LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 février 2009), que M. X... a consenti à l'association Front national (le Front national) divers prêts destinés à financer les frais de campagne exposés par ses candidats à l'occasion des élections législatives de 2007 ; qu'assigné en paiement du solde, le Front national a soulevé la nullité pour cause illicite de ces conventions, prétendant que celles-ci constituaient un ensemble contractuel indivisible avec les contrats de vente et de prestations conclus entre les candidats et la société Ulfima communication, dirigée par M. X..., et que ces contrats s'analysaient en une opération de détournement de fonds publics ;
Sur le second moyen :
Attendu que le Front national fait grief à l'arrêt de rejeter le moyen tiré de la nullité des contrats de prêt pour cause illicite et de le condamner à payer à M. X... diverses sommes au titre de la restitution des prêts litigieux, alors, selon le moyen, qu'un contrat de prêt et un contrat de vente constituent un ensemble contractuel indivisible, la nullité du contrat de vente devant entraîner la caducité du contrat de prêt, dès lors que le vendeur et le prêteur ont agi de concert et qu'en l'espèce, ayant elle-même constaté que la société Ulfima communication, qui avait conclu les contrats de vente et de prestations avec les candidats du Front national, était contrôlée et dirigée par M. X..., ayant lui-même conclu les contrats de prêt litigieux avec le Front national, et que le prêteur avait ainsi pris une part active à la conclusion des contrats de vente, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations au regard des articles 1131 et 1134 du code civil en refusant d'admettre que le caractère prétendument illicite de ces contrats de vente devait nécessairement influer sur la validité des contrats de prêt ;
Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que les prêts consentis par M. X... ne constituaient pas un préalable nécessaire au choix des candidats investis par le Front national en faveur de la société Ulfima communication, une proportion non négligeable de ces candidats ayant préféré s'adresser à d'autres imprimeurs, d'autre part, que tous les candidats concernés avaient réglé leurs factures à la société Ulfima communication et que ces factures avaient été intégrées dans leurs comptes de campagne et validées par la Commission nationale de contrôle, la cour d'appel, qui a souverainement estimé que les conventions de prêt litigieuses n'avaient pas été envisagées par les parties comme indissociables des contrats de vente et de prestations conclus entre les candidats et la société Ulfima communication, en a déduit à bon droit que le caractère prétendument illicite de ceux-ci n'était pas de nature à affecter la validité de celles-là ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Front national aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association Front national et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour l'association Front national
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le moyen de nullité des contrats de prêt pour dol et condamné l'association exposante à payer à Monsieur X... diverses sommes du chef de restitution des prêts litigieux,
aux motifs que, selon l'association FRONT NATIONAL, les manoeuvres constitutives de dol commises par M. X... ont consisté en particulier à avoir fait signer les trois contrats de prêt des 19 mars 2007, 12 avril 2007 et 31 mai 2007 par le trésorier de l'association sans avoir obtenu au préalable l'autorisation du conseil d'administration, contrairement aux prescriptions de l'article 19 des statuts, que, toutefois, selon une attestation de plusieurs membres du Bureau politique du FRONT NATIONAL versée aux débats, « les bureaux politiques réunis en Conseil d'administration du Front National au cours des cinq premiers mois de l'année 2007, se sont déclarés d'accord pour que l'association FRONT NATIONAL emprunte à Monsieur Fernand X... une somme de sept millions d'euros intérêts compris, destinée au financement des campagnes législatives de 2007 et se porte garante du bon remboursement à échéance du prêt », que, par ailleurs, en encaissant les fonds prêtés par Monsieur X..., puis en utilisant ces fonds sous forme de prêts à ses candidats aux élections législatives en vue de financer leurs dépenses de campagne, enfin en facturant à ses candidats les intérêts des prêts à hauteur de 6,90 %, soit à un taux identique à celui convenu avec la Société Générale, le FRONT NATIONAL a implicitement mais nécessairement ratifié les engagements souscrits par son trésorier, qu'en toute hypothèse, il est constant que les activités de Monsieur X... étaient en connues depuis longtemps des instances dirigeantes du FRONT NATIONAL, puisque l'intéressé était membre du conseil d'administration et que les entreprises d'imprimerie contrôlées par lui avaient déjà été mises au service des candidats du FRONT NATIONAL au cours de précédentes élections, que, dès lors, rien n'autorise à conclure que Monsieur X... aurait, lors de la souscription des prêts litigieux, « surpris la bonne foi de l'ensemble des dirigeants du FRONT NATIONAL dans une vaste opération financière visant à détourner à son profit une partie des actifs du Front national »,
1°) alors qu' une simple attestation de quelques membres du conseil d'administration ne pouvait pas valablement suppléer l'autorisation exigée par l'article 19 des statuts, laquelle devait donner lieu au vote d'une délibération comme n'importe quelle décision du conseil d'administration et que la Cour d'appel n'a pas ainsi donné de base légale à sa décision au regard des articles 1116 et 1134 du Code civil,
2°) alors que la ratification suppose que le mandant ait exécuté en pleine connaissance de cause les engagements souscrits par le mandataire au-delà de ses pouvoirs et qu'en omettant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les conclusions du FRONT NATIONAL, si celui-ci était au courant des surfacturations pratiquées par les entreprises contrôlées par Monsieur X..., au moment d'encaisser les sommes prêtées par celui-ci, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1998 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi reproche encore à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le moyen tiré de la nullité des contrats de prêt pour cause illicite et condamné l'association exposante à payer à M. X... diverses sommes du chef de la restitution des prêts litigieux,
aux motifs que, pour conclure que la demande de Monsieur X... en remboursement des prêts repose sur une cause illicite, le FRONT NATIONAL invoque l'indivisibilité entre les conventions de prêt litigieuses et les contrats de vente et de prestations conclus entre les candidats investis par le FRONT NATIONAL et la société ULFIMA COMMUNICATION dirigée par Monsieur X..., que l'intimée explique que, si les contrats passés par la société ULFIMA COMMUNICATION constituent une opération de détournement des fonds publics, l'illicéité de la cause de ces contrats (ce qu'est de nature à révéler l'expertise ordonnée par le tribunal) sera étendue aux causes des conventions intervenues entre le FRONT NATIONAL et Monsieur X..., puisque ces dernières ont pour but de financer immédiatement au bénéfice de l'appelant et de ses sociétés cette opération de détournement de fonds publics, qu'elle précise que le caractère illicite de la cause des contrats conclus entre les candidats et la société ULFIMA COMMUNICATION s'infère de ce qu'ils tendent à obtenir frauduleusement des deniers publics afin de pouvoir payer des sommes indues puisque se rapportant à des factures au moins en partie injustifiées en raison des surfacturations pratiquées, que, cependant, en l'occurrence, il doit être observé que l'indivisibilité dont le FRONT NATIONAL se prévaut ne résulte ni d'une disposition légale qui s'imposerait aux parties au présent litige ni de la volonté exprimée par elles aux termes des conventions litigieuses, qu'il n'est pas non plus établi que les prêts consentis par Monsieur X... aient constitué le préalable nécessaire au choix des candidats investis par le FRONT NATIONAL en faveur de la société ULFIMA COMMUNICATION, dans la mesure où il apparaît qu'une proportion non négligeable de ces candidats a préféré s'adresser à d'autres imprimeurs, qu'au demeurant, l'indivisibilité alléguée ne saurait se déduire de ce que les prêts litigieux ont favorisé le financement de la campagne électorale de bon nombre de candidats du FRONT NATIONAL aux élections législatives et ont permis d'acquitter les factures de la société ULFIMA COMMUNICATION, qu'au surplus, si un audit externe réalisé fin 2007 à la demande des dirigeants du FRONT NATIONAL tend à mettre en évidence le lien susceptible d'exister entre les conditions de souscription de l'emprunt effectué auprès de l'appelant et les conditions de facturation de la société ULFIMA COMMUNICATION, les conséquences juridiques susceptibles d'en être tirées ne peuvent utilement prospérer puisque cette société n'a pas été attraite dans la présente instance, qu'en toute hypothèse, à supposer même que la preuve soit rapportée du caractère exorbitant de la facturation émise par la société ULFIMA COMMUNICATION ¿ ce que l'audit externe susvisé établi non contradictoirement ne peut suffire à déterminer -, cette circonstance ne serait pas de nature à affecter la licéité de la cause déterminante de la conclusion des prêts litigieux, lesquels n'avaient pas d'autre objet que de permettre aux candidats investis par le FRONT NATIONAL d'assurer le financement de leurs frais de campagne électorale auprès de l'imprimeur de leur choix, que, d'ailleurs, cette indivisibilité peut d'autant moins prospérer qu'il n'est pas contredit par les éléments de la cause que tous les candidats concernés ont réglé leurs factures à la société ULFIMA COMMUNICATION et que ces factures ont été intégrées dans leur compte de campagne et validées par la commission nationale de contrôle désignée à cet effet, que, dans la mesure où il ne peut se déduire des documents versés aux débats que les conventions de prêt conclues entre les parties au présent litige avaient été envisagées par elles comme indissociables des contrats de prestations et de vente souscrits par ses candidats auprès de la société ULFIMA COMMUNICATION, de telle sorte que le caractère prétendument illicite de ces derniers affecterait nécessairement la validité des premières, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise, inutile à la solution du présent litige et de débouter le FRONT NATIONAL de sa demande tendant à voir annuler les contrats de prêt pour cause illicite,
alors qu'un contrat de prêt et un contrat de vente constituent un ensemble contractuel indivisible, la nullité du contrat de vente devant entraîner la caducité du contrat de prêt, dès lors que le vendeur et le prêteur ont agi de concert et qu'en l'espèce, ayant elle-même constaté que la société ULFIMA COMMUNICATION, qui avait conclu les contrats de vente et de prestations avec les candidats du FRONT NATIONAL, était contrôlée et dirigée par Monsieur X..., ayant lui-même conclu les contrats de prêt litigieux avec le FRONT NATIONAL, et que le prêteur avait ainsi pris une part active à la conclusion des contrats de vente, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations au regard des articles 1131 et 1134 du Code civil en refusant d'admettre que le caractère prétendument illicite de ces contrats de vente devait nécessairement influer sur la validité des contrats de prêt.