LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 682 du code civil, ensemble les articles 1265 du code de procédure civile et 2282 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 avril 2012), que M. et Mme X..., propriétaires de parcelles contiguës à celle de Mme Y... ont assigné celle-ci, sur le fondement du trouble possessoire, en rétablissement du libre passage sur le chemin traversant sa propriété ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que les époux X... ne contestent pas sérieusement que les parcelles A 381, 382 et 383, contiguës au reste de leur propriété, sont accessibles via le gué et le pont existant et ont de plus un accès au chemin rural... et qu'il appartient à M. X... d'assurer la desserte de son exploitation en améliorant ses propres installations pour les adapter aux engins agricoles modernes qu'il a acquis ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la desserte par un gué et un pont ne permettant pas la circulation d'engins agricoles assurait aux époux X... un désenclavement complet de la parcelle A 383 pour les besoins d'une exploitation normale de leur fonds, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 11 avril 2012 par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, débouté les époux X... de leur action possessoire tendant à condamner, sous astreinte, Madame Marie Y... à rétablir l'accès et à laisser libre d'accès le chemin rural dit..., desservant les parcelles cadastrées sur la commune de MEHARIN section A n° 381, 382, 383, 633, propriété de Monsieur X... et de son épouse, Madame Z..., par la suppression du portail en fer qui obstrue la circulation dudit chemin et la suppression de la clôture en piquets d'acacia et rangée de fils de fer barbelé qui interdit l'accès à la parcelle n° 383,
AUX MOTIFS QU'il est constant que M. et Mme X..., demandeurs au principal et appelants, exercent une action possessoire afin d'être rétablis dans leur droit d'accès à leur parcelle n° 383 et ce, sur le fondement des dispositions des articles 2278 et suivants du Code civil, des anciens articles 2282 et 2283 du code civil et des articles 1264 et suivants du code de procédure civile ; que l'article 2278 du code civil dispose que la possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l'affecte ou la menace, que l'article 1264 du code de procédure civile prévoit que les actions possessoires sont ouvertes dans l'année du trouble à ceux qui, paisiblement, possèdent ou détiennent depuis au moins un an ; que toutefois l'action en réintégration contre l'auteur d'une voie de fait peut être exercée alors même que la victime de la dépossession possédait ou détenait depuis moins d'un an ; que la recevabilité de l'action des consorts X... sur le fondement de ces dispositions légales n'est pas contestée ; que Mme Marie A... épouse Y... ne conteste pas avoir clôturé sa propriété notamment à l'aide du portail et des fils de fer barbelés décrits par ses voisins ; que par ailleurs la description des lieux telle qu'elle résulte du rapport d'expertise de Mme Dominique B... n'est pas contestable ; qu'il en résulte notamment que Mme A... épouse Y... qui est propriétaire de la parcelle A 385 a clôturé son terrain, au sud, par l'intermédiaire d'un portail en fer matérialisant la fin du chemin rural... et au nord à l'aide de fils de fer barbelés montés sur des piquets d'acacia ; que la prétention des appelants consiste dans le fait de vouloir emprunter la parcelle A 385 de Mme A... épouse Y... pour desservir et exploiter leur parcelle A 383 en empruntant dans un premier temps le chemin rural... et en poursuivant leur trajet à travers la parcelle A 385 de leur voisine ; qu'à l'appui de leurs prétentions, les consorts X... soutiennent que leur parcelle A 383 se trouve désormais enclavée en raison des agissements de Mme Y... d'une part et que le chemin... est un chemin d'exploitation et donc une voie d'accès à leur parcelle d'autre part ; mais que ces deux moyens sont totalement contredits par les conclusions de l'expert qui reposent sur des constatations purement objectives effectuées sur les lieux ; qu'en effet les parcelles A 381, 382 et 383 ne sont pas enclavées car elles sont contiguës au reste de la propriété X..., à savoir les parcelles A 252 à 256 leur appartenant, que l'ensemble des parcelles est effectivement accessible via le gué et le pont existant, qu'elles ont, de plus, un accès par les autres parcelles contiguës au chemin rural dit... ; que les consorts X... ne contestent pas sérieusement cette situation de fait, qu'ils considèrent toutefois que les engins agricoles actuels ne peuvent plus utiliser le pont existant en raison de leur tonnage et de leur largeur à l'essieu ; qu'il est acquis aux débats que M. X... avait lui-même aménagé le pont permettant l'accès à ses parcelles à une époque où les engins agricoles étaient moins encombrants, qu'aujourd'hui, il voudrait que l'aménagement de ce pont soit mis à la charge de sa voisine Mme Y..., alors qu'il lui appartient d'assurer la desserte de ses propres parcelles dans les conditions nécessaires à son activité agricole en améliorant au besoin ses propres installations pour les adapter aux engins agricoles modernes qu'il a acquis ; qu'en effet M. Mme X... n'ont jamais bénéficié d'aucune servitude de passage pour cause d'enclave sur la propriété de Mme Y... ; que par ailleurs il est constant que le chemin dit... qui s'arrête au niveau de la parcelle A 385 de Mme Y..., dont il assure la desserte, est un chemin rural propriété de la commune et non un chemin d'exploitation, que par ailleurs la partie arrière de la parcelle A 385 ne présente pas plus le statut de chemin d'exploitation et qu'il ne peut nullement être revendiqué comme une voie d'accès à la parcelle A 383 dans la continuité du chemin rural... puisqu'il s'arrête à la parcelle A 385 ; que les consorts X... ne disposent d'aucun titre établissant l'existence d'un droit de passage quelconque au profit de leur parcelle A 383 sur la parcelle A 385 de Mme Y... ; que le fait pour des agriculteurs-éleveurs d'avoir autrefois emprunté la parcelle A 385, de manière occasionnelle, pour se rendre sur la parcelle A 383 au moment des travaux saisonniers ou pour accompagner du bétail en pâture ne saurait constituer la preuve de l'existence d'une servitude de passage dont Mme Y... serait débitrice ; que de plus il est constant qu'un droit de passage constitue, conformément aux dispositions de l'article 688 du code civil, une servitude discontinue qui a besoin du fait actuel de l'homme pour être exercée ; qu'en droit, les servitudes discontinues sont exclues de la protection prévue par l'article 1264 du code de procédure civile relatif aux actions possessoires, lorsque ces servitudes ne reposent sur aucun titre comme c'est le cas en l'espèce ; qu'il y a donc lieu de débouter M. et Mme X... de l'ensemble de leurs conclusions d'appel et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sans doute si l'article 1264 du Code de procédure civile prévoit que, en cas de voie de fait, l'action en réintégration peut être exercée alors même que la victime de la dépossession possédait ou détenait depuis moins d'un an, et en considérant que l'installation d'une barrière cadenassée et d'une clôture en poteaux de bois et fil de fer barbelé en travers du chemin constituent des actes de dépossession qualifiables de voies de fait au sens de ce texte, il demeure que pour justifier de leur qualité à agir au possessoire les époux X... doivent faire la preuve de ce que, au moment de la mise en oeuvre de la procédure, d'une part une période inférieure à une année s'est écoulée depuis l'apparition du trouble, et d'autre part la victime, au moment où le trouble a été perpétré, détenait effectivement le bien dont elle prétend être dépossédé ; que les époux X... établissent bien que le trouble dont ils se plaignent, à savoir la pose d'un portail et d'une clôture aux deux extrémités de la propriété Y... en travers du prétendu chemin desservant la parcelle 383, est survenu en juillet 2006 ; qu'ils produisent un PV de constat d'huissier en date du 31/ 07/ 06 et ces agissements à cette date ne sont pas contestés par Mme Y... ; que l'assignation devant cette juridiction a été par ailleurs délivrée à Mme Y... le 17/ 04/ 07, soit moins d'un an après la constatation du trouble ; qu'ainsi la première condition à la recevabilité de l'action possessoire est remplie ; qu'en revanche les époux X... sont dans l'incapacité de faire la preuve de ce qu'à l'époque du trouble ils accédaient effectivement à la parcelle 383 jouxtant le fonds Y..., en empruntant le chemin rural..., puis l'enclos de la maison Y... ; qu'en effet ce chemin n'est manifestement pas, comme a pu le vérifier l'expert, le seul accès possible à la parcelle 383 depuis le restant de la propriété des époux X..., et à travers elle depuis la voie publique, puisqu'une passerelle a été bâtie et est suffisamment large et solide pour permettre de franchir le ruisseau qui partage la propriété en deux, même avec des engins agricoles appropriés à l'exploitation de parcelles de cette taille et de cette nature et que les époux X... n'apportent par aucun témoignage ou autre indice matériel ou élément pertinent, ni la preuve de ce qu'à l'époque de la mise en place des barrages par Mme Y... en travers du chemin, et nonobstant la possibilité de passer sur ladite passerelle, ils empruntaient tout de même ce passage à travers la parcelle 385 pour pénétrer dans leur parcelle 383, ni la preuve de ce que depuis l'interdiction de passer par ce chemin ils n'ont pu entretenir ni exploiter normalement cette parcelle 383 ; qu'au contraire, les photographies produites aux débats tant par les demandeurs que par la défenderesse démentent l'affirmation des époux X... que le portail de bois clôturé au nord de la parcelle Y... ait donné accès à la parcelle 383, avant d'être ainsi condamné, d'une part parce que la bande de terrain situé derrière ce portail, moitié sentier en terre battue, moitié banquette herbeuse, fait partie intégrante de la parcelle 385 appartenant à Mme Y..., en tous cas telle qu'elle figure au plan cadastral nouveau, et d'autre part parce que sur toute la limite séparative entre cette bande de terre et la parcelle 383 appartenant aux époux X... et même, au-delà, tout autour de la parcelle 385 sur sa limite séparative avec les fonds voisins, celui de Mme Y... entre autres, est implantée une clôture de piquets et de fil de fer barbelé, qui remplace une ancienne haie vive, et qui, contrairement à celle-ci ne comporte aucune ouverture, empêchant hermétiquement tout passage de la parcelle 383 sur la parcelle 385 et, à travers elle, tout accès au chemin rural... ; que s'il n'est précisé par personne qui a implanté cette clôture, ni à quelle époque, il n'est nullement prétendu que ce soit l'oeuvre de Mme Y..., ni que cette implantation soit contemporaine des agissements reprochés à Mme Y... ; qu'en conséquence, faute d'établir qu'ils possédaient effectivement l'usage du chemin litigieux à l'époque à laquelle Mme Y... a commis les agissements d'obstruction qui lui sont reprochés, les époux X... seront déclarés irrecevables dans leur action possessoire et déboutés de leur demande de ce chef,
ALORS, D'UNE PART, QUE le fait même de l'enclave constitue le titre qui permet d'exercer l'action possessoire ; de sorte qu'en retenant que " les servitudes discontinues sont exclues de la protection prévue par l'article 1264 du code de procédure civile relatif aux actions possessoires, lorsque ces servitudes ne reposent sur aucun titre comme c'est le cas en l'espèce ", quand pourtant la parcelle cadastrée A 383, propriété en propre de Madame Marie-Thérèse X... se trouvait manifestement enclavée, ce qui constituait le titre justifiant l'action possessoire, la Cour d'appel a violé l'article 1264 du Code de procédure civile, ensemble les articles 682, 688 et 2278 du même Code,
ALORS, D'AUTRE PART, QU'est enclavé, le fonds d'un propriétaire qui n'a sur la voie publique aucune issue ou une issue insuffisante ; si bien qu'en affirmant que " les parcelles A 381, 382 et 383 ne sont pas enclavées car elles sont contiguës au reste de la propriété X..., à savoir les parcelles A 252 à 256 leur appartenant, que l'ensemble des parcelles est effectivement accessible via le gué et le pont existant, qu'elles ont, de plus, un accès par les autres parcelles contiguës au chemin rural dit... ", et ce faisant en appréciant globalement le caractère enclavé des parcelles susvisées, quand ces parcelles avaient pourtant des propriétaires distincts, ainsi que le soutenaient les consorts X... pour justifier du caractère enclavé de la parcelle A 383, propriété en propre de Madame Marie-Thérèse X..., la Cour d'appel a violé les articles 682 et 2278 du Code civil et 1264 du Code de procédure civile,
ALORS, EN OUTRE, QUE la possession est protégée contre le trouble qui l'affecte ou le menace ; qu'en écartant l'action possessoire des époux X..., consistant à rétablir le passage dont ils bénéficiaient sur la parcelle A 585, dont l'accès leur a été interdit par son propriétaire, par la pose d'un portail et de fils barbelés, aux motifs que les parcelles A 381, 382 et 383 avaient un accès au reste de la propriété X... via le gué et le pont existant, et que Monsieur X... a lui-même aménagé le pont permettant l'accès à ses parcelles à une époque où les engins agricoles étaient moins encombrants qu'aujourd'hui, alors qu'il lui appartient d'assurer la desserte de ses propres parcelles dans les conditions nécessaires à son activité agricole en améliorant au besoin ses propres installations pour les adapter aux engins agricoles modernes qu'il a acquis, motifs pourtant inopérants et impropres à caractériser l'inexistence du trouble possessoire invoqué, la Cour d'appel a violé les articles 2278 du code civil et 1264 du code de procédure civile,
ALORS, ENFIN, QUE le chemin rural est celui qui, appartenant aux communes et affecté à l'usage du public, a un rôle de communication entre différentes voies ou lieux publics et constitue un élément du réseau routier général, fut-il un simple raccourci ; qu'en écartant le moyen développé par les consorts X... dans leurs écritures d'appel selon lequel le chemin..., qui se poursuivait sur la parcelle A 385, était en réalité un chemin d'exploitation, au motif qu'il était contredit par les constatations de l'expert judiciaire, qui s'était pourtant borné à procéder à des constatations de fait sans caractériser le régime juridique de ce chemin, et sans procéder elle-même à cette recherche qui l'aurait conduite à constater que le chemin... n'a aucun rôle de communication entre différentes voies ou lieux publics et ne constitue pas un élément du réseau routier général, fut-il un simple raccourci, puisqu'il est sans issue, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1264 du Code de procédure civile, ensemble les articles 2278 du Code civil et L 161-1 et L 162-1 du Code rural et de la pêche maritime.