La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2013 | FRANCE | N°12-26444

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 novembre 2013, 12-26444


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Hemza, né le 26 mai 2001 en Algérie, de M. et Mme Rabah X..., a été confié dès son plus jeune âge, selon la procédure de la kafala, à son oncle, M. Hocine X..., lui-même marié à Mme Y..., lesquels résidaient en France ; qu'au cours de la procédure de divorce des époux X...-Y..., un juge des enfants a ordonné son placement auprès de Mme Y... en qualité de tiers digne de confiance ; que par jugement du 14 décembre 2010, il a instauré une mesure d'assistance édu

cative en milieu ouvert au profit d'Hemza, renouvelé son placement auprès d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Hemza, né le 26 mai 2001 en Algérie, de M. et Mme Rabah X..., a été confié dès son plus jeune âge, selon la procédure de la kafala, à son oncle, M. Hocine X..., lui-même marié à Mme Y..., lesquels résidaient en France ; qu'au cours de la procédure de divorce des époux X...-Y..., un juge des enfants a ordonné son placement auprès de Mme Y... en qualité de tiers digne de confiance ; que par jugement du 14 décembre 2010, il a instauré une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert au profit d'Hemza, renouvelé son placement auprès de Mme Y... et dit que M. Hocine X... bénéficierait d'un droit de visite ; que M. et Mme Rabah X... sont intervenus à l'instance devant la cour d'appel, après qu'un jugement d'un tribunal algérien eut annulé la kafala accordée à M. Hocine X... ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme Rabah X... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement du juge des enfants du 14 décembre 2010 ;
Attendu que la cour d'appel, saisie, par application de l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, était tenue de statuer sur le fond ; que le moyen tiré de l'absence d'annulation du jugement malgré le défaut d'audition des père et mère de l'enfant par le premier juge est dès lors inopérant ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 375-7, alinéas 4 et 5, du code civil ;
Attendu que s'il a été nécessaire de confier l'enfant à une personne ou un établissement, ses parents conservent un droit de visite et d'hébergement dont le juge fixe la nature et la fréquence ;
Attendu que l'arrêt attaqué accorde à M. et Mme Rabah X... un droit de visite devant s'exercer en France, le cas échéant de façon médiatisée, « sauf amélioration de la situation signalée au juge des enfants » ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait au juge de définir la périodicité du droit de visite accordé, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 375-7, alinéa 2, du code civil, ensemble l'article 1202 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt délègue partiellement à Mme Y... les attributs de l'autorité parentale lui permettant de prendre toute décision urgente relative à la scolarité, aux loisirs et à la santé d'Hemza ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf acte usuel, le juge des enfants ne peut autoriser la personne, le service ou l'établissement à qui est confié l'enfant à accomplir un acte relevant de l'autorité parentale qu'à titre exceptionnel, lorsque l'intérêt de l'enfant le justifie, et en cas de refus abusif ou injustifié ou en cas de négligence des détenteurs de l'autorité parentale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le droit de visite de M. et Mme Rabah X... devrait s'exercer en France, le cas échéant de façon médiatisée selon évolution de la situation, sauf amélioration de la situation qui sera signalée au juge des enfants, et en ce qu'il a délégué partiellement à Mme Malika Y... les attributs de l'autorité parentale lui permettant de prendre toute décision urgente relative à la scolarité, aux loisirs et à la santé de Hemza, l'arrêt rendu le 12 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Rabah X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 14 décembre 2010 par le juge des enfants du Tribunal de grande instance de THIONVILLE ;
ALORS QUE le juge des enfants qui entend prendre une mesure d'assistance éducative doit impérativement entendre le père et la mère de l'enfant bénéficiant de ladite mesure ; qu'en l'espèce, les juges d'appel ne pouvaient confirmer le jugement entrepris rendu par le juge des enfants, quand il résultait des pièces de la procédure et de l'arrêt rendu par ces mêmes juges d'appel ayant ordonné la convocation de Monsieur et Madame Rabah X... que ces derniers n'avaient pas été entendus par le juge des enfants de THIONVILLE ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1182 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que qu'en l'état le droit de visite de Monsieur et Madame Rabah X... devrait s'exercer en France, le cas échéant de façon médiatisée selon évolution de la situation, sauf amélioration de la situation qui sera signalée au juge des enfants, et d'avoir délégué partiellement à Madame Malika X... née Y... les attributs de l'autorité parentale lui permettant de prendre toute décision urgente relative à la scolarité, aux loisirs et à la santé de Hemza ;
AUX MOTIFS QUE
« Vu les dispositions de la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant, dont l'Algérie est signataire ;
Vu les dispositions des articles 375 et suivants du code civil, et de l'article 3 du même code ;
Attendu, s'agissant de la compétence des juridictions françaises des mineurs, et de la loi applicable au présent litige, que les dispositions des articles 375 et suivants du code civil relatives à la protection de l'enfance sont des dispositions d'ordre public assimilables à des lois de police et de sûreté ;
Qu'aux termes de l'article 3 du code civil, les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire, de sorte que les dispositions relatives à la protection de l'enfance sont applicables sur le territoire français à tous les mineurs qui s'y trouvent, quelle que soit leur nationalité ou celle de leurs parents ;
Que par ailleurs, si M. et Mme X... invoquent à leur profit les dispositions de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 et celles de la convention de La Haye du 19 octobre 1996 pour revendiquer l'application de la législation du pays dont leur fils est ressortissant, il convient cependant d'observer qu'en l'état l'Algérie n'est pas signataire de ces conventions et qu'en tout état de cause celles-ci, bien au contraire, posent comme principe, sous réserve de certaines exceptions, que les autorités tant judiciaires qu'administratives de l'État contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens ;
Que dans l'exercice de la compétence qui leur est attribuée, les autorités des États contractants appliquent leur loi, étant rappelé que la France est signataire de ces deux conventions ;
Que les exceptions, permettant le recours à la compétence et à la loi applicable d'un autre État contractant, notamment l'État dont l'enfant est le ressortissant, sont limitativement énumérées et ne s'envisagent, en tout état de cause, qu'en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant ;
Que la compétence du juge des enfants français, plus précisément des juridictions du ressort de la Cour d'Appel de METZ compte tenu du lieu de résidence d'Hemza sur le territoire français, étant ainsi posée, ce magistrat est également fondé, en application des textes qui précèdent, à faire application, au fond, des dispositions de droit français existant en matière de protection de l'enfance, sous réserve de la constatation d'une situation de danger, et du respect des dispositions issues des conventions internationales qui pourraient être applicables en l'espèce ;
Qu'à cet égard, le fait que Hemza X... soit ressortissant algérien, et que les dispositions du droit algérien prévoient l'existence des dispositions particulières de la kafala, et des possibilités de révocation de celle-ci, ne change rien au constat que le mineur a eu jusqu'à présent sa résidence sur le territoire français, et que les dispositions de droit français relatives à la protection de l'enfance lui sont applicables ;
Qu'au surplus les dispositions du jugement de révocation de la kafala, si elles ont une incidence sur l'identité du dépositaire de l'autorité parentale, n'emportent pas de plein droit l'obligation pour Hemza de quitter le territoire français si ceci devait être contraire à son intérêt supérieur ;
Qu'en effet lui sont applicables également les dispositions de la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant, signée aussi bien par l'Algérie que par la France, et notamment l'article 3-1 de celle-ci qui dispose que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, y compris celles qui sont le fait des tribunaux, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;
Qu'aux termes de l'article 12-1 du même texte, les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ;
Que le fait que le statut personnel de l'enfant, ou les dispositions de droit interne algérien, ne prévoient pas expressément de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, ou de la parole de celui-ci ainsi que l'indique M. Hocine X..., est sans conséquence dès lors que les dispositions de la convention internationale précitée sont bien applicables au cas d'espèce et au surplus rejoignent les dispositions de principe du droit français en matière de protection de l'enfance ;
Attendu par ailleurs que si M. Rabah X... et Mme Razika X... revendiquent le droit des parents et des enfants à vivre ensemble ainsi que la responsabilité d'élever leur enfant qui leur incombe au premier chef en application des articles 9 et 19 de la C. I. D. E., il est constant cependant que l'application de ces principes est subordonnée par la convention elle-même, à l'examen de l'intérêt supérieur de l'enfant qui peut conduire à y déroger, notamment en présence d'une situation de danger qui imposerait de prendre d'autres dispositions ;
* * * Attendu, sur la situation de danger dans laquelle se trouverait le mineur, qu'aux termes de l'article 375 du Code Civil, si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation, ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public ;

Attendu qu'en l'espèce, il est constant que la situation de Hemza X... a été portée à la connaissance du Juge des Enfants en raison de la situation de mal-être et de souffrance psychologique dans laquelle se trouvait le mineur du fait de la mésentente et de la séparation en cours de M. Hocine X...et de Mme Malika X..., qu'il considère effectivement comme ses parents, et de l'instrumentalisation dont il faisait l'objet dans ce conflit ;
Qu'il est apparu très rapidement une situation de danger évidente pour Hemza, du fait de la décision unilatérale prise par M. Hocine X... d'enlever l'enfant à Mme Malika X..., que Hemza considère comme sa mère, pour le confier à la famille de sa propre soeur à Paris, générant ainsi un traumatisme conséquent chez l'enfant ;
Que les enquêtes sociales diligentées à cette époque faisaient toutes deux apparaitre que Hemza était littéralement instrumentalisé dans le cadre du conflit opposant M. Hocine X... à Mme Malika X..., et que M. Hocine X... l'avait enlevé à sa " mère " adoptive afin de régler des comptes avec celle-ci sans se soucier en rien de l'intérêt de l'enfant, confié à une famille qui prenait fait et cause pour M. Hocine X..., ne permettait aucun contact entre Hemza et Mme Malika X..., et n'était pas en mesure de dispenser à l'enfant l'affection et la sécurité dont il avait besoin ;
Que contrairement à ce qu'a pu soutenir M. Hocine X... par la suite, certains éléments de l'enquête sociale du S. A. E. I. évoquent clairement le fait qu'un retour en Algérie a été évoqué devant Hemza, et qu'il a pu être dit à l'enfant qu'il ne reverrait jamais Mme Malika X... ;
Que ce genre de menace n'a malheureusement pu que contribuer à ce que Hemza en vienne à redouter les contacts avec sa famille d'origine, par crainte d'être séparé de Mme X..., et développe crainte et méfiance à cet égard ;
Que dans de telles conditions, la sécurité morale et affective du mineur, de même que les conditions de son développement affectif et psychologique, étaient incontestablement gravement compromises lors de la première décision du Juge des Enfants ayant confié Hemza à Mme X... en qualité de tiers digne de confiance ;
Qu'à cet égard, le choix de confier Hemza à Mme X..., qui a toujours élevé l'enfant, avec laquelle Hemza entretient des rapports affectifs certains et étroits, était la seule solution envisageable compte tenu du comportement qu'avait adopté M. X... et de la crainte qu'il inspirait à présent à Hemza ;
* * * Attendu que, suite à l'appel diligenté par M. X... à l'encontre de la décision du 14 décembre 2010, et suite à l'intervention à la procédure de M. Rabah X... et de Mme Razika X..., parents de Hemza, la question qui se pose est celle de la persistance de la situation de danger dans laquelle se trouverait le mineur nonobstant la volonté manifestée par ses parents ;

Attendu qu'à cet égard il est constant que lors du renouvellement de la mesure de placement, Hemza était encore, selon les indications du service éducatif, meurtri par l'épisode de son enlèvement et de son séjour à Paris à telle enseigne que, craignant un enlèvement, il n'osait pas s'approcher des grilles de son école ;
Qu'il résulte du rapport d'investigation et d'orientation éducative qu'il vivait au jour le jour dans une peur terrifiante, ne pouvait se dégager de cette perspective de rapt, situation destructurante pour lui et générant des sentiments dépressifs ;
Que l'enfant avait pu clairement dire qu'il ne souhaitait pas retourner vivre dans sa famille d'origine, et a de même pu dire ultérieurement à son conseil qu'il ne savait pas quelle y était sa place, et que ses relations avec ses frères et saurs n'étaient pas faciles ;
Qu'il avait à nouveau manifesté son souhait, tant auprès des intervenants du S. A. E. I. que du juge des enfants, de rester auprès de sa " mère ", dont la prise en charge apparaissait par ailleurs satisfaisante, Hemza ayant d'ailleurs également une très bonne scolarité et apparaissant bien suivi ;
Que le bilan des visites avec M. X... apparaissait mitigé, Hemza étant perturbé par le discours de M. X... projetant de le « récupérer », et se montrant régulièrement dénigrant vis-à-vis de Mme X... ;
Que Hemza restait ainsi maintenu dans une position insécurisante et particulièrement angoissante malgré les souhaits clairs qu'il exprimait, de sorte que toute initiative visant, même pour des raisons légitimes, à modifier son cadre de vie et à le séparer de Mme X..., seul repère affectif et sécurisant, ne pouvait qu'accentuer ses angoisses et son mal être et avoir de graves répercussions sur son équilibre psycho-affectif ;
* * * Attendu par ailleurs que les éléments du dossier, confirmés en cela par les déclarations que Hemza a pu faire tout au long de la procédure, font apparaître que, si le mineur est parfaitement au courant de la réalité de sa filiation, et a gardé des liens avec ses parents biologiques tout au long de sa vie en France, par le biais d'appels téléphoniques et de visites régulières en été en Algérie, ainsi qu'en témoignent les photos versées au dossier, pour autant ces contacts n'ont pu empêcher que, fort logiquement, Hemza investisse M. Hocine X... et Mme Malika X... des rôles de père et mère au plan affectif ;

Qu'une telle situation était d'ailleurs inévitable compte tenu du très jeune âge qu'avait Hemza lors du recueil légal dont il a fait l'objet par le biais de la kafala, et a permis également le bon développement psycho-affectif de l'enfant, qui a ainsi bénéficié, depuis son arrivée en France, d'images maternelles et paternelles, même si les graves difficultés du couple sont venues perturber ces représentations ;
Attendu au surplus, qu'Hemza ayant été confié à M. et Mme X... car ceux-ci ne pouvaient avoir d'enfants, il était de toute façon prévisible que de tels liens allaient nécessairement se développer entre celui-ci et ses « parents » bénéficiaires du recueil légal, et que tel était le but de ce recueil, ce qu'aucun des adultes ne pouvait ignorer ;
Qu'il n'est pas possible à l'heure actuelle, sous peine de nuire gravement à l'équilibre affectif de l'enfant, de refuser de tenir compte de la situation de fait qui s'est ainsi créée, et des liens affectifs particulièrement forts que Hemza a tissés avec Mme X... ;
Qu'il résulte du discours du mineur que de tels liens n'existent pas à l'heure actuelle avec ses parents légitimes, et que les derniers évènements vécus par le mineur ont provoqué une rupture dans la confiance qu'il pouvait accorder à certains adultes, y compris à ses parents ;
Qu'ainsi, si M. Rabah X... et Mme Razika X... ont pu se plaindre de ce que Hemza n'allait plus spontanément vers eux comme par le passé, et ne leur parlait plus aussi fréquemment qu'avant au téléphone, il apparait que cet état de fait est surtout dû à l'état d'angoisse et de grande perturbation dans lequel se trouve l'enfant en raison des évènements qu'il a vécus et du conflit qui existe entre les adultes, et. à la méfiance et à la crainte qu'il a développés ;
Que s'il est certainement important de chercher à remédier à cette situation, pour autant elle n'apparait pas au premier chef imputable à Mme X..., le dernier rapport du S. A. E. I. ayant noté que, lorsque Hemza expliquait ses réticences à parler au téléphone avec ses parents et son souhait d'abréger les conversations, Mme X... désapprouvait son attitude ;
Attendu que s'il est constant qu'un enfant et ses parents ont droit à vivre ensemble, force est de constater qu'en l'espèce, parents et enfant sont séparés depuis de nombreuses années selon la volonté exprimée à l'époque par les adultes, que Hemza a trouvé affection et stabilité auprès de Mme Malika X... et également, par le passé, auprès de M. Hocine X..., que les évènements récents l'ont considérablement déstabilisé et que son intérêt supérieur commande de rechercher avant tout sa stabilité et sa sécurité affective et psychologique, et de tenir compte du souhait légitime qu'il exprime de continuer à vivre auprès de celle à laquelle, de fait, il s'est trouvé confié même si la kafala ne lui donnait pas de droits ;
Que si le simple fait de retourner vivre en Algérie n'est certainement pas en soi constitutif d'une situation de danger, il en va cependant différemment compte tenu du passé particulier d'Hemza tel qu'il vient d'être rappelé, de son état psychologique actuel, et des conséquences graves que pourraient avoir la rupture des liens entre Hemza et Mme Malika X..., dont un aperçu a déjà existé lorsqu'Hemza a été de force confié à la famille parisienne de M. Hocine X... ;
Qu'au cas d'espèce, le bouleversement profond qui résulterait pour le mineur d'être à nouveau séparé de Mme Malika X... ne pourrait qu'avoir des conséquences graves sur sa sécurité affective et son développement psychologique et affectif, étant rappelé qu'au cours de l'année 2010 le psychologue du S. A. E. I. ayant rencontré le mineur avait repéré chez lui un état proche de la dépression ;
Qu'un retour en Algérie pourrait donc actuellement provoquer des conséquences psychologiques graves et serait donc bien constitutif d'une situation de danger à laquelle il convient de remédier en maintenant Hemza auprès de Mme Malika X... ;
Attendu qu'il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a renouvelé le placement de Hemza auprès de Mme X... jusqu'au 31 décembre 2011, a instauré une mesure d'Assistance Educative en Milieu Ouvert et a statué sur les droits de visite de M. Hocine X... ainsi que sur les allocations auxquelles le mineur ouvre droit ;
Attendu par ailleurs que le placement de Hemza arrivera prochainement à son terme ;
Que les éléments précités, ayant justifié la confirmation du jugement dont appel, sont toujours d'actualité et militent également en faveur du maintien d'Hemza auprès de Mme X... ;
Qu'il suffit pour s'en convaincre de se référer aux tous deniers évènements ayant ponctué le dossier, qui démontrent que les adultes sont toujours dans l'impossibilité de préserver Hemza de leur conflit et de faire taire leurs dissensions pour tenter de le protéger et de trouver la meilleure solution pour lui ;
Que la Chambre des Mineurs, saisie de l'intégralité de la situation du mineur par l'effet dévolutif de l'appel usera de son pouvoir d'évocation pour ordonner le renouvellement de la mesure de placement de Hemza auprès de Mme Malika X... pour une durée de un an à compter du 31 décembre 2011, cette solution étant seuls à même d'assurer au mineur stabilité et sécurité psychologique et affective ;
Qu'il conviendra en conséquence de rejeter la demande de M. Rabah X... et de Mme Malika X... tendant à ce qu'Hemza leur soit remis, de même que la demande de M. Hocine X... tendant à ce que Hemza lui soit confié ;
Attendu cependant qu'il demeure important que Hemza maintienne un lien avec ses parents M. Rabah X... et Mme Razika X..., et qu'une normalisation des relations entre Hemza et ses parents serait certainement profitable à tous ;
Qu'Hemza doit savoir que ses parents tiennent à lui et ne l'ont pas abandonné ;
Que cependant il serait souhaitable que M. et Mme X... puissent entendre et accepter les souhaits de leur enfant ;
Qu'afin de permettre le maintien des liens, de respecter les prérogatives parentales de M. Rabah X... et de Mme Razika X..., et de tenter d'apaiser la situation, il convient de prévoir expressément qu'il appartiendra à Mme X... de maintenir des contacts téléphoniques réguliers entre Hemza et ses parents, et de les tenir informés de la santé, de la scolarité et des activités de leur enfant ;
Attendu cependant qu'en l'état, le conflit entre les adultes et le mal-être d'Hemza sont tels, qu'il ne peut être envisagé que le mineur soit obligé à se rendre en Algérie pour y rencontrer ses parents ;
Que l'on ne peut éluder les menaces qui lui ont été faites d'un retour définitif en Algérie qui le priverait de tout contact avec Mme Malika X... ;
Que dans ces conditions, il convient de prévoir que le droit de visite de M. et Mme Rabah X... s'exercera en France, et de prononcer au bénéfice de Hemza X... une interdiction de sortie du territoire français ;
Que le cas échéant, le service d'A. E. M. O. tiendra informé le juge des enfants de l'évolution de la situation sur ce point, et des possibilités qui pourraient se dessiner ;
Attendu, s'agissant des droits de visite de M. Hocine X..., que les rapports de situation ou notes d'événements parvenus au juge des enfants au cours de l'année 2011, illustrent la difficulté qui existe toujours pour les services éducatifs de travailler avec M. X... et de lui faire prendre en compte, au premier chef, l'intérêt d'Hemza et non sa propre hostilité vis à vis de Mme X... ;
Que certaines visites se sont révélées perturbantes pour Hemza dès lors que M. X... ne cessait de lui faire part de son ressentiment vis à vis de Mme. X..., à telle enseigne que Hemza a pu à un moment donné souhaiter la fin de ces visites ;
Qu'en l'état, et compte tenu de cette problématique non résolue, il ne parait pas possible d'augmenter les droits dont dispose pour l'instant M. X... ;
Qu'il convient donc d'accorder à celui-ci des droits de visite au même rythme et selon les mêmes modalités que prévus par le jugement du 14 décembre 2010 ;
Qu'il convient cependant de rappeler à M. X... que le mauvais déroulement des visites et les perturbations qui pourraient en résulter pour Hemza, pourraient le cas échéant amener à revoir le rythme ou les modalités de ces visites ;
Attendu enfin que du fait de la révocation de la kafala, il est constant que les titulaires de l'autorité parentale sur Hemza ne demeurent plus sur le sol français et pourront avoir certaines difficultés à exercer au quotidien cette autorité parentale ;
Qu'avant qu'une solution globale et satisfaisante soit trouvée à ce problème, il convient, compte tenu de l'urgence qu'il y a à prévoir la résolution d'un certain nombre de situations du quotidien, de déléguer partiellement à Mme Malika X... les attributs de l'autorité parentale permettant de prendre toute décision urgente relative à la santé, à la scolarité, ou aux loisirs d'Hemza, étant observé cependant que M. et Mme X... devront être tenus au courant ;
Attendu enfin que compte tenu du climat largement conflictuel régnant entre les adultes et des répercussions négatives qu'il peut avoir sur Hemza, de la nécessité de continuer à travailler la relation des adultes, en particulier M. Hocine X..., avec le mineur, et de la nécessité de soutenir et accompagner Hemza au milieu de difficultés qu'il traverse, il convient de renouveler pour un an la mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, et de la confier au S. A. E. I. »
ALORS, D'UNE PART, QU'il appartient au juge des enfants qui prononce une mesure d'assistance éducative de fixer lui-même les modalités du droit de visite qu'il accorde aux parents du mineur bénéficiant de ladite mesure ; qu'en l'espèce, en se bornant à indiquer que le droit de visite de Monsieur et Madame Rabah X... sur le jeune Hemza s'exercerait en France, sans en fixer aucune autre modalité, la cour d'appel a violé l'article 375-7 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'une décision de délégation de l'autorité parentale ne peut être prise que par le juge aux affaires familiales ; que la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel connaît de l'appel des décisions du juge des enfants et du tribunal des enfants ; qu'ainsi, cette chambre, statuant par la voie de l'évocation en lieu et place du juge des enfants, ne peut prendre une décision de délégation de l'autorité parentale ; qu'en décidant pourtant, après avoir évoqué l'affaire, de déléguer partiellement à Madame Malika X... née Y... les attributs de l'autorité parentale, la cour d'appel a violé ensemble les dispositions des articles 1202 du Code de procédure civile et R. 311-7 du Code de l'organisation judiciaire.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-26444
Date de la décision : 20/11/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 12 décembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 nov. 2013, pourvoi n°12-26444


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Delamarre, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.26444
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award