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19/11/2013 | FRANCE | N°12-28367

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 novembre 2013, 12-28367


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 septembre 2012), que la société par actions simplifiée Métaleurop Nord, spécialisée dans le traitement des métaux non ferreux, ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 28 janvier et 10 mars 2003, les deux liquidateurs désignés ont assigné sa société-mère, la société Métaleurop SA, devenue Recylex, en paiement d'une partie de l'insuffisance d'actif de sa filiale, la tenant pour dirigeant de fait de celle-ci ;
Sur le premier moyen : r>Attendu que les liquidateurs font grief à l'arrêt d'avoir statué sur des co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 septembre 2012), que la société par actions simplifiée Métaleurop Nord, spécialisée dans le traitement des métaux non ferreux, ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 28 janvier et 10 mars 2003, les deux liquidateurs désignés ont assigné sa société-mère, la société Métaleurop SA, devenue Recylex, en paiement d'une partie de l'insuffisance d'actif de sa filiale, la tenant pour dirigeant de fait de celle-ci ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les liquidateurs font grief à l'arrêt d'avoir statué sur des conclusions des parties qui n'étaient pas les dernières, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel ne peut statuer que sur les dernières conclusions des parties déposées en cause d'appel, à l'exclusion des conclusions antérieures ou de celles déposées en première instance ; que les liquidateurs judiciaires de la société Métaleurop Nord ont déposé leurs dernières conclusions d'appel le 13 mai 2008 ; qu'en se prononçant non pas au visa de ces conclusions, auxquelles elle n'a pas répondu, mais des conclusions déposées par les liquidateurs le 12 décembre 2006 devant le tribunal, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
2°/ que la cour d'appel ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, tout moyen non repris dans celles-ci étant réputé abandonné ; que la société Recylex a déposé ses dernières conclusions devant la cour d'appel le 25 août 2008 ; qu'en se prononçant au visa des conclusions déposées par cette société le 14 février 2008, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est par suite d'une erreur matérielle que la cour d'appel s'est référée, en ce qui concerne les liquidateurs, à leurs conclusions devant le tribunal et, s'agissant de la société Recylex, à ses premières conclusions d'appel ; que, sans se borner à un simple visa de ces conclusions, elle a exposé succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, lesquels n'ont pas fait l'objet de modification dans les dernières conclusions, et y a répondu ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les liquidateurs font ensuite grief à l'arrêt d'avoir dit que la société-mère n'avait pas dirigé en fait sa filiale, alors, selon le moyen :
1°/ que le dirigeant de fait est la personne qui exerce, directement ou par personne interposée, une activité positive et indépendante d'administration générale d'une personne morale sous le couvert ou aux lieu et place de ses représentants légaux ; qu'en excluant la qualité de dirigeant de fait de la société-mère Métaleurop SA, après avoir expressément constaté que les dirigeants de droit de la filiale Métaleurop Nord exerçaient leurs fonctions concernant la production, l'hygiène, la sécurité et l'environnement, les ressources humaines, à l'exception de la carrière des cadres, le contrôle de la gestion et la comptabilité sous la supervision des dirigeants et cadres supérieurs de la société-mère, ce dont il résulte que sous couvert des dirigeants de droit de la société Métaleurop Nord, c'est la société-mère qui, par l'intermédiaire de ses propres dirigeants et cadres, avait le véritable pouvoir de direction de la filiale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L. 624-3 ancien du code de commerce, qu'elle a ainsi violé ;
2°/ qu'en statuant comme elle a fait, après avoir pourtant relevé que le responsable industriel du site devait demander une autorisation de la société-mère pour toute demande d'investissement supérieur à 100 k ¿ et que le contrôle portait sur la conformité de la dépense avec le programme d'investissement, ce dont il résulte que la société-mère dirigeait en fait la politique d'investissement de la filiale, la cour d'appel a violé l'article L. 624-3 ancien du code de commerce ;
3°/ qu'en énonçant que les « business units » permettent de développer des synergies entre entités d'un même groupe et de coordonner certaines unités et n'ont pas vocation à assurer elles-mêmes la direction et la gestion d'autres entités du groupe, de sorte que cette organisation est insuffisante à démontrer l'existence d'une direction de fait de la société-mère sur sa filiale Métaleurop Nord, après avoir pourtant expressément constaté que la mise en place des « business units » s'était traduite par l'organisation de la fonction de production au sein du groupe en deux lignes opérationnelles, l'une pour la ligne zinc, placée sous la direction de M. Christian K..., salarié de la SA Métaleurop, l'autre pour la ligne plomb, placée sous la direction de M. X..., salarié de Métaleurop GmbH (laquelle est elle-même une filiale à 100 % de la société Métaleurop SA), ce dont il résulte que c'est bien la société-mère qui, soit directement pour la ligne zinc, soit par l'intermédiaire d'une autre filiale pour la ligne plomb, avait pris en main la direction de la fonction de production de la société Métaleurop Nord, et que les pouvoirs simplement délégués à M. Y..., directeur d'établissement de Métaleurop Nord, étaient exercés pour le compte de la société-mère, qui assurait de fait la direction de sa filiale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L. 624-3 ancien du code de commerce, qu'elle a ainsi violé ;
4°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions des liquidateurs judiciaires de la filiale faisant valoir que les experts Z...et I...avaient constaté qu'à compter du 1er octobre 2000 les cadres de la société Métaleurop Nord s'étaient trouvés hiérarchiquement dépendants du directoire et des cadres de la direction de la société-mère Métaleurop SA, dont ils recevaient leurs instructions et auxquels ils rapportaient les résultats de leurs activités, que l'organisation en business units avait eu pour effet de rattacher la direction de l'établissement à M. L..., président du directoire de la société-mère, la direction technique et des achats à M. A..., président du conseil de surveillance de Métaleurop SA, et la direction financière à M. Del B..., de la société-mère Métaleurop SA, et que les constatations de l'expert contredisaient l'apparence créée par la lettre de délégation de pouvoirs donnée par M. C...à M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ qu'en statuant comme elle a fait, après avoir pourtant constaté que M. K..., président de la société Métaleurop Nord, et son groupe de travail avaient proposé le 9 juillet 2002, parmi les quatre scenarii possibles, l'option stratégique d'une orientation de la fonderie de zinc vers le recyclage, mais qu'en raison du désaccord de Métaleurop sur les propositions ainsi présentées par M. K..., ce dernier avait été révoqué, ce dont il résulte certes une autonomie dans la formulation de propositions, mais non dans la prise de décision, qui caractérise la direction d'une personne morale, la cour d'appel a violé l'article L. 624-3 ancien du code de commerce ;
6°/ qu'en excluant toute direction de fait par la société-mère, tout en constatant qu'après l'abandon des business units, le nouveau président de la filiale Métaleurop Nord, M. D..., s'est inscrit dans une démarche d'autonomie par rapport à la société-mère, le rapport Z...et I...indiquant à cet égard qu'il s'est fixé comme objectif de « construire une organisation autonome capable d'acheter et de vendre des produits marchands », ce dont il résulte que cette organisation autonome était inexistante auparavant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 624-3 ancien du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que la notion de groupe de sociétés impliquait des relations croisées entre ses membres, un contrôle d'ensemble, une unité de décision et une stratégie commune impulsée par la société-mère, l'arrêt relève d'abord que les fonctions ou services de production, hygiène, sécurité, environnement, ressources humaines, à la seule exception de la carrière des cadres, contrôle de gestion et comptabilité de la société Métaleurop Nord relevaient directement de la responsabilité du directeur technique de son site industriel de Noyelles-Godault, ce directeur agissant sous la supervision des dirigeants et cadres supérieurs de la société Métaleurop SA, cette simple supervision n'impliquant pas, contrairement à l'affirmation de la première branche, la direction de fait ; qu'il ajoute, concernant la politique d'investissement, que l'approbation par la société-mère des investissements d'un coût supérieur à un certain montant avait pour seul objet de contrôler la conformité de la dépense prévue avec le programme général d'investissement du groupe et le budget alloué, sans discussion de son opportunité ; qu'il retient encore que la mise en place, à partir du 1er octobre 2000, d'organisations opérationnelles transversales, dénommées « business units », l'une pour le zinc, l'autre pour le plomb, avait un objectif de coordination et de développement des synergies, sans vocation de direction, ces unités, autonomes par rapport à la holding, n'ayant eu ni pour but, ni pour effet de concentrer les pouvoirs entre les mains de celle-ci ou de se substituer aux structures d'organisation et de gestion propres de la société Métaleurop Nord, le pouvoir de direction y étant effectivement exercé, par voie de délégation de son président, entre le 1er octobre 2000 et le 1er juillet 2002, par un directeur assurant la responsabilité du personnel, du contrôle de gestion, de la comptabilité et arrêtant des choix stratégiques relatifs, notamment, à la politique d'approvisionnements ou commerciale ; que l'arrêt retient enfin que, si M. K..., devenu président de la société Métaleurop le 1er juillet 2002, a été révoqué le 1er octobre 2002, après avoir proposé, parmi d'autres options, une orientation de la fonderie de zinc vers le recyclage, le désaccord entre la société-mère et sa filiale sur cette proposition comme la décision consécutive de l'actionnaire de remplacer le président ne peuvent caractériser la direction de fait, sans que, par ailleurs, l'on puisse déduire, comme fait la sixième branche, du motif suivant lequel M. D..., nouveau président, se serait « également inscrit dans une démarche d'autonomie par rapport à la société-mère », l'existence antérieure d'une direction de fait par celle-ci ; que, par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions évoquées par la quatrième branche, a légalement justifié la décision par laquelle elle a exclu la direction de fait de la société Métaleurop SA ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que les liquidateurs font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que, par arrêts du 18 décembre 2009, la chambre sociale de la cour d'appel de Douai a jugé que la société Métaleurop SA avait la qualité de co-employeur des salariés de la société Métaleurop Nord, notamment parce qu'il existait une confusion de direction entre les deux sociétés, et a retenu ainsi l'existence d'une direction de fait de la filiale par la société-mère ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée par ces arrêts et a violé l'article 1351 du code civil ;
2°/ que, par arrêts du 28 septembre 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre les arrêts de la chambre sociale de la cour d'appel de Douai du 18 décembre2009 en ce qu'ils retenaient la qualité de co-employeur de la société-mère Métaleurop SA, désormais dénommée Recylex, à l'égard des salariés de la filiale Métaleurop Nord, en relevant « qu'ayant constaté qu'au-delà de la communauté d'intérêts et d'activités résultant de l'appartenance à un même groupe, qui se manifestait par la décision de restructuration de la filiale prise au niveau de la direction de la société-mère, par l'existence de dirigeants communs et par la tenue de la trésorerie de sa filiale par la société Métaleurop laquelle assurait également le recrutement des cadres de Métaleurop Nord et la gestion de leur carrière, la société-mère s'était directement chargée de négocier un moratoire à la place et pour le compte de sa filiale, que les cadres dirigeants de la Métaleurop Nord, recrutés par la société-mère, étaient placés sous la dépendance hiérarchique directe d'un dirigeant de cette dernière, à laquelle ils devaient rendre compte régulièrement de leur gestion, et que la société Métaleurop décidait unilatéralement de l'attribution de primes aux cadres de direction de sa filiale, la cour d'appel a pu en déduire qu'il existait une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux sociétés, se manifestant notamment par une immixtion dans la gestion du personnel de la filiale et qu'en conséquence la société Métaleurop était co-employeur du personnel de sa filiale, sans qu'il soit nécessaire de constater l'existence d'un rapport de subordination individuel de chacun des salariés de la société Métaleurop Nord à l'égard de la société-mère » ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces circonstances de nature à caractériser la qualité de dirigeant de fait de la société-mère à l'égard de sa filiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 624-3 ancien du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que le moyen tiré de la chose jugée ne peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'avait pas à s'expliquer sur les circonstances retenues par d'autres arrêts pour justifier la qualité de co-employeur des salariés de la filiale attribuée à la société-mère, qui n'étaient pas dans le débat devant elle ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable en sa première branche et non fondé en sa seconde ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. E...et F..., en leur qualité de liquidateurs judiciaires de la société Métaleurop Nord, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour MM. F...et E..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande tendant à voir constater que la société Métaleurop SA a été dirigeante de fait de sa filiale, la société Métaleurop Nord, et d'avoir rejeté en conséquence la demande en comblement de passif ;
1°) ALORS QUE la cour d'appel ne peut statuer que sur les dernières conclusions des parties déposées en cause d'appel, à l'exclusion des conclusions antérieures ou de celles déposées en première instance ; que MM. F...et E...ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Métaleurop Nord ont déposé leurs dernières conclusions d'appel le 13 mai 2008 ; qu'en se prononçant non pas au visa de ces conclusions, auxquelles elle n'a pas répondu, mais des conclusions déposées par les liquidateurs le 12 décembre 2006 devant le tribunal (arrêt, p. 4 § 1), la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la cour d'appel ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, tout moyen non repris dans celles-ci étant réputé abandonné ; que la société Recylex a déposé ses dernières conclusions devant la cour d'appel le 25 août 2008 ; qu'en se prononçant au visa des conclusions déposées par cette société le 14 février 2008 (arrêt, p. 4 in fine), la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande tendant à voir constater que la société Métaleurop SA a été dirigeante de fait de sa filiale, la société Métaleurop Nord, et d'avoir rejeté en conséquence la demande en comblement de passif ;
AUX MOTIFS QU'est dirigeant de fait toute personne physique ou morale qui, directement ou par personne interposée, exerce habituellement une activité indépendante de gestion et de direction d'une entreprise, aux lieu et place de ses représentants légaux ; que Métaleurop constitue un groupe de sociétés, notion qui implique, d'une part, l'existence entre ses membres de relations croisées prenant la forme de liens financier étroits, de liaisons économiques privilégiées et de rapports commerciaux préférentiels, d'autre part, un contrôle d'ensemble, une unité de décision et une stratégie commune impulsée par la société-mère ; que sur la période de septembre 1994 au 1er octobre 2000, les liquidateurs judiciaires de la filiale soutiennent que la SA Métaleurop a enserré, dès 1994, la SAS Métaleurop Nord dans un ensemble de conventions lui ôtant tout pouvoir de décision dans les politiques de développement, d'investissement, de maintenance industrielle et dans la gestion de la trésorerie, des ventes et du système d'information ; que les conventions conclues entre la société-mère et la filiale ont cependant été à raison analysées par les experts judiciaires Z...et I...comme « correspondant à un système d'organisation fréquent dans les groupes industriels » ; que les mêmes experts ont observé que « pour assurer un fonctionnement optimal du site industriel, relevaient directement de la responsabilité du directeur technique du site, c'est à dire du président de Métaleurop Nord, sous la supervision bien entendu des dirigeants et cadres supérieurs de la société-mère, les fonctions ou services suivants : la production, l'hygiène, la sécurité et l'environnement, les ressources humaines, à l'exception de la carrière des cadres, le contrôle de la gestion et la comptabilité » (page 166 du rapport) ; que s'agissant de la politique d'investissement, les liquidateurs de la filiale sont d'autant moins fondés à se prévaloir des conclusions de l'expert G...pour prétendre que les dirigeants de Métaleurop Nord étaient en cette matière privés de leur pouvoir de décision que les experts Z...et I...concluent que « si le responsable industriel du site devait demander une autorisation du siège pour toute demande d'investissement supérieur à 100 k ¿, il est bien évident que celle-ci s'inscrivait dans le cadre de l'enveloppe globale obtenue lors de l'établissement de son budget de l'exercice et avait vraisemblablement pour objet le contrôle de la conformité de la dépense avec le programme d'investissement et non la discussion de l'opportunité de la dépense elle-même » (page 168 de leur rapport) ; que la notion d'approbation n'impliquant nullement une immixtion de la sociétémère dans la gestion des investissement de sa filiale, c'est à raison que les premiers juges ont écarté ce moyen ; qu'au vu de ces éléments, il ne peut être sérieusement soutenu qu'au titre de la période de septembre 1994 au 1er octobre 2000 Métaleurop Nord ait vu ses organes de gestion déchargés de leurs pouvoirs de décision réel par la sociétémère ;
1°) ALORS QUE le dirigeant de fait est la personne qui exerce, directement ou par personne interposée, une activité positive et indépendante d'administration générale d'une personne morale sous le couvert ou aux lieu et place de ses représentants légaux ; qu'en excluant la qualité de dirigeant de fait de la société-mère Métaleurop SA, après avoir expressément constaté que les dirigeants de droit de la filiale Métaleurop Nord exerçaient leurs fonctions concernant la production, l'hygiène, la sécurité et l'environnement, les ressources humaines, à l'exception de la carrière des cadres, le contrôle de la gestion et la comptabilité sous la supervision des dirigeants et cadres supérieurs de la société-mère, ce dont il résulte que sous couvert des dirigeants de droit de la société Métaleurop Nord, c'est la société-mère qui, par l'intermédiaire de ses propres dirigeants et cadres, avait le véritable pouvoir de direction de la filiale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L 624-3 ancien du code de commerce, qu'elle a ainsi violé ;
2°) ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, après avoir pourtant relevé que le responsable industriel du site devait demander une autorisation de la société-mère pour toute demande d'investissement supérieur à 100 k ¿ et que le contrôle portait sur la conformité de la dépense avec le programme d'investissement, ce dont il résulte que la société-mère dirigeait en fait la politique d'investissement de la filiale, la cour d'appel a violé l'article L 624-3 ancien du code de commerce ;
ET AUX MOTIFS QU'à partir du 1er octobre 2000, le groupe Métaleurop a mis en place des unités de production ou « business units », organisation transversale de l'ensemble des sociétés du groupe en divisions opérationnelles ; que les liquidateurs judiciaires de la filiale affirment que cette organisation a eu pour effet de concentrer les pouvoirs décisionnels entre les mains de la société-mère, la fonction de production de l'unité de Noyelles-Godault étant rattachée à deux entités placées sous la direction de cadres supérieurs extérieurs à Métaleurop Nord ; que la mise en place des business units s'est traduite par l'organisation de la fonction de production au sein du groupe en deux lignes opérationnelles, l'une pour la ligne zinc, placée sous la direction de M. Christian K..., salarié de la SA Métaleurop, l'autre pour la ligne plomb, placée sous la direction de M. X..., salarié de Métaleurop GMBH ; que si les business units permettent de développer des synergies entre entités d'un même groupe et de coordonner certaines unités, elles n'ont pas vocation à assurer elles-mêmes la direction et la gestion d'autres entités du groupe ; que cette seule organisation est donc insuffisante à démontrer l'existence d'une direction de fait de la société-mère sur sa filiale Métaleurop Nord ; qu'en l'espèce, la mise en place des unités transversales :- ne s'est pas, de façon avérée, traduite par une concentration des pouvoirs entre les mains de la société-mère, les business units ayant logiquement vocation à bénéficier d'une réelle autonomie par rapport à la holding et les liquidateurs n'apportant sur ce point aucun élément sur l'articulation société-mère ¿ business units ;- n'a pas eu pour effet de faire disparaître les structures d'organisation et de gestion de Métaleurop Nord : ¿ dont le président M. Sedes, lorsqu'il a été nommé au poste de directeur des ressources humaines de la SA Métaleurop en conservant celui de président de Métaleurop Nord, a, à compter du 1er octobre 2000, accordé à M. Y..., directeur d'établissement de Métaleurop Nord, une large délégation de pouvoirs, incluant notamment celui de signer la correspondance, d'assurer la direction du personnel, de vendre toutes marchandises, matières premières et tous produits fabriqués, d'accepter et de passer toutes conventions y afférentes effectivement exercés par M. Y..., qui a lui-même indiqué par lettre du 21 décembre 2002 à MM. D...et H..., coprésidents de Métaleurop Nord, « avoir exercé des pouvoirs importants », ¿ dont les organes de décision ont arrêté les choix stratégiques relevant de leur compétence ; qu'à cet égard, M. Y..., comme le retient le jugement entrepris, a indiqué aux experts Z...et I...(pages 132 à 134 du rapport) qu'il a assumé la responsabilité des ressources humaines et celle du contrôle de gestion et de la comptabilité, hors la trésorerie avec les banques (comme cela était le cas au cours de la période précédente), et que les comités internes à la SAS étaient tenus régulièrement selon la périodicité prévue (chaque lundi le comité de direction sous la présidence de M. Sedes, tous les mois le comité sécurité direction, tous les deux mois le comité environnement, trois fois par an le comité pilotage qualité) ; que les réunions internes à Métaleurop Nord ont constitué le cadre de prise de décisions à caractère stratégique, comme celle du 18 mai 2001 « orientations pour la charge 2002 et années suivantes » relative à la politique d'approvisionnement, lors de laquelle il a été décidé d'explorer des alternatives à Glencore ¿ orientation dont les liquidateurs ne contestent pas qu'elle a été suivie d'effet ¿ ainsi que les autres réunions citées par les premiers juges (4 et 18 avril, 21 juin 2002) ¿ qui démontrent que Métaleurop Nord était le lieu de prises de décision et d'instructions à Métaleurop Commercial ; que les procédures de « reporting » vers Métaleurop ¿ compte rendus fréquents à la société-mère ¿ ne sauraient s'interpréter comme la marque d'une concentration du pouvoir, voire comme une immixtion dans la gestion de la filiale, mais comme la manifestation d'un contrôle de cohérence, par une société-mère très présente, des actions entreprises et des résultats obtenus par les entités du groupe ; que la preuve n'est pas, dans ces conditions, rapportée que la mise en place des business units se soit traduite par l'abandon de tout pouvoir de décision de Métaleurop Nord ;

1°) ALORS QU'en énonçant que les business units permettent de développer des synergies entre entités d'un même groupe et de coordonner certaines unités et n'ont pas vocation à assurer elles-mêmes la direction et la gestion d'autres entités du groupe, de sorte que cette organisation est insuffisante à démontrer l'existence d'une direction de fait de la société-mère sur sa filiale Métaleurop Nord, après avoir pourtant expressément constaté que la mise en place des business units s'était traduite par l'organisation de la fonction de production au sein du groupe en deux lignes opérationnelles, l'une pour la ligne zinc, placée sous la direction de M. Christian K..., salarié de la SA Métaleurop, l'autre pour la ligne plomb, placée sous la direction de M. X..., salarié de Métaleurop GMBH (laquelle est elle-même une filiale à 100 % de la société Métaleurop SA), ce dont il résulte que c'est bien la société-mère qui, soit directement pour la ligne zinc, soit par l'intermédiaire d'une autre filiale pour la ligne plomb, avait pris en main la direction de la fonction de production de la société Métaleurop Nord, et que les pouvoirs simplement délégués à M. Y..., directeur d'établissement de Métaleurop Nord, étaient exercés pour le compte de la société-mère, qui assurait de fait la direction de sa filiale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article L 624-3 ancien du code de commerce, qu'elle a ainsi violé ;
2°) ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusion des liquidateurs judiciaire de la filiale (concl. du 13 mai 2008, p. 16) faisant valoir que les experts Z...et I...avaient constaté qu'à compter du 1er octobre 2000 les cadres de la société Métaleurop Nord s'étaient trouvés hiérarchiquement dépendants du directoire et des cadres de la direction de la société-mère Métaleurop SA, dont ils recevaient leurs instructions et auxquels ils rapportaient les résultats de leurs activités, que l'organisation en business units avait eu pour effet de rattacher la direction de l'établissement à M. L..., président du directoire de la société-mère, la direction technique et des achats à M. A..., président du conseil de surveillance de Métaleurop SA, et la direction financière à M. Del B..., de la société-mère Métaleurop SA, et que les constatations de l'expert contredisaient l'apparence créée par la lettre de délégation de pouvoirs donnée par M. C...à M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur la période du 1er juillet 2002 au 28 janvier 2003, il n'est pas contesté que, comme l'observent les experts Z...et I..., l'organisation en business units a été abandonnée à partir du 1er juillet 2002 et que le groupe est revenu à une direction opérationnelle par site ; que si M. K...a été nommé le 1er juillet 2002 en qualité de président de Métaleurop Nord, révoqué, remplacé le 1er octobre 2002 par MM. D...et H...en qualité de coprésidents de Métaleurop Nord, la direction de fait ne saurait se déduire de la seule succession accélérée, au cours de cette période, des dirigeants de Métaleurop Nord ; que le mode de relations initial (antérieur aux business units) de Métaleurop Nord avec la société-mère a été rétabli ; que Métaleurop Nord a alors conservé l'intégralité de ses structures d'organisation et de gestion ; qu'en ce qui concerne M. K..., les experts ne sont pas fondés à conclure que « Christian K...n'a pas exercé ses fonctions de responsable de production puisqu'à l'issue de ses travaux pour la conception d'un plan de sauvegarde du site il a rapidement été révoqué » alors qu'aux termes du procès-verbal de décision des associés de Métaleurop Nord il a été « investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances dans l'intérêt de la société » et, selon le rapport Z...et I..., « avec pour mission opérationnelle d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi » ; que c'est le groupe de travail animé au sein de Métaleurop Nord par M. K...et ce dernier lui-même qui ont proposé le 9 juillet 2002, parmi les quatre scenarii possibles, l'option stratégique d'une orientation de la fonderie de zinc vers le recyclage ; que les liquidateurs de la filiale ne contestent pas que c'est en raison du désaccord de Métaleurop sur les propositions présentées que ce dernier a été révoqué, ce qui démontre l'autonomie de Métaleurop Nord dans la formulation de ses propositions ; qu'en ce qui concerne M. D..., celui-ci s'est également inscrit dans une démarche d'autonomie par rapport à la société-mère (le rapport Z...et I...indique à cet égard qu'il s'est fixé comme objectif de « construire une organisation autonome capable d'acheter et de vendre des produits marchands ») ; que les travaux conduits durant cette période l'ont été par Métaleurop Nord ; que si M. D...a affirmé, en termes très généraux et non circonstanciés, que « toutes les décisions stratégiques étaient données oralement par M. J...» (Métaleurop SA) ¿ instructions orales qui ne sont nullement prouvées ¿ tel n'est pourtant le sens ni de la note d'information aux cadres de Métaleurop Nord qu'il a signée le 10 octobre 2002 et dans laquelle il fait état des décisions qu'il a arrêtées au nom de Métaleurop Nord, ni du courriel de M. D...du 22 novembre 2002 dont il ressort qu'il prenait les décisions lui incombant et exerçait effectivement ses prérogatives ; que l'exercice par Métaleurop Nord de ses pleines prérogatives est confirmée par le rapport d'alerte des commissaires aux comptes de cette société du 11 décembre 2002 qui impute à la présidence de Métaleurop Nord la paternité du processus de restructuration ; que les organes de direction de Métaleurop Nord ont durant cette période pris les décisions relevant de leurs compétences, notamment sur le plan stratégique ;
1°) ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, après avoir pourtant constaté que M. K..., président de la société Métaleurop Nord, et son groupe de travail avaient proposé le 9 juillet 2002, parmi les quatre scenarii possibles, l'option stratégique d'une orientation de la fonderie de zinc vers le recyclage, mais qu'en raison du désaccord de Métaleurop sur les propositions ainsi présentées par M. K..., ce dernier avait été révoqué, ce dont il résulte certes une autonomie dans la formulation de propositions, mais non dans la prise de décision, qui caractérise la direction d'une personne morale, la cour d'appel a violé l'article L 624-3 ancien du code de commerce ;
2°) ALORS QU'en excluant toute direction de fait par la société-mère, tout en constatant qu'après l'abandon des business units, le nouveau président de la filiale Métaleurop Nord, M. D..., s'est inscrit dans une démarche d'autonomie par rapport à la société-mère, le rapport Z...et I...indiquant à cet égard qu'il s'est fixé comme objectif de « construire une organisation autonome capable d'acheter et de vendre des produits marchands », ce dont il résulte que cette organisation autonome était inexistante auparavant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L 624-3 ancien du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande tendant à voir constater que la société Métaleurop SA a été dirigeante de fait de sa filiale, la société Métaleurop Nord, et d'avoir rejeté en conséquence la demande en comblement de passif ;
AUX MOTIFS QUE la preuve d'une direction de fait de la SAS Métaleurop Nord par la SA Métaleurop n'est pas rapportée ;
1°) ALORS QUE, par arrêts du 18 décembre 2009, la chambre sociale de la cour d'appel de Douai a jugé que la société Métaleurop SA avait la qualité de co-employeur des salariés de la société Métaleurop Nord, notamment parce qu'il existait une confusion de direction entre les deux sociétés, et a retenu ainsi l'existence d'une direction de fait de la filiale par la société-mère ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée par ces arrêts et a violé l'article 1351 du code civil ;
2°) ALORS QUE, par arrêts du 28 septembre 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre les arrêts de la chambre sociale de la cour d'appel de Douai du 18 décembre 2009 en ce qu'ils retenaient la qualité de co-employeur de la société-mère Métaleurop SA, désormais dénommée Recylex, à l'égard des salariés de la filiale Métaleurop Nord, en relevant « qu'ayant constaté qu'au-delà de la communauté d'intérêts et d'activités résultant de l'appartenance à un même groupe, qui se manifestait par la décision de restructuration de la filiale prise au niveau de la direction de la société-mère, par l'existence de dirigeants communs et par la tenue de la trésorerie de sa filiale par la société Métaleurop laquelle assurait également le recrutement des cadres de Métaleurop Nord et la gestion de leur carrière, la société-mère s'était directement chargée de négocier un moratoire à la place et pour le compte de sa filiale, que les cadres dirigeants de la Métaleurop Nord, recrutés par la société-mère, étaient placés sous la dépendance hiérarchique directe d'un dirigeant de cette dernière, à laquelle ils devaient rendre compte régulièrement de leur gestion, et que la société Métaleurop décidait unilatéralement de l'attribution de primes aux cadres de direction de sa filiale, la cour d'appel a pu en déduire qu'il existait une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux sociétés, se manifestant notamment par une immixtion dans la gestion du personnel de la filiale et qu'en conséquence la société Métaleurop était co-employeur du personnel de sa filiale, sans qu'il soit nécessaire de constater l'existence d'un rapport de subordination individuel de chacun des salariés de la société Métaleurop Nord à l'égard de la société-mère » ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces circonstances de nature à caractériser la qualité de dirigeant de fait de la société-mère à l'égard de sa filiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 624-3 ancien du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-28367
Date de la décision : 19/11/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 19 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 nov. 2013, pourvoi n°12-28367


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.28367
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