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14/11/2013 | FRANCE | N°12-87614

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 novembre 2013, 12-87614


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- L'administration fiscale, partie civile,- Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 16 octobre 2012, qui a renvoyé M. Dominique X... des fins de la poursuite du chef de fraude fiscale et a débouté l'administration fiscale de ses demandes ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 octobre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à

l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- L'administration fiscale, partie civile,- Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 16 octobre 2012, qui a renvoyé M. Dominique X... des fins de la poursuite du chef de fraude fiscale et a débouté l'administration fiscale de ses demandes ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 octobre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, Mme Ract-Madoux, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de Me FOUSSARD, de Me SPINOSI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général, pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour l'administration fiscale, pris de la violation des articles 1741 du code général des impôts, ainsi que des articles 269-2-c) et 77 de l'annexe III du même code, des articles L. 227 et L. 232 du livre des procédures fiscales, 121-3 du code pénal et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé M. X... du chef de fraude fiscale à raison du dépôt de déclarations de TVA inexactes ;
"aux motifs tout d'abord que, sur l'élément matériel de la fraude, l'article 1741 du code général des impôts dispose qu'est punissable quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manoeuvres au recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse ; que les débats ont permis de préciser que l'infraction reprochée, sans lien avec Tech Emballage, consistait pour Tech Logistics dans l'inscription tardive de la TVA exigible sur les imprimés CA3/CA4, alors même que la constatation de la facturation et de la TVA collectée dans la comptabilité de la société était régulièrement effectuée ; qu'il n'a, par ailleurs, pas été contesté par le prévenu que les factures de la société faisaient apparaître la mention « TVA payée sur les débits », ce qui, même en l'absence d'option explicite à cet effet, rendait la taxe exigible dès sa facturation puisqu'elle donnait naissance au droit à déduction chez ses clients ; qu'enfin, M. X... ne peut se retrancher sérieusement derrière une prétendue autorisation ou tolérance, au demeurant non démontrée, obtenu lors d'un précédent contrôle fiscal, pour considérer que la TVA serait due lors des encaissements, a fortiori en forfaitant ceux-ci à 90 jours ainsi qu'il semble résulter de certaines de ses déclarations ; qu'en conséquence, et alors même qu'il n'est pas reproché de dissimulation des produits taxables, de passation d'écritures inexactes ou d'autres agissements frauduleux, le décalage dans le temps apporté à la déclaration de TVA exigible est établi et est constitutif de l'élément matériel de l'infraction ;
"et aux motifs encore que, sur l'élément intentionnel, la fraude fiscale est un délit pénal obéissant aux règles générales du droit pénal en particulier, elle n'est punissable que si elle se nourrit de l'intention d'éluder des obligations fiscales ; que l'article L. 227 du livre des procédures fiscales rappelle qu'au cas de poursuites pénales tendant à l'application des articles 1741 et 1743 du code général des impôts, le ministère public et l'administration doivent apporter la preuve du caractère intentionnel de la soustraction ou de la tentative de se soustraire à l'établissement et au paiement des impôts mentionnés par ces articles ; qu'en l'espèce, il est ressorti des débats que les irrégularités dans la séquence chronologique des factures, un temps évoquées par l'administration sans d'ailleurs qu'aucune précision factuelle ne soit donnée à ce propos, et l'absence de mention. explicite d'une date de clôture au vérificateur, étaient des manquements purement formels qui n'entachaient pas le caractère sincère et régulier de la comptabilité présentée ; que si un doute a pu apparaître en cours de contrôle à cet égard, en raison de retards de fourniture de documents et de discordances initiales entre les fichiers informatiques et la comptabilité papier, l'administration a elle-même conclu qu'aucune anomalie n'existait, les différences s'expliquant par l'omission du champ « avoir ou factures » par le prestataire informatique ; qu'ainsi, la cour relève que selon les même de l'administration « la TVA facturée auprès des clients de la société a été reconstituée par le service à partir des documents comptables et des pièces justificatives présentées en cours de contrôle par le gérant » ; qu'il est également noté que « la comptabilité de la société retraçait avec exactitude le montant des opérations taxables et comportait l'inscription au passif du bilan de la dette de TVA» ; que toutefois, la situation n'est en rien comparable avec l'espèce citée dans les conclusions de la partie civile (Cass. Crim., n° 06-80.818 du 27 septembre 2006), espèce dans laquelle l'inscription de la dette de TVA au passif du bilan de la société était rapprochée d'une longue suite de déclarations « néant » par le contribuable, démontrant que celui-ci avait nécessairement conscience de n'avoir pas rempli ses obligations fiscales et qu'il ne pouvait, en conséquence, s'agir d'une erreur de sa part ; qu'un tel rapprochement n'était ici nullement possible ; qu'enfin, le caractère intentionnel ne saurait se déduire à l'évidence de « l'importance des dissimulations », celle-ci étant arithmétiquement déterminée par le taux de TVA et le décalage temporel existant entre débits et encaissements ; qu'en conclusion, et quels qu'aient pu être par ailleurs les errements du prévenu en matière de gestion de sociétés tels qu'ils ressortent de son casier judiciaire, aucune démonstration n'est apportée quant au caractère intentionnel de l'infraction reprochée, tant par l'administration fiscale que lors de l'enquête de police effectuée ; qu'il y a donc lieu, après prise en considération des pièces complémentaires versées à la procédure et des débats, de confirmer la décision prise par le jugement déféré et renvoyant M. X... des fins de la poursuite ;
"alors que l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale, prenant la forme d'inexactitudes affectant les déclarations déposées, s'entend de la conscience qu'a eu l'agent, lors du dépôt des déclarations, de ce que les chiffres portées à la connaissance de l'administration, en vue de l'établissement et du paiement de la TVA ne coïncidaient pas avec l'activité de l'entreprise au cours des mois concernés par les déclarations déposées ; qu'en énonçant en l'espèce que l'élément intentionnel devait s'entendre « de l'intention d'éluder les obligations fiscales », quand il suffisait que l'auteur des déclarations ait conscience de ce que les chiffres qui y étaient portés ne correspondaient pas à l'activité de l'entreprise, telle qu'elle résultait notamment de la comptabilité, les juges du fond, qui se sont mépris sur la définition de l'élément intentionnel, ont violé les textes susvisés" ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour l'administration fiscale, pris de la violation des articles 1741 du code général des impôts, ainsi que des articles 269-2-c) et 77 de l'annexe III du même code, des articles L. 227 et L. 232 du livre des procédures fiscales, 121-3 du code pénal et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé M. X... du chef de fraude fiscale à raison du dépôt de déclarations de TVA inexactes ;
"aux motifs tout d'abord que sur l'élément matériel de la fraude, l'article 1741 du code général des impôts dispose qu'est punissable quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manoeuvres au recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse ; que les débats ont permis de préciser que l'infraction reprochée, sans lien avec Tech Emballage, consistait pour Tech Logistics dans l'inscription tardive de la TVA exigible sur les imprimés CA 3/CA4, alors même que la constatation de la facturation et de la TVA collectée dans la comptabilité de la société était régulièrement effectuée ; qu'il n'a, par ailleurs, pas été contesté par le prévenu que les factures de la société faisaient apparaître la mention « TVA payée sur les débits », ce qui, même en l'absence d'option explicite à cet effet, rendait la taxe exigible dès sa facturation puisqu'elle donnait naissance au droit à déduction chez ses clients ; qu'enfin, M. X... ne peut se retrancher sérieusement derrière une prétendue autorisation ou tolérance, au demeurant non démontrée, obtenu lors d'un précédent contrôle fiscal, pour considérer que la TVA serait due lors des encaissements, a fortiori en forfaitant ceux-ci à 90 jours ainsi qu'il semble résulter de certaines de ses déclarations ; qu'en conséquence, et alors même qu'il n'est pas reproché de dissimulation des produits taxables, de passation d'écritures inexactes ou d'autres agissements frauduleux, le décalage dans le temps apporté à la déclaration de TVA exigible est établi et est constitutif de l'élément matériel de l'infraction ;
"et aux motifs encore que sur l'élément intentionnel, la fraude fiscale est un délit pénal obéissant aux règles générales du droit pénal en particulier, elle n'est punissable que si elle se nourrit de l'intention d'éluder des obligations fiscales ; que l'article L. 227 du livre des procédures fiscales rappelle qu'au cas de poursuites pénales tendant à l'application des articles 1741 et 1743 du code général des impôts, le ministère public et l'administration doivent apporter la preuve du caractère intentionnel de la soustraction ou de la tentative de se soustraire à l'établissement et au paiement des impôts mentionnés par ces articles ; qu'en l'espèce, il est ressorti des débats que les irrégularités dans la séquence chronologique des factures, un temps évoquées par l'administration sans d'ailleurs qu'aucune précision factuelle ne soit donnée à ce propos, et l'absence de mention. explicite d'une date de clôture au vérificateur, étaient des manquements purement formels qui n'entachaient pas le caractère sincère et régulier de la comptabilité présentée ; que si un doute a pu apparaître en cours de contrôle à cet égard, en raison de retards de fourniture de documents et de discordances initiales entre les fichiers informatiques et la comptabilité papier, l'administration a elle-même conclu qu'aucune anomalie n'existait, les différences s'expliquant par l'omission du champ « avoir ou factures » par le prestataire informatique ; qu'ainsi, la cour relève que selon les même de l'administration « la TVA facturée auprès des clients de la société a été reconstituée par le service à partir des documents comptables et des pièces justificatives présentées en cours de contrôle par le gérant » ; qu'il est également noté que « la comptabilité de la société retraçait avec exactitude le montant des opérations taxables et comportait l'inscription au passif du bilan de la dette de TVA» ; que toutefois, la situation n'est en rien comparable avec l'espèce citée dans les conclusions de la partie civile (Cass. Crim N° 06-80.818 du 27 septembre 2006), espèce dans laquelle l'inscription de la dette de TVA au passif du bilan de la société était rapprochée d'une longue suite de déclarations « néant » par le contribuable, démontrant que celui-ci avait nécessairement conscience de n'avoir pas rempli ses obligations fiscales et qu'il ne pouvait en conséquence s'agir d'une erreur de sa part ; qu'un tel rapprochement n'était ici nullement possible ; qu'enfin, le caractère intentionnel ne saurait se déduire à 11 évidence de « l'importance des dissimulations », celle-ci étant arithmétiquement déterminée par le taux de TVA et le décalage temporel existant entre débits et encaissements ; qu'en conclusion, et quels qu'aient pu être par ailleurs les errements du prévenu en matière de gestion de sociétés tels qu'ils ressortent de son casier judiciaire, aucune démonstration n'est apportée quant au caractère intentionnel de l'infraction reprochée, tant par l'administration fiscale que lors de l'enquête de police effectuée ; qu'il y a donc lieu, après prise en considération des pièces complémentaires versées à la procédure et des débats, de confirmer la décision prise par le jugement déféré et renvoyant M. X... des fins de la poursuite ;
"1) alors que, appelés à se prononcer sur le point de savoir si le prévenu n'avait pas conscience de ce que les chiffres portés sur les déclarations ne coïncidaient pas avec le niveau de l'activité de l'entreprise, tel qu'il résultait des chiffres portés en comptabilité, les juges du fond ne pouvaient se borner à constater que la situation de l'espèce n'était pas comparable avec la situation ayant donné lieu à l'arrêt du 27 septembre 2006 (pourvoi n° 06-80.818) ; qu'il leur appartenait de rechercher, eu égard aux circonstances de l'espèce, et notamment de l'importance des créances inscrites en comptabilité, et de la répétition de ces inscriptions, si le prévenu n'avait pas conscience des inexactitudes affectant les déclarations ;
"2) alors que, et en tout cas, comme ils y étaient invités, les juges du fond se devaient de rechercher en procédant à un examen groupé de ces différents indices si, la discordance entre les chiffres d'affaires figurant en comptabilité et les chiffres d'affaires déclarés avec inscription en comptabilité de créances au profit du Trésor, le caractère systématique de ce phénomène, l'importance de la discordance atteignant, au cours de la première année d'exercice, 88 % du chiffre d'affaires, outre l'expérience que le prévenu avait de la direction d'une société, et de la manière dont les déclarations devaient être remplies, ne révélaient pas, rapprochés les uns des autres, la conscience du prévenu de l'inexactitude des déclarations, qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 593 du code de procédure pénale et 1741 du code général des impôts ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X... est poursuivi, en sa qualité de gérant de la société Tech logistique ayant une activité de transport routier de marchandises, pour avoir frauduleusement soustrait cette société à l'établissement et au paiement partiels de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) due au titre de la période du 1er décembre 2004 au 31 mars 2006 en déposant des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires minorées, alors que les factures émises et la TVA collectée durant la même période ont été enregistrées dans les comptes annuels ;
Attendu que, pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite du chef de fraude fiscale, l'arrêt, après avoir constaté que l'élément matériel de l'infraction était constitué et que la comptabilité "retraçait avec exactitude le montant des opérations taxables et comportait l'inscription au passif du bilan de la dette de TVA", retient que n'est apportée aucune démonstration du caractère intentionnel de l'infraction ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations, d'où il résulte que, dès lors qu'il a enregistré en comptabilité les sommes dues au titre de la TVA, le prévenu a eu conscience de l'inexactitude des déclarations faites à l'administration fiscale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 16 octobre 2012, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de M. X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze novembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-87614
Date de la décision : 14/11/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 16 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 nov. 2013, pourvoi n°12-87614


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Foussard, Me Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.87614
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