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10/10/2013 | FRANCE | N°12-21565

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 octobre 2013, 12-21565


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 janvier 2012), que M. X... a été engagé le 21 avril 2008 par la société Alloin transports en qualité de conducteur hautement qualifié ; qu'après avoir fait l'objet d'un avertissement le 3 mars 2009 pour avoir refusé de se positionner en « repos » pendant une heure trente minimum sur les trois heures de coupure, comme il en avait pris l'engagement, le salarié a été licencié le 29 mai 2009 pour avoir persisté dans son refus ; que contesta

nt le bien fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction pru...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 janvier 2012), que M. X... a été engagé le 21 avril 2008 par la société Alloin transports en qualité de conducteur hautement qualifié ; qu'après avoir fait l'objet d'un avertissement le 3 mars 2009 pour avoir refusé de se positionner en « repos » pendant une heure trente minimum sur les trois heures de coupure, comme il en avait pris l'engagement, le salarié a été licencié le 29 mai 2009 pour avoir persisté dans son refus ; que contestant le bien fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 25 février 2010 ; pour obtenir le paiement de sommes au titre de l'exécution et la rupture du contrat de travail ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ quel'employeur peut revenir unilatéralement sur un usage apparu dans l'entreprise sous réserve de l'information tant des institutions représentatives du personnel que des salariés présents dans l'entreprise à la date de cette dénonciation, et ce dans un délai suffisant pour permettre d'éventuelles négociations ; que M. X... était conducteur hautement qualifié au sein de l'entreprise Alloin transports ; que l'employeur, par un usage, avait accepté de rémunérer le temps d'attente des conducteurs au-delà des 45 minutes de repos légal ; que l'employeur a brutalement décidé de ne plus payer une partie de ces heures d'attente et a licencié M. X... pour ne pas avoir mis en oeuvre ces nouvelles directives avec son appareil de contrôle du temps de travail ; que M. X... a contesté son licenciement, faisant notamment valoir qu'« un usage ne peut être dénoncé sans le respect précis d'une procédure, notamment par prévenance d'un délai suffisant » ; qu'en décidant que le licenciement du salarié reposerait sur une cause réelle et sérieuse au regard des nouvelles directives de l'employeur, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'employeur avait respecté la procédure de dénonciation des usages, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail et des règles régissant la dénonciation des usages ;
2°/ que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; que M. X... assurait une fois par semaine une navette entre Saint-Etienne et Beaune ; qu'il arrivait à 23 h 30 et repartait à 2 h 30 du matin, soit trois heures d'attente ; qu'il faisait valoir qu'il n'avait pas le droit d'utiliser le camion, propriété de l'employeur, pour vaquer à ses occupations personnelles, qu'il ne pouvait pas se reposer dans le tracteur qui ne disposait pas d'une couchette et que la zone d'attente se situait dans une zone industrielle éloignée de tous commerces ; qu'en décidant cependant que le temps d'attente ne serait pas un temps de travail effectif au motif que le salarié « avait la possibilité au moins théorique de vaquer librement à des occupations », la cour d'appel a violé l'article L. 3121-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'au cours du temps d'attente, le salarié n'était astreint à aucune activité, comme celle de participer au chargement ou au déchargement, et que la situation éloignée de la zone d'attente était indifférente en l'absence de directives de l'employeur empêchant le salarié de disposer librement de son temps, la cour d'appel en a exactement déduit que ces circonstances ne permettaient pas de requalifier le temps de coupure en temps de travail effectif comme le salarié le demandait ; que le moyen, inopérant en sa première branche dès lors que l'existence même d'un usage n'était pas constaté, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Patrice X... de ses demandes tendant à l'octroi de 15 452,92 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non réintégration, 2 540,97 euros pour compensation de la perte de salaire due au chômage, et 224,29 euros à titre de dommages et intérêts en remboursement des frais réels,
AUX MOTIFS QUE « selon l'article 3 de la Directive 2002/15/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 relative à l'aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier, on entend par "temps de travail" : 1) dans le cas des travailleurs mobiles : toute période comprise entre le début et la fin du travail, durant laquelle le travailleur mobile est à son poste de travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de ses fonctions ou de ses activités, c'est à dire: - le temps consacré à toutes les activités de transport routier ... - les périodes durant lesquelles le travailleur mobile ne peut disposer librement de son temps et est tenu de se trouver à son poste de travail, prêt à entreprendre son travail normal, assurant certaines tâches associées au service, notamment les périodes d'attente de chargement ou de déchargement lorsque leur durée prévisible n'est pas connue à l'avance, c'est-à-dire soit avant le départ ou juste avant le début effectif de la période considérée, soit selon les conditions générales négociées entre les partenaires sociaux et/ou définies par la législation des Etats membres ; Qu'aux termes de l'article 5 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-622 du 25 avril 2002, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que la durée du travail effectif ci-dessus fixée est égale à l'amplitude de la journée de travail, définie au paragraphe 1 de l'article 6, diminuée de la durée totale des coupures et du temps consacré aux repas, à l'habillage et au casse-croûte, dans le respect des dispositions de l'article L. 212-4 du code du travail selon lesquelles le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux coupures sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis au premier alinéa de l'article L. 212- 4 sont réunis ; que les modalités selon lesquelles les temps de coupure et les temps de restauration sont considérés comme du temps de travail effectif en application des dispositions de l'article L. 212-4 du code du travail peuvent être déterminées, pour la branche, par accord collectif de branche ou, pour l'entreprise ou l'établissement, par accord d'entreprise ou d'établissement ; Que l'article 5 du décret renvoie ainsi à la négociation collective le soin de déterminer les modalités suivant lesquelles les temps de coupure peuvent être considérés comme du temps de travail effectif, pour le cas où ils ne répondraient pas déjà à la définition générale de ce temps conforme à l'article L. 212-4 du code du travail, devenu L 3121-1 à L 3121-3 ;
Que selon l'article III-1 de l'accord du 23 novembre 1994 sur le temps de service, les repos récupérateurs et la rémunération des personnels de conduite marchandise "grands routiers" ou "longue distance", sont pris en compte pour 100 p. 100 de leur durée les temps à disposition tels que surveillance des opérations de chargement et déchargement, sans y participer, et/ou temps d'attente, durant lesquels, bien que n'étant pas tenu de rester à son poste, le conducteur ne peut disposer librement de son temps ; qu'en revanche, ne sont pas pris en compte au titre du temps de service l'ensemble des interruptions, repos, temps pendant lesquels le conducteur n'exerce aucune activité et dispose librement de son temps ; Qu'en l'espèce, assurant une fois par semaine une navette Saint-Etienne/ Beaune, Patrice X... arrivait à Beaune à 23 heures 30 et repartait à 2 heures 30 du matin ; qu'au cours de ces trois heures d'attente, dont la durée était prédéterminée et constante, il n'était astreint à aucune activité telle que, par exemple, le chargement ou le déchargement d'un véhicule ; que l'employeur ayant accepté de prendre en charge la rémunération de ce temps dans la limite d'une heure et demie, le salarié n'a pas placé le sélecteur de son appareil de contrôle sur la position repos pendant une heure et demie au moins; que la réitération de ce comportement en dépit de l'avertissement du 3 mars 2009 démontre son caractère délibéré, que confirme encore la tentative d'autojustification de Patrice X... tant devant le Conseil de prud'hommes qu'en cause d'appel ; que les considérations développées par l'appelant dans son courrier du 4 juin 2009, à savoir : ¿ que le camion est propriété de l'entreprise et qu'à ce titre il ne peut s'en servir pour vaquer à ses occupations personnelles,¿ que l'entreprise est située dans la zone industrielle, éloignée de tous commerces, et qu'il ne peut donc librement vaquer à ses occupations personnelles, étant à pied, sont indifférentes ; qu'en effet, les seules circonstances de lieu et d'horaires, à l'exclusion de toute constatation relative à des directives de l'employeur qui auraient pu empêcher le salarié de disposer librement de son temps et de pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, ne permettent pas de requalifier le temps de coupure en temps de travail effectif ; que Patrice X..., qui avait la possibilité au moins théorique de vaquer librement à des occupations personnelles, quelle que soit la nature de celles-ci, n'a pas fait un usage régulier de l'appareil de contrôle en ne plaçant le sélecteur en position repos que pendant l'interruption obligatoire de quarante-cinq minutes après quatre heures et demie de conduite ; qu'il existait donc une cause réelle et sérieuse de licenciement ; Qu'en conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé » (arrêt, p. 4 et 5),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « au vu des pièces produites aux débats, il apparaît que la navette de nuit entre SAINT-ETIENNE et BEAUNE devait se positionner à 23 h 30 pour un départ à 2 h 30 ; que durant ces trois heures, aucun travail n'était demandé à Monsieur Patrice X.... Que Monsieur Patrice X..., à plusieurs reprises, n'a pas suivi les directives de la Société ALLOIN TRANSPORTS ; que c'est à juste titre que celle-ci a procédé au licenciement de son salarié; qu'en conséquence, Monsieur Patrice X... sera débouté de ses demandes afférentes à la rupture du contrat de travail. Que la lettre de licenciement ne fait pas mention du droit individuel à la formation, en méconnaissance des dispositions de l'article L 6323-19 du Code du Travail; qu'en conséquence, la Société ALLOIN TRANSPORTS sera condamnée à verser à Monsieur Patrice X... la somme de 198,28 ¿ à titre de dommages-intérêts. Que l'équité ne commande pas d'accorder à la Société ALLOIN TRANSPORTS, le bénéfice des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile » (jugement, p. 4),
1°) ALORS QUE l'employeur peut revenir unilatéralement sur un usage apparu dans l'entreprise sous réserve de l'information tant des institutions représentatives du personnel que des salariés présents dans l'entreprise à la date de cette dénonciation, et ce dans un délai suffisant pour permettre d'éventuelles négociations ;
Que Monsieur X... était conducteur hautement qualifié au sein de l'entreprise Alloin Transports ; que l'employeur, par un usage, avait accepté de rémunérer le temps d'attente des conducteurs audelà des 45 minutes de repos légal ; que l'employeur a brutalement décidé de ne plus payer une partie de ces heures d'attente et a licencié Monsieur X... pour ne pas avoir mis en oeuvre ces nouvelles directives avec son appareil de contrôle du temps de travail ; que Monsieur X... a contesté son licenciement, faisant notamment valoir qu'« un usage ne peut être dénoncé sans le respect précis d'une procédure, notamment par prévenance d'un délai suffisant » ;
Qu'en décidant que le licenciement du salarié reposerait sur une cause réelle et sérieuse au regard des nouvelles directives de l'employeur, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'employeur avait respecté la procédure de dénonciation des usages, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail et des règles régissant la dénonciation des usages ;
2°) ALORS QUE la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ;

Que Monsieur X... assurait une fois par semaine une navette entre Saint Etienne et Beaune ; qu'il arrivait à 23 h 30 et repartait à 2 h 30 du matin, soit trois heures d'attente ; qu'il faisait valoir qu'il n'avait pas le droit d'utiliser le camion, propriété de l'employeur, pour vaquer à ses occupations personnelles, qu'il ne pouvait pas se reposer dans le tracteur qui ne disposait pas d'une couchette et que la zone d'attente se situait dans une zone industrielle éloignée de tous commerces ;
Qu'en décidant cependant que le temps d'attente ne serait pas un temps de travail effectif au motif que le salarié « avait la possibilité au moins théorique de vaquer librement à des occupations », la cour d'appel a violé l'article L. 3121-1 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-21565
Date de la décision : 10/10/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 04 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 oct. 2013, pourvoi n°12-21565


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, Me Delamarre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.21565
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