LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 11 janvier 2012), que M. et Mme X... ont été engagés, à compter du 1er octobre 2005, en qualité de médecins du travail par l'Association santé et médecine interentreprises du département de la Somme (l'ASMIS) ; que leur contrat comportait une obligation de suivre une formation en médecine de santé au travail et de prévention des risques professionnels, conformément au décret n° 2003-958 du 3 octobre 2003 déterminant les modalités de mise en place d'un dispositif de reconversion des docteurs en médecine vers la médecine du travail, dont le coût était pris en charge par l'employeur, moyennant une clause de dédit-formation en cas de rupture du contrat à leur initiative avant le terme de quatre ans ; qu'à l'issue de leur formation, les salariés ont obtenu le 17 décembre 2007 la capacité en médecine de santé au travail ; qu'ils ont démissionné le 27 février 2008 après avoir conclu un contrat de travail, à effet différé au 16 juin 2008, avec le Groupement interprofessionnel de santé au travail à Saint-Nazaire ; que l'ASMIS a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au remboursement par les salariés des frais qu'elle avait engagés pour leur formation ;
Sur les deux moyens du pourvoi principal des salariés :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que sous peine de nullité, la clause de dédit-formation doit être conclue avant le début de la formation et préciser la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l'employeur, ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié ; qu'en subordonnant la validité de la clause de dédit-formation à la double condition supplémentaire qu'elle soit conclue avant le contrat de travail et précise également le lieu où la formation théorique serait dispensée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la clause de dédit-formation n'est pas nulle lorsque le coût réel de la formation pour l'employeur ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié sont, non pas déterminés, mais déterminables ; qu'en ne recherchant ainsi pas, comme elle y était invitée, si, à défaut d'être initialement déterminé par les parties au contrat de travail, le coût de la formation continue susceptible d'être remboursée à l'employeur en cas de départ anticipé n'était pas aisément déterminable par les salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la clause de dédit-formation était imprécise sur le montant des frais à rembourser, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Jean-Yves X... et Madame Dominique Y... épouse X... de leurs demandes tendant à voir condamner l'ASMIS à leur payer, chacun, la somme de 24.224 euros à titre de rappel de salaires, outre intérêts de droit ;
AUX MOTIFS QUE les salariés reprochent également à l'employeur d'avoir compliqué leur formation en médecine de santé au travail et de prévention des risques professionnels, en particulier au cours de leur stage hospitalo- universitaire, du fait d'un manque d'organisation ; qu'il. découle cependant d'une lettre du 5 janvier 2007 ayant pour destinataires le professeur Z... ainsi que l'employeur que les époux X... ont eux même proposé un arrangement consistant à effectuer leur stage hospitalo-universitaire à Lille en sept mois à raison de trois jours par semaine, les mercredi, jeudi et vendredi ; que l'existence d'une telle proposition exclut de faire un grief de l'organisation de ce stage dont les conditions de lieu et de durée résultaient en définitive d'un accord trouvé par les parties ; que les contrats de travail accueillent une convention de forfait en jours sur l'année dont la portée n'est pas remise en cause par les autres dispositions contractuelles, relatives au montant de la rémunération, qui est calculé en fonction d'une base horaire ; que les salariés, qui ont accepté une convention de forfait en jours et ne soutiennent pas qu'à raison du stage hospitalo universitaire à Lille couplé au travail à Ham pendant sept mois ils ont dépassé le plafond retenu pour l'année 2007, ne sont pas concernés par la durée légale du travail ni par la limitation de la durée quotidienne du travail ou par la durée maximale hebdomadaire ; que l'employeur qui n'était pas débiteur d'heures supplémentaires à raison de l'activité de médecin que les salariés continuaient d'exercer à Ham n'a pas manqué à ses obligations au titre de la rémunération due ;
ALORS QUE l'employeur est tenu de payer au salarié les heures de travail effectuées en supplément du temps de travail prévu dans la convention prévoyant un forfait mensuel en heures ; qu'en se bornant à affirmer que les contrats de travail comportaient une convention de forfait en jours sur l'année, sans répondre aux conclusions des Docteurs X..., qui faisaient valoir que ce même contrat comportait également une convention de forfait en heures, puisqu'elle prévoyait une durée mensuelle de travail de 152 heures, de sorte qu'ils étaient en droit de prétendre au paiement des heures de travail effectuées en sus, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Jean-Yves X... et Madame Dominique Y... épouse X... de leurs demandes tendant à voir condamner l'ASMIS à leur payer, chacun, la somme de 31.075 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE les salariés ne peuvent trouver dans le courrier que l'employeur leur adresse le 29 février 2008, dans la perspective de les faire revenir sur leur démission, l'aveu qu'il a délaissé ses obligations relatives à l'organisation du travail des secrétaires à Ham, alors qu'aux termes de cette lettre, M. François A..., le secrétaire général, s'emploie à contester l'existence et sinon l'importance des dysfonctionnements qui avaient été évoqués par les salariés lors de l'entretien tenu le 20 ; que les salariés reprochent à l'employeur de ne pas avoir remédié à l'insuffisance professionnelle des secrétaires qui composaient leur équipe de travail, situation les ayant exposés à un risque de voir engagée leur responsabilité professionnelle ; qu'il résulte des pièces produites qu'à trois reprises, les secrétaires de Ham se sont trouvées en difficultés, pour traiter une requête de la gendarmerie le 18 octobre 2006, le courrier émanant du centre hospitalier de Ham le 9 novembre 2006 et la recherche d'un précédent médical le 3 septembre 2007 ; qu'aucun élément du dossier ne fait constater l'existence de conséquences négatives pour les médecins en lien avec les agissements des secrétaires ; que dans de telles circonstances, l'employeur a pu considérer que l'exécution prétendument défectueuse des tâches des secrétaires n'avait pas été de nature à engager la responsabilité de Mr et Mme X..., de sorte qu'il n'était pas tenu d'intervenir à la suite de leurs courriers des 21 octobre 2006 et 10 novembre 2006 ; qu'ultérieurement, les médecins se sont bornés à émettre normalement leur rapport technique annuel, les 21 mars 2007 et 21 février 2008, en signalant à chaque fois les dysfonctionnements du secrétariat, sans demande de remise en ordre de la part de l'employeur ; qu'en l'absence de doléances précises, l'employeur n'avait pas à suspecter l'existence de difficultés mettant en cause le professionnalisme des secrétaires et ne relevant pas de l'organisation du travail sur place incombant aux médecins avec lesquels les secrétaires forment une équipe ; que les manquements de l'employeur dans l'organisation du travail du secrétariat ne sont pas établis ; que les salariés reprochent également à l'employeur d'avoir compliqué leur formation en médecine de santé au travail et de prévention des risques professionnels, en particulier au cours de leur stage hospitalo- universitaire, du fait d'un manque d'organisation ; qu'il. découle cependant d'une lettre du 5 janvier 2007 ayant pour destinataires le professeur Z... ainsi que l'employeur que les époux X... ont eux même proposé un arrangement consistant à effectuer leur stage hospitalo universitaire à Lille en sept mois à raison de trois jours par semaine, les mercredi, jeudi et vendredi ; que l'existence d'une telle proposition exclut de faire un grief de l'organisation de ce stage dont les conditions de lieu et de durée résultaient en définitive d'un accord trouvé par les parties ; que les contrats de travail accueillent une convention de forfait en jours sur l'année dont la portée n'est pas remise en cause par les autres dispositions contractuelles, relatives au montant de la rémunération, qui est calculé en fonction d'une base horaire ; que les salariés, qui ont accepté une convention de forfait en jours et ne soutiennent pas qu'à raison du stage hospitalo-universitaire à Lille couplé au travail à Ham pendant sept mois ils ont dépassé le plafond retenu pour l'année 2007, ne sont pas concernés par la durée légale du travail ni par la limitation de la durée quotidienne du travail ou par la durée maximale hebdomadaire ; que l'employeur qui n'était pas débiteur d'heures supplémentaires à raison de l'activité de médecin que les salariés continuaient d'exercer à Ham n'a pas manqué à ses obligations au titre de la rémunération due ;
1°) ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le premier moyen de cassation, du chef du dispositif de l'arrêt ayant débouté Monsieur Jean-Yves X... et Madame Dominique X... de leurs demandes respectives en paiement d'heures supplémentaires, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt par lequel la Cour d'appel les a déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que l'employeur n'a pas manqué à son obligation au titre de la rémunération due et ce, en violation de l'article 625 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en décidant que Monsieur X... et Madame X... n'étaient pas fondés à reprocher à l'ASMIS, pour prendre acte de la rupture du contrat de travail, les graves dysfonctionnements affectant le service, au regard notamment du secret médical, au motif inopérant qu'aucun élément du dossier ne faisait constater l'existence de conséquences négatives pour les médecins, résultant de ces dysfonctionnements, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1231-1, L 1232-1 et L 1235-1 du Code du travail ;
3°) ALORS QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en décidant que Monsieur X... et Madame X... n'étaient pas fondés à reprocher à l'ASMIS, pour prendre acte de la rupture du contrat de travail, les graves dysfonctionnements affectant le service, au regard notamment du secret médical, au motif inopérant que Monsieur X... et Madame X... n'avaient pas adressé à leur employeur de « demandes de remise en ordre », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1231-1, L 1232-1 et L 1235-1 du Code du travail.
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils pour l'Association santé et médecine interentreprises du département de la Somme
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, sur ce point infirmatif, d'AVOIR déclaré la clause de dédit-formation nulle et débouté l'Asmis, employeur, de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur qui a recruté des médecins en vue qu'ils exercent les fonctions de médecin du travail s'est placé, de droit, dans le cadre des dispositions du décret 2003-958 du 3 octobre 2003 pris pour l'application de l'article L. 241-6-1 du code du travail et relatif à la mise en place d'un dispositif de reconversion vers la médecine du travail et la médecine de prévention ; que l'article 6.I de ce texte dispose : « Chaque médecin du travail titulaire de la capacité s'engage à exercer la médecine du travail pendant au moins quatre ans. Si, pour des raisons autres qu'une inaptitude médicale, il met fin à son activité de médecin du travail, il doit rembourser les frais d'inscription de sa formation ainsi que l'indemnité perçue au titre de l'abandon de l'activité antérieure » ; que l'application de ce texte suppose que la lettre d'engagement qui doit accompagner le contrat de travail du médecin candidat fixe les modalités d'organisation de la formation pratique et le nom du médecin chargé d'assurer le contrôle pédagogique, à défaut de quoi le candidat n'a pas la possibilité de déterminer dans quelle université il devra s'inscrire, puis accomplira son stage hospitalo-universitaire, de sorte qu'il ne dispose pas des éléments pour déterminer le montant des frais d'inscription ; que l'employeur n'invoque pas l'existence d'une lettre d'engagement et produit exclusivement l'annexe pédagogique et financière à la convention de formation continue relative à l'année universitaire 2005-2006 dont les mentions font constater que si elle concerne bien les époux X... elle a été conclue le 6 décembre 2005, postérieurement au contrat de travail, lequel, contrairement à ce qui est prétendu, n'indique pas que la capacité en médecine de santé au travail et de prévention des risques professionnels sera délivrée par l'université de Lille II ; qu'à défaut d'indication utile sur le lieu où la formation théorique sera dispensée, l'employeur ne peut exiger le remboursement de frais prévus dans une clause, non valable car imprécise sur le montant à la charge de celui qui s'engage à rembourser ; que la décision qui a condamné les salariés à rembourser de tels frais sera infirmée et la cour débouter l'employeur de sa demande au titre de l'exécution de la clause de dédit-formation (arrêt, pp. 6 et 7) ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE, sous peine de nullité, la clause de dédit-formation doit être conclue avant le début de la formation et préciser la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l'employeur, ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié ; qu'en subordonnant la validité de la clause de dédit-formation à la double condition supplémentaire qu'elle soit conclue avant le contrat de travail et précise également le lieu où la formation théorique serait dispensée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE SECONDE PART, QUE la clause de dédit-formation n'est pas nulle lorsque le coût réel de la formation pour l'employeur ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié sont, non pas déterminés, mais déterminables ; qu'en ne recherchant ainsi pas, comme elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 8), si, à défaut d'être initialement déterminé par les parties au contrat de travail, le coût de la formation continue susceptible d'être remboursée à l'employeur en cas de départ anticipé n'était pas aisément déterminable par les salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.