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16/10/2013 | FRANCE | N°13-15146

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 octobre 2013, 13-15146


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er février 2013), que M. X..., joueur de basket-ball, et M. Y..., joueur de football, désignés pour faire partie d'un groupe "cible" par une décision de l'Agence française de lutte contre le dopage sur le fondement de l'article L. 232-15 du code du sport, ont assigné celle-ci devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir leur retrait du groupe "cible" et la condamnation de l'Agence à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêt

s en réparation de leur préjudice moral et des troubles occasionnés...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er février 2013), que M. X..., joueur de basket-ball, et M. Y..., joueur de football, désignés pour faire partie d'un groupe "cible" par une décision de l'Agence française de lutte contre le dopage sur le fondement de l'article L. 232-15 du code du sport, ont assigné celle-ci devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir leur retrait du groupe "cible" et la condamnation de l'Agence à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral et des troubles occasionnés dans leurs conditions d'existence ; que la cour d'appel, devant laquelle le préfet de la région Ile-de-France avait présenté un déclinatoire de compétence, a confirmé l'ordonnance du juge de la mise en état qui, sans examiner la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MM. X... et Y..., avait déclaré le tribunal de grande instance incompétent au profit de la juridiction administrative et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ; que MM. X... et Y... ont formé un pourvoi en cassation et présenté, par un mémoire distinct et motivé, une question prioritaire de constitutionnalité ;
Sur le moyen, invoqué à l'appui de la question prioritaire de constitutionnalité, tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :
Attendu que MM. X... et Y... invoquent un moyen tiré de ce que les articles L. 232-5 d, L. 232-14 et L. 232-15 du code du sport porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, ainsi formulé : « Les articles L. 232-5 d, L. 232-14 et L. 232-15 du code du sport ne sont-ils pas entachés d'incompétence négative du législateur en violation de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu'ils n'encadrent pas de façon suffisamment complète les pouvoirs de contrôle de l'Agence française de lutte contre le dopage à l'égard des sportifs concernés, et ne portent-ils pas atteinte de ce fait aux droits et libertés garantis par la Constitution, et en particulier au droit à l'inviolabilité du domicile et à la liberté individuelle garantis par l'article 66 de la Constitution, au droit au respect de la vie privée et à la liberté d'aller et de venir garantis par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au droit à mener une vie familiale normale garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 et le 10e alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789 ? »
Mais attendu que le dispositif de la question prioritaire de constitutionnalité n'a ni pour objet ni pour effet de déroger aux règles régissant le partage des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif ; que l'un et l'autre assurent la protection des libertés et droits garantis par la Constitution, sous réserve de la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel, place sous la protection de l'autorité judiciaire ; que l'action introduite par MM. X... et Y... et dirigée contre l'Agence française de lutte contre le dopage, qui est une autorité publique indépendante, dotée de la personnalité morale et investie d'une mission de service public dans l'exercice de laquelle elle a pris la mesure qu'il est demandé de lever et d'en indemniser les conséquences dommageables, relève par nature de la compétence de la juridiction administrative ; que la décision de l'Agence de désigner des sportifs constituant un groupe cible et de les soumettre aux contrôles dans les conditions prévues par les articles L. 232-5 et suivants du code du sport, prise dans l'exercice des prérogatives que le législateur lui a accordées, se rattache manifestement à un pouvoir lui appartenant et ne saurait, dès lors, constituer une voie de fait, notion par ailleurs inapplicable à un texte législatif ; que les droits et libertés garantis par la Constitution auxquelles il est prétendu que les dispositions contestées auraient porté atteinte ne relèvent pas de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel ; qu'en outre, l'obligation de localisation imposée aux sportifs faisant partie du groupe cible ne constitue pas, par elle-même, une restriction à la liberté d'aller et de venir, les contrôles doivent être réalisés dans le respect de leur vie privée et de leur intimité, ne sont effectués au domicile que sur leur demande et selon une plage horaire déterminée, et sont placés sous le contrôle de l'autorité judiciaire lorsqu'ils sont destinés à la recherche d'infractions ou sont susceptibles de donner lieu à des saisies ; que, dans ces conditions, en l'absence d'atteinte à un droit ou une liberté placé sous la protection de la seule autorité judiciaire, le moyen tiré de ce que les dispositions législatives contestées porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne saurait être présenté devant la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige ;
Sur les moyens du pourvoi, réunis, tels qu'ils figurent en annexe :
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
Dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Déclare non-admis le pourvoi ;
Condamne MM. X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. X... et Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour MM. X... et Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fait droit au déclinatoire de compétence soulevé par le préfet de la région Ile-de-France, d'AVOIR déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent au profit de la juridiction administrative et d'AVOIR renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
AUX ENONCIATIONS QUE M. X... et M. Y... suivant conclusions déposées le 30 novembre 2012, demandent à la cour de : - rejeter le déclinatoire de compétence du préfet ; - en toute hypothèse, surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité déposée par eux - condamner l'Agence française de la lutte contre le dopage à leur verser la somme de 2.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens. Ils soutiennent que l'obligation de localisation sanctionnée par l'article L. 232-15 du code du sport constitue une atteinte à la liberté individuelle qui peut être assimilée à une surveillance de sûreté telle que le bracelet électronique et qu'il appartient au juge judiciaire, en application de l'article 66 de la Constitution, d'en assurer la protection ; que les sportifs n'ont d'autre choix que de se localiser à leur domicile pour permettre au contrôle et au prélèvement de sang et d'urine d'être opérés, ce qui constitue une atteinte à l'inviolabilité de leur domicile dont le juge judiciaire a à connaître ; que l'atteinte, aussi minime soit-elle, à la liberté individuelle ou à l'inviolabilité du domicile, renvoie nécessairement au juge judiciaire pour connaître du litige, avant d'apprécier, dans un second temps, le caractère proportionné et nécessaire de l'atteinte. Ils ajoutent qu'ils ont posé une question prioritaire de constitutionnalité visant les moyens relatifs à l'application de l'article 66 de la Constitution ;
AUX MOTIFS QUE la présente décision porte exclusivement sur la question de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour statuer, le dossier distinct ouvert sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par les appelants devant être évoqué ultérieurement par la cour si elle s'estime compétente ; qu'aux termes de l'article L. 232-15 du code du sport « sont tenus de fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation permettant la réalisation de contrôles mentionnés à l'article L. 232-5, les sportifs constituant le groupe cible, désignés pour une année par l'Agence française de lutte contre le dopage parmi les sportifs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou sur la liste des sportifs Espoir au sens du même code, ou les sportifs ayant été inscrits sur l'une de ces listes au moins une année durant les trois dernières années, et les sportifs professionnels licenciés des fédérations agréées ou ayant été professionnels au moins une année durant les trois dernières années » ; que MM. X... et Y... ont été désignés par l'Agence française de lutte contre le dopage, suivant décision en date du 9 septembre 2011, pour faire partie du groupe cible, ce qui les contraint à procéder à leur localisation pour permettre des contrôles anti-dopage pendant les manifestations sportives, mais également hors des manifestations sportives et hors des périodes d'entraînement y préparant ; qu'ils contestent cette décision et demandent à être retirés de ce groupe cible, estimant que les obligations qui en résultent portent atteinte à leurs libertés individuelles ; qu'ils ont saisi de leur demande le tribunal de grande instance de Paris et que, par ordonnance en date du 6 juillet 2012, le juge de la mise en état, saisi d'une exception d'incompétence soulevée par l'AFLD, a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour statuer sur les demandes et renvoyé M. X... et M. Y... à mieux se pourvoir ; que M. X... et M. Y... ont interjeté appel de cette décision et soutiennent que le juge judiciaire serait compétent, s'agissant de faire respecter les libertés individuelles et d'assurer la protection de l'inviolabilité du domicile ; que le préfet de la région Ile de France a présenté un déclinatoire de compétence afin d'élever le conflit ; qu'il en résulte que, si la cour rejette le déclinatoire et déclare le juge judiciaire compétent, elle doit surseoir à statuer au fond de sorte que le préfet puisse élever le conflit et saisir le tribunal des conflits ; que la loi du 5 avril 2006 donné à l'AFLD le statut d'autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale ayant pour mission de mettre en oeuvre les action de lutte contre le dopage et que c'est dans l'exercice de ses missions que l'AFLD , par l'intermédiaire de son directeur des contrôles, désigne les sportifs astreints à une obligation de localisation ; que les décisions prises par l'AFLD ont la nature de décisions administratives dont la contestation ressortit, aux termes de l'article R. 311-1 4° du code de justice administrative, à la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ; que la décision de désignation de M. X... et M. Y... pour faire partie du groupe cible soumis à l'obligation de localisation entre dans l'exercice normal par l'AFLD des missions qui lui sont confiées et qu'il ne peut donc être argué de l'existence d'une voie de fait justifiant la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que c'est en vain que M. X... et M. Y... prétendent sortir des règles de compétence édictées par le code de justice administrative en soutenant que la décision critiquée porterait atteinte à leur liberté d'aller et venir et au principe de l'inviolabilité du domicile et relèverait dès lors de la compétence du juge judiciaire, en application des dispositions de l'article 66 de la Constitution, s'agissant de la protection des libertés individuelles ; qu'en effet, la protection de la liberté individuelle par la juridiction judiciaire ne l'emporte sur le principe de séparation des pouvoirs que lorsqu'est en cause la « sûreté » individuelle ; que l'article 66 de la Constitution n'a pas pour objet ou pour effet de permettre à l'autorité judiciaire de connaître de l'ensemble des mesures portant atteinte aux libertés, mais se limite aux mesures susceptibles d'être qualifiées de « détentions arbitraires » ; qu'à cet effet, le Conseil constitutionnel distingue la liberté individuelle mentionnée à l'article 66 de la Constitution de la notion de liberté personnelle fondée sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme à laquelle il rattache la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile ; que dès lors les atteintes aux libertés et à la protection du domicile invoquées par M. X... et M. Y... n'entrent pas dans le champ de l'article 66 de la Constitution et ne donnent donc pas vocation au juge judiciaire à intervenir ; que dès lors il convient de faire droit au déclinatoire de compétence du préfet de la région Ile de France et de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a déclaré ce tribunal incompétent pour connaître de la contestation de la décision de l'AFLD du 9 septembre 2011 opposée par M. X... et M. Y... et renvoyé ces derniers à mieux se pourvoir ;
ALORS QUE le juge a l'obligation de trancher la question de fond dont dépend la compétence ; que lorsqu'il est saisi d'une exception d'incompétence, il doit se prononcer sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité posée par une partie si celle-ci est susceptible d'influer sur la détermination de la compétence ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel avait été régulièrement saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles L. 232-5, I, 3°, d, L. 232-14 et L. 232-15 du code du sport, en particulier sous l'angle de la protection de la liberté individuelle, du droit à l'inviolabilité du domicile et de la liberté d'aller et de venir, dont il était fait valoir que la protection ressortissait à la compétence des juridictions judiciaires ; qu'aussi, à supposer que le Conseil constitutionnel, saisi de la question, fût entré en voie de censure à l'encontre de l'une de ces dispositions sur l'un des fondements sus-évoqués, la compétence de la juridiction judiciaire était susceptible d'être retenue, soit sur le fondement de l'article 66 de la Constitution, soit encore sur le fondement de la voie de fait ; qu'en refusant de se prononcer sur la question prioritaire de constitutionnalité dont elle avait été saisie par MM. X... et Y..., motif pris de ce qu'elle serait traitée ultérieurement par la cour si cette dernière s'estimait compétente, quand il lui appartenait de statuer sur sa transmission dès lors qu'elle était susceptible d'exercer une influence sur la compétence, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles 77, 95 et 96 du même code, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, ensemble les articles 126-3 et 126-4 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fait droit au déclinatoire de compétence soulevé par le préfet de la région Ile-de-France, d'AVOIR déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent au profit de la juridiction administrative et d'AVOIR renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS QUE la présente décision porte exclusivement sur la question de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour statuer, le dossier distinct ouvert sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par les appelants devant être évoqué ultérieurement par la cour si elle s'estime compétente ; qu'aux termes de l'article L. 232-15 du code du sport « sont tenus de fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation permettant la réalisation de contrôles mentionnés à l'article L. 232-5, les sportifs constituant le groupe cible, désignés pour une année par l'Agence française de lutte contre le dopage parmi les sportifs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou sur la liste des sportifs Espoir au sens du même code, ou les sportifs ayant été inscrits sur l'une de ces listes au moins une année durant les trois dernières années, et les sportifs professionnels licenciés des fédérations agréées ou ayant été professionnels au moins une année durant les trois dernières années » ; que MM. X... et Y... ont été désignés par l'Agence française de lutte contre le dopage, suivant décision en date du 9 septembre 2011, pour faire partie du groupe cible, ce qui les contraint à procéder à leur localisation pour permettre des contrôles anti-dopage pendant les manifestations sportives, mais également hors des manifestations sportives et hors des périodes d'entraînement y préparant ; qu'ils contestent cette décision et demandent à être retirés de ce groupe cible, estimant que les obligations qui en résultent portent atteinte à leurs libertés individuelles ; qu'ils ont saisi de leur demande le tribunal de grande instance de Paris et que, par ordonnance en date du 6 juillet 2012, le juge de la mise en état, saisi d'une exception d'incompétence soulevée par l'AFLD, a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour statuer sur les demandes et renvoyé M. X... et M. Y... à mieux se pourvoir ; que M. X... et M. Y... ont interjeté appel de cette décision et soutiennent que le juge judiciaire serait compétent, s'agissant de faire respecter les libertés individuelles et d'assurer la protection de l'inviolabilité du domicile ; que le préfet de la région Ile de France a présenté un déclinatoire de compétence afin d'élever le conflit ; qu'il en résulte que, si la cour rejette le déclinatoire et déclare le juge judiciaire compétent, elle doit surseoir à statuer au fond de sorte que le préfet puisse élever le conflit et saisir le tribunal des conflits ; que la loi du 5 avril 2006 donné à l'AFLD le statut d'autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale ayant pour mission de mettre en oeuvre les action de lutte contre le dopage et que c'est dans l'exercice de ses missions que l'AFLD , par l'intermédiaire de son directeur des contrôles, désigne les sportifs astreints à une obligation de localisation ; que les décisions prises par l'AFLD ont la nature de décisions administratives dont la contestation ressortit, aux termes de l'article R. 311-1 4° du code de justice administrative, à la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ; que la décision de désignation de M. X... et M. Y... pour faire partie du groupe cible soumis à l'obligation de localisation entre dans l'exercice normal par l'AFLD des missions qui lui sont confiées et qu'il ne peut donc être argué de l'existence d'une voie de fait justifiant la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que c'est en vain que M. X... et M. Y... prétendent sortir des règles de compétence édictées par le code de justice administrative en soutenant que la décision critiquée porterait atteinte à leur liberté d'aller et venir et au principe de l'inviolabilité du domicile et relèverait dès lors de la compétence du juge judiciaire, en application des dispositions de l'article 66 de la Constitution, s'agissant de la protection des libertés individuelles ; qu'en effet, la protection de la liberté individuelle par la juridiction judiciaire ne l'emporte sur le principe de séparation des pouvoirs que lorsqu'est en cause la « sûreté » individuelle ; que l'article 66 de la Constitution n'a pas pour objet ou pour effet de permettre à l'autorité judiciaire de connaître de l'ensemble des mesures portant atteinte aux libertés, mais se limite aux mesures susceptibles d'être qualifiées de « détentions arbitraires » ; qu'à cet effet, le Conseil constitutionnel distingue la liberté individuelle mentionnée à l'article 66 de la Constitution de la notion de liberté personnelle fondée sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme à laquelle il rattache la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile ; que dès lors les atteintes aux libertés et à la protection du domicile invoquées par M. X... et M. Y... n'entrent pas dans le champ de l'article 66 de la Constitution et ne donnent donc pas vocation au juge judiciaire à intervenir ; que dès lors il convient de faire droit au déclinatoire de compétence du préfet de la région Ile de France et de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a déclaré ce tribunal incompétent pour connaître de la contestation de la décision de l'AFLD du 9 septembre 2011 opposée par M. X... et M. Y... et renvoyé ces derniers à mieux se pourvoir ;
ALORS QUE les articles L. 232-5 d, L. 232-14 et L. 232-15 du code du sport sont entachés d'incompétence négative du législateur en violation de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu'ils n'encadrent pas de façon suffisamment complète les pouvoirs de contrôle de l'Agence française de lutte contre le dopage à l'égard des sportifs concernés, et portent atteinte de ce fait aux droits et libertés garantis par la Constitution, et en particulier au droit à l'inviolabilité du domicile et à la liberté individuelle garantis par l'article 66 de la Constitution, au droit au respect de la vie privée et à la liberté d'aller et de venir garantis par l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au droit à mener une vie familiale normale garanti par les articles 2 et 4 de la déclaration de 1789 et le 10e alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la déclaration de 1789 ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité de ce texte qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fait droit au déclinatoire de compétence soulevé par le préfet de la région Ile-de-France, d'AVOIR déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent au profit de la juridiction administrative et d'AVOIR renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la présente décision porte exclusivement sur la question de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour statuer, le dossier distinct ouvert sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par les appelants devant être évoqué ultérieurement par la cour si elle s'estime compétente ; qu'aux termes de l'article L. 232-15 du code du sport « sont tenus de fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation permettant la réalisation de contrôles mentionnés à l'article L. 232-5, les sportifs constituant le groupe cible, désignés pour une année par l'Agence française de lutte contre le dopage parmi les sportifs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou sur la liste des sportifs Espoir au sens du même code, ou les sportifs ayant été inscrits sur l'une de ces listes au moins une année durant les trois dernières années, et les sportifs professionnels licenciés des fédérations agréées ou ayant été professionnels au moins une année durant les trois dernières années » ; que MM. X... et Y... ont été désignés par l'Agence française de lutte contre le dopage, suivant décision en date du 9 septembre 2011, pour faire partie du groupe cible, ce qui les contraint à procéder à leur localisation pour permettre des contrôles anti-dopage pendant les manifestations sportives, mais également hors des manifestations sportives et hors des périodes d'entraînement y préparant ; qu'ils contestent cette décision et demandent à être retirés de ce groupe cible, estimant que les obligations qui en résultent portent atteinte à leurs libertés individuelles ; qu'ils ont saisi de leur demande le tribunal de grande instance de Paris et que, par ordonnance en date du 6 juillet 2012, le juge de la mise en état, saisi d'une exception d'incompétence soulevée par l'AFLD, a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour statuer sur les demandes et renvoyé M. X... et M. Y... à mieux se pourvoir ; que M. X... et M. Y... ont interjeté appel de cette décision et soutiennent que le juge judiciaire serait compétent, s'agissant de faire respecter les libertés individuelles et d'assurer la protection de l'inviolabilité du domicile ; que le préfet de la région Ile de France a présenté un déclinatoire de compétence afin d'élever le conflit ; qu'il en résulte que, si la cour rejette le déclinatoire et déclare le juge judiciaire compétent, elle doit surseoir à statuer au fond de sorte que le préfet puisse élever le conflit et saisir le tribunal des conflits ; que la loi du 5 avril 2006 donné à l'AFLD le statut d'autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale ayant pour mission de mettre en oeuvre les action de lutte contre le dopage et que c'est dans l'exercice de ses missions que l'AFLD , par l'intermédiaire de son directeur des contrôles, désigne les sportifs astreints à une obligation de localisation ; que les décisions prises par l'AFLD ont la nature de décisions administratives dont la contestation ressortit, aux termes de l'article R. 311-1 4° du code de justice administrative, à la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ; que la décision de désignation de M. X... et M. Y... pour faire partie du groupe cible soumis à l'obligation de localisation entre dans l'exercice normal par l'AFLD des missions qui lui sont confiées et qu'il ne peut donc être argué de l'existence d'une voie de fait justifiant la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que c'est en vain que M. X... et M. Y... prétendent sortir des règles de compétence édictées par le code de justice administrative en soutenant que la décision critiquée porterait atteinte à leur liberté d'aller et venir et au principe de l'inviolabilité du domicile et relèverait dès lors de la compétence du juge judiciaire, en application des dispositions de l'article 66 de la Constitution, s'agissant de la protection des libertés individuelles ; qu'en effet, la protection de la liberté individuelle par la juridiction judiciaire ne l'emporte sur le principe de séparation des pouvoirs que lorsqu'est en cause la « sûreté » individuelle ; que l'article 66 de la Constitution n'a pas pour objet ou pour effet de permettre à l'autorité judiciaire de connaître de l'ensemble des mesures portant atteinte aux libertés, mais se limite aux mesures susceptibles d'être qualifiées de « détentions arbitraires » ; qu'à cet effet, le Conseil constitutionnel distingue la liberté individuelle mentionnée à l'article 66 de la Constitution de la notion de liberté personnelle fondée sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme à laquelle il rattache la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile ; que dès lors les atteintes aux libertés et à la protection du domicile invoquées par M. X... et M. Y... n'entrent pas dans le champ de l'article 66 de la Constitution et ne donnent donc pas vocation au juge judiciaire à intervenir ; que dès lors il convient de faire droit au déclinatoire de compétence du préfet de la région Ile de France et de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a déclaré ce tribunal incompétent pour connaître de la contestation de la décision de l'AFLD du 9 septembre 2011 opposée par M. X... et M. Y... et renvoyé ces derniers à mieux se pourvoir ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'à titre liminaire l'article 126-1 du code de procédure civile dispose que « le juge qui statue sur la question prioritaire de constitutionnalité est celui qui connaît de l'instance au cours de laquelle cette question est soulevée » ; qu'il résulte de ce texte que le juge qui se prononce sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation est le juge compétent pour connaître du litige ; qu'il en ressort que lorsque le juge est saisi d'un incident de compétence, il doit se prononcer sur la compétence avant de s'intéresser à la pertinence de la question prioritaire de constitutionnalité » ; que sur l'exception d'incompétence soulevée par l'Agence française de lutte contre le dopage, en réponse à l'exception d'incompétence soulevée par l'Agence française de lutte contre le dopage, MM. X... et Y... font valoir que le tribunal est compétent pour connaître du litige au motif que la décision de les intégrer dans un groupe-cible et "l'obligation de se localiser" qu'elle entraîne, constitue une atteinte injustifiée à l'inviolabilité du domicile et à la liberté individuelle, domaines particuliers qui relèvent du contrôle de l'autorité judiciaire, en application de l'article 66 de la Constitution ; que l'article 96 du code de procédure civile dispose que "lorsque le juge estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir" ; que l'article R. 311-1 du code de justice administrative dispose que « le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et en dernier ressort : 4°) des recours dirigés contre les décisions prises par les organes des autorités suivantes, au titre de leur mission de contrôle et de régulation : L'Agence française de lutte contre le dopage » ; que MM. X... et Y... demandent au tribunal de prononcer leur retrait du groupe-cible constitué par l'Agence française de lutte contre le dopage sur le fondement de l'article L. 232-15 du code du sport ; que les demandeurs indiquent qu'ils ont été intégrés au groupe-cible par une décision de l'Agence française de lutte contre le dopage du 9 septembre 2011 ; que l'Agence française de lutte contre le dopage est une autorité publique indépendante créée par la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 ; que les décisions prises par cette autorité publique indépendante sont des décisions de nature administrative ; que MM. X... et Y... demandent, d'une part, le retrait du groupe-cible, ce qui s'analyse en une demande de retrait d'un acte administratif et, d'autre part, une indemnisation sur le fondement de la responsabilité de l'Agence française de lutte contre le dopage ; que la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III qui consacrent la séparation des autorités administratives et judiciaires, il est constant que le juge judiciaire n'est pas compétent pour connaître de la légalité des décisions administratives et pour se prononcer sur la responsabilité des autorités administratives, parmi lesquelles les autorités publiques indépendantes ; que si le tribunal des conflits a réservé certaines matières à la compétence de l'autorité judiciaire, notamment la liberté individuelle et la sauvegarde de l'inviolabilité du domicile, cette compétence s'entend de manière stricte ; qu'en l'espèce, l'obligation pour le sportif appartenant au groupe-cible de donner chaque jour sa localisation pendant un créneau horaire de soixante minutes dans une période comprise entre 36 heures et 21 heures pendant lequel un préleveur agréé par l'Agence française de lutte contre le dopage pourra effectuer un prélèvement urinaire ou sanguin, ne constitue pas une atteinte telle à la liberté individuelle et à l'inviolabilité du domicile qu'il soit justifié d'écarter la compétence naturelle de l'autorité administrative au profit de l'autorité judiciaire ; que le mécanisme de contrôle de la localisation des sportifs appartenant au groupe-cible n'est pas comparable aux mesures privatives de liberté dont il a été reconnu qu'elles requièrent l'intervention du juge judiciaire ; qu'en conséquence, le tribunal se déclarera incompétent et renverra MM. X... et Y... à mieux se pourvoir ;
1) ALORS QUE l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle, de sorte qu'elle est compétente pour connaître des atteintes portées à cette liberté, peu important qu'elles résultent d'une décision administrative dont le contentieux de la légalité ressortit à la compétence du juge administratif ; que la protection de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 n'est pas limitée aux hypothèses de privation de liberté ou de détention arbitraire, mais couvre encore les atteintes graves à l'intégrité physique ou morale de la personne, ainsi que la violation de son domicile ; qu'au cas d'espèce, en considérant que la décision prise par l'Agence française de lutte contre le dopage d'inscrire MM. X... et Y... dans le groupe-cible des personnes soumises à différentes obligations en matière de contrôle contre le dopage, dont celle d'être localisable à tout moment, était une décision administrative dont le contentieux ressortissait à la juridiction administrative, sans que la compétence des juridictions judiciaires puisse être retenue sur le fondement de la protection de la liberté individuelle, dès lors que celle-ci serait limitée à la sûreté ou bien encore aux mesures susceptibles d'être qualifiées de détention arbitraire, la cour d'appel, qui a ainsi méconnu le champ de la compétence judiciaire en matière d'atteinte à la liberté individuelle, a violé l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2) ALORS QUE l'article L. 232-15 du code du sport oblige les sportifs inscrits dans le groupe-cible à fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation sans donner plus de précision, cependant que l'article L. 232-14 du même code prévoit qu'un contrôle peut être réalisé à leur domicile entre 6 h et 21 h sans autre restriction de l'amplitude horaire ; que si pour sa part, la délibération n° 54 rectifiée des 12 juillet 2007 et 18 octobre 2007 portant modalités de transmission et de gestion des informations de localisation des sportifs faisant l'objet de contrôles individualisés et de sanctions en cas de manquement prise par l'Agence française de lutte contre le dopage prévoit en son article 3 alinéa 1er que le sportif inscrit dans le groupe-cible doit indiquer pour chaque jour un créneau horaire d'une heure durant lequel il est susceptible d'être contrôlé, l'alinéa 3 du même texte prévoit néanmoins que les contrôles peuvent également être effectués en dehors des créneaux horaires indiqués par le sportif concerné ; qu'en affirmant que l'obligation pour le sportif appartenant au groupe-cible de donner chaque jour sa localisation sur un créneau horaire de 60 minutes dans une période comprise entre 6 h et 21 h, pendant lequel un contrôle pourra être effectué, ne constituerait pas une atteinte à la liberté individuelle ou à l'inviolabilité du domicile telle qu'il soit justifié d'écarter la compétence des juridictions administratives au profit des juridictions judiciaires, quand la délibération de l'Agence française de lutte contre le dopage dût être prise en considération, celle-ci ne limitait en aucune façon la possibilité d'un contrôle au créneau horaire d'une heure indiqué par le sportif concerné, la cour d'appel a violé les articles L. 232-14 et L. 232-15 du code du sport, 3 de la délibération n° 54 rectifiée de l'Agence française de lutte contre le dopage des 12 juillet 2007 et 18 octobre 2007.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-15146
Date de la décision : 16/10/2013
Sens de l'arrêt : Qpc - non-lieu à renvoi au conseil constitutionnel
Type d'affaire : Civile

Analyses

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Code du sport - Articles L. 232-5, d, L. 232-14 et L. 232-15 - Incompétence négative - Inviolabilité du domicile - Liberté individuelle - Respect de la vie privée - Liberté d'aller et venir - Droit à mener une vie familiale normale - Principe d'égalité - Incompétence de la juridiction judiciaire pour connaître du litige - Pourvoi non admis - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 oct. 2013, pourvoi n°13-15146, Bull. civ. 2013, I, n° 201
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, I, n° 201

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Cailliau
Rapporteur ?: M. Gallet
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:13.15146
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