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25/09/2013 | FRANCE | N°12-19544

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 2013, 12-19544


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée à compter du 2 mai 1988 en qualité de visiteuse médicale par la société Arkopharma, laquelle a été reprise le 1er février 2007 par la société Medicothera ; que la salariée a été élue aux fonctions de déléguée du personnel le 24 avril 2008 ; que son contrat de travail prévoyait notamment le versement d'indemnités kilométriques ; que le 21 février 2006, un accord collectif relatif à l'utilisation des véhicules de fonction des personnels

commerciaux a été conclu avec les délégués syndicaux de l'entreprise, qui prévoya...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée à compter du 2 mai 1988 en qualité de visiteuse médicale par la société Arkopharma, laquelle a été reprise le 1er février 2007 par la société Medicothera ; que la salariée a été élue aux fonctions de déléguée du personnel le 24 avril 2008 ; que son contrat de travail prévoyait notamment le versement d'indemnités kilométriques ; que le 21 février 2006, un accord collectif relatif à l'utilisation des véhicules de fonction des personnels commerciaux a été conclu avec les délégués syndicaux de l'entreprise, qui prévoyait l'obligation pour ces personnels d'utiliser un véhicule de fonctions pour l'exercice de leur activité, en accordant cependant une dérogation temporaire à certains salariés, - nommément désignés et au nombre desquels figurait Mme X... -, lesquels étaient autorisés à continuer à utiliser leur véhicule personnel jusque la fin du leasing courant sur leur véhicule ; que la salariée ayant refusé de prendre possession du véhicule de fonction mis à sa disposition par l'employeur, celui-ci, estimant que l'utilisation de son véhicule personnel n'était désormais plus justifiée, a cessé de lui verser des indemnités kilométriques à compter d' octobre 2009 ; que le 24 décembre 2009, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'indemnités kilométriques et de rappels de salaires ; qu'après autorisation de licenciement délivrée par l'inspection du travail, elle été licenciée pour inaptitude le 12 septembre 2011 ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une certaine somme à titre de remboursement des frais kilométriques, alors, selon le moyen, que si les frais professionnels doivent être supportés par l'employeur, ce dernier peut, dans l'exercice de son pouvoir de direction, et sauf si elles sont contractuellement prévues, toujours modifier les conditions de leur prise en charge ; qu'en conséquence, l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, remplacer le versement d'indemnités kilométriques liées à l'utilisation du véhicule personnel du salarié par la mise à disposition d'un véhicule de fonctions, à moins que l'utilisation par le salarié de son véhicule personnel pour l'exercice de son activité professionnelle ait été contractuellement prévue ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de Mme X... prévoyait uniquement qu'elle « sera remboursée mensuellement des frais entraînés par ses fonctions et déplacements sur justifications (...) et dans les limites suivantes : (...) une indemnité kilométrique fixée par le barème de l'accord collectif du 28 avril 1986 fixant les frais de transport des visiteurs médicaux » (article 6 du contrat) ; que les parties s'étaient donc bornées à fixer le principe du remboursement des frais engagés par la salariée pour l'exercice de son activité professionnelle et les barèmes applicables, sans contractualiser l'utilisation de son véhicule personnel pour les besoins de son activité professionnelle ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner l'exposante au paiement d'indemnités kilométriques, qu'en demandant à Mme X... d'utiliser un véhicule de fonctions mis à sa disposition pour l'exercice de son activité professionnelle et en refusant de lui rembourser les indemnités kilométriques, la société Medicothera aurait modifié les conditions de remboursement des frais professionnels qui faisaient partie intégrante de son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis et l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que c'est sans dénaturation des clauses du contrat de travail que la cour d'appel a estimé que les conditions de remboursement des frais professionnels de la salariée avaient été modifiées sans son accord alors que ces conditions faisaient partie intégrante de son contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs et l'article L. 2411-5 du code du travail ;
Attendu que pour faire droit à la demande de résiliation judiciaire et condamner l'employeur à payer à la salariée diverses sommes, l'arrêt énonce que le manquement de l'employeur à son obligation de n'apporter aucune modification au contrat de travail de la salariée protégée sans son accord, était à ce point grave qu'il justifiait qu'il soit fait droit à l'action en résiliation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, même si la saisine du conseil de prud'hommes était antérieure à la rupture, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X... et condamne la société Medicothera à lui verser les sommes de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 9 452,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 945,25 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 27 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Ballouhey, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Medicothera.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et d'AVOIR condamné la société MEDICOTHERA à verser à Madame X... les sommes de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 9.425,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 945,25 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents au préavis ;
AUX MOTIFS QUE « qu'à la suite d'un avis d'inaptitude totale et définitive à son poste de travail consécutif à un arrêt de maladie depuis le 18 janvier 2011, l'appelante était licenciée pour inaptitude le 12 septembre 2011 après autorisation de licenciement délivrée par l'Inspection du travail » ;
ET QUE « Attendu qu'il ressort des éléments de la cause que, dans le courant de l'année 2009, la société intimée a décidé de supprimer à cette salariée l'usage de sa voiture personnelle pour un véhicule de fonction et refusé à compter du mois d'octobre 2009, de lui rembourser les indemnités kilométriques contractuellement prévues et maintenues par un accord collectif du 21 février 2006 ; qu'il a été également remis en cause le remboursement des repas contrairement à l'article 6 du contrat de travail, précédemment remboursés sur la base d'un forfait et sans justificatif même si cette pratique a été abandonnée à la suite de la contestation des visiteurs médicaux et l'accord précité ; Attendu qu'à la suite du courrier daté du 25 septembre 2009, relatif aux frais professionnels, l'appelante a fait connaître son refus concernant cette modification et demandé sans succès, par plusieurs courriers, le remboursement de ses frais professionnels sur la base initiale des termes du contrat de travail ; Attendu qu'il apparaît que l'employeur a modifié les conditions de remboursement des frais professionnels alors que ces conditions de remboursement faisaient partie intégrante de son contrat de travail en qualité de visiteuse médicale alors que l'accord du 21 février 2006 n'était pas opposable à cette salarié qui, en outre, était propriétaire de son véhicule et n'avait pas de contrat de leasing sur ledit véhicule ; Attendu que c'est à bon droit que l'appelante fait valoir, qu'en raison de son statut de salariée protégée, aucune modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail ne pouvait lui être imposé sans son consentement, en l'absence d'autorisation de l'inspection du travail dont la Cour observe qu'elle est intervenue après la demande de résiliation du contrat de travail et pour le seul motif de licenciement lié à l'inaptitude définitive ; Attendu qu'en l'état du décompte relatif aux indemnités kilométriques réclamées depuis le mois d'octobre 2009, non contesté par la société intimée, il sera fait droit à ladite demande ; qu'en l'état de ce manquement grave de l'employeur à ses obligations, c'est à bon droit que l'appelante sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail qui, en l'état du licenciement pour inaptitude survenu le 12 septembre 2011, sera prononcé avec effet au 18 janvier 2011, le jugement étant réformé en ce sens ; que cette résiliation doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;
ALORS QUE lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société MEDICOTHERA en raison de la modification du mode de prise en charge des frais de déplacement, cependant qu'il résulte de ses propres constatations que Madame X... avait été licenciée pour inaptitude le 12 septembre 2011 après autorisation de licenciement délivrée par l'inspection du travail, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs et l'article L. 2411-5 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société MEDICOTHERA à verser à Madame X... la somme 17.728 euros à titre de remboursement des frais kilométriques ;
AUX MOTIFS QUE « Attendu qu'il ressort des éléments de la cause que, dans le courant de l'année 2009, la société intimée a décidé de supprimer à cette salariée l'usage de sa voiture personnelle pour un véhicule de fonction et refusé à compter du mois d'octobre 2009, de lui rembourser les indemnités kilométriques contractuellement prévues et maintenues par un accord collectif du 21 février 2006 ; qu'il a été également remis en cause le remboursement des repas contrairement à l'article 6 du contrat de travail, précédemment remboursés sur la base d'un forfait et sans justificatif même si cette pratique a été abandonnée à la suite de la contestation des visiteurs médicaux et l'accord précité ; Attendu qu'à la suite du courrier daté du 25 septembre 2009, relatif aux frais professionnels, l'appelante a fait connaître son refus concernant cette modification et demandé sans succès, par plusieurs courriers, le remboursement de ses frais professionnels sur la base initiale des termes du contrat de travail ; Attendu qu'il apparaît que l'employeur a modifié les conditions de remboursement des frais professionnels alors que ces conditions de remboursement faisaient partie intégrante de son contrat de travail en qualité de visiteuse médicale alors que l'accord du 21 février 2006 n'était pas opposable à cette salarié qui, en outre, était propriétaire de son véhicule et n'avait pas de contrat de leasing sur ledit véhicule ; Attendu que c'est à bon droit que l'appelante fait valoir, qu'en raison de son statut de salariée protégée, aucune modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail ne pouvait lui être imposé sans son consentement, en l'absence d'autorisation de l'inspection du travail dont la Cour observe qu'elle est intervenue après la demande de résiliation du contrat de travail et pour le seul motif de licenciement lié à l'inaptitude définitive ; Attendu qu'en l'état du décompte relatif aux indemnités kilométriques réclamées depuis le mois d'octobre 2009, non contesté par la société intimée, il sera fait droit à ladite demande ; qu'en l'état de ce manquement grave de l'employeur à ses obligations, c'est à bon droit que l'appelante sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail qui, en l'état du licenciement pour inaptitude survenu le 12 septembre 2011, sera prononcé avec effet au 18 janvier 2011, le jugement étant réformé en ce sens ; que cette résiliation doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse »
ALORS QUE si les frais professionnels doivent être supportés par l'employeur, ce dernier peut, dans l'exercice de son pouvoir de direction, et sauf si elles sont contractuellement prévues, toujours modifier les conditions de leur prise en charge ; qu'en conséquence, l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, remplacer le versement d'indemnités kilométriques liées à l'utilisation du véhicule personnel du salarié par la mise à disposition d'un véhicule de fonctions, à moins que l'utilisation par le salarié de son véhicule personnel pour l'exercice de son activité professionnelle ait été contractuellement prévue ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de Madame X... prévoyait uniquement qu'elle « sera remboursée mensuellement des frais entraînés par ses fonctions et déplacements sur justifications (...) et dans les limites suivantes : (...) une indemnité kilométrique fixée par le barème de l'accord collectif du 28.04.1986 fixant les frais de transport des visiteurs médicaux » (article 6 du contrat) ; que les parties s'étaient donc bornées à fixer le principe du remboursement des frais engagés par la salariée pour l'exercice de son activité professionnelle et les barèmes applicables, sans contractualiser l'utilisation de son véhicule personnel pour les besoins de son activité professionnelle ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner l'exposante au paiement d'indemnités kilométriques, qu'en demandant à Madame X... d'utiliser un véhicule de fonctions mis à sa disposition pour l'exercice de son activité professionnelle et en refusant de lui rembourser les indemnités kilométriques, la société MEDICOTHERA aurait modifié les conditions de remboursement des frais professionnels qui faisaient partie intégrante de son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis et l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-19544
Date de la décision : 25/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 27 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 sep. 2013, pourvoi n°12-19544


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.19544
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