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15/10/2013 | FRANCE | N°12-85048

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 octobre 2013, 12-85048


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formés par :

- M. Philippe Y..., - La société Serapse,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-10, en date du 4 juin 2012, qui, pour tromperies, a condamné le premier, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, la seconde, à 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 septembre 2013 où étaient présents dan

s la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel présid...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formés par :

- M. Philippe Y..., - La société Serapse,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-10, en date du 4 juin 2012, qui, pour tromperies, a condamné le premier, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, la seconde, à 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 septembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Roth conseiller rapporteur, M. Arnould, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ROTH, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MATHON ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1, L. 213-6, alinéa 1, L. 216-1 du code de la consommation, 111-4 et 121-2 du code pénal, 2, 3, 459, 464, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de tromperie et les a condamnés pénalement et civilement ;
" aux motifs que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens et par une juste appréciation des faits et des circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision déférée, que les premiers juges ont, à bon droit, retenu M. Y... et la SERAPSE dans les liens de la prévention ; qu'en effet, les deux versions des contrats (1ère version, février 2007, et 2ème version, juillet 2007, complétée par l'ajout de la mention " préparation à l'accès " (cf. procès-verbal DGCCRF page 10) n'indiquent nullement que les étudiants devaient faire une autre année dans un établissement habilité avant de se présenter à l'examen, étant précisé que cette nouvelle formulation n'a pas été validée sur le fond par le DRDJS, dans son courrier du 24 septembre 2007 ; que l'article 1er des contrats dans ses deux versions : " Au terme de la formation au sein de la SERAPSE, l'étudiant devra constituer des dossiers d'inscription auprès des CREPS habilités (...) pour passer son BBJEPS " ou " la constitution des dossiers d'inscription auprès des CREPS habilités (...) n'incombant pas à la SERAPSE " et même dans la première version qui est la plus favorable aux prévenus, n'apporte pas davantage cette précision essentielle ; que c'est donc en connaissance de cause que le gérant de la SERAPSE, M. Y... a trompé les étudiants en élaborant, en diffusant et en commercialisant des formations préparant à un diplôme, alors que ces formations étaient organisées en totale illégalité par l'absence d'habilitation préalable de son centre par la DRDJS et par l'inexistence de l'examen auquel se destinaient les élèves ; que les éléments constitutifs de l'infraction sont donc réunis et ce même si le diplôme incriminé n'était pas encore entré en vigueur ; que le jugement sera, en conséquence, confirmé sur la déclaration de culpabilité ;
" et aux motifs adoptés que, le 5 janvier 2009, la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Seine-Saint-Denis (DDCCRF 93) transmettait un procès-verbal à l'encontre de M. Y..., gérant de la société SERAPSE, auquel il était notamment reproché d'avoir commis le délit de tromperie sur la nature et les qualités substantielles d'une prestation de service, en l'espèce, en commercialisant des formations préparant à un diplôme alors que ces formations étaient dispensées sans habilitation et en l'absence de l'examen auquel se destinaient les élèves ; que les faits ont été commis courant 2007 et 2008, période " charnière " pour ce type d'offre de formation du fait de l'évolution de la réglementation concernant l'obtention des diplômes dans le secteur du sport ; que ces changements sont intervenus depuis 2001 dans les textes, et, en pratique, depuis juin 2007, avec la mise en oeuvre des dispositions spécifiques au brevet professionnel de la jeunesse, de l'Education populaire et du sport (BPJEPS) créé en 2005 ; que pour les spécialités visées par les préparations commercialisées par la SERAPSE, à savoir les métiers de la forme et de la force, ce diplôme remplace définitivement depuis le 1er janvier 2009 le brevet d'Etat d'éducateur sportif (BEES) ; qu'il s'ensuit qu'un candidat partant de zéro en septembre 2007 et désirant obtenir un diplôme dans la spécialité " métiers de la forme et de la force " n'avait que les possibilités suivantes :- préparer et s'inscrire individuellement uniquement aux sessions de tronc commun BEES encore organisées, en cas de réussite, l'obtention de la partie commune permet l'équivalence des UC 1 à 3 du BPJEPS, mais cette équivalence n'est de toute façon reconnue qu'au stade du positionnement, c'est-à-dire à condition que le candidat ait passé avec succès le test de sélection à l'entrée en formation dans un centre habilité,- préparer et s'inscrire individuellement aux tests de sélection du BPJEPS (épreuves physiques et techniques), qui constituent les exigences préalables à l'entrée en formation dans un centre habilité ; que c'est précisément en entretenant la confusion sur cette période charnière que la SERAPSE a proposé des formations en laissant croire qu'elles conduisaient à l'obtention du PBJEPS, alors que non seulement elle ne possède aucune habilitation pour ce type de formation, et que l'examen final, tel qu'il existait pour le BEES, n'existe pas ; que le caractère trompeur de l'intitulé de ses formations lui a été signifié dès le 25 juin 2007 par la Direction régionale de la jeunesse et des sports d'Ile-de-France et confirmé par un courrier adressé à son avocat par le ministère le 8 août 2007 ; qu'à l'audience, M. Y... ne contestait pas avoir reçu les deux courriers précités ; que, par ailleurs, le témoignage des différentes victimes confirmait la confusion entretenue ; que la clientèle concernée par ce type de formation est constituée majoritairement de jeunes gens (entre 18 et 25 ans, pour la majorité des contrats 2007-2008), peu ou pas diplômés, à la recherche d'une formation leur permettant d'exercer rapidement une activité professionnelle rémunérée ; que les plaintes figurant au procès-verbal de la DDGCRF 93 témoignent toutes du fait que les victimes pensaient obtenir contre rémunération une formation les préparant au BP ; qu'à titre d'exemple, l'annexe pédagogique figurant au dossier de M. Z...indique à cet effet très précisément " objectifs : préparation au brevet professionnel mention forme en cours collectifs, diplômes permettant d'enseigner contre rémunération diététique sportive, force athlétique et jogging " et que " le programme de formation inclut les UC 1 à 9 du BP ", formation que la SERAPSE n'est pas habilitée à dispenser ; que les documents publicitaires font bien mention de " préparation aux diplômes d'Etat " dans la rubrique formations sportives ; que c'est donc bien en toute connaissance de cause que la SERAPSE a proposé en 2007-2008 des formations intitulées fallacieusement " préparation brevet professionnel forme en cours collectifs ou haltères, musculation et forme sur plateau ", et a entretenu la confusion dans l'esprit des candidats en leur laissant croire qu'ils se préparaient à l'ensemble des épreuves d'un examen qui n'existe pas et en jouant sur les équivalences entre ancien système BEES et nouveau diplôme ; qu'aussi, il résulte tant des éléments du dossier que des débats d'audience qu'il convient de déclarer la société SERAPSE coupable pour les faits qualifiés de tromperie, par personne morale, sur la nature, la qualité ou l'origine d'une prestation de service, faits commis de février 2007 à juin 2008 à Montreuil-sous-Bois (93) et autres lieux, et qu'il y a lieu d'entrer en voie de condamnation ;

" 1) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en prenant en compte, par motifs adoptés, pour retenir une tromperie résultant du fait de faire passer un examen pour un diplôme qui n'existait pas, le cas d'une personne s'inscrivant en septembre 2007, comme pouvant au mieux passé en candidat libre les UC 1 à 3 du nouveau diplôme, mais devait s'inscrire dans un centre habilité pour passer le brevet, quand, par ailleurs, il résulte des termes de la prévention que plusieurs contrats avaient été passés avant cette date, et que le tribunal correctionnel reconnaissait qu'avant l'entrée en vigueur du PBJEPS, le BEES pouvait être passé en candidat libre, les conclusions pour les prévenus précisant que le BEES pouvait encore être passé en juin 2008, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision pour les contrats passés avant septembre 2007 ;
" 2) alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que la cour d'appel a considéré que le gérant de la SERAPSE, M. Y..., avait trompé les étudiants en élaborant, en diffusant et en commercialisant des formations préparant à un diplôme, alors que ces formations étaient organisées en totale illégalité par l'absence d'habilitation préalable de son centre par la DRDJS et par l'inexistence de l'examen auquel se destinaient les élèves ; qu'elle s'est appropriée les motifs par lesquels le tribunal a décrit les deux phases de l'examen en cause, pour conclure que les prévenus avaient trompés les clients en prétendant former à un diplôme qui n'existait pas, tout en précisant quel aurait du être la formation d'un candidat inscrit en 2007 à ce nouveau brevet ; qu'en l'état de ces motifs contradictoires, reprochant une absence d'habilitation pour préparer au diplôme en cause et même précisant qu'un candidat inscrit en 2007 aurait du s'inscrire après avoir passé les épreuves des UC 1 et UC 2 dans un centre habilité pour passer l'examen permettant d'acquérir le nouveau brevet, tout en considérant que le prévenu prétendait préparer à un examen qui n'existait pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 3) alors que, par motifs adoptés, la cour d'appel considère que c'est précisément en entretenant la confusion sur cette période charnière entre le BEES et le PBJEPS que la SERAPSE a proposé des formations en laissant croire qu'elles conduisaient à l'obtention du PBJEPS, alors que non seulement elle ne possède aucune habilitation pour ce type de formation, et que l'examen final, tel qu'il existait pour le BEES, n'existe pas ; que, cependant, il résulte des termes de l'arrêt que la formation était présentée comme « préparant » au tronc commun ou aux UC 1 à 3 et au brevet ; que, dès lors qu'une préparation, dans quel que domaine qu'elle intervienne, n'implique aucun engagement de faire passer un diplôme ou même de permettre de passer ce diplôme, en candidat libre, les juges du fond qui constatent que les contrats précisaient qu'étaient en cause une « préparation », et que l'arrêt attaqué constate que les contrats précisaient que les contractants devaient s'inscrire dans un CREPS pour passer l'examen, la cour d'appel ne pouvait sans méconnaître l'article L. 213-1 du code de la consommation considérer qu'en l'état des contrats en cause, les prévenus avaient trompé les étudiants ;
" 4) alors que, si le silence sur un élément essentiel du contrat portant sur une prestation de service peut constituer une tromperie, ne saurait être constitutif de tromperie le silence portant sur les prestations qui ne sont pas couvertes par ledit contrat ou que l'exécution dudit contrat n'implique pas ; que, dès lors, en reprochant aux prévenus de n'avoir pas expliqué que les étudiants devraient s'inscrire dans des centres spécialisés habilités à leur assurer une formation pendant un an à l'issue de laquelle ils pourraient passer le nouveau brevet, alors qu'il ne résultait pas des termes du contrat, tels qu'analysés dans le jugement et l'arrêt que la SERAPSE s'engageait à faire passer ce brevet et que la SERAPSE n'est pas un organisme d'orientation des élèves, la cour d'appel a méconnu l'article L. 213-1 du code de la consommation ;
" 5) alors que la cour d'appel n'a pas répondu au chef péremptoire des conclusions selon lequel pour apprécier la tromperie, il fallait considérer l'ensemble des termes du contrat, que ces termes permettaient de constater que le SERAPSE n'était pas l'établissement habilité à délivrer la formation permettant de passer le brevet ; que, faute d'avoir répondu à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 6) alors que faute d'avoir constaté que chacune des victimes avait été trompée soit sur les prétendues limites de la formation et en quoi elles l'avaient été, quand les conclusions pour les prévenus rappelaient que plusieurs avaient passé les épreuves du tronc commun, voire les autres épreuves, et que les motifs d'abandon pouvaient être divers, l'arrêt se prononçant sur le seul cas de M. Z..., la cour d'appel a de plus ample privé sa décision de base légale ;
" 7) alors qu'enfin, dans les conclusions déposées pour le prévenu, sa bonne foi était invoquée en que le DRDJS avait avalisé la modification par l'intitulé de ses contrats et que la prétendue confusion en cause était le résultat d'une réforme entrée en vigueur de manière totalement désordonnée ; que la cour d'appel estime que cette nouvelle formulation n'a pas été validée ; qu'en ne recherchant pas si le prévenu avait pu croire que, par un courrier « prenant bonne note » du changement d'intitulé, le DRDJS n'avalisait pas la nouvelle formulation du contrat et si les personnes pouvaient croire au vu des conditions dans lesquelles la réforme était intervenue agir conformément à cette dernière, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 464 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement les prévenus à verser à M. Eric A...la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice matériel et 300 euros au titre de son préjudice moral ;
" aux motifs que le préjudice engendré par ces infractions est égal au montant des inscriptions réglées par chacune des parties civiles qui ont été trompées, lors de la souscription des contrats et ce quelles que soient les conditions des dépôts de plainte et le parcours ultérieur des élèves, abandon ou poursuite des cours à la SERAPSE, voire obtention du diplôme dans un autre établissement ;
" alors que si les juges du fond apprécient souverainement la réparation due, ils doivent s'expliquer sur l'existence même du préjudice allégué lorsqu'il est contesté ; que dans les conclusions déposées pour les prévenus, il était précisé que la partie civile avait reconnu, à l'audience, avoir été informée du fait qu'il lui faudrait s'inscrire dans un CREPS pour passer les UC complémentaires et avoir été informée de la nature de la formation délivrée par la SERAPSE ; qu'en l'état d'une telle reconnaissance qui établissait que la partie civile n'avait pu être trompée par la nature de la formation de la SERAPSE, la cour d'appel qui n'a pas établi en quoi il aurait été victime de tromperie, elle a privé sa décision de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze octobre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-85048
Date de la décision : 15/10/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 oct. 2013, pourvoi n°12-85048


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.85048
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