République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 19/09/2012
***
N° de MINUTE :
N° RG : 07/01415
Jugement (N° 2006/1253)
rendu le 27 Février 2007
par le Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de BETHUNE
REF : PB/CLInsuffisance d'actif
APPELANTS
Maître [C] [Y]
es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S. METALEUROP NORD
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 10]
[Localité 5]
Représenté par la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI, anciennement avoués
Assisté de Me Xavier BRUNET, avocat au barreau de BETHUNE, Me Yves LETARTRE, avocat au barreau de LILLE
Maître [N] [J]
es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S. METALEUROP NORD
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI, anciennement avoués
Assisté de Me Xavier BRUNET, avocat au barreau de BETHUNE, Me Yves LETARTRE, avocat au barreau de LILLE
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Monsieur KAPELLA, avocat général
INTIMÉS
SA RECYLEX ( ANCIENNEMENT DENOMMEE METALEUROP S.A.)
Ayant son siège social [Adresse 8]
[Localité 9]
Représenté par de Me Philippe Georges QUIGNON, avocat au barreau de DOUAI, anciennement avoué
Assisté de Me Olivier PUECH, avocat au barreau de PARIS,
INTERVENANT VOLONTAIRE
Maître [S] [M] agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société RECYLEX
demeurant [Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Me Philippe Georges QUIGNON, avocat au barreau de DOUAI, anciennement avoué
Assisté de Me Olivier PUECH, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANT VOLONTAIRE
Maître [K] [Z] agissant en qualité de représentant des créanciers de la société RECYLEX
demeurant [Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Philippe Georges QUIGNON, avocat au barreau de DOUAI, anciennement avoué
Assisté de Me Olivier PUECH, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Sandrine DELATTRE, Conseiller
Jean-Marc PARICHET, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT
DÉBATS à l'audience publique du 12 Avril 2012 après rapport oral de l'affaire par Patrick BIROLLEAU
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2012 après prorogation du délai en date du 28 juin 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président, et Marguerite Marie HAINAUT , Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 janvier 2012
***
La SAS METALEUROP NORD, dont le capital était détenu à hauteur de 1.098.000 des 1.100.000 actions, par la SA METALEUROP, a, jusqu'en 2003, exploité à [Localité 12] (Pas de Calais) une usine employant entre 767 et 830 salariés, spécialisée dans la production, la transformation et la commercialisation des métaux non ferreux, essentiellement le zinc et le plomb. Cette unité de production a rencontré, au début des années 2000, d'importantes difficultés, présentées par les parties comme en lien avec la pollution du site, assorties d'une menace préfectorale de fermeture (27 décembre 2002), et s'inscrivant dans le cadre de variations défavorables du cours du zinc. La SA METALEUROP, devenue RECYLEX, a abondé le compte courant de la SAS à concurrence de près d'un million de francs (132.000,00 euros) entre la date d'apparition des premières difficultés et la fin de l'année 2002.
Par jugement du 28 janvier 2003, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Béthune a ouvert le redressement judiciaire de la SAS METALEUROP NORD, converti en liquidation le 10 mars suivant, Maîtres [C] [Y] et [N] [J] étant désignés en qualité de liquidateurs judiciaires.
Par ordonnance du 29 janvier 2003, le juge commissaire a désigné Monsieur [G] en qualité d'expert. Le rapport a été déposé le 27 février 2003.
Le 11 avril 2003, le tribunal de grande instance de Béthune a débouté les liquidateurs judiciaires de leur demande d'extension de la procédure à la SA METALEUROP pour cause de confusion des patrimoines. Ce jugement a été infirmé par arrêt de la Cour d'appel de ce siège du 16 décembre 2004 (au vu d'une expertise confiée avant dire droit à Madame [W] et Monsieur [R]), arrêt lui-même cassé par la Cour de cassation le 19 avril 2005. La Cour d'appel de Paris, désignée comme cour de renvoi, a confirmé le jugement de débouté du tribunal de grande instance de Béthune.
Les liquidateurs judiciaires ont, dans les derniers jours du délai triennal de la loi, engagé une action en responsabilité de la société-mère pour insuffisance d'actifs, sur le fondement de l'article L 624-3 du code de commerce en sa rédaction applicable à la date de l'ouverture de la procédure collective (art. L 651-2 nouveau).
Le 13 novembre 2003, la SA METALEUROP a été - après une période d'administration 'ad hoc' décidée par le tribunal de commerce de Paris - admise au bénéfice du redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris. Elle a pris le nom de RECYLEX et a bénéficié d'un plan de continuation.
Le 2 mars 2006, Maîtres [Y] et [J] ès qualités de liquidateurs de la SAS METALEUROP NORD ont assigné la SA METALEUROP devant le tribunal de grande instance de Béthune aux fins d'obtenir sa condamnation à supporter les dettes de la SAS à hauteur de 50 millions d'euros.
Par jugement du 27 février 2007, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Béthune a débouté les liquidateurs judiciaires de leurs prétentions en retenant que la SAS avait conservé une autonomie dans sa gestion.
Les liquidateurs et le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Béthune ont interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt avant dire droit du 18 novembre 2008, la Cour de ce siège a renvoyé les parties, ou la plus diligente d'entre elles, à saisir le Conseil d'Etat de la licéité de l'article R 651-6 du code de commerce en ce qu'il constitue une exception aux articles L 621-43 ancien et L 622-24 nouveau du même code et renvoyé la cause et les parties à la mise en état.
Par arrêt en date du 20 mai 2011, le Conseil d'Etat a déclaré non fondée l'exception d'illégalité de l'article R 651-6 du code de commerce.
Maîtres [Y] et [J] ès qualités, par leurs dernières conclusions déposées le 12 décembre 2006, demandent à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de condamner la société RECYLEX à supporter les dettes de la SAS METALEUROP NORD à hauteur de 50 millions d'euros et au paiement de la somme de 30.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent :
- que la SA METALEUROP était dirigeante de fait de la SAS METALEUROP NORD, ainsi que cela ressort d'une part des multiples conventions dans lesquelles la SAS METALEUROP NORD a été enserrée par la SA METALEUROP à partir de 1994, conventions destinées à masquer la dépendance de la filiale par rapport à la société mère, d'autre part du recours, à partir du 1er octobre 2000, aux 'business units', entités transversales qui ont eu pour effet de rattacher les différentes fonctions au sein de la SAS aux dirigeants et aux cadres supérieurs de la SA, enfin des décisions stratégiques prises, postérieurement au 1er juillet 2002, par la société mère ;
- que cette direction de fait a dégénéré en fautes, notamment par le recours à la technique dite de 'couverture' de la parité des changes, qui a fait perdre à la SAS les chances offertes par la relative bonne tenue du dollar US, et par une externalisation de la maintenance du site, qui a suscité des arrêts de production très nombreux ;
- que ces fautes, accentuant les résultats d'exploitation négatifs, ont contribué à l'insuffisance d'actifs de la SAS et que RECYLEX doit donc supporter les dettes de sa filiale.
Monsieur le Procureur Général près la Cour d'appel de Douai, par conclusions du 20 septembre 2007, conclut à la recevabilité de l'action des liquidateurs judiciaires et à son bien-fondé et à l'infirmation du jugement entrepris. Il expose que la direction de fait par la SA METALEUROP est démontrée, nonobstant les responsabilités particulières de la SAS dans sa propre gestion, le raisonnement des premiers juges souffrant des défauts que la Cour de cassation a stigmatisé dans son arrêt du 19 avril 2005. Il invoque, au vu du rapport [G] dont il estime qu'il est devenu contradictoire par sa seule soumission à la discussion des parties, le positionnement de la SA METALEUROP à l'égard de la filiale METALEUROP NORD et retient le rôle de la société mère dans la définition des grandes orientations industrielles, la dépendance du responsable de site de [Localité 12], la délégation pure et simple d'un dirigeant salarié de la SA à la direction de la SAS, les nombreuses conventions entre la SA et la SAS sur la gestion de la trésorerie, du personnel, de la gestion interne, des questions juridiques, des approvisionnements, des ventes, des risques, de la recherche-développement, de l'informatique, de l'investissement, ainsi que le contrat d'agence commerciale, confié à un tiers de pure apparence par la SA et dépassant sensiblement les missions habituelles en la matière. Il ajoute que la gestion de la SAS par la SA a été fautive et que les fautes commises doivent conduire la société mère à supporter l'insuffisance d'actif de la filiale.
La société RECYLEX demande, par ses dernières conclusions déposées le 14 février 2008 :
- de déclarer irrecevable la demande des liquidateurs ;
- subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris ;
- en tout état de cause, de condamner Maîtres [Y] et [J] ès qualités à payer à la société RECYLEX la somme de 30.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle relève que l'expertise [G] n'est pas contradictoire, non seulement quant aux circonstances amiables de désignation, mais quant au déroulement, d'importants documents de la SA METALEUROP ayant été négligés, comme le tribunal de grande instance de Béthune l'a remarqué. Il convient donc de se référer à la seule expertise [W] et [R], ordonnée par la Cour le 2 octobre 2003, laquelle n'apporte pas la preuve d'une gestion de fait de la SAS par la SA, la jurisprudence de la Cour de cassation étant particulièrement exigeante sur cette preuve.
L'intimée demande à la Cour de ne pas isoler les éléments de fait qui lui sont soumis, mais à juger la relation d'ensemble de la filiale et de la société mère, autrement dit à évaluer un équilibre des rapports entre les deux entités. Elle invite la Cour à écarter la masse d'attestations, peu fiables, produites par les appelants, à considérer plutôt qu'à travers des réunions, des échanges de mails et de fax, des décisions collectives, METALEUROP fonctionnait tout simplement comme un groupe, à dire aussi que l'agent commercial (METALEUROP COMMERCIAL) était un véritable tiers dont l'intervention ne peut donc pas traduire une immixtion de la SA dans la SAS. Elle ajoute que la période la plus caractéristique, la seule au cours de laquelle serait né le prétendu préjudice, était celle des 'business units' (mécanisme de verticalisation des procédures et décisions, par type de produit), qui marque bien le fonctionnement en groupe et contredit l'idée d'une gestion de fait, d'autant que la SA (aujourd'hui Recylex) n'a par exemple jamais participé au 'business units' Zinc puisqu'elle n'en fabriquait pas.
Maître [S] [M] ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société RECYLEX et Maître [K] [Z] ès qualité de représentant des créanciers de la société RECYLEX, intervenants volontaires, par conclusions déposées le 12 janvier 2012, indiquent faire leurs les conclusions déposées par la société RECYLEX.
DISCUSSION
Sur la recevabilité des demandes de Maîtres [Y] et [J] ès qualités
Attendu que, par arrêt en date du 20 mai 2011, le Conseil d'Etat a déclaré non fondée l'exception d'illégalité de l'article R 651-6 du code de commerce ; qu'en effet, si l'article L 621-43 du code de commerce, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2006, prévoit l'obligation pour tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture - à l'exception des salariés - de déclarer leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire, il résulte de l'article R 651-6 du même code que, lorsque le dirigeant, contre lequel est exercée une action en condamnation à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif, se trouve lui-même soumis à une procédure collective, la décision de condamnation établissant le montant du passif mis à sa charge est portée, à la demande du mandataire de justice qui a exercé l'action, sur l'état des créances de la procédure de ce dirigeant, de sorte que ces dispositions ont pour effet d'instituer une exception à l'obligation de déclaration des créances détenues sur ce dirigeant et que l'article R 651-6 ne méconnaît pas les dispositions de l'article L 621-43 ancien ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SA METALEUROP de son exception d'irrecevabilité ;
Sur l'opposabilité du rapport d'expertise [G]
Attendu que l'expert [G], désigné par ordonnance du juge commissaire du 29 janvier 2003, a rendu son rapport le 27 février 2003 ; que le délai particulièrement bref dans lequel l'expert a conduit sa mission, inférieur à un mois, est manifestement incompatible avec le traitement au fond d'un sujet particulièrement complexe, et ce dans le strict respect du contradictoire ; que le rapport ne fait, à cet égard, état ni de contacts avec des représentants de la SA METALEUROP, ni de réunions d'expertise contradictoires associant les représentants de la société mère, ni de la transmission à ces derniers des pièces remises par les représentants de METALEUROP NORD - les seules sur lesquelles l'expert a travaillé - ni de dires de la SA METALEUROP ; que c'est donc à raison que les premiers juges ont considéré que le principe de la contradiction prescrit par l'article 276 du code de procédure civile n'avait pas été observé par l'expert et que le rapport [G] était dépourvu de la valeur probatoire attachée à une expertise judiciaire contradictoire ; que, pour autant, le rapport étant versé à la procédure et soumis à la libre discussion des parties, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur le fond
Attendu que l'article L 624-3 du code de commerce dispose que, lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que l'insuffisance d'actif de la SAS METALEUROP NORD s'établit à environ 200 millions d'euros, après réalisation de tous les actifs estimés à 20 millions d'euros ;
Attendu que Maîtres [Y] et [J] ès qualités soutiennent que la SA METALEUROP était dirigeante de fait de la SAS METALEUROP NORD ;
Attendu qu'est dirigeant de fait, toute personne physique ou morale qui, directement ou par personne interposée, exerce habituellement une activité indépendante de gestion et de direction d'une entreprise, aux lieu et place de ses représentants légaux;
Attendu que METALEUROP constitue un groupe de sociétés, notion qui implique d'une part l'existence, entre ses membres, de relations croisées prenant la forme de liens financiers étroits, de liaisons économiques privilégiées et de rapports commerciaux préférentiels, d'autre part un contrôle d'ensemble, une unité de décision et une stratégie commune impulsée par la société mère ;
Attendu qu'il convient d'analyser la question de la direction de fait par la SA METALEUROP selon trois périodes, ainsi que l'ont retenu les premiers juges et les parties : de septembre 1994 au 1er octobre 2000, du 1er octobre 2000 au 1er juillet 2002 et du 1er juillet 2002 au 28 janvier 2003, date de l'ouverture du redressement judiciaire de la SAS METALEUROP NORD ;
Sur la période de septembre 1994 au 1er octobre 2000
Attendu que les appelants soutiennent que la SA METALEUROP a enserré, dès 1994, la SAS METALEUROP NORD dans un ensemble de conventions lui ôtant tout pouvoir de décision dans les politiques de développement, d'investissement, de maintenance industrielle et dans la gestion de la trésorerie, des ventes et du système d'information ;
Mais attendu que :
- les conventions conclues entre et la société mère (contrat de prestations de services du siège du 24 septembre 1995, contrat d'agent commercial relatif aux métaux spéciaux, contrat de couverture de 'risque métal', convention de service de la holding, convention d'assistance informatique, convention relative à la recherche et au développement) ont été, à raison, analysées par les experts judiciaires [W] et [R] comme 'correspondant à un système d'organisation fréquent dans les groupes industriels' (page 94 du rapport) ;
- les mêmes experts ont observé que 'pour assurer un fonctionnement optimal du site industriel, relevaient directement de la responsabilité du directeur technique du site, c'est à dire du Président de METALEUROP NORD, sous la supervision, bien entendu, des dirigeants et cadres supérieurs de la société-mère, les fonctions ou services suivants: la production, l'hygiène, la sécurité et l'environnement, la ressources humaines, à l'exception de la carrière des cadres, le contrôle de la gestion et la comptabilité' (page 166 du rapport) ;
a) sur la fonction de production :
- les experts [W] et [R] ont relevé que cette fonction - celle de fondeur, fonction essentielle de METALEUROP NORD - a alors été assurée de façon autonome par METALEUROP NORD ('la maîtrise de cette fonction a été assurée jusqu'à la mise en place des 'business units' le 1er juillet 2001 par le directeur industriel du site devenu aussi président de la SAS lors de l'apport partiel d'actif de 1994" page 178 du rapport) et que le Président de cette dernière exerçait l'ensemble des responsabilités liées à cette mission ;
- dans le cadre de l'expertise, Monsieur [X], président de METALEUROP NORD pendant la plus grande partie de cette période, a déclaré avoir exercé ses fonctions 'avec toute la latitude voulue' ;
b) sur la maintenance :
- METALEUROP NORD disposait d'un budget annuel de 30.000.000 euros dont il n'est pas contesté que l'emploi était laissé à METALEUROP NORD ;
- les experts retiennent (page 168 du rapport) que :
- 'à partir de 1996, le responsable industriel, Monsieur [X], a fait appel à des sous-traitants locaux' ;
- 'avec l'arrivée de Monsieur [H] en 2000, METALEUROP NORD a eu recours à des contrats globaux avec trois sous-traitants : SOTRACI, CAMOON et CEGELEC NORD et EST. Ces contrats globaux vont se révéler catastrophiques. Démarrée en janvier 2000, cette politique prendra fin en juin 2002",
éléments dont il se déduit que METALEUROP NORD définissait effectivement la politique de maintenance du site ;
c) sur la comptabilité et la gestion de trésorerie
- il n'est contesté ni que METALEUROP NORD disposait d'un service comptable conséquent - d'un effectif de17 personnes, ramené à 10 - ni qu'elle établissait elle-même sa propre comptabilité ;
- si certains paiements étaient assurés par la société-mère :
* les liquidateurs admettent que, pour ces paiements, METALEUROP n'intervenait que 'd'ordre et pour compte' de ses filiales en vertu du mandat confié par ces dernières - en l'espèce, pour METALEUROP NORD, par la convention d'assistance technique et de gestion de trésorerie conclue le 12 décembre 1994 entre METALEUROP NORD et METALEUROP - ainsi que cela apparaissait sur les envois des règlements aux créanciers portant la mention 'Paiement ordonnancé par METALEUROP NORD SAS', mention ne laissant aucune incertitude sur l'entité responsable ;
* RECYLEX établit que ces paiements ne mettaient nullement en cause les prérogatives comptables de METALEUROP NORD qui :
- était informée de chaque mouvement de trésorerie d'ordre et pour compte ;
- avait en permanence accès, par le système d'information comptable et financier, à sa situation de trésorerie ;
- établissait, par son propre service comptable, les situations mensuelles du compte courant entre METALEUROP NORD et METALEUROP ;
de sorte que les appelants ne sont pas fondés à prétendre que la comptabilité et la gestion financière de METALEUROP NORD échappaient à ses dirigeants de droit ;
d) sur les gestion des approvisionnements et des ventes :
- si METALEUROP COMMERCIAL, filiale à 100 % de METALEUROP, a bénéficié de conventions conclues par les sociétés de production du groupe, comme tel a été le cas de la part de METALEUROP NORD selon conventions des 10 février 1995, 1er et 22 avril 1996,
* ce schéma s'est inscrit dans le cadre d'une politique de spécialisation des fonctions commerciales au profit d'une entité rompue aux négociations dans ce secteur d'activité, politique inhérente à la notion de groupe industriel ;
* il est démontré que METALEUROP COMMERCIAL - société distincte de METALEUROP NORD et dont l'intervention ne saurait en tout état de cause démontrer une quelconque direction de fait de METALEUROP NORD par la société mère - n'agissait que 'd'ordre et pour compte' ainsi que le mentionnent les contrats et les notifications de règlement, ce qui confirme le responsabilité de METALEUROP NORD dans la gestion des approvisionnements et des ventes ;
* RECYLEX rapporte la preuve que METALEUROP NORD a pleinement joué son rôle de mandant, la gestion des approvisionnements et des ventes n'échappant nullement à METALEUROP NORD, ainsi que cela ressort des procès-verbaux de réunions hebdomadaires de METALEUROP COMMERCIAL avec METALEUROP NORD (pièces communiquées par RECYLEX sous les numéros 94 à 111) dont les représentants donnaient régulièrement des instructions à sa mandataire fermes et précises sous le terme 'Pour action' ;
* les conventions précitées n'ont pas dépossédé de sa politique commerciale METALEUROP NORD puisque cette dernière pouvait prendre l'initiative de vendre sa production en dehors de METALEUROP COMMERCIAL, ainsi que cela ressort des contrats des 18 et 22 janvier 2002 relatifs à la fourniture de plomb et conclu par METALEUROP GMBH agissant d'ordre et pour compte de deux sociétés opérationnelles METALEUROP NORD et METALEUROP WESER GMBH ;
* les pièces versées aux débats par RECYLEX attestent de la réalité des relations directes de METALEUROP NORD avec ses clients, en particulier SOLLAC ZINC ALLIE GALVANISATION, EXIDE EUROPE, COCKERILL SAMBRE (...) - notamment sur le contenu des cahiers des charges que METALEUROP NORD, par son service Assistance Clientèle Produits, négociait, validait ou commentait et dont elle soulignait le caractère impératif - et de l'intervention de la filiale dans l'achat des matières premières et la vente des produits finis, contredisant en cela l'affirmation de Monsieur [V], directeur de la production de METALEUROP NORD ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que METALEUROP NORD n'avait pas abandonné à METALEUROP COMMERCIAL sa politique de gestion des approvisionnements et des ventes ;
e) sur la gestion du système d'information
- il ne peut être contesté que, comme le soulignent justement les experts [W] et [R], la convention d'assistance informatique liant à la société mère 'présentait un caractère tout à fait usuel au sein d'un groupe compte tenu de l'évolution rapide des technologies de l'information, la centralisation des compétences nécessaires au sein d'un groupe est fréquente et paraît légitime' ;
f) sur la politique d'investissement :
- les liquidateurs sont d'autant moins fondés à se prévaloir des conclusions de l'expert [G] pour prétendre que les dirigeants de METALEUROP NORD étaient en cette matière privés de leur pouvoir de décision, que les experts [W] et [R] concluent que 'si le responsable industriel du site devait demander une autorisation du siège pour toute demande d'investissement supérieur à 100 Keuros, il est bien évident que celle-ci s'inscrivait dans le cadre de l'enveloppe globale obtenue lors de l'établissement de son budget de l'exercice et avait vraisemblablement pour objet le contrôle de la conformité de la dépense avec le programme d'investissement, et non la discussion de l'opportunité de la dépense elle-même' (page 168 de leur rapport) ; que, la notion d'approbation n'impliquant nullement une immixtion de la société mère dans la gestion des investissements de sa filiale, c'est à raison que les premiers juges ont écarté ce moyen ;
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être sérieusement soutenu qu'au titre de la période de septembre 1994 au 1er octobre 2000, METALEUROP NORD ait vu ses organes de gestion déchargés de leurs pouvoirs de décision réel par la société-mère ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point;
Sur la période du 1er octobre 2000 au 1er juillet 2002
Attendu qu'à partir du 1er octobre 2000, le groupe METALEUROP a mis en place des unités de production, ou 'business units', organisation transversale de l'ensemble des sociétés du groupe en divisions opérationnelles ;
Attendu que les liquidateurs affirment que cette organisation a eu pour effet de concentrer les pouvoirs décisionnels entre les mains de la société mère, la fonction de production de l'unité de [Localité 12] étant rattachée à deux entités placées sous la direction de cadres supérieurs extérieurs à METALEUROP NORD ;
Attendu qu'il est constant que la mise en place des business units s'est traduite par l'organisation de la fonction de production au sein du groupe en deux lignes opérationnelles, l'une pour la ligne zinc, placée sous la direction de Monsieur [P] [U], salarié de la SA METALEUROP, l'autre pour la ligne plomb placée sous la direction de Monsieur [L], salarié de METALEUROP GMBH ;
Mais attendu que, si les business units permettent de développer des synergies entre entités d'un même groupe et de coordonner certaines unités, elles n'ont pas vocation à assurer elles-mêmes la direction et la gestion d'autres entités du groupe ; que cette seule organisation est donc insuffisante à démontrer l'existence d'une direction de fait de la société mère sur sa filiale METALEUROP NORD ; qu'en l'espèce, la mise en place des unités transversales :
- ne s'est pas, de façon avérée, traduite par une concentration des pouvoirs entre les mains de la société mère, les business units ayant logiquement vocation à bénéficier d'une réelle autonomie par rapport à la holding, et les liquidateurs n'apportant sur ce point aucun élément sur l'articulation société mère - business units ;
- n'a pas eu pour effet de faire disparaître les structures d'organisation et de gestion propres à chacune des filiales ;
- n'a remis en cause ni la responsabilité, ni l'organisation interne de la filiale METALEUROP NORD :
* dont le Président, Monsieur [X], lorsqu'il a été nommé au poste de directeur des ressources humaines de la SA METALEUROP en conservant celui de Président de METALEUROP NORD, a, à compter du 1er octobre 2000, accordé à Monsieur [E], directeur d'établissement de METALEUROP NORD, une large délégation de pouvoirs :
- incluant notamment celui de signer la correspondance, d'assurer la direction du personnel, de vendre toutes marchandises, matières premières et tous produits fabriqués, d'accepter et de passer toutes conventions y afférentes ;
- effectivement exercés par Monsieur [E] qui a lui-même indiqué, par lettre en date du 21 décembre 2002 à Messieurs [F] et [D], co-présidents de METALEUROP NORD, 'avoir exercé des pouvoirs importants' ;
* dont les organes de décision ont arrêté les choix stratégiques relevant de leur compétence ; qu'à cet égard :
- Monsieur [E], comme le retient le jugement entrepris, a indiqué aux experts [W] et [R] (pages 132 à 134 du rapport) qu'il a assumé la responsabilité des ressources humaines et celle du contrôle de gestion et de la comptabilité, hors la trésorerie avec les banques (comme cela était le cas au cours de la période précédente) et que les comités internes à la SAS se réunissaient régulièrement selon la périodicité prévue (chaque lundi, le Comité de direction sous la présidence de Monsieur [X], tous les mois le Comité Sécurité Direction, tous les deux mois le Comité Environnement, trois fois par an le Comité Pilotage Qualité) ;
- les réunions internes à METALEUROP NORD ont constitué le cadre de prises de décision à caractère stratégique, comme celle du 18 mai 2001 'Orientations pour la charge 2002 et années suivantes' relative à la politique d'approvisionnement, lors de laquelle il a été décidé d'explorer des alternatives à GLENCORE - orientation dont les liquidateurs ne contestent pas qu'elle a été suivie d'effet - ainsi que les autres réunions citées par les premiers juges (4 et 18 avril, 21 juin 2002) qui démontrent que METALEUROP NORD était le lieu de prises de décision et d'instructions à METALEUROP COMMERCIAL ;
- les procédures de 'reporting' vers METALEUROP - comptes rendus fréquents à la société mère - ne sauraient s'interpréter comme la marque d'une concentration du pouvoir, voire comme une immixion dans la gestion de la filiale, mais comme la manifestation d'un contrôle de cohérence, par une société mère très présente, des actions entreprises et des résultats obtenus par les entités du groupe ;
Que la preuve n'est pas, dans ces conditions, rapportée que la mise en place des business units se soit traduite par l'abandon de tout pouvoir de décision de METALEUROP NORD ; que la décision entreprise sera en conséquence confirmée sur ce point ;
Sur la période du 1er juillet 2002 au 28 janvier 2003
Attendu qu'il n'est pas contesté que, comme l'observent les experts [W] et [R], l'organisation en business units a été abandonnée à partir du 1er juillet 2002 et que le groupe est revenu à une direction opérationnelle par site ;
Attendu que, si Monsieur [U] a été nommé le 1er juillet 2002 en qualité de Président de METALEUROP NORD, révoqué, remplacé le 1er octobre 2002 par Messieurs [F] et [A] en qualité de co-présidents de METALEUROP NORD, la direction de fait ne saurait se déduire de la seule succession accélérée, au cours de cette période, des dirigeants de METALEUROP NORD ; que le mode de relations initial (antérieur aux business units) de METALEUROP NORD avec la société mère a été rétabli ; que METALEUROP NORD a alors conservé l'intégralité de ses structures d'organisation et de gestion ;
Qu'en ce qui concerne Monsieur [U], les experts [W] et [R] ne sont pas fondés à conclure que '[P] [U] n'a pas exercé ses fonctions de responsable de production puisqu'à l'issue de ses travaux pour la conception d'un plan de sauvegarde du site, il a rapidement été révoqué', alors que :
* aux termes du procès-verbal de décision des associés de METALEUROP NORD du 1er juillet 2002, a été 'investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances dans l'intérêt de la société' et, selon le rapport [W] et [R] (page 175 du rapport), 'avec pour mission opérationnelle d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi' ;
* c'est le groupe de travail animé au sein de METALEUROP NORD par Monsieur [U] et Monsieur [U] lui-même qui ont proposé, le 9 juillet 2002, parmi les quatre scenarii possibles, l'option stratégique d'une orientation de la fonderie de zinc vers le recyclage (page 175 du rapport [W] et [R]) ;
* les liquidateurs ne contestent pas que c'est en raison du désaccord de METALEUROP sur les propositions présentées que Monsieur [U] a été révoqué, ce qui démontre l'autonomie de METALEUROP NORD dans la formulation de ses propositions ;
Qu'en ce qui concerne Monsieur [F], celui-ci s'est également inscrit dans une démarche d'autonomie par rapport à la société mère (le rapport [W] et [R] indique à cet égard qu'il s'est fixé comme objectif de 'construire une organisation autonome capable d'acheter et de vendre des produits marchands' - page 176 du rapport) ; que les travaux conduits durant cette période l'ont été par METALEUROP NORD : le projet de plan de sauvegarde de l'emploi de METALEUROP NORD du 25 octobre 2002, la mission d'assistance du Comité d'entreprise de METALEUROP NORD conduite par le cabinet d'expertise comptable SECALFI ALPHA dont le rapport d'étape du 22 novembre 2002 établit qu'elle n'a été conduite qu'avec les dirigeants de METALEUROP NORD, et non de la société mère, et que le pilotage du projet était placé sous la responsabilité du Président de METALEUROP NORD (page 16 du rapport du 22 novembre 2002) ; que, si Monsieur [F] a affirmé, en termes très généraux et non circonstanciés, que 'toutes les décisions stratégiques étaient données oralement par Monsieur [T] (METALEUROP)' - instructions orales qui ne sont nullement prouvées - tel n'est pourtant le sens ni de la note d'information aux cadres de METALEUROP NORD qu'il a signée le 10 octobre 2002 et dans laquelle il fait état des décisions qu'il a arrêtées au nom de METALEUROP NORD ('J'ai décidé qu'à partir d'aujourd'hui, vous serez informés chaque semaine des événements nouveaux concernant le plan de restructuration (...) J'ai recréé un comité de direction (...) Vous serez informés des décisions prises' (pièce n°189 produite par RECYLEX), ni du courriel de Monsieur [F] en date du 22 novembre 2002 ('J'ai décidé de créer une équipe ayant pour mission de réduire les coûts de METALEUROP NORD d'un montant de dix millions d'euros' (pièce n° 150 produite par RECYLEX), documents dont il ressort que Monsieur [F] prenait les décisions lui incombant et exerçait effectivement ses prérogatives ; que, de même, l'exercice par METALEUROP NORD de ses pleines responsabilités est confirmée par le rapport d'alerte des commissaires aux comptes de cette société en date du 11 décembre 2002 qui impute à la Présidence de METALEUROP NORD la paternité du processus de restructuration ;
Que les organes de direction de METALEUROP NORD ont, durant cette période, pris les décisions relevant de leurs compétences, notamment sur le plan stratégique, ainsi que cela résulte :
- des ordres du jour des 16 septembre, 23 octobre, 5 novembre 2002 et 7 janvier 2003 (pièces 52 et 56 à 58 produites par RECYLEX) du Comité de direction au sein duquel ne siégeaient en principe - à l'exception de Monsieur [B], représentant de METALEUROP COMMERCIAL, et de Monsieur [O], directeur de la communication du groupe - que des cadres de METALEUROP NORD ;
- des courriels versés aux débats (pièces n° 18, 23, 25, 26, 30, 32, 34, 38 produites par RECYLEX) qui établissent que non seulement METALEUROP NORD maîtrisait sa politique d'approvisionnement, mais communiquait des instructions à METALEUROP COMMERCIAL ;
Attendu que, la preuve d'une direction de fait de la SAS METALEUROP NORD par la SA METALEUROP n'étant pas rapportée, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'existence d'une quelconque faute de gestion, il convient de confirmer le jugement entrepris ;
Attendu que l'équité commande de condamner in solidum Maîtres [Y] et [J] ès qualités à payer à RECYLEX la somme de 8.000,00 euros au titre des frais hors dépens exposés en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris,
Condamne in solidum Maîtres [Y] et [J] ès qualités à payer à la SA RECYLEX la somme de 8.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne in solidum Maîtres [Y] et [J] ès qualités aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
Marguerite Marie HAINAUTPatrick BIROLLEAU