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16/10/2013 | FRANCE | N°12-13711;12-14033;12-14139

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 octobre 2013, 12-13711 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° B 12-13. 711, B 12-14. 033 et S 12-14. 139 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Annunziata France exerçait une activité de fabrication et de transformation de papiers répartie sur deux sites, l'un à Buxeuil (Vienne) et l'autre à Châteauneuf-de-Gadagne dans le Vaucluse ; que courant 2005, en raison de difficultés économiques, la société a envisagé le regroupement de ses deux sites sur celui de Buxeuil ainsi qu'une importante réduction d'effectif à

Châteauneuf-de-Gadagne ; qu'une procédure de licenciement économique col...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° B 12-13. 711, B 12-14. 033 et S 12-14. 139 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Annunziata France exerçait une activité de fabrication et de transformation de papiers répartie sur deux sites, l'un à Buxeuil (Vienne) et l'autre à Châteauneuf-de-Gadagne dans le Vaucluse ; que courant 2005, en raison de difficultés économiques, la société a envisagé le regroupement de ses deux sites sur celui de Buxeuil ainsi qu'une importante réduction d'effectif à Châteauneuf-de-Gadagne ; qu'une procédure de licenciement économique collectif a été engagée le 15 juin 2005 et a conduit, après l'élaboration d'un accord de méthode et d'un plan de sauvegarde de l'emploi en date du 23 novembre 2005, à la suppression de cinquante postes ; que la société a été placée en redressement judiciaire le 15 février 2006, M. X...étant désigné en qualité de mandataire judiciaire ; que le 11 juillet 2006, le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession partielle de l'entreprise (site de Buxeuil) à la société Delipapier, prévoyant la reprise de soixante-quatre salariés et autorisant le licenciement des salariés non repris ; que le 13 juillet 2006 le mandataire judiciaire a procédé au licenciement économique des salariés et que la société a été placée en liquidation judiciaire le 16 février 2007, Mme Y...étant désignée en qualité de mandataire liquidateur ; que des salariés ont saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 1233-61 du code du travail ;
Attendu que pour dire que le licenciement des salariés repose sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le plan de sauvegarde de l'emploi, seul applicable et élaboré alors que la société était in bonis, a été respecté en fonction des moyens de la société en redressement judiciaire et que ce plan du 23 novembre 2005 prévoyait qu'au cas où la situation économique de l'entreprise devait la conduire à un dépôt de bilan, l'ensemble des mesures reprises dans cet accord serait respecté pour les salariés de Buxeuil ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait constaté qu'une nouvelle procédure de licenciement collectif économique portant sur trente-deux salariés du site de Buxeuil avait été engagée par l'administrateur judiciaire, en sorte qu'un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi devait être établi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée du chef des dispositions de l'arrêt relatives au licenciement entraîne par voie de conséquence, celle des dispositions relatives à la demande de dommages-intérêts pour le non respect des critères présidant à l'ordre des licenciements ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus les 6 septembre 2011 et 14 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne Mme Y...ès qualités et le CGEA de Bordeaux aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de Mme Y...ès qualités et du CGEA de Bordeaux et les condamne à payer aux demandeurs la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens identiques produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mmes F..., Martine et Peggy Z..., A..., G..., H..., I..., C..., J..., D..., K...et L...et MM. B..., M..., N..., O...et E..., demandeurs aux pourvois n° s B 12-13. 711, B 12-14. 033 et S 12-14. 139
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les exposants de leurs demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS propres QUE, sur les licenciements, deux des salariés, Mesdames
C...
et
D...
, étaient des salariés protégés ; que leur licenciement a été autorisé par l'inspection du travail par décision du 18 août 2006 ; que cette décision mentionne expressément que le motif économique invoqué dans la demande est réel et établi et que les recherches de reclassement ont été sérieuses et précises, ce qui implique que le plan de reclassement a été considéré comme existant et régulier et que la procédure de consultation des représentants du personnel a été suivie ; que cette autorisation n'a pas été contestée par la voie hiérarchique ou devant la juridiction administrative ; qu'en application du principe de la séparation des pouvoirs, elle s'impose au juge judiciaire, qui ne peut en conséquence apprécier le respect de l'obligation de reclassement pour ces deux salariés ; que le juge judiciaire ne demeure compétent que pour examiner le respect des critères d'ordre des licenciements, objet d'une demande distincte étudiée ci après ; qu'au demeurant et pour les autres salariés, au delà du fait qu'il apparaît incohérent de différencier l'appréciation du reclassement selon qu'il a ou non été soumis à l'inspection du travail, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que l'administrateur judiciaire n'avait pas failli à ses obligations ; que les salariés soutiennent que les plans de sauvegarde de l'emploi et l'accord de méthode du 3 novembre 2005 ne seraient pas applicables au site de Buxeuil, que le plan de sauvegarde de l'emploi n'aurait pas été établi antérieurement au jugement du tribunal de commerce du 11 juillet 2006, qu'il serait insuffisant et n'aurait pas été soumis en temps utile au comité d'établissement ; que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit expressément qu'« au cas où la situation économique devrait la la société Annunziata conduire à un dépôt de bilan, l'ensemble des mesures reprises dans le présent accord seront respectées, y compris pour les salariés de Buxeuil » ; que le plan de sauvegarde de l'emploi a été élaboré en son temps avec l'accord du comité central d'entreprise, auquel participaient les représentants des salariés du site de Buxeuil, qui étaient parfaitement informés de son contenu ; que par ailleurs, l'accord de méthode ne devait cesser de plein droit qu'à l'issue de la procédure, prévue pour le 30 juin 2007, soit postérieurement aux licenciements contestés ; qu'il s'ensuit que ce plan, qui n'a pas été judiciairement contesté en temps que tel, existait et que maître X...n'avait pas l'obligation d'en établir un nouveau ; que, par ailleurs, les licenciements ont été autorisés par le Tribunal de commerce dans le cadre du jugement validant le plan de cession ; qu'à cet égard, il y a lieu de mentionner que le Tribunal de commerce était saisi de deux offres de reprise, dont l'une, émanant de la société Eurovast, ne concernait que le site de Châteauneuf de Gadagne et qu'il a éliminée à ce titre, privilégiant celle portant sur le site de Buxeuil qui préservait davantage d'emplois ; que le jugement du Tribunal de commerce, à 1'audience duquel les représentants des salariés ont été entendus, et qui n'a pas davantage fait l'objet d'un recours, expose précisément les postes qui doivent être supprimes, et il n'est pas allégué que la mise en oeuvre des licenciements par l'administrateur judiciaire n'ait pas été conforme au jugement ; que, par ailleurs, en application de l'article L324-4-1 du code du travail alors applicable, la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou, le cas échéant, l'unité économique ou sociale ou le groupe ; et qu'il est admis que l'obligation de reclassement est allégée dans le cadre d'une procédure collective, et en l'espèce, la société, qui avait déjà procédé à un licenciement collectif fin 2005, avait par la suite été placée en redressement judiciaire, puis devait ultérieurement être placée en liquidation judiciaire, ce qui rendait peu concevables les mesures de reclassement interne ; que le plan de sauvegarde de l'emploi, qui est constitué par un document de 55 pages, s'il reprend pour partie les mesures prévues par la loi, n'en est pas moins conforme à celles-ci et suffisant, et dans le cadre du projet de reprise, la société Délipapier a formulé des propositions de reclassement sur son site de Nancy, retransmises par maître X..., et qui manifestaient l'adaptation à l'évolution de la situation ; que des reclassements ont par ailleurs été recherchés en externe par maître X..., par voie de lettre circulaire en date du 7 juillet 2006, donc antérieure aux licenciements, à laquelle il a été répondu, parfois positivement, par les entreprises sollicitées, ces réponses ayant été transmises aux salariés, dont aucun n'a fait acte de candidature auprès de ces entreprises ou sur les postes offerts à Nancy ; qu'il apparaît que le plan de sauvegarde de l'emploi, seul applicable et élaboré alors que la société était in bonis, et que l'accord de méthode du 3 novembre 2005 ne saurait absorber, a été respecté en fonction des moyens qui étaient ceux de la société Annunziata dans le cadre d'un redressement judiciaire, comme l'a souligné l'inspection du travail ; que la circonstance que l'accord soit inopposable à l'Ags-Cgea, en application de 1'article L. 141-11-4 du Code du travail, comme antérieur de moins de dix huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 15 février 2006, qui fait obstacle la perception de l'indemnité extra-légale ne suffit pas à faire considérer que le plan de sauvegarde de l'emploi n'a pas été respecté ; qu'il est à cet égard précisé que ce paiement était lié à la vente de terrains du site de Châteauneuf de Gadagne à Dumez à laquelle il n'a finalement pas pu être procédé ; que, s'agissant de la consultation du comité d'entreprise prévue par l'article L321-9 du Code du travail, il y a été procédé le 10 juillet 2006, soit avant le jugement du Tribunal de commerce, même si c'est dans un temps rapproché que justifiaient l'urgence, l'approche de la période estivale et la proximité de l'expiration de la période d'observation de six mois ; que ce comité a émis à l'unanimité un avis favorable au plan de reprise et la consultation du comité d'établissement le 12 juillet 2006. qui est certes postérieur à ce jugement, n'est pas imposée par les textes ; qu'au demeurant, les licenciements ont été notifiés après la consultation du comité d'établissement, qui a été avancée à la demande des élus du 13 au 12 juillet 2006 ; que sur ce point, les dispositions de la directive européenne 92/ 56 du 24 juin 1992 modifiée, qui indique que « une information et une consultation en temps utile constituent une condition préalable à la réussite des processus de restructuration et d'adaptation des entreprises aux nouvelles conditions induites par la mondialisation de l'économie notamment au travers de nouveaux modes d'organisation du travail » invoquée par les salariés ne sont pas en tant que directive d'application directe et sont mises en oeuvre par l'article précité du Code du travail, qui a été respecté ; que la consultation du comité central d'entreprise n'était pas purement formelle, dans la mesure notamment où le plan de sauvegarde de l'emploi datant du 23 novembre 2005, était connu des représentants des salariés et où il demeurait loisible à ce comité d'émettre un avis défavorable, ce qu'il n'a pas fait, conscient que dans le contexte difficile-que devait confirmer a posteriori le prononcé de la liquidation judiciaire-, le licenciement collectif accompagnant la reprise, qui portait sur un peu plus du tiers de l'effectif, constituait sans doute un moindre mal ; qu'au vu de ces éléments et de ceux retenus par le Conseil de prud'hommes, auxquels la Cour se réfère, il apparaît qu'il existait bien un plan de sauvegarde de l'emploi, que les représentants des salariés ont été consultés avant les licenciements économiques et avaient connaissance du dit plan, que le plan de sauvegarde de l'emploi était conforme aux exigences législatives et a bien été respecté ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes des salariés cadres.
AUX MOTIFS adoptés QUE, sur le plan de sauvegarde de l'emploi, vu l'article L. 321-9 du code du travail qui régissait à l'époque des faits les licenciements opérés en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, il apparaît que le liquidateur doit respecter l'ensemble des procédures légales (à l'exception du 2ème alinéa de l'article L. 321-4-1 sur la nullité de certains licenciements) à tout licenciement pour motif économique (de plus de 10 salariés dans une entreprise de plus de 50 salariés en l'espèce) ; que, de plus l'article R. 621-1 du code de commerce stipule que « dans sa mission, l'administrateur est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au chef d'entreprise » ; que l'article L. 626-2 du code de commerce stipule aussi qu'« en cas de projet de cession, le mandataire doit rappeler au tribunal de commerce les mesures déjà intervenues et définir les actions à entreprendre en vue de faciliter le reclassement et l'indemnisation des salariés dont l'emploi est menacé » ; qu'en l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi n'a été discuté que postérieurement à la proposition de reprise présentée au Tribunal de Commerce qui n'a donc pu en avoir connaissance lors de sa décision rendue le jour même, que de plus, la directive 2002/ 14/ CE du 11 mars 2002 (cote 25 demandeurs) sur l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté Européenne stipule en son article 9 : « une information et une consultation en temps utile constituent une condition PREALABLE à la réussite de processus de restructuration et d'adaptation des entreprises » ; que, sur la procédure applicable en matière d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel, le calendrier de procédure est le suivant (réf. Lamy Social 2006- Guide pratique n° 6090) (¿) : à noter que la procédure préconisée prend de 33 à 63 jours, alors qu'en l'espèce, tout a été accompli entre le lundi 10 juillet 2006 à 17 h (lere réunion extraordinaire du comité d'entreprise) et le jeudi 13 juillet 2006 (envoi des lettres c licenciement) soit en moins de 4 jours ; que le Conseil considère donc que les règles n'ont pas été loyalement respectées envers le personnel licencié et que l'extrême précipitation rend déjà le licenciements sans cause réelle et sérieuse ; que le Conseil n'a pas non plus la preuve que les 3 envois à la D. D. T. E. F. P ont été normalement communiqués (ce qui serait étonnant compte tenu de la brièveté de la procédure), en application des articles L. 321-8 et suivants (ancien code du travail) devenu L. 1233-60 ; que le plan de sauvegarde de l'emploi ayant été discuté après l'audience du Tribunal de Commerce, celui-ci n'a pu en prendre connaissance comme prévu par les textes ; que le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi est notoirement insuffisant et au surplus différent du plan de sauvegarde de l'emploi conclu en 2005 pour Châteauneuf de Gadagne et donc appliqué concomitamment pour les licenciements y étant opérés ; que le plan de sauvegarde de l'emploi Buxeuil, en son accord de méthode du 12 juillet 2006, ne retient que l'application des points 7, 8, 9, 10 et 11 de l'accord précédemment signé en 2005 ; que force est néanmoins de constater que même le point 11 (indemnité supra légale) n'a pas été appliqué aux 38 salariés concernés à Buxeuil ; que c'est bien l'accord de méthode du 12 juillet 2006 qui est applicable, en contradiction avec les termes de celui de novembre 2005 prévoyant expressément en son article 7 son application à Buxeuil en cas de nouvelles difficultés économiques ; qu'en conséquence, s'agissant du plan de sauvegarde de l'emploi, le Conseil dit :- qu'il n'a pas été conclu selon les règles et dispositions légales,- qu'il n'a pu être adressé au Tribunal de Commerce de POITIERS lors de l'audience de cession car conclu postérieurement,- qu'il a été modifié par rapport aux salariés de Châteauneuf de Gadagne,- qu'il n'a pas été loyalement respecté malgré ses insuffisances,- que l'ensemble de ces lacunes faites d'irrégularités et d'illégalités rend les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse ; (¿) ; que, sur la demande au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse (article L. 321-4-1 relatif au FSE et la violation des critères de licenciement : que le Conseil juge que la précipitation de la procédure, les manquements et les insuffisances enregistrés, la déloyauté dans l'application du FSE et la non production d'éléments vérifiables quant aux critères de licenciement rendent les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, le Conseil fixe pour chaque salarié, à l'exception de Monsieur
E...
, à 10 000, 00 ¿ les dommages et intérêts alloués à ce titre en réparation du préjudice subi, directement lié à la rupture de leur contrat de travail.
ALORS SUR LA PROCÉDURE DE CONSULTATION
1°) QUE lorsqu'un premier projet de restructuration est suivi d'un second projet comportant des suppressions d'emploi supplémentaires, la procédure de consultation doit être reprise dès l'origine, sauf à priver la consultation de son effet utile ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que le 15 juin 2005, une procédure de licenciement collectif a été engagée, conduisant à la suppression d'une cinquantaine de postes sur le site de CHATEAUNEUF de GADAGNE ; qu'un second projet a été engagé en juillet 2006, impliquant la suppression de 38 emplois sur le site de BUXEUIL ; que la consultation du comité central d'entreprise a été effectuée le 10 juillet 2006, soit avant le jugement du Tribunal de commerce arrêtant le plan de cession partielle au profit de la société DELIPAPIER et le nombre des licenciements et que le comité d'établissement du site de BRUXEUIL a été consulté le lendemain ; qu'il en résulte que la consultation n'a été menée que sur le second projet ; qu'en considérant que la consultation du comité central d'entreprise n'était pas purement formelle, dans la mesure où le plan de sauvegarde de l'emploi, datant du 23 novembre 2005, était connu des représentants des salariés et qu'il était loisible à ce comité d'émettre un avis négatif, la Cour d'appel a violé les articles L. 1233-10, L. 1233-31, L. 1233-58 et L. 2323-15 du Code du travail.
2°) QU'en tout cas, en cas de redressement judiciaire, l'employeur et/ ou l'administrateur réunit et consulte le comité d'entreprise, conformément à l'article L. 1233-58 du Code du travail ; que la consultation doit être préalable à la décision de licenciement, de sorte que les élus soient mis en mesure de faire valoir utilement leurs observations ; que la Cour d'appel a relevé que la société ANNUNZIATA avait été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de POITIERS du 15 février 2006 ; qu'il avait été procédé à la consultation du comité central d'entreprise prévue par l'article L. 321-9 du Code du travail le 10 juillet 2006, soit un jour avant le jugement du Tribunal de commerce, et que la consultation du comité d'établissement avait eu lieu le 12 juillet 2006, soit le lendemain, et que les licenciements, notifiés le 13 juillet, étaient postérieurs à la consultation ; qu'en considérant que les représentants du personnel avaient bien été consultés avant les licenciements économiques, de sorte que la procédure était bien régulière, quand il ressortait de la chronologie que la procédure de consultation avait été menée de façon tardive et précipitée, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles L. 621-56 du Code de commerce et L. 1233-58 du Code du travail, interprétés à la lumière de la Directive n° 2002/ 14/ CE du 11 mars 2002.
ALORS SUR LE PLAN DE SAUVEGARDE DE L'EMPLOI
3°) QU'il vise à éviter les licenciements ou en limiter le nombre et à faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment des salariés âgés ou qui présentent des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile ; qu'il doit dès l'origine comporter des mesures précises et concrètes propres à éviter des licenciements ou à réduire leur nombre et indiquer à cette fin le nombre, la nature et la localisation des postes disponibles pour assurer un reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe ; qu'il en résulte qu'en cas de nouveau projet de licenciement, il y a lieu d'établir un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi contenant des mesures précises et concrètes adapté à nouvelles suppressions de poste, et ce, même si le plan de sauvegarde de l'emploi initial prévoit une extension des mesures au bénéfice de l'ensemble des salariés de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que le plan de sauvegarde de l'emploi avait été élaboré le 23 novembre 2005 dans le cadre de la suppression d'une cinquantaine de postes sur le site de CHATEAUNEUF de GADAGNE, tout en ajoutant que la société ANNUNZIATA avait fait ensuite l'objet d'une offre de reprise par la société DELIPAPIER qui impliquait la suppression de 38 emplois sur le site de BRUXEUIL ; qu'en jugeant que le plan de sauvegarde de l'emploi initial s'appliquait aussi aux salariés du site de BRUXEUIL, au motif que le plan initial stipulait que ces derniers salariés bénéficieraient des mesures du plan, quand il ressortait de ses constatations qu'il eût fallu élaborer un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi exclusivement pour les 38 salariés du site de BRUXEUIL, la Cour d'appel a violé les articles L. 1235-10, L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail.
4°) QU'enfin à cet égard, le plan de sauvegarde de l'emploi qui se borne à énoncer des mesures légales est insuffisant ; que la Cour d'appel a relevé que le plan de sauvegarde de l'emploi de la société ANNUNZIATA reprenait pour partie les mesures prévues par la loi, sans préciser quelles étaient les mesures supplémentaires qui lui conféraient sa consistance ; en statuant de la sorte, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1265-10, L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail.
5°) QUE d'ailleurs à cet égard l'octroi d'une indemnité de licenciement supralégale aux salariés licenciés ne constitue pas une mesure précise et concrète susceptible de favoriser leur reclassement et garantissant la consistance du plan de sauvegarde de l'emploi lorsque son versement dépend d'un événement futur et incertain, tel que la vente de terrains de l'entreprise ; qu'en jugeant pourtant que le plan de sauvegarde de l'emploi qui contenait une telle mesure était suffisant, la Cour d'appel a violé les articles L. 1265-10, L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail.
ALORS SUR LE RECLASSEMENT
6°) QUE le plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises et concrètes, en précisant le nombre, la nature et la localisation des emplois vacants et proposés en vue d'un reclassement ; que les exposants avaient fait valoir l'inconsistance des offres de reclassement, l'entreprise DELIPAPIER proposant une dizaine de postes en son sein, sans autre précision ; qu'en jugeant la société DELIPAPIER avait formulé des propositions de reclassement sur son site, sans examiner, comme elle y était pourtant invitée, si celles-ci répondaient aux exigences de précision posées par le législateur, la Cour d'appel a privé de base légale au regard des articles L. 1265-10, L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail.
7°) QU'en outre, le plan de sauvegarde de l'emploi doit contenir des indications précises sur le nombre, la nature et la localisation des emplois existant dans le groupe ou les entités susceptibles de reprendre les salariés licenciés ; qu'à cet égard, l'envoi d'une circulaire 6 jours avant le licenciement ne permet pas d'assurer effectivement le reclassement des salariés et constitue une mesure de reclassement externe insuffisante ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 1265-10, L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que les critères présidant à l'ordre des licenciements avaient été respectés par Me X..., es qualité d'administrateur judiciaire de la société ANNUNZIATA, et d'AVOIR en conséquence débouté les exposants de leurs demandes de dommages-intérêts à ce titre et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QU'il n'est allégué par aucun des salariés, à qui il appartient d'apporter le preuve du bien fondé de leur demande, aucun élément particulier à son cas qui relèverait d'une application incorrecte des critères de licenciement, quand bien même ceux-ci ont été amodiés, selon des modalités qui ne sont pas précisées, par le comité d'établissement, avec élaboration d'une nouvelle grille acceptée par la direction ; qu'il n'y avait pas lieu à nouvelle consultation du comité d'entreprise, les amodiations émanant du comité d'établissement dont la consultation n'était pas obligatoire et se bornant à reprendre l'accord de méthode sur les points attribués aux charges et à la situation de famille ; qu'il est significatif qu'aucun des appelants n'ait sollicité Maître X...sur l'application à sa personne des dits critères, la référence à une unique salariée, Mme A..., ne suffisant pas à établir un manquement généralisé, à supposer même qu'il soit établi ; que s'agissant de Madame A..., qui a demandé à Me X...les critères la concernant par comparaison à une autre salariée, il lui a été répondu dans délai et précisément et elle n'argue pas que l'application des critères qui lui a été faite soit contraire à ceux-ci ; que cette réponse est en outre compréhensible et fait ressortir une différence de points au profit de l'autre salariée qui rendait Madame A...éligible au licenciement ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande sur ce fondement.
ALORS QU'il appartient à l'employeur, tenu de prendre en considération l'ensemble des critères qu'il a retenus pour fixer l'ordre des licenciements, de communiquer au juge, en cas de contestation, les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix ; qu'à défaut pour lui de produire toute justification sur ce point, il est redevable envers le salarié de dommages-intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements ; qu'en l'espèce, les exposants avaient fait valoir devant la Cour d'appel qu'au regard des pièces versées aux débats par l'employeur, dont ils n'avaient pas eu connaissance antérieurement, il n'était pas possible d'apprécier les critères appliqués à chacun d'entre eux au sein de leur catégorie professionnelle ; qu'en rejetant leur demande, sans même examiner si l'employeur avait satisfait à ses obligations probatoires, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1233-5 du Code du travail.
ALORS surtout QU'en jugeant qu'il appartenait aux salariés contestant le respect des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements d'apporter la preuve du bienfondé de leurs demandes, quand la charge de la preuve en la matière pèse sur l'employeur, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du Code civil et 1233-5 du Code du travail.
ALORS encore QU'aux termes de l'article 954 dernier alinéa du Code de procédure civile, la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs ; qu'il s'ensuit que les motifs donnés par le jugement dont les exposants demandent la confirmation sont considérés comme intégrés dans leurs conclusions d'appel et constituent autant de moyens auxquels les juges du second degré doivent répondre ; qu'en l'espèce, pour dire que la société ANNUNZIATA n'avait pas respecté l'ordre des licenciements, le Conseil de prud'hommes s'était fondé sur le fait que, d'une part, l'employeur n'avait pas consulté les élus à la suite de la modification des critères lors de la réunion du comité d'entreprise du 12 juillet 2006 et que, d'autre part, les documents produits par l'employeur ne permettaient pas de contrôler que les critères avaient bien été appliqués ; que la Cour d'appel a débouté les exposants de leurs demandes pour violation de l'ordre des licenciements, sans répondre à ces motifs du jugement dont les salariés demandaient la confirmation ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du Code du travail et ensemble les articles 455 et 954 alinéa 4 du Code de procédure civile.
ALORS enfin QU'en jugeant que les exposants n'alléguaient aucun élément particulier à leur cas qui relèverait d'une application incorrecte des licenciement, quand ceux-ci avaient soutenu devant la Cour d'appel que l'employeur n'avaient produit aucun élément justifiant l'ordre des licenciements, de sorte qu'ils n'avaient pas été en mesure de vérifier si les critères avaient été valablement appliqués, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-13711;12-14033;12-14139
Date de la décision : 16/10/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 14 décembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 oct. 2013, pourvoi n°12-13711;12-14033;12-14139


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.13711
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