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10/10/2013 | FRANCE | N°12-24209

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 octobre 2013, 12-24209


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 juin 2012), que M. X..., salarié depuis le 1er juillet 1993 en qualité de boucher désosseur de la société Nordesosse (la société), qui l'avait affecté dans les locaux de la société Defial, a été victime le 18 avril 2006 d'un accident du travail survenu en aiguisant son couteau ; qu'il a engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de re

connaître sa faute inexcusable, alors, selon le moyen :

1°/ que si tout manquement d...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 juin 2012), que M. X..., salarié depuis le 1er juillet 1993 en qualité de boucher désosseur de la société Nordesosse (la société), qui l'avait affecté dans les locaux de la société Defial, a été victime le 18 avril 2006 d'un accident du travail survenu en aiguisant son couteau ; qu'il a engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de reconnaître sa faute inexcusable, alors, selon le moyen :

1°/ que si tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat est de nature à revêtir le caractère de la faute inexcusable, exigée par l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, qu'il incombe au salarié qui invoque une telle faute d'établir, encore faut-il que ce manquement soit une des causes nécessaires du dommage, ce qui implique que soient déterminées les circonstances objectives de la survenance de l'accident ; et qu'en retenant, pour caractériser la faute inexcusable de l'employeur, qu'il ne justifiait pas avoir satisfait aux prescriptions des articles R. 4511-1, R. 4511-5 et R. 4512-2 du code du travail et s'être renseigné sur les dangers courus par le salarié, sans qu'il résulte de ses constatations que la fixation des aiguiseurs de marque Ergo Steel sur les tables de travail, d'ailleurs préconisée par le constructeur, d'une part, était la cause objective de l'accident de M. X..., d'autre part, présentait un quelconque danger pour les salariés dont l'employeur avait ou aurait dû avoir nécessairement conscience en visitant les lieux de travail , et enfin que les accidents qui seraient survenus dans les mêmes conditions, selon deux salariés, se seraient produits avant celui de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que la preuve de la faute inexcusable qui incombe au salarié ne peut résulter d'attestations de salariés évoquant, sans les dater, des accidents similaires dont les victimes ne sont pas identifiées, et faisant état d'une enquête du CHSCT, sans autre précision, qui n'est pas versée aux débats ; et qu'en se contentant de ces deux attestations qui se bornaient à présumer un lien de cause à effet entre la fixation de l'aiguiseur et l'accident litigieux et à faire état d'accidents, dont il n'est même pas mentionné qu'ils auraient été antérieurs à celui de M. X..., pour considérer établie la faute inexcusable de la société Nordesosse, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient d'abord que le salarié travaillait sur tous les postes de la chaîne de travail, de l'abattage du bétail jusqu'au désossage en passant par la séparation de carcasse, activité à l'occasion de laquelle il était amené à manipuler quotidiennement des objets tranchants qu'il convenait régulièrement d'aiguiser ; que le travail s'exécutant dans les locaux d'une autre entreprise, la société, aux termes des articles R. 4511-1, R. 4511-5 et R. 4512-2 du code du travail devait procéder, préalablement à l'affectation de son salarié, à une inspection des lieux de travail, des installations et des matériels mis à disposition de celui-ci pour déterminer la nature des dangers, en évaluer l'importance et arrêter les mesures de prévention nécessaires ; ensuite que l'activité, par essence dangereuse, l'était d'autant plus que, depuis la fixation des aiguiseurs sur les tables de travail pour éviter les vols, plusieurs accidents du travail se sont produits lors de l'utilisation de l'outillage dans ces conditions ainsi qu'il ressort des attestations de deux salariés de la société Defial, non utilement contredites, et qu'après enquête du CHSCT, il a été procédé au décrochage des aiguiseurs afin de revenir à une utilisation à main libre ; enfin que la société ne peut utilement prétendre ne pas avoir eu conscience des dangers présentés pour la sécurité de son salarié, faute d'avoir satisfait aux prescriptions réglementaires et que la nécessaire conscience du danger et l'absence de mesure propre à le prévenir, doivent être tenues pour réunies ;

Qu'ayant caractérisé par ces constatations et énonciations, une situation dangereuse que l'employeur ne devait pas ignorer et l'absence de mesures pour en préserver le salarié, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'employeur avait commis une faute inexcusable ;

D'où il suit que le moyen, qui dans sa seconde branche, ne tend qu'à remettre en cause l'exercice par les juges du fond de leur pouvoir souverain d'appréciation de la valeur probante des attestations soumises à leur examen, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Nordesosse aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Nordesosse et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour la société Nordesosse

IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR dit que l'accident du travail dont Monsieur X... avait été victime le 18 avril 2006 était dû à la faute inexcusable de son employeur la société NORDESOSSE

AUX MOTIFS QUE Monsieur X..., employé depuis le 1er juillet 1993 en qualité de boucher désosseur par la société NORDESOSSE affecté par cette dernière dans les locaux de la société DEFIAL à Amiens , avait été victime le 18 avril 2006 d'un accident alors qu'il se trouvait au temps et au lieu du travail (en aiguisant son couteau, sa main aurait glissé sur la lame, occasionnant des « plaies palmaires D4 et D5 droit avec section des fléchisseurs et des nerfs collatéraux » qui avait fait l'objet d'une prise en charge d'emblée par la CPAM de la Somme ; qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur état tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en matière d'accident du travail ; que le manquement à cet te obligation avait le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait eu ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que lorsque le travail s'effectuait dans les locaux d'une autre entreprise, l'employeur avait le devoir de se renseigner sur les dangers courus par le salarié ; que la société NORDESOSSE qui avait affecté Monsieur X... dans les locaux de la société DEFIAL en qualité de boucher désosseur exerçant ses fonctions sur tous les postes de la chaîne de travail, de l'abattage du bétail jusqu'au désossage en passant par la séparation de carcasse, activité à l'occasion de laquelle il était amené à manipuler quotidiennement des objets tranchants qu'il convenait d'aiguiser régulièrement, avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et devait s'assurer des conditions exactes dans lesquelles il exerçait son activité, par essence dangereuse, chez l'entreprise cliente ; qu'en effet, les articles R.237-1 et R.237-6 du Code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, imposent à l'entreprise extérieure qui fait intervenir des travailleurs pour participer à l'exécution d'une opération, quelle que soit sa nature, dans un établissement d'une entreprise utilisatrice, de procéder préalablement à l'exécution de celle-ci, à une inspection commune des lieux de travail, des installations qui s'y trouvent et des matériels éventuellement mis à la disposition ; qu'au cas d'espèce la société NORDESOSSE ne justifiait par aucun élément, avoir satisfait à ces prescriptions réglementaires ; qu'en l'état, à défaut d'avoir inspecté les lieux, les équipements et matériels de travail, elle ne peut utilement prétendre ne pas avoir eu conscience des dangers présentés pour la sécurité des salariés, dangers sur lesquels elle avait l'obligation de se renseigner afin d'en déterminer la nature, en évaluer l'importance et arrêter les mesures de préventions nécessaires , obligation d'autant plus prégnante que depuis l'installation en 2006 d'aiguiseurs de marque ERGO STEEL désormais fixés sur les tables de travail (pour éviter les vols ) plusieurs accidents du travail s'étaient produits lors de l'utilisation de l'outillage dans ces conditions ainsi qu'il ressort des attestations, non utilement contredites, délivrées par des salariés de l'entreprise DEFIAL ( Messieurs Y... et Z...), accidents à la suite desquels , après enquête du CHSCT, il a été procédé au décrochage des aiguiseurs afin de revenir à une utilisation à main libre ; qu'en l'état, peu important l'expérience professionnelle de plus de treize ans du salarié dont aucun élément ne permettait en outre de lui imputer une faute quelconque dans l'accomplissement de ses tâches, les éléments constitutifs de la faute inexcusable de l'employeur, à savoir la nécessaire conscience du danger en l'absence de mesure propre à le prévenir, devaient être tenus pour acquis

ALORS QUE si tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat est de nature à revêtir le caractère de la faute inexcusable, exigée par l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsqu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, ce dont il incombe au salarié qui invoque une telle faute d'établir, encore faut-il que ce manquement soit une des causes nécessaires du dommage, ce qui implique que soient déterminées les circonstances objectives de la survenance de l'accident ; et qu'en retenant, pour caractériser la faute inexcusable de l'employeur, qu'il ne justifiait pas avoir satisfait aux prescriptions des articles R.4511-1, R.4511-5 et R.4512-2 du Code du travail et s'être renseigné sur les dangers courus par le salarié, sans qu'il résulte de ses constatations que la fixation des aiguiseurs de marque Ergo Steel sur les tables de travail, d'ailleurs préconisée par le constructeur, d'une part, était la cause objective de l'accident de Monsieur X..., d'autre part, présentait un quelconque danger pour les salariés dont l'employeur avait ou aurait dû avoir nécessairement conscience en visitant les lieux de travail , et enfin que les accidents qui seraient survenus dans les mêmes conditions, selon deux salariés, se seraient produits avant celui de Monsieur X..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale

ALORS QUE, la preuve de la faute inexcusable qui incombe au salarié ne peut résulter d'attestations de salariés évoquant, sans les dater, des accidents similaires dont les victimes ne sont pas identifiées, et faisant état d'une enquête du CHSCT, sans autre précision, qui n'est pas versée aux débats ; et qu'en se contentant de ces deux attestations qui se bornaient à présumer un lien de cause à effet entre la fixation de l'aiguiseur et l'accident litigieux et à faire état d'accidents, dont il n'est même pas mentionné qu'ils auraient été antérieurs à celui de Monsieur X..., pour considérer établie la faute inexcusable de la société NORDESOSSE, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 12-24209
Date de la décision : 10/10/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 26 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 oct. 2013, pourvoi n°12-24209


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Delvolvé, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.24209
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