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30/10/2013 | FRANCE | N°12-15072

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 octobre 2013, 12-15072


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., qui a été engagée à compter du 13 mars 2000 par la société Superplan en qualité d'ouvrière horticole, a, par lettre du 18 juin 2005, pris acte de la rupture de son contrat de travail ; que soutenant qu'elle avait subi un harcèlement moral et que la rupture était imputable à son employeur, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que p...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., qui a été engagée à compter du 13 mars 2000 par la société Superplan en qualité d'ouvrière horticole, a, par lettre du 18 juin 2005, pris acte de la rupture de son contrat de travail ; que soutenant qu'elle avait subi un harcèlement moral et que la rupture était imputable à son employeur, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que l'employeur a toujours répondu favorablement aux demandes de sa salariée relatives aux congés, que Mme X... bénéficiait de deux temps de pause de 10h à 10h10 et de 16h à 16h10 et pouvait donc satisfaire ses besoins physiologiques, que les reproches qui lui ont été faits étaient d'ordre professionnel, ainsi, l'interdiction du téléphone portable pendant les heures de travail, l'interdiction de faire des achats personnels au sein de l'entreprise pendant les heures de travail, de travailler debout quand le travail assis n'avançait pas, que le harcèlement ne saurait résulter du pouvoir de direction de l'employeur, celui-ci n'étant pas abusif au regard des instructions données, que l'intéressée provoquait des incidents de nature à perturber le climat de travail comme il résulte des témoignages d'autres salariés, que la salariée reproche à son employeur de ne pas avoir pris en compte ses problèmes de santé alors qu'à l'inverse, ce dernier, à l'issue du dernier arrêt maladie, a organisé la visite de reprise comme il en avait l'obligation, a écrit au médecin du travail pour avis et préconisations de celui-ci sur les possibilités de travail de la salariée compte tenu des réserves d'aptitude formulées lors de la visite de reprise, que le médecin du travail par lettre du 13 décembre 2004 a confirmé que les règles de sécurité étaient respectées, sauf quatre points qui ont été revus par la société, que la salariée n'établit pas la réalité d'agissements répréhensibles de l'employeur de nature à caractériser un harcèlement moral ;
Attendu cependant que la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié qui n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le juge doit se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié afin de dire s'ils laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause sont étrangères à tout harcèlement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors, d'une part, que la salariée soutenait qu'elle avait été mise à l'écart de la clientèle et qu'elle avait l'obligation de garer son véhicule sur le parking réservé aux clients, d'autre part, qu'elle a constaté que l'intéressée avait un droit d'accès restreint aux toilettes, qu'il lui était interdit d'utiliser son téléphone pendant les heures de travail et qu'elle devait par moment travailler debout, la cour d'appel, qui devait prendre en compte l'ensemble des éléments invoqués pour dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation sur le deuxième moyen emporte la cassation par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, des chefs de dispositif relatifs à la prise d'acte de la rupture et aux demandes formées à ce titre par la salariée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande au titre du harcèlement moral et de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 5 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Superplan aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Superplan à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande de reclassification au coefficient 155 de la convention collective des salariés d'exploitations agricoles des Bouches-du-Rhône ;
Aux motifs que selon la définition de la convention collective de l'emploi d'ouvrier hautement qualifié, coefficient 155, ce dernier est « responsable de la bonne exécution de son travail. Met en oeuvre les directives concernant la sécurité et peut contrôler occasionnellement une équipe ¿ » ; qu'un tel contrôle n'a jamais été demandé à Mme X... et que celle-ci n'a jamais contesté par suite sa classification professionnelle ;
Alors que la cour d'appel a constaté que le salarié au coefficient 155 est « responsable de la bonne exécution de son travail. Met en oeuvre les directives concernant la sécurité et peut contrôler occasionnellement une équipe ¿ » (p. 4), ce dont il résulte que l'absence de contrôle d'une équipe ne permet pas d'écarter l'application de ce coefficient ; qu'en se fondant sur les circonstances inopérantes qu'un tel contrôle n'a jamais été demandé à Mme X... et que celle-ci n'a jamais contesté par suite sa classification professionnelle, au lieu de rechercher, comme l'y invitaient ses propres constatations, si la salariée était effectivement responsable de la bonne exécution de son travail et mettait en oeuvre les directives concernant la sécurité, et comme le soutenait la salariée, quel était le type d'activité qu'elle exerçait, son autonomie, sa responsabilité et ses compétences (conclusions d'appel p. 10), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la convention collective des salariés d'exploitations agricoles des Bouches-du-Rhône.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande présentée pour harcèlement moral de la part de son employeur ;
Aux motifs que le harcèlement est caractérisé par des agissements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que le salarié doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; que la salariée invoque plus de trois ans après la rupture du contrat des agissements de l'employeur ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, à savoir : non accès aux toilettes, interdiction de s'asseoir, de téléphoner, obligation d'utiliser le parking clients, véhicule vandalisé ; que l'employeur a rappelé à la salarié dans un courrier du 30 novembre 2004 que la pause est acceptée mais qu'elle n'est pas obligatoire ans la mesure où le travail de Mme X... ne durait que 4 heures consécutives ; la salariée bénéficiait de deux temps de pause, de 10H à 10h10 et de 16h00 à 16h10 et pouvait donc satisfaire ses besoins physiologiques ; que les reproches qui lui ont été faits étaient d'ordre professionnel, ainsi l'interdiction du téléphone personnel pendant les heures de travail, par courrier du 13 avril 2004, l'interdiction de faire des achats personnels au sein de l'entreprise pendant les heures de travail, de ne pas amener son chat sut le lieu de travail, de, de travailler debout quand le travail assis n'avance pas ; que le harcèlement ne saurait résulter du pouvoir de direction de l'employeur, celui-ci n'étant pas abusif au regard de instructions données ; qu'il résulte des pièces du dossier et des nombreux courriers recommandés adressés par la salariée à son employeur que Mme X... provoquait des incidents de nature à perturber le climat de travail ; que M. Y... horticulteur atteste « j'ai pu constater malgré mon entrée récente dans votre entreprise que vos employées Monique Z... et Ingrid X... faisaient tout pour dégrader les relations entre les membres de l'équipe. En effet, quand A... Anne-Marie passe, elles se moquent d'elles en la traitant « espèce de pouffiasse » en faisant des gestes obscènes avec les mains. Depuis mon entrée elles me persécutent en me disant du mal sur les membres de l'entreprise » ; que de même d'autres salariés se plaignaient du comportement de Mme X... à leur égard (attestations B... et Melle C...) ; que la salariée reproche à son employeur de ne pas avoir pris en compte des problèmes de santé, alors qu'à l'inverse, l'employeur à l'issue du dernier arrêt maladie, a organisé la visite de reprise comme il en a l'obligation, a écrit au médecin du travail pour avis et préconisations de ce dernier sur les possibilités de travail de la salariée, compte tenu des réserves d'aptitude formulées lors dudit examen de reprise ; que le médecin du travail, par lettre du 13 décembre 2004 confirmait que les règles de sécurité avaient bien été respectées, sauf 4 points qui ont été revus par la société ; qu'en conséquence la salariée n'établit pas la réalité d'agissements répréhensibles de l'employeur de nature à caractériser du harcèlement moral ;
Alors que font présumer l'existence d'un harcèlement moral le fait de n'autoriser un salarié à accéder que deux fois par jour à heures fixes à des toilettes sans éclairage, d'espionner en permanence ses faits et gestes, de le mettre à l'écart de tout contact avec la clientèle, de l'obliger à utiliser le parking réservé aux clients et à laisser son téléphone portable au vestiaire, et de lui interdire de s'asseoir pour travailler malgré des problèmes de santé ; que la cour d'appel a constaté que la salariée bénéficiait ¿ seulement-de pauses, de 10H à 10h10 et de 16h à 16h10 permettant de satisfaire ses besoins physiologiques ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par la salariée qui invoquait, outre cette circonstance, l'obligation d'utiliser le parking réservé aux clients, sur lequel son véhicule avait d'ailleurs été vandalisé, une mise à l'écart de tout contact avec la clientèle, l'interdiction de s'asseoir pour travailler malgré des problèmes de santé et l'obligation de laisser son téléphone portable au vestiaire, si n'était pas, ainsi, caractérisé un ensemble de faits faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, au lieu de se borner à relever que l'employeur n'avait fait qu'exercer son pouvoir de direction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme X... devait produire les effets d'une démission ;
Aux motifs qu'en l'absence de faits suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de l'employeur, la prise d'acte devait avoir les effets d'une démission ;
Alors que le harcèlement moral commis par l'employeur ou son refus de reconnaître au salarié sa qualification réelle et de lui verser le salaire correspondant lui rend imputable la rupture du contrat de travail et fait produire à la prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la cassation à intervenir sur le premier ou le deuxième moyen entraînera par voie de conséquence la censure du chef de dispositif relatif aux effets de la prise d'acte, en application de l'article 625 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-15072
Date de la décision : 30/10/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 05 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 oct. 2013, pourvoi n°12-15072


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Blanc et Rousseau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.15072
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