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02/10/2013 | FRANCE | N°12-26031

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 octobre 2013, 12-26031


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Jean-Pierre Y..., Mme Liliane Y..., Mme Carole Y... (les consorts Y...), et la société Y... transports et logistique ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 3 juillet 2012), qu'à l'occasion du projet d'ouverture d'un nouveau magasin de la société Aldi marché, la société Proparim a constitué, avec la société Groupe des cyclades et M. Z..., les sociétés Hagios et Strophades, en vue de

l'acquisition et la location d'un terrain ; que M. X..., notaire, a préparé de...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Jean-Pierre Y..., Mme Liliane Y..., Mme Carole Y... (les consorts Y...), et la société Y... transports et logistique ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 3 juillet 2012), qu'à l'occasion du projet d'ouverture d'un nouveau magasin de la société Aldi marché, la société Proparim a constitué, avec la société Groupe des cyclades et M. Z..., les sociétés Hagios et Strophades, en vue de l'acquisition et la location d'un terrain ; que M. X..., notaire, a préparé deux actes sous seing privé signés le 6 avril 2005, valant promesse de vente, d'une part, à la société Strophades des titres détenus par les consorts Y... dans une SCI propriétaire du terrain, d'autre part, à la société Hagios d'un bâtiment appartenant à la société Y... transports et logistique ; qu'ayant appris, par les projets d'actes définitifs, l'existence d'une clause interdisant l'exploitation dans l'immeuble vendu d'un magasin de type supermarché à rayons multiples, les sociétés Proparim, Groupe des cyclades et Strophades ainsi que M. Z... ont dénoncé les conventions et assigné les consorts Y..., la société Y... transports et logistique et le notaire en indemnisation de leur préjudice ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Strophades la somme de 168 082,34 euros et à la société Groupe des cyclades celle de 1 913,60 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute d'un notaire n'est causale que s'il est établi que sans elle le préjudice allégué ne se serait pas réalisé ou que la victime avait une chance de l'éviter ; qu'en condamnant M. X..., notaire, à indemniser les sociétés Strophades et Groupe des cyclades de la perte d'une chance de percevoir les loyers procurés par l'exploitation d'un supermarché dans un bâtiment ayant fait l'objet d'une promesse instrumentée par l'officier ministériel, bien qu'elle ait relevé que cette exploitation se heurtait à une interdiction préalablement stipulée qu'il n'était donc pas au pouvoir du rédacteur de surmonter, la seule faute à lui reprocher consistant à ne pas avoir signalé cet obstacle, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que l'indemnité réparant une perte d'une chance doit correspondre à la fraction des différents chefs de préjudice supportés par la victime ; qu'en se bornant à relever que la faute du notaire avait anéanti l'espoir pour la société Strophades de gagner des loyers et de réaliser une marge nette pour un total de 597 821,87 euros, sans préciser au terme de quelle opération juridique et économique elle aurait pu cumuler une marge de 213 347 euros avec la perception de loyers à hauteur de 384 474,87 euros, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur les différents chefs de préjudice qu'elle entendait réparer et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ qu'en affirmant dans ses motifs que les demandeurs à l'action ne justifiaient pas des frais à l'exception de la somme de 1 913,60 euros réclamée par la société Groupe des cyclades, tout en confirmant le jugement qui avait accordé à la société Strophades la somme de 18 082,34 euros au titre de l'indemnisation des frais engagés, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu une faute à l'encontre du notaire, l'arrêt relève qu'il n'est pas démontré que les acquéreurs avaient renoncé à leur projet bien avant de prendre connaissance de la clause d'interdiction d'exploiter un supermarché puisque tous les délais de réitération des actes authentiques avaient été prorogés en vue de la réalisation de l'opération, qui ne s'était heurtée qu'à un unique obstacle, l'existence de la clause litigieuse, et que la faute du notaire avait anéanti l'espoir pour la SCI Strophades de gagner des loyers et de réaliser une marge nette ; que par ces énonciations et appréciations, d'où il résulte que la faute du notaire, par le report dans le temps d'une opération semblable finalement réalisée, avait fait perdre à l'acquéreur une chance de recueillir plus tôt les bénéfices de l'opération, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Attendu, en deuxième lieu, que loin de se borner à relever que la faute du notaire avait anéanti l'espoir de percevoir des loyers et de réaliser une marge nette sans préciser les différents chefs de préjudice indemnisés, la cour d'appel, par motifs adoptés, a rejeté la demande au titre de la perte de chance de recueillir un bénéfice, faute de preuve de la prétendue marge nette, puis a souverainement évalué le préjudice résultant de la perte de chance de percevoir des loyers ;
Attendu, enfin, que sous le couvert d'une violation de la loi, le moyen critique une erreur matérielle qui peut être réparée par la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile ;
D'où il suit qu'irrecevable en son troisième grief, le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer aux sociétés Proparim, Groupe des cyclades et Strophades ainsi qu'à M. Z... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par confirmation du jugement attaqué, condamné Monsieur Jean-Louis X... à payer à la SCI STROPHADES la somme de 168.082,34 ¿ et à la société GROUPE DES CYCLADES celle de 1.913,60 ¿ ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Me Jean-Louis-MAQUENNE-soutient que les acquéreurs ont pris prétexte de la clause d'interdiction, valable ou non, pour abandonner un projet auquel ils avaient en réalité renoncé depuis l'automne 2005 en ouvrant un magasin sur un autre terrain, que l'existence d'une faute et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice fait défaut en l'espèce ; que la SCI STROPHADES, la SAS PROPARIM, la SAS GROUPE DES CYCLADES et M. Jean-Marie Z... démontrent que le terrain sur lequel le supermarché a finalement été ouvert n'a été acheté qu'en avril 2010, qu'un permis de construire pour une surface de 300 m2 leur a bien été accordé en janvier 2007 pour l'immeuble appartenant à la société Y... TRANSPORTS ET LOGISTIQUE après qu'une autorisation de création d'un supermarché pour une surface de 752 m2 leur avait été refusée en octobre 2005, qu'aucun des arguments employés par Me Jean-Louis X... ne permet de conclure comme il l'allègue que les acquéreurs n'avaient pas l'intention sérieuse d'implanter un supermarché dans le bâtiment qu'ils projetaient d'acheter, tous les délais de réitération des actes authentiques par Me Jean-Louis X... ayant été d'ailleurs prorogés pour permettre la réalisation du projet qui ne s'est heurté qu'à un unique obstacle, l'existence de la clause d'interdiction ; que la SCI STROPHADES, la SAS PROPARIM, la SAS GROUPE DES CYCLADES et M. Jean-Marie Z... exposent que l'opération devait permettre la réalisation d'une marge nette de 213.347 ¿, qu'ils estiment correspondre avec la perte des loyers entre le 1er septembre 2007, date d'entrée en vigueur du bail, et le 1er décembre 2010, date d'ouverture du supermarché sur l'autre terrain finalement acquis, estimée à 384.474,87 ¿, à la perte de chance de bénéfices de la SCI STROPHADES, soit un montant de 597.821,87 ¿ ; que la perte d'une chance, c'est à dire la disparition de la probabilité d'un événement favorable lorsque cette chance apparaît suffisamment sérieuse, est compensée par l'allocation de dommages et intérêts pour cette perte mais nullement pour la totalité de ce que la chance, si elle s'était réalisée aurait pu procurer à la victime ainsi que le réclame la SCI STROPHADES, car la perte d'une chance implique toujours un aléa, que la faute du notaire a anéanti l'espoir pour la SCI STROPHADES de gagner des loyers et de réaliser une marge nette, l'allocation forfaitaire de 150.000 ¿ retenue par le premier juge indemnisant le dommage subi ; qu'ils exposent également que la SCI STROPHADES a droit au remboursement des dépenses engagés pour l'opération projetée, soit une somme de 26.356,34 ¿ comprenant notamment les honoraires d'huissier, 190,28 ¿, les frais et le temps passé, 8.274 ¿, mais qu'ils ne justifient aucunement de ces dépenses, à l'exception d'un relevé d'honoraires pour 1.913,50 ¿ , leurs autres demandes étant rejetées et le jugement infirmé en conséquence » ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES QU'« il est justifié par la production de factures adressées à la SCI STROPHADES de ce qu'elle a exposé les dépenses suivantes : facture RIL du 15 juin 2007 : 430,46 ¿, facture CG du 22 mai 2007 : 2.392 ¿, facture FRANCIS A... du 19 octobre 2005 : 8.611,20 ¿, facture FRANCIS A... du 7 juin 2007 : 6.458,40 ¿, facture maître B... du 8 mars 2007 : 190,28 ¿, total : 18.082,34 ¿ ; qu'il est justifié par la production d'un relevé d'honoraires de Monsieur Marc C... au GROUPE LES CYCLADES en date du 28 juillet 2005 de ce que cette société a dépensé une somme de 1.913,60 ¿ ; qu'au titre de la perte de chance de bénéfice, il est en premier lieu fait état d'une marge nette liée à la construction de l'immeuble de 213.347 ¿ ; que, néanmoins, il n'est fourni aucun élément justifiant de la réalité de cette marge, de sorte que la demande d'indemnisation de ce chef ne peut qu'être rejetée ; qu'en second lieu, il est produit une promesse de bail commercial de neuf ans en date du 14 juin 2006 entre la SCI STROPHADES et la SARL ALDI pour une surface de vente de 299 mètres carrés et un loyer annuel de 118.300 ¿ HT ; que la perte de chance de percevoir les loyers est imputable à la faute du notaire et sera évaluée en pourcentage de ce que la SCI STROPHADES aurait perçu au titre des loyers si le bail avait été mis à exécution ; qu'il convient de fixer ce dommage à 150.000 ¿ ; qu'enfin les demandeurs font valoir qu'ils subissent un préjudice commercial, leurs relations avec ALDI étant gravement obérées et une atteinte irrémédiable ayant été portée à leur image ; qu'ils ne justifient pourtant en rien d'un tel dommage, en lien avec la faute du notaire, les seuls courriers qu'ils produisent ne permettant pas de considérer que ladite faute a obéré leurs relations avec ALDI ; que cette demande sera donc rejetée ; qu'en conséquence, il y a lieu de fixer les indemnités revenant aux demandeurs de la façon suivante : ensemble des demandeurs : 2.000 ¿, SAS GROUPE DES CYCLADES : 1.913,60 ¿, SCI STROPHADES : 18.082,34 ¿ + 150.000 ¿ = 168.082,34 ¿ » ;
1°) ALORS QUE la faute d'un notaire n'est causale que s'il est établi que sans elle le préjudice allégué ne se serait pas réalisé ou que la victime avait une chance de l'éviter ; qu'en condamnant Monsieur X..., notaire, à indemniser les sociétés STROPHADES et GROUPE DES CYCLADES de la perte d'une chance de percevoir les loyers procurés par l'exploitation d'un supermarché dans un bâtiment ayant fait l'objet d'une promesse instrumentée par l'officier ministériel, bien qu'elle ait relevé que cette exploitation se heurtait à une interdiction préalablement stipulée qu'il n'était donc pas au pouvoir du rédacteur de surmonter, la seule faute à lui reprochée consistant à ne pas avoir signalé cet obstacle, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'indemnité réparant une perte d'une chance doit correspondre à la fraction des différents chefs de préjudice supportés par la victime ; qu'en se bornant à relever que la faute du notaire avait anéanti l'espoir pour la société STROPHADES de gagner des loyers et de réaliser une marge nette pour un total de 597.821,87 ¿, sans préciser au terme de quelle opération juridique et économique elle aurait pu cumuler une marge de 213.347 ¿ avec la perception de loyers à hauteur de 384.474,87 ¿, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur les différents chefs de préjudice qu'elle entendait réparer et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, en affirmant dans ses motifs que les demandeurs à l'action ne justifiaient pas des frais à l'exception de la somme de 1.913,60 ¿ réclamée par la société GROUPE DES CYCLADES, tout en confirmant le jugement qui avait accordé à la société STROPHADES la somme de 18.082,34 ¿ au titre de l'indemnisation des frais engagés, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-26031
Date de la décision : 02/10/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 03 juillet 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 oct. 2013, pourvoi n°12-26031


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Blondel, Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.26031
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