La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2013 | FRANCE | N°12-85085

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 novembre 2013, 12-85085


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Fernand X..., partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 24 mai 2012, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs, notamment, de corruption et déni de justice, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 octobre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à

l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Fernand X..., partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 24 mai 2012, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs, notamment, de corruption et déni de justice, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 octobre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, Mme Ract-Madoux, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle BLANC et ROUSSEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 434-9 et 435-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant dit n'y avoir lieu à suivre ;
" aux motifs que le délit de corruption, constitué par des avantages ou des cadeaux adressés directement ou indirectement à des personnes exerçant une mission particulière, ou l'entrave à l'exercice de la justice constitué par un magistrat agréant ou acceptant de tels avantages et cadeaux, n'est établi que si ces dons ou promesses ont pour but d'obtenir ou de faire rendre des décisions directement ou indirectement favorables au corrupteur ; que le seul fait de consentir des dons ou de faire des cadeaux à un magistrat, qui accepte de les recevoir, ne constitue par lui-même les délits prévus aux articles 434-9 et 435-1 et suivants du code pénal, dans la mesure où il est nécessaire de constater l'existence d'un pacte de corruption, ayant pour but de convaincre la personne agréant ces cadeaux d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ; que depuis la loi du 17 mai 2011, il n'importe plus que la rémunération de la personne corrompue intervienne avant ou après l'accomplissement ou le non-accomplissement de l'acte ; qu'en l'espèce, il ressort de l'étude du dossier et notamment des investigations effectuées sur les relations entre le mandataire liquidateur en cause et les magistrats et notamment Mme Y..., épouse B..., qu'aucune contrepartie aux cadeaux effectivement faits à ces personnes n'a pu être caractérisée, et que l'attitude professionnelle, comme l'intéressée l'a indiqué, n'a pas été influencée au point de vue professionnel par cette situation ; que notamment, M. X...n'avait mis en exergue aucune décision particulière défavorable qui aurait été la conséquence de tels dons ou cadeaux, l'enquête n'ayant pas révélé que le plaignant a été, dans la cadre de la procédure, victime de décisions non justifiées de la part des magistrats mis en cause ; que l'enquête de l'IGS conclut que quel que soit le caractère anormal des cadeaux, notamment au bénéfice de magistrats ayant des activités dans la matière commerciale, il n'en ressortait aucune anomalie en ce qui concerne les 400 dossiers qui ont été examinés par les enquêteurs, aucun favoritisme n'étant de surcroît relevé puisque Me A..., unique administrateur judiciaire du département, était l'interlocuteur naturel des chambres commerciales et des juges commissaires, et que le nombre de dossier qui lui ont été confiés jusqu'en 1999 n'était nullement supérieur dans les trois tribunaux concernés par rapport aux statistiques nationales ; que le délit n'est donc pas établi, qu'il soit antérieur ou postérieur à 1995 ; que d'ailleurs, la partie civile dans son mémoire ne conteste pas sur ces points l'ordonnance entreprise ; qu'en outre, M. X...ayant déclaré qu'il savait depuis 1995 que Me A...avait fait à cette magistrat et à son époux un cadeau démesuré, en finançant leur voyage en Terre Sainte, ces faits étaient prescrits au jour du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile ; qu'il en était de même des faits dénoncés pour les périodes suivantes jusqu'en 1999, et notamment l'embauche de M. Paul
B...
, qui ne sont pas susceptibles, pour les motifs précédemment exposés, de recevoir une qualification pénale ;
" 1) alors que la condition d'antériorité des offres, promesses, dons ou avantages quelconque par rapport à l'accomplissement ou au défaut d'accomplissement d'un acte relevant de la fonction de magistrat ou de fonctionnaire a été abandonnée par la loi du 30 juin 2000 qui a inséré les mots « à tout moment » dans les textes d'incrimination ; qu'en ayant retenu, pour ne pas prendre en compte les dons litigieux, que ce n'était que depuis la loi du 17 mai 2011 que la condition d'antériorité avait disparu, la chambre de l'instruction a violé les dispositions susvisées ;
" 2) alors que l'infraction de corruption se consomme dès le moment où des sollicitations sont exprimées ou des offres agréées par un magistrat en vue de l'accomplissement ou du non accomplissement d'un acte relevant de sa fonction ou facilité par celle-ci, ce qui caractérise le pacte de corruption, peu important qu'en définitive, la contrepartie ne se réalise pas, volontairement ou involontairement de la part du magistrat, y compris lorsque les jugements et les décisions que prend le magistrat ne sont pas injustifiés en droit ou en fait, qu'ils soient ou non favorables au corrupteur ; qu'en écartant l'existence d'un pacte de corruption du seul fait qu'il n'existait pas d'anomalies dans les dossiers jugés par le magistrat ni de décision injustifiée à l'égard de la partie civile, sans rechercher si les cadeaux et les chèques, remis par l'administrateur et acceptés par le magistrat, n'avaient pas été remis en vue de l'accomplissement ou du non accomplissement d'un acte relevant de sa fonction ou facilité par celle-ci, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 434-7-1 et 434-4-2° du code pénal, de l'article préliminaire et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, violation du principe du contradictoire et de l'égalité des armes ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant dit n'y avoir lieu à suivre sur le délit de corruption ;
" aux motifs que le délit de déni de justice vise le refus réitéré par un magistrat de statuer sur les faits dont la juridiction est saisie ; qu'il est reproché à M. C..., alors procureur de la République à Annecy à l'époque du dépôt de la plainte, d'avoir omis de donner suite aux lettre de M. X...dénonçant les faits de corruption et collusions frauduleuses entre l'administrateur et les juges, d'avoir depuis 2004 conservé dans son bureau une enquête de police qu'il avait ordonnée en 2003 et dont les conclusions évoquaient la corruption notamment entre 1994 et 1996 de magistrats siégeant en matière commerciale du fait des cadeaux de Me A...et du GIE, de l'avoir dissimulée et de ne lui avoir donné aucune suite, de n'avoir pas suivi les instructions du procureur général lui demandant dès 2004 d'ouvrir une information judiciaire ; qu'en premier lieu, ne saurait être reproché au titre d'un déni de justice ou d'un obstacle à la manifestation de la vérité le fait pour le procureur de la République de ne pas avoir donné suite aux écrits récurrents de M. X..., la partie civile ayant produit ceux datés de septembre 2002 à octobre 2003 alors qu'il appartenait à ce dernier, s'il l'estimait utile, de se constituer partie civile et de mettre en mouvement l'action publique, aucun délai ou restriction à cette procédure ne lui tant alors opposable ; que le procureur de la République n'a en aucune façon entravé l'exercice de cette voie procédurale, que le plaignant n'a pas cru devoir suivre à l'époque ; qu'au surplus, il a ordonné une enquête de police le 6 novembre 2003, premier acte interruptif de prescription ; qu'une mesure de classement sans suite, au demeurant notifiée au plaignant, ne saurait constituer un déni de justice, le procureur de la République ayant l'opportunité des poursuites et n'étant pas tenu, au regard des faits de l'espèce et des investigations auxquelles il a procédé, de partager les appréciations juridiques du plaignant, et ce malgré le caractère excessif des cadeaux effectués et de l'ambiguïté des relations entre le mandataire de justice et le GIE qu'il animait, et les juridictions commerciales de Haute-Savoie, pour pallier une regrettable insuffisance de moyens ; que M. C...a expliqué que nonobstant les instructions qu'il auraient reçues, il n'avait pas cru devoir ouvrir une information judiciaire et avait attendu des compléments d'enquête ordonnées en février et avril 2004, et le dépôt du rapport de l'inspection générale des services judiciaires avant de prendre une décision sur l'action publique ; que le fait que ce magistrat n'aurait pas, comme il est allégué, exécuté des instructions de sa hiérarchie, ne saurait que constituer une faute professionnelle, et non un délit pénal causant un préjudice à la partie civile qui ne peut intervenir dans les rapports hiérarchiques entre un procureur de la République et son procureur général ; qu'au surplus, même si la plainte n'a pas été enregistrée au bureau d'ordre pénal et est restée dans le bureau du procureur, M. C...a ordonné une enquête, premier acte interruptif de prescription, puis a ordonné l'enquête de l'inspection générale des services qui a permis de faire la lumière sur les faits énoncés ; qu'il ne saurait ainsi lui être reproché, en conservant un dossier considéré comme sensible, d'avoir commis un déni de justice, au sens de l'article 434-7-1 du code pénal, ni une manoeuvre pour faire obstacle à la manifestation de la vérité au sens de l'article 434-4-2° du code pénal ;
" 1) alors que le délit d'entrave à l'exercice de la justice est constitué lorsque le magistrat refuse de rendre la justice après en avoir été requis et de persévérer dans son déni après avertissement ou injonction de ses supérieurs ; que la méconnaissance de l'ordre d'un supérieur hiérarchique constitue un élément matériel du délit ; qu'en retenant que le refus d'exécution des instructions de sa hiérarchie ne pouvait que constituer une faute professionnelle, et non caractériser un délit, la cour d'appel a violé l'article 434-7-1 du code pénal ;
" 2) alors que si une décision de classement sans suite fondée sur l'article 40 du code de procédure pénale ne peut en principe fonder des poursuites pour déni de justice à l'encontre du procureur de la République, il en va nécessairement différemment lorsqu'il a agi en violation d'instructions de son supérieur hiérarchique ; qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a violé les dispositions susvisées ;
" 3) alors que le fait de ne pas communiquer les conclusions d'une enquête de police demandée à la suite d'une plainte constitue une entrave à la manifestation de la vérité, que ne peut compenser l'ordre d'une autre enquête ; qu'en retenant que le défaut de communication du résultat de l'enquête de police, confirmant d'ailleurs la matérialité des faits poursuivis, n'avait pas constitué une entrave à la manifestation de la vérité, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a privé son arrêt de base légale ;
" 4) alors que le caractère sensible d'une affaire ne justifie pas, au vu du principe du contradictoire et de l'égalité des armes, qu'elle soit mise au secret dans le bureau du procureur et ne fasse l'objet d'aucun enregistrement, de sorte que l'avocat du plaignant, interrogeant le parquet, se voie répondre qu'aucun renseignement ne peut être délivré sur une telle plainte, officiellement inconnue " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction disant n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs, notamment, de corruption et de déni de justice, l'arrêt prononce par les motifs partiellement repris aux moyens ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que, d'une part, le délit de corruption suppose la promesse, l'abstention ou l'accomplissement d'un acte en contrepartie des avantages reçus, d'autre part, la décision de classement sans suite prise par le procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale ne saurait constituer un déni de justice, la chambre de l'instruction a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués au premier moyen, pris en sa première branche, justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;
Que, dès lors, les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze novembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-85085
Date de la décision : 14/11/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 24 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 nov. 2013, pourvoi n°12-85085


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Blanc et Rousseau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.85085
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award