LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... de ce qu'il se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre Mme Y..., ès qualités ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., chirurgien-dentiste, dans le contexte de la résiliation conflictuelle de la société de moyens antérieurement contractée entre lui-même et son confrère M. Z..., avait affiché, dans la salle d'attente de son cabinet, un jugement correctionnel, frappé d'appel et non encore définitif, par lequel le second avait été condamné pour abus de confiance à son endroit, et, par ailleurs, avait adressé à plusieurs personnes du milieu médical une décision de l'ordre des médecins prise à l'encontre de M. Z... et dont ce dernier avait également relevé appel ; que, pour avoir opéré l'une et l'autre diffusions, M. X... a été jugé avoir porté atteinte à la présomption d'innocence et condamné à dommages-intérêts ;
Sur le pourvoi en tant que dirigé contre l'arrêt du 4 octobre 2011 :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que M. X... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt du 4 octobre 2011, mais que son pourvoi ne contient aucun moyen à l'encontre de cette décision ;
Qu'il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches, tel que reproduit en annexe en tant que dirigé contre l'arrêt du 17 avril 2012 :
Attendu que par les motifs de fait précités, qui font ressortir, à travers l'affichage du jugement correctionnel, l'intention de faire tenir pour acquise la culpabilité pénale de M. Z... auprès de toute personne ayant à se rendre dans son cabinet, lieu public par destination, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 9-1 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'atteinte à la présomption d'innocence suppose que la personne soit publiquement présentée comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, ou d'une condamnation pénale non encore irrévocable ;
Attendu qu'en disant que, par la diffusion de la décision ordinale prise à l'encontre de M. Z..., M. X... avait porté une seconde atteinte à la présomption d'innocence de son confrère, sans exposer en quoi cette décision était assimilable à une poursuite ou condamnation pénale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi en tant que dirigé contre l'arrêt du 4 octobre 2011 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 17 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... ; le condamne à verser à M. X... la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour M. X...
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué du 17 avril 2012 :
D'AVOIR condamné le docteur Pierre X..., à payer au docteur Antoine Z... 3.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « le docteur Z... reproche enfin au docteur X... d'avoir diffusé le jugement du tribunal correctionnel de Nice du 3 juin 2009 le condamnant pour abus de confiance et une décision de l'ordre des médecins prise à son encontre le 17 novembre 2010, dont il avait fait appel, en l'envoyant à plusieurs personnes du milieu médical et en affichant le jugement correctionnel dans la salle d'attente du cabinet médical, ; que ces faits sont établis par les pièces versées aux débats ; qu'en diffusant ces décisions, et notamment le jugement correctionnel, le docteur X... a porté atteinte à la présomption d'innocence dont bénéficiait le docteur Z... en application de l'article 9-1 du code civil, dès lors que ces décisions n'avaient pas un caractère définitif, et que la Cour estime, au vu des éléments dont elle dispose, devoir fixer à 3.000 euros le montant des dommages-intérêts réparant cette atteinte » ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE l'atteinte à la présomption d'innocence, contre laquelle l'article 9-1 du Code civil instaure une protection, consiste à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie pénalement ; que la seule diffusion d'un jugement, par définition public, ne constitue pas une telle atteinte ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé l'article 9-1 du code civil ;
2°/ ALORS, d'autre part, QUE (subsidiaire) l'atteinte à la présomption d'innocence, contre laquelle l'article 9-1 du Code civil instaure une protection, consiste à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie pénalement ; qu'une telle atteinte suppose des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans relever que la diffusion par le docteur Pierre X..., des décisions litigieuses comportait des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité du docteur Antoine Z..., la cour d'appel a violé l'article 9-1 du code civil ;
3°/ ALORS, encore, QUE (subsidiaire) l'atteinte à la présomption d'innocence, contre laquelle l'article 9-1 du Code civil instaure une protection, consiste à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie pénalement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impropres à caractériser le caractère public de la présentation du docteur Antoine Z..., comme coupable, avant condamnation, la cour d'appel a violé l'article 9-1 du code civil ;
4°/ ALORS, enfin, QUE l'atteinte à la présomption d'innocence, contre laquelle l'article 9-1 du Code civil instaure une protection, consiste à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie pénalement ; qu'en se fondant sur la diffusion d'une décision de l'ordre des médecins prise contre le docteur Antoine Z..., laquelle ne ressortit pas à une poursuite pénale, la cour d'appel a violé l'article 9-1 du code civil.