LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Crédit lyonnais de ce qu'elle se désiste de son pourvoi incident ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 19 janvier 2001, les sociétés du groupe X..., leurs dirigeants MM. François et Henri X... et la société Crédit lyonnais (la banque) ont conclu un « protocole d'accord » tendant à l'octroi d'un découvert maximum de 40 millions de francs (6 097 960,60 euros) au bénéfice de plusieurs sociétés du groupe X..., moyennant diverses garanties dont le cautionnement de MM. François et Henri X... consenti à hauteur de certains montants « jusqu'à complet remboursement des découverts » de plusieurs sociétés du groupe dont la société Holding groupe X... ; que parallèlement à un tel « protocole d'accord », MM. François et Henri X... ont chacun souscrit le 16 janvier 2001 auprès de la banque un cautionnement en principal de 5 millions de francs (762 245,08 euros) destiné à garantir la société Holding groupe X... ; que celle-ci ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, la banque a déclaré une créance de 187 418,95 euros au titre du solde débiteur du compte de la société dont le montant a été déclaré irrécouvrable ; qu'ayant vainement mis en demeure MM. François et Henri X... de régler le montant du découvert en compte outre les intérêts de retard au taux conventionnel, la banque les a assignés en paiement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que MM. François et Henri X... font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la banque la somme de 184 318,34 euros assortie des intérêts au taux conventionnel à compter de la mise en demeure du 16 mars 2006, alors, selon le moyen, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que les engagements de caution souscrits le 16 janvier 2001 par MM. Henri et François X... pour garantir à l'égard de la banque le compte de la société Holding groupe X... ont été pris en vue de l'exécution d'un accord conclu le 19 janvier 2001, également signé par les mêmes parties, par lequel la banque accordait un découvert autorisé global au groupe X..., considéré comme un tout, de 40 millions de francs ; que c'est donc par référence aux engagements souscrits de part et d'autre dans le protocole du 19 janvier 2001 que devait s'apprécier la portée du cautionnement de la société Holding groupe X... donné par MM. X... en faveur de la banque ; qu'il résulte de l'exposé figurant en tête de cet accord, des engagements souscrits par la banque, faisant état d'un « découvert global maximal de 40 millions de francs qui devra être ramené à 35 millions de francs au 25 janvier 2001, 25 millions de francs au 25 février 2001, 10 millions de francs au 31 mars 2001 et devra être intégralement remboursé au 20 avril 2001 », de l'engagement corrélatif de l'ensemble des sociétés du groupe X... de parvenir à une trésorerie positive fin mai 2001 et de la clause de défaut croisé selon laquelle le protocole y compris son exposé et ses annexes constituent un tout indivisible, que le cautionnement donné par MM. X... le 16 janvier 2001 devait s'apprécier par rapport au découvert global qui y était consenti, et non par rapport au seul compte courant de la société Holding groupe X... ; que MM. X... ne pouvaient donc être tenus, en vertu de cet engagement de caution souscrit en exécution du protocole du 19 janvier 2001, qu'à condition que la banque établisse qu'à la date du 31 mai 2001, la trésorerie de l'ensemble des sociétés du groupe X..., considéré comme un tout, n'était pas positive ; qu'en condamnant cependant MM. X... en leur qualité de cautions, au vu du solde débiteur du compte courant de la seule société Holding groupe X... après le 31 mai 2001, la cour d'appel a violé la loi des parties, ensemble les articles 1134 et 2292 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, interprétant l'accord du 19 janvier 2001 et les engagements contractés le 16 janvier 2001, a souverainement estimé que les cautionnements indéterminés de MM. François et Henri X... devaient être appréciés en fonction du seul découvert en compte de la société Holding groupe X... et non de la balance globale des comptes des différentes société du groupe ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
Attendu qu'après avoir relevé que la banque ne prouvait pas avoir délivré chaque année aux cautions l'information légalement prévue, puisque les seuls documents produits concernaient les sommes restant dues au 31 décembre 2003 et au 31 décembre 2004, l'arrêt condamne solidairement MM. François et Henri X... au paiement de la somme de 184 318,34 euros assortie des intérêts au taux conventionnel à compter de la mise en demeure ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'inobservation des dispositions du texte susvisé entraîne la déchéance des intérêts au taux conventionnel, les cautions étant seulement tenues à titre personnel au paiement des intérêts au taux légal à compter de leur mise en demeure, la cour d'appel a violé ce texte ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a assorti la condamnation en principal de MM. François et Henri X... des intérêts au taux conventionnel, l'arrêt rendu le 16 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Crédit lyonnais aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Crédit lyonnais, la condamne à payer à MM. François et Henri X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour les consorts X..., demandeurs au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné solidairement MM. Henri et François X... à payer à la SA Crédit Lyonnais LCL 184.318,34 ¿ avec intérêts au taux contractuel défini au protocole d'accord du 19 janvier 2001 : EONI + 2% l'an, à compter du 16 mars 2006 ;
AUX MOTIFS QUE par acte du 16 janvier 2001, François X... et Henri X... se sont chacun portés caution solidaire des engagements de la SA Holding Groupe X... à l'égard du Crédit Lyonnais pour un principal de 5 millions de francs plus tous intérêts, commissions et accessoires, ce cautionnement étant conclu pour une durée indéterminée ; que le protocole d'accord du 19 janvier 2001 conclu entre le Crédit Lyonnais d'une part, la Sa Holding Groupe X..., d'autre part, ainsi que les différentes sociétés du groupe, et François X... et Henri X..., concernant un découvert global maximal de 40 millions de francs devant être intégralement remboursé au 20 avril 2001, définissait la portée des cautionnements de François X... et Henri X... limités à hauteur de 5 millions de francs chacun en faveur de la Holding Groupe X... « et ce, jusqu'à complet remboursement des découverts » ; qu'il ne peut donc être sérieusement prétendu que les cautionnements souscrits le furent pour une durée limitée et qu'ils auraient pris fin le 20 avril 2001 ou le 31 mai 2001 ; qu'en présence des termes clairs et précis du protocole précité et des engagements de caution, François et Henri X... ne sont pas fondés à chercher, comme ils le font, à opérer une confusion entre les comptes de la société holding et ceux des différentes sociétés faisant partie du groupe ; ¿ que si les intimés se prévalent d'une lettre du 22 juin 2001, adressée au Crédit Lyonnais pour estimer que le compte litigieux de la société holding est devenu créditeur, ils n'en rapportent pas la preuve ; qu'en effet, les termes de cette lettre où il est indiqué que « la position des comptes des différentes sociétés du groupe » serait créditrice, ne résultent que d'une simple affirmation, affirmation contredite par la production par la banque des différents relevés du compte bancaire de la société Holding Groupe X... faisant clairement apparaître des soldes débiteurs au 31 mai 2001 et au 29 juin 2001 ; qu'au surplus, par ordonnance du 24 décembre 2004 le juge commissaire chargé de la procédure de redressement judiciaire de la Société Holding groupe X... a prononcé l'admission à titre chirographaire de la créance de 187.418,95 ¿ du Crédit Lyonnais, déclarée au titre du solde débiteur du compte numéro 60 361Q ouvert dans les livres de l'agence 5228 du Crédit Lyonnais ; ¿ qu'il doit être rappelé que le jugement irrévocable qui arrête le montant de la créance à l'égard du débiteur principal est opposable, de ce chef à la caution solidaire comme à tout codébiteur solidaire ; qu'en conséquence, ¿ en produisant les pièces précitées : actes de cautionnement, protocole du 19.1.2001, relevés du compte bancaire, ordonnance portant admission de créance, mises en demeure reçues le 16 mars 2006, le Crédit Lyonnais justifie de la créance qu'il invoque à l'égard des deux cautions ;
ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que les engagements de caution souscrits le 16 janvier 2001 par MM. Henri et François X... pour garantir à l'égard du Crédit Lyonnais le compte de la société Holding Groupe X... ont été pris en vue de l'exécution d'un accord conclu le 19 janvier 2001, également signé par les mêmes parties, par lequel le Crédit Lyonnais accordait un découvert autorisé global au groupe X..., considéré comme un tout, de 40 millions de francs ; que c'est donc par référence aux engagements souscrits de part et d'autre dans le protocole du 19 janvier 2001 que devait s'apprécier la portée du cautionnement de la société Holding groupe X... donné par MM. X... en faveur du Crédit Lyonnais ; qu'il résulte de l'exposé figurant en tête de cet accord, des engagements souscrits par le Crédit Lyonnais (article 3, p. 3), faisant état d'un « découvert global maximal de 40MF qui devra être ramené à 35 MF au 25 janvier 2001, 25 MF au 25 février 2001, 10 MF au 31 mars 2001 et devra être intégralement remboursé au 20 avril 2001 », de l'engagement corrélatif de l'ensemble des sociétés du groupe X... de parvenir à une trésorerie positive fin mai 2001 et de la clause de défaut croisé selon laquelle le protocole y compris son exposé et ses annexes constituent un tout indivisible, que le cautionnement donné par MM. X... le 16 janvier 2001 devait s'apprécier par rapport au découvert global qui y était consenti, et non par rapport au seul compte courant de la société Holding Groupe X... ; que MM. X... ne pouvaient donc être tenus, en vertu de cet engagement de caution souscrit en exécution du protocole du 19 janvier 2001, qu'à condition que le Crédit Lyonnais établisse qu'à la date du 31 mai 2001, la trésorerie de l'ensemble des sociétés du groupe X..., considéré comme un tout, n'était pas positive ; qu'en condamnant cependant MM. X... en leur qualité de cautions, au vu du solde débiteur du compte courant de la seule société Holding groupe X... après le 31 mai 2001, la cour d'appel a violé la loi des parties, ensemble les articles 1134 et 2292 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement MM. Henri et François X... à payer à la SA Crédit Lyonnais LCL 184.318,34 ¿ avec intérêts au taux contractuel défini au protocole d'accord du 19 janvier 2001 : EONI + 2% l'an, à compter du 16 mars 2006 ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 313-22 du Code monétaire et financier, le banquier est tenu de faire connaître chaque année à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant dus par le débiteur principal, ainsi que le terme de cet engagement ; que le banquier doit également rappeler à la caution la faculté de révocation dont elle dispose si l'engagement est à durée indéterminée ; que ces dispositions sont d'ordre public ; que cette obligation d'information pèse sur l'établissement de crédit jusqu'à l'extinction de la dette garantie par le cautionnement, peu important la mise en redressement judiciaire du débiteur principal ou le prononcé de sa liquidation judiciaire ; que la banque qui ne s'est pas conformée aux exigences légales jusqu'à l'extinction de la dette est donc déchue du droit aux intérêts conventionnels ; qu'elle peut néanmoins réclamer à la caution des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure reçue par celle-ci, en vertu de l'article 1153 alinéa 3 du Code civil (arrêt attaqué, p. 4) ; (¿) que ne prouvant pas avoir délivré chaque année aux deux cautions l'information légalement prévue, puisque les seuls documents produits concernent les sommes restant dues au 31 décembre 2003 et au 31 décembre 2004, le banquier ne peut leur réclamer les intérêts contractuels convenus dans le protocole d'accord du 19 janvier 2001, correspondant au taux Eonia + 2% l'an, qu'à partir de la réception de la mise en demeure, le 16 mars 2006 ;
ALORS D'UNE PART QUE la banque qui n'accomplit pas l'information prévue par l'article L 313-22 du Code monétaire et financier est déchue du droit aux intérêts contractuels échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ; qu'ayant constaté que le Crédit Lyonnais ne prouvait pas avoir délivré chaque année aux deux cautions l'information légalement prévue, la cour d'appel qui a cependant assorti leur condamnation à payer le principal des intérêts au taux contractuel, fût-ce à compter de la mise en demeure, a violé l'article L 313-22 du Code monétaire et financier ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en condamnant les cautions à payer, sur le principal restant dû par le débiteur principal, des intérêts au taux contractuel à compter de la réception de la mise en demeure, le 16 mars 2006, sans constater l'accomplissement par la banque des formalités obligatoires d'information annuelle des cautions à cette date et avant le 31 mars de chacune des années qui ont suivi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 313-22 du Code monétaire et financier.