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15/10/2013 | FRANCE | N°12-24049

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 octobre 2013, 12-24049


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à MM. X...et Y...du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. A..., B...et C...;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 décembre 2011), que la société Pacific exploitait un fonds de commerce acquis à l'aide d'un prêt de la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Brie-Picardie (la caisse) octroyé le 23 mai 1995 et cautionné à concurrence de 25 % chacun par MM. Y..., X..., A...et B...(les cautions) ; que, le 22 janvier 1998, la so

ciété Pacific a été mise en redressement judiciaire, M. D... étant désigné...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à MM. X...et Y...du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. A..., B...et C...;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 décembre 2011), que la société Pacific exploitait un fonds de commerce acquis à l'aide d'un prêt de la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Brie-Picardie (la caisse) octroyé le 23 mai 1995 et cautionné à concurrence de 25 % chacun par MM. Y..., X..., A...et B...(les cautions) ; que, le 22 janvier 1998, la société Pacific a été mise en redressement judiciaire, M. D... étant désigné administrateur ; qu'à la suite d'un incendie survenu en février 1998 interdisant toute exploitation, M. D..., ès qualités, a assigné son assureur et fait désigner un expert par ordonnance du 17 juillet 1998 ; que, le 9 septembre 1999, la société Pacific a été mise en liquidation judiciaire, M. E...étant désigné liquidateur ; que sur assignation de celui-ci, du 13 juillet 2001, aux fins d'indemnisation du préjudice subi, le tribunal a, par jugement du 21 mai 2002, devenu définitif, déclaré prescrite l'action de la société Pacific ; que la banque a assigné les cautions en paiement, lesquelles ont appelé en garantie MM. D... et E...au titre de leur responsabilité professionnelle de mandataires judiciaires ;
Attendu que MM. Y...et X...font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes tendant à voir MM. D... et E...les garantir de toutes condamnations prononcées contre eux au bénéfice de la banque, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un dommage est réparé quand bien même il existe plusieurs causes l'ayant provoqué ; qu'après avoir constaté que les fautes commises par MM. D... et E...avaient eu pour effet de priver la société Pacific d'une chance de gagner un procès intenté à son assureur en vue d'obtenir paiement de l'indemnité qu'elle estimait lui être due à la suite de l'incendie, la cour d'appel a retenu, pour débouter MM. Y...et X...de leur recours en garantie et exclure la responsabilité de MM. D... et E..., que les fautes commises par ces derniers « n'étaient pas seules à l'origine du préjudice » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que la perte de chance consiste dans la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; que le caractère réel et sérieux de la perte de chance de réussite d'une action en justice doit s'apprécier au regard de la probabilité de succès de cette action ; qu'il appartient ainsi aux juges du fond, l'issue d'une instance n'étant jamais certaine, de reconstituer la discussion qui n'a pu s'instaurer devant une juridiction par la faute d'un auxiliaire de justice ; qu'en se bornant à énoncer, pour refuser toute indemnisation au titre de la perte de chance du succès de l'action en justice de la société Pacific, que le paiement d'une indemnité concernant la perte du fonds de commerce ou la perte d'exploitation était « contesté » par l'assureur et que « le rapport d'expertise rappelle cette contestation », sans analyser la valeur des arguments de l'assureur et évaluer les chances de succès des prétentions de la société Pacific devant les tribunaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; que pour débouter MM. Y...et X...de leurs demandes, la cour d'appel énonce qu'ils ne justifient pas avoir perdu une chance que soit versée à la société Pacific une indemnité « suffisante » pour désintéresser la banque et les libérer de leurs engagements de caution ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si l'indemnité litigieuse n'aurait pas permis de payer une partie de la dette du prêt au bénéfice des cautions, qui auraient été ainsi déchargées, au moins partiellement, des sommes dues au titre de leur engagements, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
4°/ que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si MM. Y...et X...n'avaient pas perdu une chance que soit versée à la société Pacific une indemnité correspondant à la garantie des marchandises et du matériel détruits lors de l'incendie, qui n'était pas contestée par l'assureur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Mais attendu, qu'après avoir exactement énoncé qu'il incombait aux cautions de prouver qu'elles avaient des chances d'obtenir de leur assureur, par voie judiciaire, une indemnisation qui suffise à désintéresser la banque et permette de les libérer, l'arrêt, appréciant souverainement les éléments du débat, relève que les cautions ne rapportent pas la preuve de la perte de chance qu'elles allèguent ; qu'ainsi, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première, troisième et quatrième branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses première, troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. Y...et X...aux dépens ;
Vu l = article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour MM. X...et Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Messieurs Y...et X...de leurs demandes tendant à voir Maître D... et Maître E...les garantir de toutes condamnations prononcées contre eux au bénéfice de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE PICARDIE ;
Aux motifs propres que « les premiers juges ont, dans des termes qui méritent approbation, caractérisé les fautes commises par MM. D... et E...qui n'ont pas pris les mesures utiles, dans les délais de la prescription, pour l'interrompre ; que le premier ne saurait se retrancher derrière l'expertise en cours ni le fait que sa mission a pris fin avant la survenance du délai alors qu'il ressort des lettres adressées par cet expert qu'il a réclamé à de nombreuses reprises des documents et pièces comptables de la société afin de pouvoir chiffrer le préjudice sans jamais les obtenir et que cette carence a entraîné l'écoulement inutile d'un délai compté ; que le second ne peut imputer son inaction à un avocat auquel, s'il était bien chargé de suivre la procédure, il ne réclame rien alors, en outre, qu'il ressort du jugement rendu le 21 mai 2002 rendu par le Tribunal de grande instance de SENLIS rendu sur la prescription, qu'il devait savoir dès les opérations d'expertise, que la compagnie d'assurance contestait toute indemnisation et qu'il fallait donc l'assigner au fond ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu une faute à l'encontre de chacun des administrateur et liquidateur judiciaires ; considérant que, s'agissant du préjudice, le jugement a énoncé à raison qu'il consistait dans la perte de chance pour la SARL, de pouvoir obtenir de son assureur, par voie judiciaire, l'indemnisation de la perte du fonds de commerce ou celle de la perte d'exploitation outre celle des marchandises et du matériel et, partant, la possibilité que cette indemnisation suffise à désintéresser la banque et permette de libérer les cautions ; qu'il a justement constaté que cette perte de chance n'est pas démontrée ; qu'en effet MM. Y..., X...et A..., sur lesquels repose la charge de cette preuve, n'apportent aucune pièce de nature à s'assurer que, comme ils le proclament, la chance de voir l'assureur verser une indemnité suffisante était presque certaine, alors que, comme relevé par le tribunal, ce versement était contesté en ce qui concerne la perte du fonds de commerce ou celle de la perte d'exploitation, ainsi qu'il résulte du jugement du 21 mai 2002 précité qui a constaté la prescription, que le rapport d'expertise rappelle cette contestation et indique que l'indemnité semble alternative et non cumulative et que les cautions ne versent même pas aux débats la police d'assurance afin de vérifier si cette contestation était sérieuse ; qu'ils ne rapportent pas plus la preuve que, grâce à cette indemnité, ils auraient pu reprendre l'activité de la société alors qu'il ressort du rapport d'expertise que le chiffre d'affaires était faible, qu'elle connaissait une perte d'exploitation, qu'il est constant que la SARL avait des difficultés financières puisqu'elle avait été placée en redressement quelques jours seulement avant le sinistre et que la banque n'était pas son seul créancier, ayant accumulé des loyers de retard, tous éléments qui ont conduit le tribunal à juste titre, à en déduire que les fautes commises par MM. D... et E...n'étaient pas seules à l'origine du préjudice ; considérant que, pour ces motifs ajoutés à ceux du jugement, il ne peut qu'être confirmé » ;
Et aux motifs adoptés que « le préjudice, pour être réparable, doit être certain, la charge de la preuve reposant sur la victime ; que la faute commise par Maître Philippe D... et Maître Philippe E...a eu pour effet de priver la SARL PACIFIC, en redressement puis en liquidation, d'une chance de gagner un procès intenté à son assureur en vue d'obtenir paiement de l'indemnité qu'elle estimait lui être due à la suite de l'incendie ; que les cautions, qui sont également porteurs de parts de cette société, ne versent aucun élément sur les chances qu'avait la SARL de gagner son procès, chances qui doivent présenter un caractère réel et sérieux, et ce alors qu'il apparaît, à la lecture du jugement du Tribunal de grande instance de SENLIS du 21 mai 2002, que l'assureur entendait manifestement présenter des arguments au cours de cette instance ; qu'en effet, ce jugement relève que la police d'assurance souscrite par la SARL PACIFIC garantissait « sous certaines conditions » la perte d'exploitation ou la perte du fonds de commerce, que l'assureur déniait sa garantie à ce titre alors qu'il l'avait reconnue pour le poste matériel et marchandises, et qu'au cours des opérations d'expertise, il avait « clairement manifesté son opposition au paiement d'indemnité au titre de la perte d'exploitation ou de la perte de fonds de commerce » ; que, de même, en cas d'issue favorable, elles n'expliquent pas en quoi l'indemnité versée à l'actif de la liquidation aurait permis de payer la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE et de ne pas rendre exigible leur cautionnement, alors que la créance n'était pas la seule à être inscrite au passif et venait en concours avec les créances super privilégiées et privilégiées ; qu'il convient d'observer que la faute commise par Maître Philippe D... et par Maitre Philippe E...n'est en rien à l'origine de la liquidation de la SARL PACIFIC ainsi que le prétendent les cautions ; que c'est bien le sinistre survenu dans la nuit du 2 au 3 février 1998 dans les locaux dans lesquels la société exploitait son fonds de commerce qui a entraîné l'arrêt de l'activité de restauration, laquelle connaissait d'ailleurs des difficultés dans la mesure où un jugement de redressement judiciaire avait été rendu quelques jours plus tôt le 22 janvier 1998 ; qu'en effet, par ordonnance du 30 juin 1998, le juge des référés de SENLIS constatait la résiliation du bail commercial conclu entre la SARL PACIFIC et la SCI DES GRILLADES, sans indemnités à charge du bailleur ; que dès lors, aucune perspective de reprise de l'activité dans les locaux initiaux n'existait plus à compter du 30 juin 2008 date à laquelle aucune faute ne peut être reprochée à Maître Philippe D... puisque le délai de prescription n'a commencé à courir que postérieurement, le 17 juillet 1998, étant observé qu'il ne ressort d'aucune pièce que la SARL PACIFIC ait entendu poursuivre son activité sur un autre site ; que dès lors en l'absence de préjudice certain, Monsieur Philippe Y..., Monsieur Robert X...et Monsieur Pierre A...seront déboutés de leurs demandes » ;

1) Alors qu'un dommage est réparé quand bien même il existe plusieurs causes l'ayant provoqué ; qu'après avoir constaté que les fautes commises par Maître D... et Maître E...avaient eu pour effet de priver la SARL PACIFIC d'une chance de gagner un procès intenté à son assureur en vue d'obtenir paiement de l'indemnité qu'elle estimait lui être due à la suite de l'incendie, la Cour d'appel a retenu, pour débouter Messieurs X...et Y...de leur recours en garantie et exclure la responsabilité de Maître D... et Maître E..., que les fautes commises par ces derniers « n'étaient pas seules à l'origine du préjudice » ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2) Alors que la perte de chance consiste dans la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; que le caractère réel et sérieux de la perte de chance de réussite d'une action en justice doit s'apprécier au regard de la probabilité de succès de cette action ; qu'il appartient ainsi aux juges du fond, l'issue d'une instance n'étant jamais certaine, de reconstituer la discussion qui n'a pu s'instaurer devant une juridiction par la faute d'un auxiliaire de justice ; qu'en se bornant à énoncer, pour refuser toute indemnisation au titre de la perte de chance du succès de l'action en justice de la SARL PACIFIC, que le paiement d'une indemnité concernant la perte du fonds de commerce ou la perte d'exploitation était « contesté » par l'assureur et que « le rapport d'expertise rappelle cette contestation », sans analyser la valeur des arguments de l'assureur et évaluer les chances de succès des prétentions de la SARL PACIFIC devant les tribunaux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
3) Alors que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; que pour débouter Messieurs X...et Y...de leurs demandes, la Cour d'appel énonce qu'ils ne justifient pas avoir perdu une chance que soit versée à la SARL PACIFIC une indemnité « suffisante » pour désintéresser la banque et les libérer de leurs engagements de caution ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si l'indemnité litigieuse n'aurait pas permis de payer une partie de la dette du prêt au bénéfice des cautions, qui auraient été ainsi déchargées, au moins partiellement, des sommes dues au titre de leur engagements, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
4) Alors que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si Messieurs X...et Y...n'avaient pas perdu une chance que soit versée à la SARL PACIFIC une indemnité correspondant à la garantie des marchandises et du matériel détruits lors de l'incendie, qui n'était pas contestée par l'assureur, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-24049
Date de la décision : 15/10/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 décembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 oct. 2013, pourvoi n°12-24049


Composition du Tribunal
Président : M. Gérard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delvolvé, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.24049
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