LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 juin 2012), que, par acte du 14 août 2002, reçu en l'étude de M. Z..., notaire, M. et Mme X... ont vendu à M. et Mme Y... une maison d'habitation dans un lotissement ; que ces derniers ont fait donation à leur fille, Mme Evelyne Y..., de la nue-propriété de cette maison ; que se plaignant de vices affectant le carrelage, de la découverte d'un système de construction non traditionnel et d'une servitude de canalisation des eaux du lotissement qui leur aurait été cachée, les consorts Y... ont assigné, après expertise, M. et Mme X... et le notaire en indemnisation de leurs préjudices ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande en garantie des vices affectant le carrelage de l'immeuble, alors, selon le moyen :
1°/ que seul le vendeur qui n'a pas eu connaissance du vice au moment de la vente peut bénéficier de la clause de non-garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les décollements du carrelage, peu spectaculaires, certes, ne s'étaient pas amorcés récemment ; qu'en déclarant, cependant, que les vendeurs n'ayant pas nécessairement pris la mesure de la gravité du vice, étaient fondés à bénéficier de la clause de non-garantie des vices cachés stipulée au contrat de vente, elle n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations à savoir que les vendeurs qui avaient connaissance du vice affectant le carrelage au moment de la vente et n'en avaient pas averti les acquéreurs, ne pouvaient se prévaloir de la clause d'exonération des vices cachés ; que ce faisant, la cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil ;
2°/ que le fait que les vendeurs n'aient pas pris la mesure de la gravité du vice et qu'ils aient pu en toute bonne foi croire à un simple et normal phénomène d'usure ne suffit pas à exclure leur connaissance du vice ; qu'en se fondant sur de tels motifs pour décider que les vendeurs étaient fondés à bénéficier de la clause de non-garantie des vices cachés stipulée au contrat de vente, la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé l'absence de connaissance du vice par les vendeurs et a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1643 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant rappelé que l'expert, intervenu vingt mois après la vente, avait relevé que les dommages n'étaient pas spectaculaires, que le carrelage ne présentait pas de dégradations particulières en surface et qu'il était impossible d'affirmer qu'un non professionnel a nécessairement pris la mesure des dommages, la cour d'appel a pu retenir qu'il n'était pas démontré que les vendeurs, qui pouvaient attribuer le phénomène à une usure normale, avaient conscience de la gravité du vice et en déduire qu'ils étaient de bonne foi et pouvaient opposer à leurs adversaires la clause de non-garantie prévue au contrat ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande au titre de la structure de l'immeuble, alors, selon le moyen, qu'ils soutenaient que, dans leur esprit, l'immeuble était nécessairement construit de manière traditionnelle, qu'il leur avait été indiqué que les murs étaient en parpaings recouverts d'enduit et que la nature de la construction constituait une des qualités substantielles de l'immeuble ; qu'en se bornant à examiner si le système constructif mis en oeuvre révélait un vice de construction ou une non-conformité, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le consentement des acheteurs n'avait pas été vicié par une erreur sur le mode de construction de la maison vendue, à l'origine d'une erreur sur la substance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1110 et 1116 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, que le mode de construction de l'immeuble n'était pas entré dans le champ contractuel, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que cette constatation rendait inopérante, a légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande formée à l'encontre des époux X..., vendeurs, et de M. Z..., notaire, au titre de la servitude de canalisation, alors, selon le moyen qu'ils soutenaient que les canalisations passant sous leur terrain étaient la cause de remontées d'eaux usées dans le garage et le sous-sol de la maison ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la présence des canalisations ne causait pas des désordres matériels aux habitants de la maison et si le fait de ne pas en avoir été informés ne causait pas aux acquéreurs un préjudice moral justifiant leur indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1638 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les consorts Y... demandaient l'indemnisation de la perte de valeur de leur immeuble et retenu qu'ils ne rapportaient pas la preuve d'un préjudice de ce chef, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche sur l'existence d'un autre préjudice, matériel ou moral, qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts Y..., in solidum, à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros et à M. Z... la somme de 3 000 euros ; rejette les demandes des consorts Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour les consorts Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les époux Y..., acquéreurs, de leur demande en garantie des vices affectant le carrelage de l'immeuble, formée à l'encontre des époux X..., vendeurs ;
AUX MOTIFS QUE s'appuyant sur les constatations de l'expert judiciaire, le premier juge a justement rappelé que le carrelage couvrant la quasi-totalité du rez-de-chaussée de la maison « sonne creux » et craque sous le poids d'une personne ; que ces phénomènes sont dus à une compression du revêtement ayant pour origine une absence ou insuffisance des joints de dilatation périphériques et de fractionnement ; qu'il ne peut y être remédié que par un remplacement du carrelage ; que l'expert estime qu'il est « inimaginable » qu'un tel dommage qui affecte un immeuble de plus de vingt ans soit soudainement survenu après la vente et que « les décollements impossibles à dater, ne se sont pas amorcés récemment » ; que ce même expert intervenu vingt mois après la vente précise que ces dommages « ne sont ¿ pas très spectaculaires à ce jour », qu'il n'a pas été relevé de dégradations particulières en surface et qu'il lui est impossible d'affirmer qu'un « non-professionnel ait nécessairement pris la mesure des dommages » ; que, par ailleurs, ce n'est que le 26 novembre 2003, soit plus de quinze mois après la vente, que les consorts Y... ont fait constater par huissier les dégradations en litige ; que la preuve n'est donc pas rapportée que les époux X... avaient conscience de la gravité du vice, pouvant croire de bonne foi à un simple et normal phénomène d'usure ; que, par suite, les époux X... sont fondés à se prévaloir de la clause de non-garantie des vices cachés stipulée au contrat de vente ; que les consorts Y... seront dès lors déboutés de leur demande en indemnisation des vices affectant le carrelage ;
ALORS, D'UNE PART, QUE seul le vendeur qui n'a pas eu connaissance du vice au moment de la vente peut bénéficier de la clause de non-garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les décollements du carrelage, peu spectaculaires, certes, ne s'étaient pas amorcés récemment ; qu'en déclarant, cependant, que les vendeurs n'ayant pas nécessairement pris la mesure de la gravité du vice, étaient fondés à bénéficier de la clause de non-garantie des vices cachés stipulée au contrat de vente, elle n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations à savoir que les vendeurs qui avaient connaissance du vice affectant le carrelage au moment de la vente et n'en avaient pas averti les acquéreurs, ne pouvaient se prévaloir de la clause d'exonération des vices cachés ; que ce faisant, la cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART et en tout état de cause, QUE le fait que les vendeurs n'aient pas pris la mesure de la gravité du vice et qu'ils aient pu en toute bonne foi croire à un simple et normal phénomène d'usure ne suffit pas à exclure leur connaissance du vice ; qu'en se fondant sur de tels motifs pour décider que les vendeurs étaient fondés à bénéficier de la clause de nongarantie des vices cachés stipulée au contrat de vente, la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé l'absence de connaissance du vice par les vendeurs et a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1643 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux Y... de leur demande au titre de la structure de l'immeuble ;
AUX MOTIFS QUE les consorts Y... soutiennent que la maison vendue a été construite en blocs de polystyrène, que ce système constructif original déroge aux constructions traditionnelles réalisées en parpaing et/ ou pierre de taille et ciment et constitue une non-conformité affectant l'une des qualités substantielles de l'immeuble de sorte que les époux X... ont manqué à leur obligation de délivrance et que la non-révélation par les vendeurs de ce système caractérise de surcroît une réticence dolosive ; que selon les constatations de l'expert, l'immeuble comporte un sous-bassement en maçonnerie réalisé en agglomérés béton ainsi qu'un rez-de-chaussée et un étage dont les murs sont constitués de blocs de polystyrène de 25 cm d'épaisseur dans lesquels du béton a été coulé, et qui sont revêtus, à l'intérieur, d'un doublage plâtre et, à l'extérieur, d'un revêtement plastique ; qu'il résulte des conclusions non contredites de cet expert que le système constructif de type ISORAST mis en oeuvre est éprouvé et agréé de sorte qu'il ne peut constituer un vice de construction ; que l'acte de vente ne comporte aucune spécification quant au système constructif et que la preuve de ce que les vendeurs avaient connaissance de ce que les acquéreurs recherchaient une maison réalisée dans des matériaux traditionnels n'est pas rapportée ; qu'il en est de même du projet d'extension dont les consorts Y... soutenaient qu'il était incompatible avec la structure de l'immeuble ; que par ailleurs, selon les conclusions de l'expert, le projet d'extension invoqué sur toute la longueur du pignon était utopique, que l'immeuble soit réalisé en maçonnerie d'agglomérés béton ou à l'aide des matériaux mis en oeuvre, et que la structure incriminée permet l'ouverture d'une porte ; que demeuré hors du champ contractuel, le système constructif de la maison vendue ne peut constituer une non-conformité de nature à engager la responsabilité des vendeurs ;
ALORS QUE les consorts Y... soutenaient que dans leur esprit, l'immeuble était nécessairement construit de manière traditionnelle, qu'il leur avait été indiqué que les murs étaient en parpaings recouverts d'enduit et que la nature de la construction constituait une des qualités substantielles de l'immeuble ; qu'en se bornant à examiner si le système constructif mis en oeuvre révélait un vice de construction ou une non-conformité, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le consentement des acheteurs n'avait pas été vicié par une erreur sur le mode de construction de la maison vendue, à l'origine d'une erreur sur la substance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1110 et 1116 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux Y..., acquéreurs, de leur demande formée à l'encontre des époux X..., vendeurs, et de Me Z..., notaire, au titre de la servitude de canalisation ;
AUX MOTIFS QUE sous l'immeuble formant le lot n° 3 du lotissement, passent des canalisations d'évacuation des eaux pluviales et usées en provenance d'autres lots ; qu'il s'agit d'une servitude occulte dès lors que ces installations sont enterrées et que les ouvrages que constituent les regards et plaques d'égouts ne sont pas révélateurs de l'évacuation des eaux pluviales et usés des terrains voisins à travers le fonds vendu ; que les vendeurs ont manqué à leur obligation d'information en ne portant pas à la connaissance des acquéreurs l'existence de cette servitude constitutive d'une charge occulte ; que cependant, les consorts Y... ne rapportent pas la preuve de ce que le prix d'acquisition de l'immeuble était supérieur à sa valeur vénale au regard de la charge pesant sur le fonds ; qu'ils n'établissent pas que, mieux informés, ils auraient pu acquérir à meilleur prix ; qu'à défaut de préjudice démontré, les consorts Y... seront déboutés de leur demande d'indemnisation ;
ALORS QUE les consorts Y... soutenaient que les canalisations passant sous leur terrain étaient la cause de remontées d'eaux usées dans le garage et le sous-sol de la maison ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la présence des canalisations ne causait pas des désordres matériels aux habitants de la maison et si le fait de ne pas en avoir été informés ne causait pas aux acquéreurs un préjudice moral justifiant leur indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1638 du code civil.