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05/11/2013 | FRANCE | N°12-21412

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 novembre 2013, 12-21412


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mars 2012), que la société Natixis Lease (le crédit-bailleur) a consenti, le 7 février 2006, un contrat de crédit-bail portant sur du matériel de façonnage à la société Brodard graphique (le crédit-preneur) ; que le 23 novembre 2009, une procédure de redressement judiciaire, ultérieurement convertie en liquidation judiciaire, a été ouverte à l'égard de ce dernier ; que cel

ui-ci avait mis une partie de ses locaux à disposition de la société La Nouvell...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mars 2012), que la société Natixis Lease (le crédit-bailleur) a consenti, le 7 février 2006, un contrat de crédit-bail portant sur du matériel de façonnage à la société Brodard graphique (le crédit-preneur) ; que le 23 novembre 2009, une procédure de redressement judiciaire, ultérieurement convertie en liquidation judiciaire, a été ouverte à l'égard de ce dernier ; que celui-ci avait mis une partie de ses locaux à disposition de la société La Nouvelle Brochure (le tiers détenteur) à l'égard de laquelle une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 5 juillet 2010 ; que le liquidateur de cette société a informé le crédit-bailleur, par courrier des 12, 22 et 29 juillet 2010, qu'aucune demande en revendication n'avait été présentée au titre du matériel faisant l'objet du crédit-bail, qui se trouvait dans les locaux sous-loués et allait être vendu aux enchères; qu'après avoir formé une demande de restitution à l'égard du liquidateur du crédit-preneur, lequel y a acquiescé, le crédit-bailleur a, par requête du 2 août 2010, saisi le juge-commissaire désigné dans le cadre de la procédure ouverte à l'égard du tiers détenteur en vue d'obtenir la restitution du matériel faisant l'objet du contrat de crédit-bail ;
Attendu que le liquidateur du tiers détenteur fait grief à l'arrêt de lui avoir ordonné de restituer au crédit-bailleur l'ensemble des matériels objets du contrat de crédit-bail du 7 février 2006, alors, selon le moyen :
1°/ que la publicité du contrat de crédit-bail auprès du greffe compétent sur le registre prévu à cet effet doit permettre d'identifier précisément les parties au contrat de crédit-bail et le bien qui en est l'objet ; que faute de publicité régulière, le droit de propriété du crédit-bailleur sur le bien n'est pas opposable aux créanciers du crédit-preneur ni à ceux du détenteur de ce matériel en liquidation judiciaire, peu important la connaissance du contrat par le seul liquidateur judiciaire de ce détenteur ; qu'en affirmant de manière péremptoire que le contrat avait « régulièrement fait l'objet de mesures de publicité légale » et en retenant que le bien objet du contrat de crédit-bail litigieux était parfaitement identifié comme la propriété du crédit-preneur dans un procès-verbal d'inventaire connu du liquidateur judiciaire du tiers, sans examiner le caractère suffisant de la désignation du bien par la mention publiée au registre prévu à cet effet, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à retenir la régularité de la publicité du contrat de crédit-bail litigieux et l'opposabilité du droit de propriété invoqué ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 313-7 et R. 313-3 à R. 313-11 du code monétaire et financier ;
2°/ que la demande en revendication des meubles, qui est distincte de l'action en restitution du bien ayant fait l'objet d'un contrat régulièrement publié, ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure collective ; que la cour d'appel a retenu que le crédit-bailleur avait respecté ce délai pour agir en revendication dès lors qu'elle avait saisi le juge-commissaire d'une requête le 2 août 2010, que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du tiers détenteur datait du 5 juillet précédent et que son liquidateur judiciaire avait fait part de sa volonté de vendre le bien litigieux aux enchères le 12 juillet 2010 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette requête du 2 août 2010, enregistrée le 3 août, ne portait que sur une action en restitution fondée sur l'article L. 624-10 du code de commerce, de sorte que toute demande complémentaire en revendication qui aurait ensuite été formée au cours de l'instance, postérieurement au délai de trois mois suivant la publication du jugement de liquidation judiciaire du tiers détenteur, était irrecevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 624-9 et L. 624-10 du code de commerce ;
3°/ que faute de publicité régulière du contrat de crédit-bail, le droit de propriété du crédit-bailleur est inopposable ; que du fait de cette inopposabilité le crédit-bailleur n'est pas non plus fondé à exercer une action en revendication ; qu'à supposer que le crédit-bailleur ait fait droit à une action en revendication régulièrement exercée dans la procédure collective du tiers détenteur, en statuant ainsi au motif que le seul liquidateur judiciaire de cette société savait que le bien litigieux appartenait au crédit-bailleur, sans se prononcer sur la régularité d'une publicité à défaut de laquelle cette société ne disposait pas d'un droit de propriété opposable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 624-9 du code de commerce, L. 313-7, L. 313-10 et R. 313-3 à R. 313-11 du code monétaire et financier ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que le bordereau de publication de l'opération mentionnait au titre du crédit-bail « matériel de façonnage » et que c'est vainement que le liquidateur du tiers détenteur se prévaut d'une insuffisante identification du matériel en cause, l'inventaire qu'il a fait dresser identifiant parfaitement l'objet du litige et ayant informé le crédit-bailleur de ses intentions de vendre aux enchères ledit matériel par un courrier qui comportait les références du contrat de crédit-bail et qui mentionnait la seule société Brodard graphique comme crédit-preneur, la cour d'appel, qui a retenu dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que ce contrat avait régulièrement fait l'objet des mesures de publicité légale, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, devenu inopérant en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé ;
Et attendu que le dernier grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Garnier Guillouët, en qualité de liquidateur de la société La Nouvelle Brochure, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Garnier Guillouët, ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné à la SELARL Garnier Guillouët, ès-qualités de mandataire-liquidateur de la société La Nouvelle Brochure, de restituer à la société Natixis Lease l'ensemble des matériels objets du contrat de crédit-bail du 7 février 2006 ;
Aux motifs que « il résulte de l'ensemble des pièces produites, auxquelles n'est opposée aucune pièce contraire, que les matériels de reprographie en litige, relèvent sans contestation possible de la seule liquidation judiciaire de la société Brodard Graphique et sont la propriété de la société Natixis Lease en vertu d'un contrat de bail qui a régulièrement fait l'objet des mesures de publicité légale ; que c'est vainement que la société Garnier Guillouët se prévaut d'une insuffisante identification du matériel en cause et de la circonstance que ledit matériel aurait été entreposé dans une partie des locaux que la société Brodard Graphique aurait mis à la disposition de la société La Nouvelle Brochure pour entretenir l'équivoque, alors que l'inventaire qu'elle a fait dresser identifie parfaitement l'objet du litige, en rubrique IX du procès-verbal accompagné de la mention « leasing à restituer », puis sur une page séparée « propriété Brodard » et qu'elle a informé la société Natixis Lease de ses intentions de vendre aux enchères ledit matériel par un courrier qui comportait les références du contrat de crédit-bail et qui mentionnait la seule société Brodard Graphique, d'où résultait une volonté manifeste de s'accaparer le bien d'autrui à la faveur des opérations de liquidation judiciaire de la société soustraitante ; qu'elle ne saurait valablement dans de telles circonstances, à tous égards singulières, opposer à la société Natixis Lease le délai de trois mois pour exercer l'action en revendication, cette dernière ayant régulièrement présenté une demande de restitution à la SCP Angel Hazane, à laquelle celle-ci a acquiescé, conformément aux dispositions de l'article L. 624-10 du code de commerce, par un courrier du 3 août 2010, sans qu'aucune ambiguïté n'affecte la portée de cet acquiescement, comme le confirme à suffisance la très prompte réaction de la SCP Angel Hazane et de son conseil lorsqu'ils ont eu connaissance de la décision de la société Garnier Guillouët de réaliser un bien ne relevant pas de la procédure collective dont ce mandataire liquidateur avait la charge, et dont la restitution à son propriétaire avait été consentie par celui qui avait seul qualité à le faire ; que la société Natixis Lease ne s'étant trouvée contrainte d'engager une action en revendication dans le cadre de la procédure ouverte à l'égard de la société La Nouvelle Brochure que du jour où la société Garnier Guillouët a fait part de sa volonté de mettre en vente aux enchères les biens en litige, soit le 12 juillet 2010, alors qu'elle ne pouvait qu'ignorer, tant au vu des stipulations contractuelles du crédit-bail que des décisions prises par les organes de la procédure collective de la société Brodard Graphique, qu'un tiers était susceptible de se prévaloir d'une détention sans titre dudit matériel, le délai de trois mois de l'article L. 624-9 du code de commerce n'a commencé à courir à son égard qu'à compter de cette date, de sorte qu'ayant saisi le juge-commissaire par requête en date du 2 août 2010, aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription ne saurait lui être valablement opposée ; qu'enfin, la société Garnier Guillouët ne saurait sérieusement tirer argument de l'insuffisance des indications portées sur le bordereau de publication de l'opération - lequel mentionnait au titre du crédit-bail « matériel de façonnage » - pour exciper de l'inopposabilité du contrat publié à la procédure collective de la société La Nouvelle Brochure, alors qu'il ressort du procès-verbal d'inventaire que le matériel en cause avait été parfaitement identifié par le commissaire-priseur comme étant « la propriété » de la société Brodard Graphique, faisant l'objet d'un contrat de crédit-bail et devant être restitué, la société Garnier Guillouët ayant encore parfaitement manifesté, par les courriers qu'elle a adressés à la société Natixis Lease, qu'elle n'ignorait rien ni de la nature des matériels crédit-baillés ni de l'identité du crédit-preneur ; que le jugement déféré sera par conséquent infirmé et la restitution des matériels litigieux ordonnée à la société Garnier Guillouët ;
Alors, d'une part, que la publicité du contrat de crédit-bail auprès du greffe compétent sur le registre prévu à cet effet doit permettre d'identifier précisément les parties au contrat de crédit-bail et le bien qui en est l'objet ; que faute de publicité régulière, le droit de propriété du crédit-bailleur sur le bien n'est pas opposable aux créanciers du crédit-preneur ni à ceux du détenteur de ce matériel en liquidation judiciaire, peu important la connaissance du contrat par le seul liquidateur judiciaire de ce détenteur ; qu'en affirmant de manière péremptoire que le contrat avait « régulièrement fait l'objet de mesures de publicité légale » et en retenant que le bien objet du contrat de crédit-bail litigieux était parfaitement identifié comme la propriété de la société Brodard Graphique dans un procès-verbal d'inventaire connu de la société Garnier Guillouët, èsqualités de liquidateur judiciaire de la société La Nouvelle Brochure, sans examiner le caractère suffisant de la désignation du bien par la mention publiée au registre prévu à cet effet, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à retenir la régularité de la publicité du contrat de crédit-bail litigieux et l'opposabilité du droit de propriété invoqué ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 313-7 et R. 313-3 à R 313-11 du code monétaire et financier ;
Alors, d'autre part, que l'action en restitution préalablement exercée par le crédit-bailleur auprès du mandataire de justice représentant le crédit-preneur est sans effet lorsque le bien litigieux est détenu par un tiers également en procédure collective ; que le propriétaire prétendu du bien doit alors revendiquer ce bien dans la procédure collective de ce détenteur ; qu'en affirmant que la société Natixis Lease ne pouvait se voir opposer le délai de trois mois pour exercer l'action en revendication dans la liquidation judiciaire de la société La Nouvelle Brochure, au motif qu'elle avait déjà exercé une action en restitution dans la procédure collective de la société Brodard Graphique, créditpreneur, et que la restitution avait été consentie par le liquidateur judiciaire de cette société, quand la détention du bien litigieux par un tiers en liquidation judiciaire privait d'effet la décision du liquidateur judiciaire du crédit-preneur et ne pouvait obliger le liquidateur judiciaire du tiers détenteur à restituer ce bien, la cour d'appel a violé les articles L. 624-9 et L. 624-10 du code de commerce ;
Alors, de troisième part, que la demande en revendication des meubles, qui est distincte de l'action en restitution du bien ayant fait l'objet d'un contrat régulièrement publié, ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure collective ; que la cour d'appel a retenu que la société Natixis Lease avait respecté ce délai pour agir en revendication dès lors qu'elle avait saisi le juge-commissaire d'une requête le 2 août 2010, que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société La Nouvelle Brochure datait du 5 juillet précédent et que la société Garnier Guillouët, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société La Nouvelle Brochure, avait fait part de sa volonté de vendre le bien litigieux aux enchères le 12 juillet 2010 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette requête du 2 août 2010, enregistrée le 3 août, ne portait que sur une action en restitution fondée sur l'article L. 624-10 du code de commerce, de sorte que toute demande complémentaire en revendication qui aurait ensuite été formée au cours de l'instance, postérieurement au délai de trois mois suivant la publication du jugement de liquidation judiciaire de la société La Nouvelle Brochure, était irrecevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 624-9 et L. 624-10 du code de commerce ;
Alors, en tout état de cause, que, faute de publicité régulière du contrat de crédit-bail, le droit de propriété du crédit-bailleur est inopposable ; que du fait de cette inopposabilité le crédit-bailleur n'est pas non plus fondé à exercer une action en revendication ; qu'à supposer que la société Natixis Lease ait fait droit à une action en revendication régulièrement exercée dans la procédure collective de la société La Nouvelle Brochure, en statuant ainsi au motif que le seul liquidateur judiciaire de cette société savait que le bien litigieux appartenait à la société Natixis Lease, sans se prononcer sur la régularité d'une publicité à défaut de laquelle cette société ne disposait pas d'un droit de propriété opposable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 624-9 du code de commerce, L. 313-7, L. 313-10 et R. 313-3 à R. 313-11 du code monétaire et financier.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-21412
Date de la décision : 05/11/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 nov. 2013, pourvoi n°12-21412


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.21412
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