LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société PBetM Ouest, devenue la société Wolseley bois et matériaux (la société Wolseley), spécialisée dans le négoce de bois et autres matériaux en relation avec le bâtiment et les produits de la maison, exploitait un magasin à Dinard sous l'enseigne Weldom ; que la société Domaxel, devenue la société Weldom, lui a, le 6 avril 2007, reproché de s'écarter de l'exigence commerciale de l'enseigne et lui a proposé de rejoindre son « club partenaire », réitérant sa proposition les 5 juillet et 8 août 2007 ; que, sans réponse de sa part, la société Weldom l'a, le 19 octobre 2007, mise en demeure de déposer l'enseigne dans le délai d'un mois, en vain, puis a obtenu, le 29 avril 2008, une ordonnance de référé lui enjoignant de déposer l'enseigne ; que la société Wolseley a fait assigner la société Weldom en indemnisation de son préjudice pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt, après avoir énoncé que c'est par le courrier du 19 octobre 2007, qui mettait la société Wolseley en demeure de déposer l'enseigne litigieuse sous le délai d'un mois, que la société Weldom doit être regardée comme ayant rompu les relations commerciales, retient que le préavis d'un mois qui a ainsi été accordé était insuffisant et qu'eu égard tant à l'ancienneté des relations ayant lié les parties qu'à la nature de l'activité et la réalité du marché considérés, la société Wolseley aurait dû bénéficier d'un préavis d'une année ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Weldom, qui faisait valoir que la société Wolseley avait bénéficié d'un préavis effectif jusqu'au 14 mai 2008, date de dépose de l'enseigne, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE et ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Wolseley France bois et matériaux aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Weldom la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Weldom.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Weldom à payer à la société Wolseley la somme de 341.561 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture de relations contractuelles, outre les intérêts légaux à compter du 21 juin 2010, les intérêts échus étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE si toute partie à un engagement conclu pour une durée indéterminée ou participant à un courant d'affaires informel mais stable est en droit d'y mettre fin, elle ne peut le faire, sauf à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6-1 du code de commerce ; qu'en respectant un délai de préavis tenant compte notamment de la durée de la relation entretenue entre les intéressés ; qu'en l'occurrence les griefs formés par la société Weldom ont été invoqués à l'encontre de la société Wolseley dans un contexte de modification de la politique de partenariat commercial de la centrale d'achat et de référencement, laquelle entendait ouvrir, avec son nouveau partenaire et sous l'enseigne Weldom, un second magasin à la Richardais dans la zone d'attraction commerciale du magasin de Dinard ; que c'est ainsi que la société Weldom, arguant que le point de vente de Dinard s'éloignait, tant au niveau du plan de vente que de la communication, des exigences commerciales de l'enseigne, a demandé les 6 avril et 5 juillet 2007 à l'intimée, non de mettre un terme pur et simple à toutes relations contractuelles, mais d'en modifier la teneur en lui suggérant fortement de rejoindre un « Club partenaire » dont les membres ne bénéficient plus de la concession de marque et d'enseigne mais demeurent adhérents à la centrale d'achat et de référencement ; que, se faisant plus précise le 8 août 2007, la société Weldom a incité avec insistance la société Wolseley à adhérer au réseau « Club partenaire » en lui indiquant que, si elle décidait de conserver l'enseigne Weldom, elle ne pourrait, faute d'avoir régularisé son contrat d'enseigne, d'approvisionnement et de service, revendiquer le bénéfice de la clause d'exclusivité territoriale pour l'usage de l'enseigne ; que, toutefois, ce n'est que par courrier du 19 octobre 2007, mettant en demeure, sous le délai d'un mois, la société Wolseley de déposer l'enseigne litigieuse, que la société Weldom doit être regardée comme ayant résilié ses relations commerciales avec cette dernière ; (¿) qu'eu égard à l'ancienneté des relations ayant lié les parties, à la nature de l'activité considérée et à la réalité du marché dont s'agit, la société Wolseley aurait dû bénéficier d'un préavis d'une année afin de pallier les incidences de la perte de l'enseigne dont elle disposait ; (¿) qu'au regard du préavis de 1 mois accordé, l'indemnité à allouer à la société Wolseley doit être évalué à 31.051 X (12-1) =11 soit 341.561 euros ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la rupture des relations contractuelles se matérialise par la demande, sous forme de lettre RAR et mise en demeure sous délai d'un mois, datée du 19 octobre 2007, le tribunal retiendra la date du 19 novembre 2007 comme étant celle qui aurait dû marquer la fin des relations contractuelles entre les parties, si elles s'étaient exécutées, l'une en ôtant l'enseigne Weldom, l'autre en versant à la première une juste indemnité pour rupture unilatérale du contrat ;
1°/ ALORS QUE le délai de préavis court à compter du moment où l'auteur de la rupture manifeste son intention de ne pas poursuivre les relations dans les conditions antérieures ; que la cour d'appel a relevé que le 6 avril 2007, la société Weldom avait annoncé par courrier son intention de « modifier la teneur » des relations contractuelles la liant à la société Wolseley, en demandant à cette dernière d'adhérer au « Club partenaire » regroupant les points de vente qui ne disposaient pas de l'enseigne Weldom ; qu'il en résultait que la société Weldom avait ainsi manifesté son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale dans les mêmes conditions, ce qui faisait courir le délai de préavis à compter du 6 avril 2007 ; qu'en décidant néanmoins que le préavis de rupture courait seulement à partir du 19 octobre 2007, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-1 du Code de commerce ;
2°/ ALORS QUE la rupture d'une relation commerciale établie n'est pas brutale lorsque cette relation a été maintenue pendant un délai suffisant, malgré l'expiration de la date annoncée pour la rupture ; qu'en raison de l'erreur commise dans la détermination du point de départ du préavis, la cour d'appel n'a pas recherché, comme il lui était demandé, si le fait que la société Wolseley ait continué à bénéficier de l'effet attractif de l'enseigne Weldom pendant plus d'un an, entre le 6 d'avril 2007 et le 14 mai 2008, date de dépose effective de l'enseigne, n'ôtait pas tout caractère brutal à la rupture ; qu'en omettant de procéder à cette recherche déterminante pour caractériser le caractère brutal de la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6-1 du Code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué infirmatif sur ce point d'avoir condamné la société Weldom à payer à la société Wolseley la somme de 341.561 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture de relations contractuelles, outre les intérêts légaux à compter du 21 juin 2010, les intérêts échus étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE l'indemnité due à la société Wolseley au titre de la rupture des relations entre les parties ci-dessus analysée comme ayant été brutale correspond à la perte par l'intimée de la marge brute sur le chiffre d'affaires qui aurait dû être perçue si un préavis suffisant et conforme aux exigences de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce avait été consenti ; qu'il ressort des énonciations du rapport de l'expert judiciaire commis que le montant moyen mensuel de la marge brute pour l'exercice 2005-2006 s'est élevé à 30.892 euros et pour l'exercice 2006-2007 à 31.211 euros, soit un taux moyen mensuel pour les deux derniers exercices précédents la rupture s'élevant à 31.051 euros ; qu'au regard du préavis de 1 mois accordé, l'indemnité à allouer à la société Wolseley doit être évaluée à 31.051 X (12-1), soit 341.561 euros ;
ALORS QUE la réparation doit être à l'exacte mesure du préjudice subi ; que la société Weldom soutenait que la poursuite de l'approvisionnement du magasin de Dinard, exploité par la société Wolseley, au cours de l'année suivant la demande de dépose de l'enseigne avait permis à cette société de réaliser une marge brute très importante sur les ventes de produits « Weldom » venant diminuer d'autant son manque à gagner ; qu'en accordant une réparation égale à la totalité de la marge brute moyenne de la société Wolseley pendant l'insuffisance de durée du préavis, sans s'expliquer, comme il lui était expressément demandé, sur l'impact de la poursuite des approvisionnements par la société Weldom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.