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16/10/2013 | FRANCE | N°12-18190

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 octobre 2013, 12-18190


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant offre du 8 octobre 1998, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence (la banque) a consenti un prêt immobilier à Mme X..., que celle-ci a contesté l'exactitude du taux effectif global mentionné dans l'offre et assigné la banque le 28 juillet 2008 aux fins d'obtenir la déchéance du droit aux intérêts du prêteur ; que la cour d'appel, statuant tant sur la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels formée devant elle à

titre principal que sur celle subsidiaire de déchéance du droit aux in...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant offre du 8 octobre 1998, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence (la banque) a consenti un prêt immobilier à Mme X..., que celle-ci a contesté l'exactitude du taux effectif global mentionné dans l'offre et assigné la banque le 28 juillet 2008 aux fins d'obtenir la déchéance du droit aux intérêts du prêteur ; que la cour d'appel, statuant tant sur la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels formée devant elle à titre principal que sur celle subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts, a reçu l'action de Mme X..., mais l'a déboutée de ses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Attendu que la banque reproche à l'arrêt de déclarer recevable l'action en annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels, alors, selon le moyen, que l'action en nullité de la stipulation d'intérêt pour erreur dans le calcul du taux effectif global court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global ; que, s'agissant d'un prêt, le point de départ de cette prescription est la date de la convention ; qu'en faisant courir le délai de la prescription qu'elle vise, non pas à compter du jour de la signature du prêt, mais à compter du jour où Mme X... aurait eu connaissance de l'irrégularité du taux effectif global que ce prêt mentionnait, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil ;
Mais attendu, n'étant pas contesté que l'emprunteur n'avait pas la qualité de professionnel, qu'ayant relevé que les indications figurant dans l'acte de prêt ne pouvaient permettre à Mme X... de s'interroger sur les frais de nature à être intégrés dans le coût du crédit, et estimé que celle-ci n'avait eu connaissance de l'erreur affectant le calcul du taux effectif global que peu avant d'engager son action en annulation de la stipulation d'intérêts litigieuse, c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré cette action recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal :
Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation ;
Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels, prise d'un défaut d'intégration dans le taux effectif global des frais liés à la souscription des parts sociales prévue au contrat de prêt, l'arrêt retient qu'il ne s'agit pas d'une charge mais d'un actif remboursable à l'emprunteur après libération de la totalité de ses obligations à l'égard du prêteur ;
Qu'en statuant ainsi, quand le coût des parts sociales dont la souscription est imposée par l'établissement prêteur comme une condition d'octroi du prêt, constitue des frais entrant nécessairement dans le calcul du taux effectif global, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi principal :
Rejette le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes relatives à la stipulation d'intérêts conventionnels, l'arrêt rendu le 28 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par Me Jacoupy, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi principal
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Madame X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE
« L'article L. 313-1 dispose que : « dans tous les cas pour la détermination du taux effectif global du prêt sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions, rémunération de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou. dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels. Toutefois pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat. »

Aux termes de l'article L. 313-2 du code de. la consommation, le taux effectif global déterminé comme il est dit à l'article L. 313-1 doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section, le non-respect de cette disposition étant pénalement sanctionné.
La méconnaissance des dispositions d'ordre public de l'article L. 313-2 édicté dans le seul intérêt de l'emprunteur est sanctionnée par la nullité relative de la reconnaissance de la stipulation d'intérêt conventionnel.
L'article 1304 du Code civil édicte une prescription quinquennale qui court dans le cadre de l'octroi d'un crédit un consommateur ou à un non professionnel à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur. Le point de départ de la prescription est donc la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou lorsque tel n'est pas le cas la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.

Madame X...fait valoir qu'elle ne pouvait déceler l'erreur dans le calcul du taux effectif global par un simple examen de l'acte, n'étant pas informée du dernier état de la jurisprudence quant à la nécessité d'intégrer le coût de la société de caution mutuelle, des frais notariés et de l'assurance incendie.
Il est indiqué dans l'acte :
« coût du crédit : intérêts au taux proportionnel moyen de 5, 800 % l'an = 314 567, 12 F frais de dossier TTC = 3 000, 00 F coût total du crédit = 317 567, 12 F taux effectif global proportionnel = 5, 878 % l'an »

S'agissant d'un emprunteur qui n'avait pas de connaissances particulières en matière de crédit, il ne peut être considéré que le point de départ de la prescription se situe à la date de la convention, les indications figurant dans l'acte ne pouvant permettre de s'interroger sur les frais de nature à être intégrés dans le coût du crédit.
S'il ne s'avère pas possible d'établir la date exacte à laquelle Madame X...a eu la révélation de cette erreur faute de précisions par l'intimée sur ce point, l'initiative prise par le biais d'une action en justice démontre qu'elle a eu connaissance de cette erreur peu avant cette action puisqu'elle a remboursé ce prêt pendant plusieurs années sans en discuter les modalités.
Il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré de la prescription et de déclarer recevable l'action de Madame X....
Il est argué au soutien de la demande de nullité de la stipulation d'intérêts de l'inexactitude du TEG que ce dernier n'a pris en compte ni le coût de l'assurance contre le risque incendie, ni le coût d'acquisition des parts sociales de la caisse locale du crédit agricole, ni le coût des frais notariés.
En l'état des dispositions légales ci-avant rappelées, il apparaît que ne doivent être intégrées au taux effectif global que les charges ayant un lien direct et exclusivement liées au prêt.
Le taux effectif global constitue l'indicateur du coût global du prêt et permet de faire la synthèse financière en intégrant toutes les composantes du prêt et en évaluant sous forme d'un taux le coût global de l'emprunt. Il incorpore à cet égard la totalité des coûts nécessaires à la réalisation du financement.
La preuve en l'espèce du caractère erroné du taux effectif global dépend du fait de savoir s'il y a lieu d'intégrer ou non le coût de l'assurance incendie, le coût d'acquisition des parts sociales et des frais d'actes notariés que la banque n'a pas pris en compte.
En ce qui concerne l'assurance incendie, pour être inclus dans la détermination du taux effectif global, les frais d'assurances doivent être imposés par le prêteur et avoir un lien direct avec les prêts souscrits.
Il est noté en page 7 de l'acte de prêt que les emprunteurs s'engagent à assurer auprès d'une compagnie d'assurances les biens apportés en garantie du prêt et de façon générale l'ensemble de leur patrimoine. Ils s'obligent à justifier à toute réquisition de cette assurance. Il n'est donc pas démontré en l'état de cette rédaction que la souscription de cette assurance constituait une des conditions d'octroi du prêt.

Le taux se rapporte exclusivement au prêt et non à l'immeuble de sorte qu'il ne peut inclure les primes ou cotisations d'assurance incendie qui sont dues pour garantir non pas les risques inhérents à la personne de l'emprunteur mais ceux relevant de la gestion de l'immeuble que celui-ci ait été ou non financé par le prêt.
Il sera ajouté qu'en l'espèce le prêt a été consenti sans que l'emprunteur ne soit tenu de justifier avant l'octroi du prêt de l'accomplissement de cette formalité.
L'engagement par l'emprunteur de souscrire une police d'assurance incendie s'avère donc simplement une modalité de mise en oeuvre du prêt dont l'inexécution n'est pas sanctionnée sur le terrain de la formation du contrat.
Il s'ensuit que la banque a à bon droit, exclu du taux effectif global le coût de la souscription de l'assurance incendie ce qui ne permet pas de retenir une erreur quant au calcul du taux effectif global.
De même, en ce qui concerne la souscription de parts sociales, la banque soutient à juste titre que leur coût ne doit pas être pris en compte s'agissant de charges réelles qui correspondent à un actif qui sera-remboursé à la fin de l'opération. Il est en effet noté dans l'acte de prêt que ces parts sociales pourront rapporter un intérêt au taux maximum de 5 % 1'an et feront l'objet d'un remboursement lorsque les emprunteurs seront libérés de la totalité de leurs obligations à l'égard du prêteur. Il ne s'agit donc pas d'une charge mais d'un actif remboursable.

Enfin en ce qui concerne le coût des frais notariés, ce dernier n'a pas à être intégré dans le calcul du TEG des lors qu'il ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.
La cour relève que le prêt avait pour objet l'acquisition d'une parcelle de terre et construction d'une maison d'habitation de sorte qu'il s'agissait d'une opération complexe se déroulant en plusieurs temps et que la banque ne pouvait connaître par avance le montant exact des honoraires du notaire et des frais d'inscription d'hypothèque.
Il n'est d'ailleurs pas produit l'acte notarié permettant d'apprécier le délai écoulé entre la date de souscription du prêt et la conclusion de l'acte authentique.
Il s'ensuit qu'il ne peut être fait droit à la demande de Madame X...quel que soit son fondement, faute de démontrer une erreur dans le calcul du TEG ce qui nécessite d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions »
ALORS, D'UNE PART, QUE
Lorsque la souscription de parts sociales de l'établissement prêteur est imposée comme condition d'octroi du prêt, le coût afférent à cette souscription présente un lien direct avec le prêt souscrit et doit donc être pris en compte dans le calcul du taux effectif global ; qu'en jugeant que le coût de la souscription, par les époux X..., des parts sociales du Crédit agricole, qui leur était pourtant imposée, ne devait pas être intégré au taux effectif global, la Cour d'appel a violé l'article L. 313-1 du Code de la consommation ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
Le coût des frais notariés, résultant notamment des exigences du prêteur relatif aux sûretés, et conditionnant la conclusion du prêt, doit être intégré dans le taux effectif global, sauf lorsque le montant de ces charges ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la signature du contrat ; qu'il appartient au prêteur, qui n'a pas fait mention de ce coût, de démontrer qu'il ne pouvait l'indiquer avec précision ; qu'ainsi, en omettant de constater que la banque avait prouvé, comme elle en avait la charge, que le montant desdits frais ne pouvait être connu antérieurement à la conclusion définitive du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1315 du Code Civil, L. 312-8 et L. 313-1 du Code de la Consommation ;
ALORS, ENFIN, QUE
La Cour d'appel ne pouvait affirmer que le coût de l'assurance incendie du bien immobilier acheté grâce au prêt consenti ne devait pas être intégré au taux effectif global, au motif que ces frais n'auraient pas été imposés par l'établissement prêteur et n'auraient pas de lien direct avec le prêt, quand il résultait du contrat de prêt (voir Production, p. 6) que le remboursement immédiat du prêt pouvait être exigé « si l'une quelconque des obligations résultant du prêt n'était pas remplie par les emprunteurs », obligations dont
faisaient partie les frais liés à l'assurance incendie ; que, ce faisant, les juges d'appel ont entaché leur décision de dénaturation du contrat et violé ainsi les dispositions de l'article 1134 du Code civil. Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse de Crédit agricole mutuel Alpes Provence, demanderesse au pourvoi incident éventuel

Le pourvoi incident provoqué fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'action que Mme Catherine X... formait contre la Crcam Alpes Provence pour voir annuler la stipulation d'intérêt que prévoit le prêt que celle-ci lui a consenti le 27 novembre 1998 ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 1304 du code civil édicte une prescription quinquennale qui court dans le cadre de l'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 2e alinéa) ; que « le point de départ de la prescription est donc la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou lorsque tel n'est pas le cas la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 3e alinéa) ; que, « s'agissant d'un emprunteur qui n'avait pas de connaissances particulières en matière de crédit, il ne peut être considéré que le point de départ de la prescription se situe à la date de la convention, les indications figurant dans l'acte ne pouvant permettre de s'interroger sur les frais de nature à être intégrés dans le coût du crédit » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 6e alinéa) ; que, « s'il ne s'avère pas possible d'établir la date exacte à laquelle Mme X...a eu la révélation de cette erreur faute de précisions par l'intimée sur ce point, l'initiative prise par le biais d'une action en justice démontre qu'elle a eu connaissance de cette erreur peu avant cette action, puisqu'elle a remboursé ce prêt pendant plusieurs années sans en discuter les modalités » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 6e alinéa) ; qu'« il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré de la prescription et de déclarer recevable l'action de Mme X...» (cf. arrêt attaqué, p. 5, 7e alinéa) ;
. ALORS QUE l'action en nullité de la stipulation d'intérêt pour erreur dans le calcul du teg court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le teg ; que, s'agissant d'un prêt, le point de départ de cette prescription est la date de la convention ; qu'en faisant courir le délai de la prescription qu'elle vise, non pas à compter du jour de la signature du prêt, mais à compter du jour où Mme Catherine X...aurait eu connaissance de l'irrégularité du teg que ce prêt mentionnait, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-18190
Date de la décision : 16/10/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 28 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 oct. 2013, pourvoi n°12-18190


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Delamarre, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18190
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