que celle de l'épouse ne soit négligeable. Louis X..., retraité, dispose d'un revenu mensuel de l'ordre de 1.940 ¿. Il occupe à titre onéreux l'immeuble commun qui fut le domicile conjugal. En cause d'appel, il fait valoir, que son épouse a fait le choix de ne plus travailler après la naissance de leurs enfants. Il considère qu'elle a ainsi délibérément choisi de renoncer aux avantages que lui procurait un poste dans la fonction publique ; qu'il a donc assumé la famille par le seul produit de son travail. Il indique encore que c'était l'épouse qui quittait le domicile conjugal en 2007 ; qu'elle doit donc assumer les conséquences de ces différents choix. Il réfute que le départ de l'intimée ait pu avoir pour origine ses propres violences. La cour n'entrera pas dans un débat incompatible avec le choix de procédure des parties ; elle rappellera que ce même choix entraîne que les causes de la rupture sont indifférentes à l'octroi d'une prestation compensatoire. Outre le partage de la communauté à intervenir, Louis X... impute à son épouse d'avoir « anticipé » une éventuelle prestation compensatoire en prélevant une somme de 20.250 ¿ sur un compte épargne commun entre juin 2005 et janvier 2006. Il considère qu'avec une retraite mensuelle de 750 ¿ pour l'intimée, au vu des observations qui précèdent, n'existe pas de disparité de situation économique entre les parties. Enfin, si une prestation compensatoire devait néanmoins être attribuée à l'épouse le payement de celle-ci devrait être subordonné à la vente de l'immeuble commun. L'intimée oppose que ce sont les contraintes de l'activité professionnelle de son mari, éloigné toute la semaine de son foyer qui l'ont amenée à renoncer à son activité professionnelle ; qu'au demeurant elle justifie n'avoir jamais été fonctionnaire mais n'avoir enseigné qu'au titre d'un contrat dans l'enseignement privé. Elle fait encore valoir différents griefs à l'égard de son époux, relatifs aux conditions de leur séparation, qui n'ont pas plus lieu d'être retenus que ceux exprimés par celui-ci. Elle conteste avoir prélevé à son seul profit les sommes déposées sur le compte épargne précité. Elle entame un débat relatif aux mouvements bancaires et avoirs mobiliers des époux qui sont dépourvus d'intérêt à ce stade de la procédure. La cour retiendra que ces derniers éléments, comme le prélèvement mis en avant par l'époux, sous réserve de la preuve de ceux-ci, ne sauraient participer que des comptes à faire entre les parties, sans relation avec la question de la prestation compensatoire. A ce titre, s'il n'est pas établi que l'absence de travail de l'épouse n'ait pas été un choix du couple, seule celle-ci en assume néanmoins les conséquences en termes de droits à la retraite ; son industrie au foyer et l'éducation des enfants a, comme il est normal, participé de la prospérité du couple. Si, autant que la cour puisse l'apprécier il n'existe pas entre les parties une disparité de patrimoines, en revanche, leur écart de revenus, conséquence tant de leurs choix que du divorce est incontestable. Il apparaît que le premier juge en a fait une exacte appréciation ; sa décision sera donc de ce chef confirmée. La loi ne prévoit pas que le payement d'une prestation compensatoire soit subordonné à quelque condition que ce soit ; qu'en l'espèce la condition posée par l'appelant est largement potestative ; qu'il sera en conséquence débouté de cette demande.
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE Aux termes des dispositions des articles 270, 271 et 272 du code civil, la prestation que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. Cette prestation est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. En l'espèce, il résulte des pièces versées au débat que le mariage a duré 30 ans. Trois enfants sont issus de cette union. Madame, âgée de 60 ans, sans profession, justifie de revenus mensuels de 678.20 ¿ (allocation retour à l'emploi). Elle assume par ailleurs la charge d'un loyer résiduel de 251 ¿ par mois. Madame Elisabeth Y... produit une estimation de sa retraite qui devrait être perçue à compter de juillet 2010 d'un montant total de 723 ¿ brut par mois. Il ressort des écritures et des pièces produites aux débats que Madame Elisabeth Y... était avant le mariage professeur de dessin à St Brieuc. Il apparaît que Madame Elisabeth Y... ne pouvait continuer à travailler à St Brieuc alors que le couple avait trois enfants ; que la famille résidait à Rennes puis à Lorient, et que Monsieur Louis X... n'était pas disponible dans la semaine pour s'occuper des enfants. Après avoir élevé leurs enfants communs, elle a repris un emploi d'assistante maternelle pendant 5 ans. Il est présumé qu'il s'agit d'un choix de couple, aucun élément ne permettant d'établir qu'il se soit agi d'un choix personnel de Madame Y.... Monsieur Louis X..., âgé de 68 ans, retraité, ne conteste pas avoir des revenus mensuels de l'ordre de 1.940.61 ¿ au titre de l'année 2007. Il a pour charge la taxe foncière d'un montant mensuel de 49,58 ¿. Il ne justifie pas les sommes versées à ses enfants majeurs. Maître Z..., notaire à KERVIGNAC estime, selon un projet d'état liquidatif du régime matrimonial établi le 1er avril 2010, que l'actif de communauté s'élève à 445.107 ¿ composé de :
- la maison de KERVIGNAC évaluée en 2007 à 280.000 ¿, et retenue à hauteur de 240.000 ¿- des avoirs et économies bancaires au crédit mutuel : 820¿- des avoirs et économies bancaires à la société générale selon justificatifs produits suite à l'ordonnance sur incident du 10 février 2010 : 77.133 ¿- un compte titre à la société générale selon position arrêtée au 31.12.2006 : 39.898 ¿- une épargne salariale gérée par le crédit du nord 6.805 ¿- des contrats d'assurance vie, auprès de SOGECAP : 42.147 ¿ et 38.304 ¿
et le passif constitué de la balance des récompenses dues par la communauté à Madame Elisabeth Y... pour 6.000 ¿ et à Monsieur Louis X..., correspondant à des avoirs possédés avant mariage et à la quote-part d'un bien propre d'un montant de 43.447 ¿. Maître Z... précise que Monsieur Louis X... exerce la reprise en nature, non chiffrée, de tous les comptes ouverts en son nom au crédit agricole et alimentés avec des fonds lui provenant de donations de sommes d'argent par sa mère. Monsieur Louis X..., dans un courrier adressé au notaire le 15 avril 2010 estime, sans le justifier, que le montant des avoirs, épargne salariale et assurance vie s'élève en réalité à 129.274 ¿ et non 205.107 ¿. Il affirme sans toutefois le prouver qu'il possédait avant le mariage des biens propres à hauteur de 280.000 à 300.000 ¿, provenant de son industrie personnelle et recueillis à travers la succession de ses parents. Madame Elisabeth Y... dans un courrier du 2 avril 2010 adressé au notaire observe qu'il existe des comptes actions au crédit agricole d'un montant d'environ 27.000 ¿ qui n'ont pas été approvisionnés par les donations de Madame X... mère et que l'indemnité d'occupation due par Monsieur Louis X... n'a pas été inscrite. Il appartiendra au notaire, au vu des éléments justificatifs apportés par les deux parties, de modifier l'état liquidatif du régime matrimonial si nécessaire. Au vu des éléments analysés ci-dessus, il est suffisamment établi, sans qu'il soit nécessaire de tarder à statuer, que la rupture du mariage va créer au détriment de Madame Elisabeth Y... une disparité dans les conditions de vie respectives des époux qu'il convient donc de compenser par l'attribution d'une prestation compensatoire à son profit, en capital, d'un montant évalué à la somme de 40.000 euros. Faute d'avoir réglé le capital dans l'année du jugement à intervenir, Monsieur Louis X... prendra en charge les éventuels suppléments d'impôts qui seraient appliqués à Madame Elisabeth Y... imposée alors au titre des revenus exceptionnels ;
- ALORS QUE D'UNE PART la prestation compensatoire destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, s'apprécie à la date du prononcé du divorce ; qu'en cas d'appel général d'un jugement de divorce, la décision quant au divorce ne peut passer en force de chose jugée, sauf acquiescement ou désistement, avant le prononcé de l'arrêt, peu important, même en cas de divorce sur demande acceptée, que l'acceptation du principe de la rupture ne puisse plus être contestée, sauf vice du consentement ; Qu'en l'espèce chacun des époux sollicitait la confirmation du jugement sur le prononcé du divorce ; Qu'à la date où elle statuait, Monsieur X... avait presque 70 ans et non 58 ans (!) comme indiqué par la cour pour être né le 7 novembre 1942 et Madame Y... était âgée de 62 ans et non de 60 ans comme indiqué par la cour pour être née le 6 juillet 1950 ; que de même, et alors que Madame Y... faisait elle-même valoir dans ses conclusions d'appel (cf p 4 § 1) qu'elle était désormais à la retraite et percevait une retraite de 840 ¿ par mois, la cour a relevé qu'elle justifiait d'une allocation de retour à l'emploi de 678 ¿ et que ses droits mensuels à la retraite devraient être de 723 ¿ à compter de juillet 2011 ; que dès lors, en se plaçant non pas à la date à laquelle elle statuait mais à la date du prononcé du jugement alors que l'appel de Monsieur X... était général, la cour d'appel a violé les articles 260, 270 et 271 du code civil ;
- ALORS QUE D'AUTRE PART la prestation compensatoire est destinée à compenser la disparité que la rupture du mariage créée dans les conditions de vie respective des époux ; qu'elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que par ailleurs, tout jugement doit être motivé ; que les motifs hypothétiques sont équivalents à un défaut de motif ; qu'en se fondant pour apprécier le patrimoine et les revenus de Madame Y... sur l'hypothèse que ses droits mensuels à la retraite devraient être de 723 ¿ à compter du 11 juillet 2011, la Cour d'appel a statué par un motif hypothétique en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.
- ALORS QUE DE TROISIEME PART en se bornant à énoncer que Monsieur X... dispose d'un revenu mensuel de 1.940 ¿ sans prendre en considération comme elle y était pourtant expressément invitée (cf conclusions de Monsieur X... p 4 § 2) les charges de ce dernier relatives aux frais de l'entretien de l'immeuble commun (assurance, EDF, taxe foncière, taxe d'habitation, taxe d'ordures ménagères), la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 270 et 271 du code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-27726
Date de la décision : 20/11/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 26 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 nov. 2013, pourvoi n°12-27726


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.27726
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