LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... ayant répondu à une annonce diffusée sur internet par l'Apec, relative à un poste de « responsable organisation », a reçu de la part de la société Façonnable une lettre en date du 15 septembre 2008, adressée au «... », l'informant que sa candidature n'était pas retenue ; que Mme X... a saisi la juridiction prud'homale le 11 septembre 2009 en soutenant qu'elle avait été victime d'une discrimination à l'embauche compte tenu de son lieu de naissance au Maroc ; que la société a répliqué que la mention relative au Maroc était apparue sur le courrier adressé à Mme X... par suite d'une erreur, l'Apec lui ayant transmis le dossier de Mme X... en même temps que celui d'un autre candidat, M. Y..., qu'il avait été répondu en premier lieu à ce dernier mais que la lettre adressée ensuite à Mme X... avait repris par erreur de « copier-coller » la mention 99350 Maroc figurant dans l'adresse de M. Y... ;
Attendu que, pour accueillir la demande et condamner la société Façonnable à des dommages-intérêts pour discrimination à l'embauche, la cour d'appel a retenu que le courrier envoyé sous pli recommandé avec avis de réception à l'adresse de M. Y... par Mme X... lui a été retourné avec la mention : « adresse incomplète, voie inconnue, sans destination », qu'elle justifie qu'elle n'a pu joindre l'adresse e-mail figurant sur la lettre de candidature de M. Y... et qu'il n'existe pas de localité au Maroc s'appelant Utex, que la société Façonnable ne justifie pas qu'elle a adressé à M. Y..., comme à Mme X..., un courrier rejetant sa candidature, ni que sa réponse négative à M. Y... a, ainsi qu'elle le prétend, été rédigée juste avant celle destinée à Mme X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'adresse de M. Y... figurant sur son courriel de candidature, produit par la société Façonnable, est : «... » et que la mention « 99350 Maroc » figurant par erreur à la suite de l'adresse à Marseille de Mme X... n'était pas à elle seule un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination fondée sur l'origine ethnique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Façonnable.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société FACONNABLE à verser à Madame X... des dommages et intérêts pour discrimination d'un montant de 5. 000 euros, ainsi que la somme de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article L 1134-1 du code du travail lorsque survient un litige en raison de la méconnaissance du principe de non discrimination, si le candidat à un emploi présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. L'adresse de Monsieur Y... figurant sur son courriel de candidature est :.... Le courrier envoyé sous pli recommandé avec avis de réception à cette adresse par Madame X... lui a été retourné avec la mention : « adresse incomplète, voie inconnue, sans destination » Elle justifie qu'elle n'a pu joindre l'adresse e-mail figurant sur la lettre de candidature de monsieur Y... et qu'il n'existe pas de localité au Maroc s'appelant Utex. La société FACONNABLE ne justifie pas qu'elle a adressé à monsieur Y..., comme à Madame X..., un courrier rejetant sa candidature. Elle ne justifie pas davantage que sa réponse négative à monsieur Y... a, ainsi qu'elle le prétend, été rédigée juste avant celle destinée à Madame X.... L'ensemble de ces éléments laisse supposer l'existence d'une discrimination. La société FACONNABLE conclut sans justificatif ni même explication qu'aucune suite positive n'a été donnée à la candidature de Madame X... en raison de son profil professionnel qui ne correspondait pas à celui qui était requis pour le poste de responsable organisation, et qu'en tout état de cause, personne n'a été embauché car il a été décidé de reporter le recrutement jusqu'à l'arrivée du nouveau directeur administratif et financier. Il est produit au soutien de cette affirmation le contrat d'embauche de monsieur Z..., signé le 6 juillet 2009. Toutefois aucun élément n'est fourni concernant la période écoulée entre la candidature de Madame X..., au mois d'août 2008, et l'embauche de monsieur Z.... En l'absence de registre du personnel, la cour ne peut être certaine que le poste proposé à l'APEC n'a pas été pourvu. La société FACONNABLE ne prouve pas que sa décision de ne pas recruter Madame X... est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination : elle sera en conséquence condamnée à verser à l'intéressée des dommages et intérêts de 5. 000 euros » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il appartient au salarié qui se prétend victime d'une discrimination à l'embauche de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en présumer l'existence ; que ce n'est qu'au vu de ces éléments qu'il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en se bornant à constater que l'adresse mentionnée sur le courrier de réponse adressé à Madame X... portait la mention « 99350 Maroc » bien qu'elle réside à Marseille, simple erreur informatique sans aucune valeur de preuve, pour déduire que la candidate apportait des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination à l'embauche à charge pour la société de prouver le contraire, la cour d'appel a intégralement fait peser la charge de la preuve sur l'employeur et a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
ALORS, DAUTRE PART, QUE l'employeur qui décide ne pas retenir la candidature d'un travailleur à un poste n'a pas à justifier ou à motiver sa décision ; que de même le travailleur dont la candidature n'a pas été retenue ne dispose pas d'un droit d'accès à l'information précisant si l'employeur, à l'issue de la procédure de recrutement, a embauché un autre candidat ; qu'en se fondant, pour déduire la discrimination, sur les motifs inopérants tirés de l'absence de preuve du refus de la candidature de Monsieur Y..., de l'absence de justification de la décision de ne pas embaucher Madame X... ou encore de l'absence de preuve de la non-embauche d'un autre candidat avant août 2008, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, ensemble les articles 8 § 1 de la directive 2000/ 43/ CE du 29 juin 2000, 10 § 1 de la directive 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000 et 19 § 1 de la directive 2006/ 54/ CE du 5 juillet 2006 ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la Société FACONNABLE a fait valoir devant la cour d'appel que l'insertion erronée de la mention « Maroc 99350 » sur le courrier destiné à la candidate pouvait s'expliquer par une erreur de bureautique dès lors que la lettre de candidature et le curriculum vitae de Monsieur Y... versés aux débats portaient bien cette mention litigieuse ; qu'en se bornant à relever, pour écarter l'explication avancée par l'exposante, que l'adresse «... » n'existait pas, sans tenir compte ni s'expliquer sur le fait que cette adresse ayant quoiqu'il en soit bien été visée dans le courrier de candidature de Monsieur Y... l'erreur de bureautique avancée par la société avait parfaitement pu se produire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en toute hypothèse en condamnant la Société FACONNABLE au titre d'une prétendue discrimination à l'embauche, sans relever quel était le chef de discrimination imputé à la société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;
ALORS, ENFIN DE CINQUIEME PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'un refus d'embauche ne saurait être constitutif d'une discrimination s'il s'explique par des raisons objectives tenant à l'incompatibilité du profil du candidat avec le poste proposé ; qu'en retenant la discrimination à l'embauche de Madame X... sans vérifier si, comme le soutenait la Société FACONNABLE, le profil professionnel de la candidate n'était pas incompatible avec le poste proposé de « Responsable organisation » en sorte que sa nonembauche était en toute hypothèse justifiée par un motif objectif étranger à toute discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.