LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 14 et 658 du code de procédure civile et L. 641-15, alinéa 2, du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir été mise en redressement judiciaire, la SCI de l'Aubradou (la société) a bénéficié, par un jugement du 26 novembre 2009, d'un plan de redressement par voie de continuation ; que le commissaire à l'exécution du plan a, le 12 mai 2011, demandé la résolution de celui-ci, pour inexécution des engagements ; que le 29 juillet 2011, le tribunal a prononcé la résolution du plan et ouvert la liquidation judiciaire de la société ; que l'instance d'appel, interrompue du fait de la cessation de fonctions de l'avoué de la société à la fin de l'année 2011, a été reprise, le 18 janvier 2012, sur assignation du liquidateur ;
Attendu que pour rejeter la demande de renvoi des débats et en conséquence rejeter la demande d'annulation du jugement de première instance, prononcer la résolution du plan de redressement de la société et la placer en liquidation judiciaire, l'arrêt retient que l'assignation en reprise d'instance a été régulièrement notifiée en l'étude de l'huissier de justice, aucune personne n'ayant été trouvée au siège de la société, et que la société, qui a conclu au soutien de son recours, a fait le choix de ne pas constituer avocat pour soutenir oralement ses écritures ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la lettre adressée par l'huissier de justice contenant une copie de l'assignation avait été restituée à la société afin de la mettre en mesure de se défendre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour la société Immobilière de l'Aubradou
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la SCI Immobilière de l'Aubradou tendant au renvoi des débats afin de lui permettre d'organiser sa défense et d'avoir, en conséquence, rejeté la demande d'annulation du jugement de première instance, d'avoir prononcé la résolution du plan de redressement de la SCI Immobilière de l'Aubradou et d'avoir placé cette dernière en liquidation judiciaire ;
Aux motifs que « l'avoué de la SCI de l'Aubradou ayant cessé ses fonctions au 31 décembre 2011, Me Marc X..., ès qualités, a assigné l'appelant en reprise d'instance (¿) ; qu'à la suite de cette assignation en reprise d'instance, la SCI de l'Aubradou, tout en indiquant avoir fait choix de ne pas constituer dans l'immédiat un nouvel avocat, a sollicité le 7 juin 2012, une remise de la date d'audience au motif qu'elle n'aurait pas été destinataire de la lettre simple prévue à l'article 658 du code de procédure civile, Me Marc X... ne la lui ayant pas restituée en application de l'article L. 614-15 du code de commerce, mais il a été passé outre à cette demande de remise de date des débats dès lors que la SCI de L'Aubradou n'a pas constitué avocat pour la soutenir (¿) ; que l'assignation en reprise d'instance lui ayant été régulièrement délivrée en l'étude de l'huissier, personne n'ayant été trouvé au siège de la SCI de L'Aubradou qui a conclu au soutien de son recours, a délibérément fait choix de ne pas constituer avocat pour soutenir oralement ses écritures, de sorte qu'il a été passé outre à sa demande de remise de la date des débats qui a été présentée par lettre de son conseil » ;
Alors 1°) que lorsqu'une signification est faite à domicile, le principe du respect des droits de la défense s'oppose à ce que la lettre comportant la copie de l'acte signifié soit adressée par l'huissier à celui qui l'a requis de signifier cet acte ; qu'en ayant jugé que l'assignation avait été régulièrement délivrée au débiteur sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si la lettre comportant la copie de l'assignation délivrée à l'initiative de Me X... n'avait pas été adressée à ce dernier, auquel était réexpédié le courrier de la SCI Immobilière de l'Aubradou en vertu d'une ordonnance du juge-commissaire du 31 août 2011, en sorte que le débiteur, qui n'avait pas été avisé de la date d'audience, n'avait pu organiser efficacement sa défense, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 14 et 658 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que lorsque le juge-commissaire a ordonné que le liquidateur soit le destinataire du courrier adressé au débiteur, le liquidateur doit immédiatement restituer à ce dernier toute convocation devant une juridiction ou tout autre courrier ayant un caractère personnel ; qu'il appartient au liquidateur de prouver qu'il a effectivement remis au débiteur le courrier ayant un caractère personnel ; qu'en s'étant bornée à affirmer que l'assignation en reprise d'instance de Me X... avait été régulièrement délivrée au débiteur en l'étude d'huissier sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si Me X... avait restitué à la SCI Immobilière de l'Aubradou la lettre prévue par l'article 658 du code de procédure civile l'informant de l'assignation afin de lui permettre d'organiser sa défense de manière effective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article L. 641-15 du code de commerce ;
Alors 3°) qu'en ayant retenu d'une part que la SCI Immobilière de L'Aubradou avait fait choix de ne pas constituer avocat et, d'autre part, que son conseil avait demandé le renvoi des débats, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 4°) que la constitution de l'avocat peut intervenir par voie de conclusions notifiées dans la forme des notifications entre avocats ; qu'en ayant retenu que la SCI Immobilière de l'Aubradou n'avait pas constitué avocat, quand les conclusions régulièrement signifiées par Me Reche le 7 juin 2012 valaient constitution, la cour d'appel a violé les articles 814 et 899 du code de procédure civile ;
Alors 5°) que la cour d'appel, tenue de statuer sur les dernières conclusions des parties, ne peut se prononcer au visa de conclusions antérieures aux dernières conclusions ; qu'en s'étant prononcée au visa des conclusions déposées par la SCI Immobilière de l'Aubradou le 7 décembre 2011, qualifiées par elle de dernières, quand l'appelante avait déposé ses dernières conclusions le 7 juin 2012, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation du jugement de première instance et d'avoir, en conséquence, prononcé la résolution du plan de redressement de la SCI Immobilière de l'Aubradou, constaté l'état de cessation des paiements et placé cette dernière en liquidation judiciaire ;
Aux motifs que « à l'appui de son appel-nullité, la SCI de L'Aubradou fait valoir que le tribunal a été saisi à la requête du commissaire à l'exécution du plan en vue de la résolution du plan pour défaut de paiement des dividendes, c'est-à-dire pour inexécution de ses engagements et non en raison de l'apparition d'un nouvel état de cessation des paiements, de sorte que n'ayant pas été convoqué par acte d'huissier à la suite de la décision de saisine d'office du tribunal pour voir statuer sur la cessation des paiements, convocation à laquelle il ne pouvait être suppléé par un débat contradictoire, les premiers juges auraient violé les dispositions des articles R. 626-48 et R. 631-3 du code de commerce leur imposant des modalité renforcées de convocation et d'information du débiteur, eu égard à la gravité de sa comparution à une audience au cours de laquelle il serait débattu de la conversion en liquidation judiciaire ; qu'ayant été régulièrement saisi par la citation à comparaître délivrée à la requête de Maître Marc X..., ès qualités, notamment pour non-paiement des dividendes mensuels et annuels, dès lors qu'il est apparu au cours des débats que ce non-respect des engagements souscrits traduisait un état de cessation des paiements, le tribunal, qui n'était pas tenu d'initier une procédure distincte, n'a commis aucun excès de pouvoir, lorsque, tirant les conséquences de sa constatation, il a recueilli l'avis du ministère public et a mis la SCI de L'Aubradou en mesure de discuter contradictoirement tant de la réalité de l'état de cessation des paiements que de la liquidation judiciaire encourue de ce fait » ;
Alors que si en vertu des dispositions des articles L. 626-27 et R. 631-24 du code de commerce, le tribunal dispose, à tout moment de la période d'observation, du pouvoir de se saisir d'office aux fins de prononcer la liquidation judiciaire du débiteur, il lui appartient, en vertu de l'article R. 631-3 du même code, de faire convoquer le débiteur à la diligence du greffier, par acte d'huissier de justice, à comparaître dans le délai qu'il fixe ; qu'à la convocation doit être jointe une note par laquelle le président du tribunal expose les faits de nature à motiver la saisine d'office ; qu'après avoir relevé que le commissaire à l'exécution du plan avait fait assigner la SCI Immobilière de L'Aubradou à la seule fin de voir prononcer la résolution du plan en raison de l'inexécution de ses engagements par le débiteur, la cour d'appel, qui a jugé que le tribunal, qui s'était saisi d'office de la liquidation judiciaire du débiteur, n'était pas tenu de respecter les formalités de convocation de l'article R. 631-3 dès lors que la SCI Immobilière de l'Aubradou avait été mise en mesure de discuter contradictoirement de la réalité de l'état de cessation des paiements et de la liquidation judiciaire, a violé les articles L. 626-27, R. 631-3, R. 631-24 alinéa 1er du code de commerce, ensemble l'article 16 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résolution du plan de redressement de la SCI Immobilière de l'Aubradou, d'avoir constaté l'état de cessation des paiements de celle-ci et de l'avoir placée en liquidation judiciaire ;
Aux motifs que « la SCI de l'Aubradou, dont les seules ressources proviennent de l'exploitation d'un parc locatif de 120 logements répartis en 9 immeubles, lequel devait faire face à un programme de réhabilitation, présentait à l'issue de la période d'observation un résultat d'exploitation négatif de 8 452 euros, malgré une trésorerie positive qui s'établissait, au 27 avril 2009, après rapprochements bancaires, à 25 311,15 euros, laquelle trésorerie permettait de faire face aux charges courantes (¿) ; que la crédibilité du plan passant par la poursuite du programme de réhabilitation des immeubles, les associés de la SCI de l'Aubradou s'étaient irrévocablement engagées à apporter en compte courant une somme de 30 000 euros dès l'adoption du plan, puis 8 000 euros par an entre 2010 et 2018, ainsi qu'à faire un apport en numéraire de 73 447 euros en 2010, de 66 341 euros en 2011 et de 25 380 euros en 2012 ; que si la SCI de l'Aubradou a payé conformément au plan le montant de la créance super privilégiée de l'UNEDIC à laquelle sa trésorerie lui permettait de faire face, elle n'a tenu aucun de ses autres engagements, les associés s'étant abstenus d'effectuer les apports nécessaires à la réalisation des travaux de réhabilitation du parc immobilier, et la SCI de l'Aubradou n'ayant versé aucune somme au titre des échéances mensuelles et annuelles fixées par le plan, même pas celles qu'elle reconnaît devoir au titre du passif définitivement admis, eu égard à la rédaction du jugement arrêtant le plan ; qu'il s'ensuit que (¿) le non-respect de ces obligations justifie à lui seul la révocation du plan ; que le seul actif disponible dont la SCI de L'Aubradou peut se prévaloir consiste dans le montant des loyers versés sur son compte bancaire qui lui permettent de faire face à ses seules charges courantes et qui lui ont permis de dégager au mieux, en mai 2011, un solde créditeur qui a varié entre 5 951,99 euros au 1er décembre 2010 et 19 245,63 euros au 31 mai 2011, montant qui ne lui permet pas de faire face aux échéances du plan dont elle se reconnaît redevable (¿), de sorte qu'elle se trouvait bien en état de cessation des paiements à la date du 12 avril 2011 retenue par le tribunal ; que cet état de cessation des paiements est d'autant plus caractérisé à la date des débats devant la cour qu'après le jugement du tribunal de grande instance de Dijon en date du 4 juillet 2011, la société Banque Populaire de Bourgogne Franche Comté, déchue du droit aux intérêts du prêt régularisé par acte authentique du 30 janvier 2004, demeure titulaire d'une créance exigible de 946 707,88 euros après déduction des intérêts dont elle devait restitution en exécution de ce jugement ; que les perspectives de redressement déjà limitées à la date de l'adoption du plan impliquaient les apports de restructuration auxquelles les associés s'étaient engagés ; qu'il s'ensuit que le tribunal en a exactement déduit que les perspectives de redressement étaient irrémédiablement compromises et qu'il convenait de prononcer la liquidation judiciaire de la société » ;
Alors que 1°) pour prononcer la liquidation judiciaire du débiteur concomitamment à la résolution du plan, le juge doit caractériser l'état de cessation des paiements du débiteur au cours de l'exécution du plan, ce qui ne résulte pas de la seule inexécution des engagements du plan par le débiteur ; qu'en ayant retenu, pour confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté l'état de cessation des paiements de la SCI Immobilière de l'Aubradou au 12 avril 2011, que cette dernière était dans l'incapacité de faire face aux échéances mensuelles du plan avec son actif disponible, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 626-27-I du code de commerce et L. 631-20-1 du même code ;
Alors que 2°) pour prononcer la liquidation judiciaire du débiteur concomitamment à la résolution du plan, le juge doit caractériser l'état de cessation des paiements du débiteur au cours de l'exécution du plan ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la SCI Immobilière de l'Aubradou n'avait pas versé, entre le mois d'août 2011 et le mois d'avril 2012, la totalité des dividendes dus en vertu du plan entre les mains de Me X..., en sorte que l'état de cessation des paiements au cours de l'exécution du plan n'était pas caractérisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 626-27-I du code de commerce et L. 631-20-1 du même code ;
Alors que 3°) pour prononcer la liquidation judiciaire du débiteur concomitamment à la résolution du plan, la cour d'appel doit caractériser l'état de cessation des paiements du débiteur non seulement au cours de l'exécution du plan, mais aussi au jour où elle statue ; qu'en ayant retenu, pour confirmer l'état de cessation des paiements de la SCI Immobilière de l'Aubradou, que la Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté demeurait titulaire d'une créance exigible de 946.707,88 euros, sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si au jour où elle statuait, la SCI Immobilière de l'Aubradou n'avait pas réglé toutes les échéances du prêt consenti par la Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté, qui avaient été intégrées dans le plan de redressement, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 626-27-I du code de commerce et L. 631-20-1 du même code ;
Alors que 4°) la résolution du plan suppose un manquement du débiteur à ses engagements ; qu'en ayant retenu, pour ordonner la résolution du plan de redressement, que la SCI Immobilière de l'Aubradou n'avait versé aucune somme au titre des échéances mensuelles et annuelles fixées par le plan sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si celle-ci n'avait pas versé, entre le mois d'août 2011 et le mois d'avril 2012, la totalité des dividendes dus en vertu du plan entre les mains de Me X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 626-27-I du code de commerce.