LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Gwénaël X..., - M. Robert Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, chambre correctionnelle, en date du 15 mars 2012, qui a condamné le premier, pour présentation de comptes annuels infidèles et banqueroute, à 15 000 euros d'amende et a débouté le second de ses demandes après relaxe de M. Raymond Z... des mêmes chefs ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 octobre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, Mme Ract-Madoux, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de Me SPINOSI et de la société civile professionnelle DE CHAISEMARTIN et COURJON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles L. 241-3-3, L. 242-6-2 du code de commerce, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de présentation de comptes annuels inexacts et l'a condamné, en répression, à une amende de 15 000 euros ;
" aux motifs qu'il est constant que M. Y...a transmis à la SARL X...
Z... une facture datée du 2 décembre 1999 correspondant à 183 006, 54 francs de commissions ; que cette facture a été portée à la connaissance de M. X... pour avoir été en sa possession et qu'il a « demandé à la comptable (de la société Mlle De B...) de ne pas honorer la facture d'honoraires de M. Y...parce que cette facture était injustifiée » ; que Mme de B..., secrétaire au sein de la SARL X...
Z..., a indiqué sur commission rogatoire avoir eu connaissance en mars 2000 de la demande judiciaire d'indemnisation de M. Y...et avoir également vu « passer une facture de commissions dues à M. Y...et que M. X... ne voulait pas honorer (..) pour 180 KF (..) le fait que M. X... n'ait pas voulu lui régler cette somme a motivé M. Y...à introduire une demande d'indemnités par voie judiciaire. M. X... (..) savait qu'il aurait à régler cette somme mais le plus tard serait le mieux » ; qu'elle précisait que « M. X... avait gardé par devers lui cette facture et de ce fait je ne pouvais pas la saisir » ; que M. Gilbert C..., expert-comptable de la société travaillant au cabinet CECA Océane, indiquait sur commission rogatoire n'avoir été mis au courant du litige opposant la SARL X...
Z... et M. Robert Y..., qu'à la suite de la condamnation de la société par le tribunal de grande instance de Lorient, le 4 juillet 2001, ajoutant n'avoir eu communication d'aucune facture relative au litige opposant la société à M. Robert Y...; qu'il précisait sur ce point « c'est eux qui enregistraient les factures mais comme la facture n'a pas été enregistré je ne pouvais pas être au courant » ; qu'il ajoutait que s'il avait été mis au fait des prétentions indemnitaires de M. Y..., « nous aurions provisionné la partie justifiée de cette demande, en l'occurrence les 183 KF et les 170 KF visés ci-dessus, cela à la lecture et à l'analyse de la demande d'indemnisation de M. Y...(¿) En provisionnant cette somme de 353 KF Mrs X... et Z... auraient été obligés de convoquer une AGE pour le 30 juin 2001 et soit de s'engager sur leurs biens personnels ou de cesser l'activité » ; que M. E..., président de l'ordre des experts-comptables du conseil régional de Bretagne, entendu sur commission rogatoire, faisait valoir en application des règles relatives à la réglementation comptable concernant l'établissement d'une provision pour risques et charges, la nécessité de provisionner au bilan de l'année concernée par le litige les sommes pour le risque encouru par la mise en oeuvre de la responsabilité de l'entreprise, et ce, au titre du principe de prudence ; qu'en ce qui concerne le litige entre la SARL X...
Z... et M. Y..., M. E...répondait : « les arriérés de commission doivent faire l'objet d'une provision dans la mesure où ils résultent d'un contrat signé entre les parties et dont les montants étaient acquis à la date de clôture... en ce qui concerne l'indemnité de préavis, c ¿ est une question d'appréciation.. Pour les indemnités de clientèle, il faut se référer au contrat.. » ; qu'il apparaît ainsi de la réglementation comptable, et ce quelle que soit l'analyse qu'en fait M. D...sollicité en l'espèce par le prévenu, que la facture du 2 décembre 1999 devait être enregistrée en application notamment des dispositions de l'article L. 123-20 (reprenant celles de l'article 14 ancien) du code du commerce, même si elle était contestée et qu'au minimum la somme de 183 KF correspondant au solde de commissions sur les ventes réalisées dues en vertu des dispositions contractuelles devait, sans conteste, être provisionnée au bilan arrêté au 31 décembre 2000 ; que les indemnités de préavis et de clientèle réclamées, si leur attribution pouvait être fonction du caractère abusif ou non de la rupture du contrat, devaient par application du principe de précaution, être provisionnées au moins partiellement compte tenu des sommes réclamées, M. C..., expert-comptable de la société chargé du suivi des comptes de celle-ci retenant à titre certain « les 183 KF et les 170 KF » ; que M. X... a volontairement conservé par devers lui la facture d'arriérés de commission, pièce devant par nature entrer en comptabilité, rendant délibérément impossible sa saisie comptable et, par voie de conséquence, son appréciation par M. C...et son inscription dans un compte de l'entreprise, notamment dans un compte provisions pour risques et charges au titre du bilan 2000 dont les comptes annuels ne reflétaient plus dès lors une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine de la société au 31 décembre 2000 ; qu'il n'a, par la suite, pas transmis à M. C...la demande d'indemnisation judiciaire fixée à l'assignation du 21 mars 2000 délivrée à sa seule personne ; qu'il apparaît qu'il a, quel que soit le mobile poursuivi et quelle que soit sa conviction quant à l'issue du litige civil, comme cogérant de la société SARL X...
Z... avec la conscience et la volonté de dissimuler la véritable situation de la société commis sciemment cet acte aboutissant en pleine connaissance de cause à la présentation de comptes annuels inexacts ; qu'en effet, si M. X... invoque maintenant une simple erreur d'appréciation et ne pas avoir su « s'il fallait indiquer cette somme de 183 000 francs au bilan de l'année 2000 », il apparaît que dès l'origine il a mis en oeuvre un mécanisme ne permettant pas à l'expert-comptable d'apprécier la nécessité ou non d'une telle provision ; que si M. X... indique opportunément que M. C...« était au courant de la situation », ce dernier a démenti formellement cette affirmation, indiquant n'avoir été informé à aucun moment, tant dès l'origine que dans les mois qui ont suivi jusqu'au jugement du 4 juillet 2001, de l'existence de la facture du 2 décembre 1999 et de façon utile et précise de la demande en paiement intentée ; que la référence dans le premier protocole de vente des titres du groupe au profit du Crédit immobilier de Bretagne du 3 août 2000 à « une instance devant le tribunal de commerce de Lorient engagée par M. Y...» dont les vendeurs feront « leur affaire personnelle » et donc simplement à l'existence d'un litige sans plus de précisions utiles n'établit pas la transmission d'une information permettant à M. C...d'apprécier effectivement la nécessité d'une telle provision ; que loin d'avoir oublié cette facture lors de l'établissement du bilan, M. X... a dissimulé dès l'origine comptablement celle-ci en pleine connaissance de cause des conséquences de cette dissimulation d'ailleurs voulue et ce jusqu'à la présentation des comptes ; qu'il n'a également pas transmis à M. C...la demande d'indemnisation judiciaire fixée à l'assignation du 21 mars 2000 délivrée à sa personne et ce, là encore, en pleine connaissance de cause des conséquences de cette absence de transmission d'ailleurs voulue et ce jusqu'à la présentation des comptes de juin 2001 ; que les comptes annuels 2000 de la SARL ne mentionnant aucune provision pour risques et charges, dont le rapport de gestion aux associés du 12 juin 2001 a été établi par M. X... qui l'a signé, a été approuvé par l'assemblée générale des associés du 28 juin 2001 avant que la copie certifiée conforme au nom de M. X... en soit déposée le 3 juillet 2001 au greffe du tribunal de commerce de Lorient ; que ses dissimulations de la facture puis de la demande objet de l'assignation commises en 2000 puis maintenues volontairement dans leurs effets jusqu'à la présentation les 12-28 juin 2001 des comptes annuels, en conséquence volontairement inexacts, l'ont été sur une période notamment au cours de laquelle les gérants recherchaient des concours bancaires suite à l'échec du premier projet de cession ; qu'il apparaît que ces actes sont intervenus avant la présentation de ces comptes dans le but de dissimuler l'état réel de la société aux organismes bancaires sollicités pour accorder des concours bancaires ; qu'à cet égard, le protocole d'accord de restructuration avec les établissements bancaires du 15 juin 2001 (soit trois semaines avant le jugement de condamnation civile du 04 juillet 2001) ne mentionne d'ailleurs nullement dans ses contenu ou annexe, l'existence des demandes indemnitaires de M. Y...qui ne sont ainsi pas portées à la connaissance des organismes bancaires ; qu'ainsi, le délit de présentation de comptes annuels inexacts pour dissimuler l'état d'une SARL de l'article L. 241-3, 3°, du code du commerce (reprenant l'article 425 de la loi du 24/ 07/ 1966) est caractérisé à l'encontre de M. X... ; qu'il convient en conséquence de l'en déclarer coupable ;
" 1) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision, que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que le délit de présentation de comptes infidèles suppose que soit établie l'inexactitude des documents comptables ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. X... invoquait expressément le rapport de M. D..., expert-comptable, considérant, après l'analyse des documents comptables, qu'il apparaissait que M. Y...avait appliqué lui-même dans ses facturations l'accord intervenu avec M. X... sur la réduction de son taux de commission de 12 à 7 % et que s'il avait, par la suite, changé d'avis et facturé unilatéralement à la SARL X...
Z... un arriéré de commissions, en l'absence de nouvel accord contractuel entre les parties pour revenir à la situation antérieure à l'accord minorant son taux de commission, celle-ci n'était pas tenue de provisionner cette facture dans ses comptes au 31 décembre 2000 ; que dès lors, en se bornant à affirmer qu'il apparaissait de la réglementation comptable, quelle que soit l'analyse qu'en faisait M. D..., que la facture de M. Y...du 2 décembre 2009 aurait dû être provisionnée au bilan arrêté au 31 décembre 2000, sans s'expliquer sur le constat par M. D...de l'application par l'agent commercial dans ces factures antérieures à la facture litigieuse du taux contractuel de 7 % et à l'absence d'obligation subséquente pour M. X... de provisionner cette facture au bilan, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 2) alors qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; que le délit de présentation de comptes infidèles suppose la volonté de son auteur de dissimuler la véritable situation de la société ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait avoir eu la conviction, au moment des faits poursuivis, que M. Y...serait débouté de ses demandes d'arriérés de commissions et d'indemnité de clientèle et de préavis, en raison de l'accord intervenu entre eux en 1999 ramenant à 7 % le taux de commission de l'agent commercial, et de la faute grave commise par celui-ci en cherchant à recruter pour son propre compte certains salariés de l'entreprise et que s'il s'était trompé sur les risques de voir accueillir en justice les prétentions de M. Y...ou encore manqué de prudence, aucune volonté de fraude quant à la situation de la société qu'il dirigeait n'était caractérisée ; que dès lors, en se bornant à affirmer que, quelle que soit la conviction de M. X... quant à l'issue du litige civil, il apparaissait qu'il avait comme cogérant de la société X...
Z..., avec la conscience et la volonté de dissimuler la véritable situation de la société commis sciemment cet acte aboutissant en pleine connaissance de cause à la présentation de comptes annuels inexacts, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... n'avait pas pu légitimement croire ne pas devoir provisionner les sommes réclamées par l'agent commercial dans le cadre du litige civil les opposant alors, ce qui excluait toute volonté de sa part de dissimuler aux tiers la véritable situation de la société, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'intention frauduleuse du prévenu, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles susvisés ;
" 3) alors que les arrêts sont nuls quand ils ne contiennent pas les motifs propres à justifier le dispositif ; qu'il en est de même lorsqu'il a été omis de répondre à un chef péremptoire de conclusions ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait que le litige commercial l'opposant à M. Y...étant né avant la cession envisagée de la SARL X...
Z..., il aurait été personnellement tenu avec M. Z..., au titre de son obligation de garantie en qualité de cédant et de codirigeant de la société cédée, des conséquences financières de ce litige et aurait dû, en tout état de cause, supporter les conséquences d'une condamnation sur le prix de cession, une telle obligation étant expressément rapportée dans les protocoles de cession, de sorte qu'il n'avait aucun intérêt à la dissimulation reprochée ; que, dès lors, en ne répondant pas à ce moyen, pourtant de nature à démontrer la bonne foi du prévenu, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure pénaleé ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des anciens articles L. 626-1 et L. 626-2-5 du code de commerce, ensemble les articles L. 653-8, L. 654-1, L. 654-2-5, L. 654-3, L. 654-5 et L. 654-5 code de commerce, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit de banqueroute, l'a condamné, en répression, à une amende de 15 000 euros et sur l'action civile et l'a condamné, en conséquence, sur l'action civile, à payer à M. Y...la somme de 77 400 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel lié à la perte d'une chance, et la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs que sur la banqueroute, au regard de M. X..., il résulte des dispositions combinées des anciens articles L. 626-1 et L. 626-2 (reprenant les articles 196 et 197 de la loi du 25/ 01/ 1985) et des nouveaux articles L. 654-1 et L. 654-2 5ème du code de commerce que « en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les personnes qui ont, directement ou indirectement, en droit ou en fait, dirigé une personne morale de droit privé et qui ont tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales » ; que, pour être constitué, le délit nécessite qu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire soit ouverte ; que, toutefois, le juge pénal n'est pas tenu par la date de cessation des paiements fixée par le juge commercial ou civil ouvrant la procédure ; que le délit est constitué même si les carences et irrégularités affectent les exercices comptables antérieurs à la cessation des paiements dès lors qu'elles tendent à en retarder la constatation ; que l'incrimination requiert enfin que la comptabilité soit manifestement incomplète ou irrégulière et que soit caractérisées à la charge de la personne poursuivie la conscience du manquement et la mauvaise foi ; que M. X... fait valoir que les conditions d'une poursuite d'activité étaient en place en mai et juin 2001, aucun état de cessation des paiements ne devant être déclaré en l'absence de dette exigible, des difficultés de trésorerie n'impliquant pas l'exigibilité des dettes alors que la créance de M. Y...n'était pas à cette date judiciairement fixée et que la SARL X...
Z... n'avait pas, par ailleurs, à faire face à une impossibilité de régler des dettes échues ou exigibles ; que cependant, par jugement en date du 15 mars 2002, le tribunal de commerce de Lorient a prononcé le redressement judiciaire de la SARL X...
Z..., qui travaillait pour l'ensemble des sociétés du groupe ; que, par jugement en date du 31 mai 2002, le même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de cette société qui était dans l'incapacité de présenter un plan ; qu'il résulte des motifs déjà développés au regard du délit de présentation de comptes annuels inexacts commis par M. X... que ce dernier qui a volontairement, quel qu'en soit le mobile, en vue de dissimuler la véritable situation de la société, conservé par devers lui notamment la facture d'arriérés de commission, rendant délibérément impossible sa saisie comptable et, par voie de conséquence, son inscription dans un compte de l'entreprise, notamment dans un compte provisions pour risques et charges au titre du bilan 2000 comme il se devait de la faire en application des règles comptables et ce même si la créance n'était pas encore judiciairement fixée, a ainsi tenu volontairement à partir de la rétention de la facture datée du 2 décembre 1999 jusqu'à la clôture du bilan 2000 une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales portant sur au moins une somme conséquente ; qu'au cours de cette même année 2000, en août, puis en octobre, M. X... a tenté avec M. Z... de céder le groupe, dont la SARL X...
Z... au Crédit immobilier de Bretagne ; que l'absence d'aboutissement de ce projet a conduit le deuxième expert-comptable de la société, M. F..., à déclarer que la longueur de ce rachat avait amené la SARL X...
Z... à déposer le bilan, M. Jean-François A..., mandataire judiciaire indiquant que la structure ayant une insuffisance de fonds de roulement a eu sur cette période des difficultés à commercialiser de nouveaux produits en raison de la longueur des négociations ; que l'indication des difficultés de trésorerie rencontrées par la société au cours de l'année 2000 figure dans le rapport de gestion établi par les gérants et présenté à l'assemblée générale d'approbation des comptes de l'exercice s'étendant du 1er janvier au 31 décembre 2000 sous la rubrique « Analyse de l'activité et des résultats de la société au cours de l'exercice écoulé » où il était souligné que la régularisation de l'ensemble de la situation était envisagée pour la fin du premier semestre 2001 et ce alors que les honoraires à percevoir ne pouvaient constituer en aucun cas des créances acquises que la conjugaison de ces difficultés de trésorerie et des engagements résultant des réclamations de la partie civile ont conduit M. Gilbert C..., premier expert-comptable du Cabinet CECA Océane, à déclarer que la somme qu'il aurait fait provisionner s'il avait eu connaissance de la facture d'arriérés de commission et du contenu de l'assignation (à savoir 353 KF) aurait conduit soit à l'engagement des gérants sur leurs biens, soit à la cessation de l'activité ; qu'à la fin de l'année 2000, les difficultés de trésorerie étaient telles que « pour permettre d'assurer la couverture des engagements en cours », en janvier 2001, la société a dû solliciter une ouverture de crédit de près de 6 000 000 de francs auprès du Crédit maritime ; que dans un historique rédigé par les dirigeants de la SARL X...
Z... à l'attention du mandataire judiciaire figurant au dossier de celui-ci, ils indiquaient qu'à la mi-mars 2001, le Crédit maritime avait demandé de rembourser sous un mois l'ouverture de crédit consentie en janvier et que le 26 mars 2001 une « réunion commune réunissant le Crédit maritime, le Crédit agricole du Finistère et le Crédit agricole du Morbihan s'était tenue pour rechercher une solution de sauvetage de la SARL X...
Z... ; que le 10 août 2001, quand elle a sollicité du premier président de la cour d'appel la levée de l'exécution provisoire du jugement du tribunal civil de Lorient, la société X...
Z... écrivait à la page 4 de l'assignation que si « l'exécution n'était pas levée, l'état de cessation des paiements serait caractérisé » et que « l'exécution provisoire du jugement entraînerait une catastrophe économique et financière, cela d'autant plus que la société n'a aucun actif » ; qu'il résulte de ces différents éléments, et en particulier des assertions des dirigeants, que, au tout début de l'année 2001, la SARL X...
Z... était confrontée à une insuffisance de trésorerie telle qu'elle n'était plus en mesure de faire face à ses engagements, se trouvant de fait matériellement en état de cessation de paiement ; qu'elle a pris alors différentes initiatives pour continuer à être rachetée puis, en raison de l'échec de ce projet, tenter d'obtenir des avances de trésorerie avant de faire une ultime tentative de consolidation des avances dont le remboursement était exigé par les banques ; qu'en retenant, à partir de mars 2000 au moins, notamment une pièce portant sur 183 KF devant figurer en comptabilité avec la conscience et la volonté de rendre celle-ci manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales, alors que la situation financière de la société était déjà obérée pour aboutir en début 2001 à une insuffisance de trésorerie telle qu'elle n'était plus en mesure de faire face à ses engagements et ce dans le but, entre autre, d'en retarder la constatation, M. X... s'est rendu coupable du délit de banqueroute objet de la prévention ; qu'il convient, en conséquence, de le déclarer coupable de ce délit ; que sur la peine, au regard de la nature des délits et de leurs conséquences, de leur date de commission, des revenus déclarés à l'audience par M. X... dont M. Y...établit qu'il dispose d'un patrimoine immobilier, de son casier judiciaire ne portant mention d'aucune condamnation pénale, il y a lieu de condamner le prévenu, à une peine d'amende de 15 000 euros, étant précisé qu'en tout état de cause la peine prononcée en première instance à l'encontre de M. X... ne peut pas être aggravée dans la mesure ou le ministère public a spécialement limité son appel à la question de « la culpabilité des prévenus ;
" 1) alors que tout jugement doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que comme l'a retenu la cour d'appel, le délit de banqueroute n'est constitué que lorsque les carences et irrégularités affectant les exercices comptables antérieurs à la cessation des paiements, caractérisée par l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, tendent à en retarder la constatation ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que ce n'est qu'au tout début de l'année 2001, que la SARL X...
Z..., confrontée à une insuffisance de trésorerie telle qu'elle n'était plus en mesure de faire face à ses engagements, s'était trouvée en état de cessation des paiements ; que dès lors, en affirmant qu'en retenant en mars 2000 la facture de commission de M. Y...du 2 décembre 1999 qui aurait dû figurer dans le compte provisions pour risques et charges du bilan de l'exercice 2000 de la SARL X...
Z..., dans le but de retarder la constatation d'un état de cessation des paiements dont elle constatait elle-même qu'il n'était survenu que début 2001, soit postérieurement à la clôture de l'exercice 2000, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
" 2) alors que les arrêts sont nuls quand ils ne contiennent pas les motifs propres à justifier le dispositif ; qu'il en est de même lorsqu'il a été omis de répondre à un chef péremptoire de conclusions ; que l'état de cessation des paiements de l'entreprise ou de la personne morale concernée à la date où sa comptabilité n'a pas été tenue de manière complète ou régulière constitue une condition préalable du délit de banqueroute ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait que dès lors qu'une provision n'est pas une dette exigible, les créances de M. Y..., dont l'existence n'avait été reconnue judiciairement qu'en juillet 2001, n'étaient pas exigibles avant cette date, de sorte qu'à supposer qu'elles aient été inscrites comme provisions pour risques au bilan de l'exercice 2000, elles n'auraient pu constituer une dette exigible de nature à entraîner la cessation des paiements de la SARL X...
Y...; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, pourtant de nature à exclure l'application du délit de banqueroute, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 593 du code de procédure civile ;
" 3) alors que le délit de banqueroute suppose que la comptabilité ait été manifestement incomplète ou irrégulière ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. X... invoquait expressément le rapport de M. D..., expert-comptable, considérant, après l'analyse des documents comptables, qu'il apparaissait que M. Y...avait appliqué lui-même dans ses facturations l'accord intervenu avec M. X... sur la réduction de son taux de commission de 12 à 7 % et que s'il avait, par la suite, changé d'avis et facturé unilatéralement à la SARL X...
Z... un arriéré de commissions, en l'absence de nouvel accord contractuel entre les parties pour revenir à la situation antérieure à l'accord minorant son taux de commission, celle-ci n'était pas tenue de provisionner cette facture dans ses comptes au 31 décembre 2000 ; que dès lors, en se bornant à affirmer qu'en conservant par devers lui la facture d'arriéré de commissions de M. Y...du 2 décembre 1999, alors qu'il se devait de l'inscrire dans un compte provisions pour risques et charges au titre de l'exercice 2000 même si la créance n'était pas encore judiciairement fixée, sans s'expliquer sur le rapport de M. D...constatant que la facture litigieuse n'était pas contractuelle et n'avait pas, dès lors, à être provisionnée au bilan de l'exercice 2000, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 4) alors que le délit de banqueroute suppose l'intention de nuire aux créanciers de la société qui fait l'objet de la procédure collective ; que dès lors, en déclarant M. X... coupable du chef de banqueroute sans constater l'intention de celui-ci de porter atteinte aux intérêts des créanciers de la SARL X... et
Z...
, la cour d'appel a violé les articles 121-3 du code pénal et L. 626-2-5 ancien du code de commerce " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer M. X...coupable de présentation de comptes annuels infidèles et de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que les irrégularités dans la tenue de la comptabilité peuvent être retenues pour un exercice antérieur à la date de cessation des paiements, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
Que les moyens seront donc écartés ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles L. 241-3 et L. 654-2 du code de commerce, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a, renvoyant M. Z... des fins de la poursuite, débouté M. Y...des demandes formées à son encontre ;
" aux motifs que, si M. X... implique son associé dans le refus d'honorer la facture d'arriérés de commissions de 183 KF produite par M. Y..., aucun autre élément du dossier ne permet de corroborer ses dires, ni d'impliquer M. Z... comme ayant eu au moins connaissance avant la présentation des comptes annuels de l'existence de celle-ci ou de l'action en demande en paiement intentée de façon suffisamment détaillée et utile ; qu'en effet aucun des témoins ou autres parties entendus ne mettent M. Z... en cause comme ayant eu au moins connaissance avant la présentation des comptes de l'existence de celle-ci ou de la nature de l'action intentée ; que le prévenu M. Z... a constamment indiqué n'avoir eu connaissance des sommes demandées par la partie civile qu'à partir du jugement de condamnation à paiement du 4 juillet 2001 ; qu'il ressort des éléments de la procédure et des déclarations de M. X... lui même que les rôles respectifs de MM. Z... et X..., cogérants et co-associés dans la société, ont été nettement fixés entre eux dès l'origine à savoir que M. X... assumait la partie commerciale, administrative et financière de l'activité et M. Z... la partie technique ; que ce partage des fonctions est confirmé par toutes les personnes entendues qui identifient M. X... comme le seul gérant responsable de l a société ; qu'ainsi, la preuve que M. Z... ait refusé d'honorer la facture d'arriérés de commissions de 183 KF produite par M. Y...ou qu'il ait pu avoir connaissance avant la présentation des comptes de juin 2001 de l'existence de celle-ci ou de façon suffisamment détaillée et utile de l'action en demande en paiement intentée n'est pas rapportée ; que si M. Z..., comme co-gérant, a signé et a approuvé le bilan de l'année 2000 (seul acte positif à pouvoir lui être imputé en la matière) matériellement réalisé au terme du dossier en mai (établissement des comptes)- juin (présentation avec approbation d e ceux-ci) 2001, aucune connaissance par M. Z... avant les 12-28 juin 2001 de la facture présentée ou de l'action en demande en paiement intentée de façon suffisamment détaillée et utile n'est établie, de telle sorte que l'inexactitude par celui-ci des compte s signés et approuvés ne lui était pas connue ; qu'en conséquence, le délit de présentation de comptes inexacts ne peut lui être imputé comme auteur, co-auteur ou complice, l'élément intentionnel dudit délit faisant à tout le moins défaut à son égard ; que, par ailleurs, la société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire avant l'établissement matériel du bilan de l'exercice 2002 ; que M. Z... n'ayant pas eu ainsi connaissance lors de son établissement du caractère inexact du bilan 2000, et partant du caractère incomplet ou irrégulier de la comptabilité afférente « au bilan de la SARL X...-Z... arrêté au 31 décembre 2000 » selon les termes de la prévention, le délit de banqueroute par tenue de comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière ne peut pas, là encore, lui être imputée comme auteur, co-auteur ou complice, l'élément intentionnel dudit délit faisant à tout le moins défaut à son égard ; que la participation en connaissance de cause de M. Z... aux délits visés à la prévention n'étant pas caractérisée, il convient de le renvoyer des fins de la poursuite ; (¿) que M. Z... étant renvoyé, sur appel du ministère public, des fins de la poursuite au regard des délits visés à la prévention et notamment de celui de banqueroute, il y a lieu de débouter M. Y...de ses demandes indemnitaires présentées à son encontre ;
" 1°) alors que le gérant d'une SARL qui signe et approuve un bilan inexact ne peut être exonéré de sa responsabilité pénale de ce chef au seul motif qu'il ne s'occupe pas de la gestion financière de la société, laissée à la charge de son cogérant ; qu'il appartient aux juges du fond de démontrer concrètement en quoi, en dépit de ses fonctions, le gérant relaxé est tenu dans l'ignorance de la fraude commise par le cogérant ; qu'en relaxant M. Z... au seul motif qu'il ne s'occupait que de la partie technique, sans rechercher si, malgré le partage formel des fonctions entre lui et M. X..., M. Z..., en sa qualité de cogérant de la SARL, ne pouvait ignorer l'existence du litige opposant sa société à l'un de ses agents commerciaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 2°) alors que, en relaxant M. Z..., sans rechercher si, en dépit de la répartition formelle des compétences entre lui et M. X..., quatre mois avant l'assignation délivrée le 21 mars 2000 par M. Y...à M. X..., représentant présent lors du passage de l'huissier, cette seule circonstance n'étant pas de nature à établir la bonne foi de M. Z..., le prévenu n'avait pas eu connaissance de la facture adressée à la SARL X...-Z... par la partie civile le 2 décembre 1999 ou le 14 avril 2000 à l'occasion de la procédure pendant devant le tribunal de grande instance de Lorient, ce courrier étant ainsi susceptible d'être connu des deux gérants, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge de M. Z..., en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions à l'égard de ce prévenu ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de M. Y..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze novembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;