LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Federal express corporation (Fedex), comme manutentionnaire-pistes à temps partiel par contrat du 23 août 1999 puis adjoint-agent de pistes suivant avenant du 21 juillet 2000 à effet du 1er août 2000, affecté sur la zone aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle ; qu'en dernier lieu, il occupait les fonctions de chef d'équipe coordinateur ; que s'étant vu refuser le renouvellement de son titre d'accès aéroportuaire par décision du préfet de la Seine-Saint-Denis qui lui a été notifiée le 5 juillet 2002, il n'a pu accéder à son poste de travail à compter du 3 juillet 2002 ; que placé alors en position de congé pour convenance personnelle, le salarié a été licencié le 19 décembre 2002 au motif du refus de délivrance par l'autorité préfectorale du badge d'accès en zone réservée et de l'absence d'autre poste correspondant à ses qualifications ; que contestant le bien-fondé de cette mesure, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de préavis et des congés payés afférents et de rappels de salaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de préavis et des congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1°/ que la légitimité de tout licenciement pour motif personnel suppose que l'employeur, tenu d'une obligation de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, ait au préalable satisfait à l'obligation de reclassement ; qu'en affirmant que le retrait du titre d'accès du salarié à la zone réservée de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement sans que puisse être reproché à l'employeur un manquement à l'obligation de reclassement qui ne résulte pas de la loi ou de la convention, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, ne peut licencier le salarié du seul fait de la perte par celui-ci de l'habilitation administrative nécessaire à l'exercice de l'emploi auquel il était jusqu'alors affecté en zone protégée ou réservée, sans chercher à l'affecter à un autre poste ne nécessitant pas une telle habilitation, a fortiori lorsque le contrat de travail ne prévoit pas l'obligation de détenir une telle habilitation, ni une affectation exclusive en zone protégée, mais au contraire une clause de mobilité permettant à l'employeur d'affecter le salarié sur d'autres sites, n'impliquant donc pas la détention d'un badge d'accès ; qu'en affirmant que le retrait du titre d'accès du salarié à la zone réservée de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement sans que puisse être reproché à l'employeur un manquement à l'obligation de reclassement qui ne résulte pas de la loi ou de la convention, sans rechercher si cette recherche d'un autre poste pour le salarié, ne nécessitant pas un badge d'accès, n'était pas impliquée par l'obligation de loyauté et de bonne foi pesant sur l''employeur dans l'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1222-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3°/ que la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; qu'en refusant de se prononcer sur la réalité du motif de licenciement tiré de l'impossibilité de reclasser M. X... à un autre poste au sein de l'entreprise, quand la lettre de licenciement invoquait comme motif de la rupture non seulement la perte par le salarié de son titre d'accès en zone réservée, mais également l'absence d'autre poste correspondant à ses qualifications, motif indivisiblement lié à l'absence de titre et qui, s'il n'était pas établi, suffisait à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article L. 1235-1 du même code ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le retrait du titre d'accès à une zone sécurisée rendait impossible l'exécution du contrat de travail par le salarié et ayant exactement retenu qu'en l'absence d'obligation légale ou conventionnelle de reclassement pesant sur l'employeur, il ne pouvait lui être reproché un quelconque manquement du seul fait qu'il avait mentionné dans la lettre de licenciement l'absence d'un autre poste répondant aux qualifications du salarié, la cour d'appel, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a estimé que cette mesure de retrait constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de paiement d'un rappel de salaires pour les mois de juillet à décembre 2002, l'arrêt retient qu'ayant été placé par l'employeur en position de congé sans solde en attendant l'issue des recours introduits contre la décision administrative, il ne pouvait prétendre aux salaires couvrant cette période ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser le fondement juridique de la décision de placer le salarié en congé sans solde ni vérifier son accord, alors que le salarié soutenait s'être tenu à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande en paiement de la somme de 6 756 euros correspondant au rappel de salaires pour les mois de juillet à décembre 2002, outre 675 euros pour les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 15 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Federal express corporation aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Ballouhey, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. X... de ses demandes tendant à la condamnation de la société Federal express à lui payer la somme de 9 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 2 280 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 288 euros pour les congés payés induits, et la somme de 6 756 euros correspondant au rappel de salaires pour les mois de juillet à décembre 2002, outre 675 euros pour les congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que M. Farid X... a été privé à compter du 3 juillet 2002 par décision préfectorale du badge d'accès à la zone réservée de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle sur laquelle il avait été affecté dès la conclusion de son contrat. Cette mesure s'inscrivait dans le cadre des opérations de renforcement de la sureté de zone mises en oeuvre par la Direction générale de l'aviation civile et l'établissement public Aéroports de Paris ayant conduit à un contrôle général des titres d'accès ce dont la société Fedex était informée en décembre 2001. Il est établi que, le 11 juillet 2002, la société a reçu notification par la Police de l'air et des frontières de l'avis négatif émis sur la demande de délivrance d'un titre d'accès au bénéfice de M. Farid X..., qu'elle a placé le salarié en position de congé sans solde en attendant l'issue des recours qu'il avait introduits. C'est dans ces conditions qu'elle a procédé au licenciement du salarié, énonçant ainsi le motif dans la lettre du 19 décembre 2002 : " Compte tenu que l'exécution de votre contrat de travail sur notre site de Roissy ... est assujettie à la délivrance de ce titre d'accès et n'ayant pas d'autre poste correspondant à vos qualifications à vous proposer, nous sommes dans l'obligation de rompre votre contrat de travail et vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse ". Le retrait d'une habilitation par l'autorité publique n'est pas constitutif de force majeure fait du prince, faute notamment de la condition d'imprévisibilité. Par suite, la rupture du contrat à l'initiative de l'employeur constitue un licenciement, qualification retenue, d'ailleurs, par la société Fedex. Si le contrat de travail ne comporte aucune disposition imposant au salarié l'obtention titre d'accès en zone aéroportuaire réservée, son poste localisé dans cette zone impliquait l'obtention d'un tel titre. Dès lors, le retrait du titre d'accès est une cause réelle et sérieuse de licenciement sans que puisse être reproché à l'employeur un manquement à une obligation de reclassement qui ne résulte pas de la loi ou de la convention ni une exécution déloyale du contrat qu'on ne saurait déduire de la mention dans la lettre de licenciement de l'absence d'autre poste correspondant aux qualifications. Le licenciement ouvre droit en principe pour le salarié au versement des indemnités de rupture. Mais, M. Farid X... qui est dans l'impossibilité de l'effectuer ne peut prétendre au préavis. Il ne peut davantage prétendre aux salaires couvrant la période de juillet à décembre 2002, durant laquelle le contrat de travail était suspendu dans l'attente de l'issue des recours formés par le salarié contre la décision administrative. Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions et M. Farid X... débouté de l'ensemble de ses demandes ;
1°) ALORS QUE la légitimité de tout licenciement pour motif personnel suppose que l'employeur, tenu d'une obligation de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, ait au préalable satisfait à l'obligation de reclassement ; qu'en affirmant que le retrait du titre d'accès du salarié à la zone réservée de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement sans que puisse être reproché à l'employeur un manquement à l'obligation de reclassement qui ne résulte pas de la loi ou de la convention, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'employeur, tenu d'une obligation de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, ne peut licencier le salarié du seul fait de la perte par celui-ci de l'habilitation administrative nécessaire à l'exercice de l'emploi auquel il était jusqu'alors affecté en zone protégée ou réservée, sans chercher à l'affecter à un autre poste ne nécessitant pas une telle habilitation, a fortiori lorsque le contrat de travail ne prévoit pas l'obligation de détenir une telle habilitation, ni une affectation exclusive en zone protégée, mais au contraire une clause de mobilité permettant à l'employeur d'affecter le salarié sur d'autres sites, n'impliquant donc pas la détention d'un badge d'accès ; qu'en affirmant que le retrait du titre d'accès du salarié à la zone réservée de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement sans que puisse être reproché à l'employeur un manquement à l'obligation de reclassement qui ne résulte pas de la loi ou de la convention, sans rechercher si cette recherche d'un autre poste pour le salarié, ne nécessitant pas un badge d'accès, n'était pas impliquée par l'obligation de loyauté et de bonne foi pesant sur l''employeur dans l'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1222-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS, en toute hypothèse, QUE la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; qu'en refusant de se prononcer sur la réalité du motif de licenciement tiré de l'impossibilité de reclasser M. X... à un autre poste au sein de l'entreprise, quand la lettre de licenciement invoquait comme motif de la rupture non seulement la perte par le salarié de son titre d'accès en zone réservée, mais également l'absence d'autre poste correspondant à ses qualifications, motif indivisiblement lié à l'absence de titre et qui, s'il n'était pas établi, suffisait à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article L. 1235-1 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. X... de ses demandes tendant à la condamnation de la société Federal Express à lui payer la somme de 6 756 euros correspondant au rappel de salaires pour les mois de juillet à décembre 2002, outre 675 euros pour les congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que M. Farid X... a été privé à compter du 3 juillet 2002 par décision préfectorale du badge d'accès à la zone réservée de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle sur laquelle il avait été affecté dès la conclusion de son contrat. Cette mesure s'inscrivait dans le cadre des opérations de renforcement de la sureté de zone mises en oeuvre par la Direction générale de l'aviation civile et l'établissement public Aéroports de Paris ayant conduit à un contrôle général des titres d'accès ce dont la société Fedex était informée en décembre 2001. Il est établi que, le 11 juillet 2002, la société a reçu notification par la Police de l'air et des frontières de l'avis négatif émis sur la demande de délivrance d'un titre d'accès au bénéfice de M. Farid X..., qu'elle a placé le salarié en position de congé sans solde en attendant l'issue des recours qu'il avait introduits. C'est dans ces conditions qu'elle a procédé au licenciement du salarié, énonçant ainsi le motif dans la lettre du 19 décembre 2002 : " Compte tenu que l'exécution de votre contrat de travail sur notre site de Roissy ... est assujettie à la délivrance de ce titre d'accès et n'ayant pas d'autre poste correspondant à vos qualifications à vous proposer, nous sommes dans l'obligation de rompre votre contrat de travail et vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse ". Le retrait d'une habilitation par l'autorité publique n'est pas constitutif de force majeure fait du prince, faute notamment de la condition d'imprévisibilité. Par suite, la rupture du contrat à l'initiative de l'employeur constitue un licenciement, qualification retenue, d'ailleurs, par la société Fedex. Si le contrat de travail ne comporte aucune disposition imposant au salarié l'obtention titre d'accès en zone aéroportuaire réservée, son poste localisé dans cette zone impliquait l'obtention d'un tel titre. Dès lors, le retrait du titre d'accès est une cause réelle et sérieuse de licenciement sans que puisse être reproché à l'employeur un manquement à une obligation de reclassement qui ne résulte pas de la loi ou de la convention ni une exécution déloyale du contrat qu'on ne saurait déduire de la mention dans la lettre de licenciement de l'absence d'autre poste correspondant aux qualifications. Le licenciement ouvre droit en principe pour le salarié au versement des indemnités de rupture. Mais, M. Farid X... qui est dans l'impossibilité de l'effectuer ne peut prétendre au préavis. Il ne peut davantage prétendre aux salaires couvrant la période de juillet à décembre 2002, durant laquelle le contrat de travail était suspendu dans l'attente de l'issue des recours formés par le salarié contre la décision administrative. Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions et M. Farid X... débouté de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS QUE sauf si l'employeur établi qu'il s'est trouvé en présence d'un cas de force majeure, le salarié dont l'exécution de la prestation de travail s'est trouvé suspendu pour des raisons qui ne lui sont pas imputables et est resté à la disposition de l'employeur a droit au paiement de son salaire ; qu'en se bornant à relever, pour écarter la demande en paiement du salaire pour la période de juillet à décembre 2002, après avoir pourtant exactement retenu que le retrait d'une habilitation par l'autorité publique n'était pas constitutif de force majeure, que le contrat de travail était suspendu dans l'attente de l'issue des recours formés par le salarié, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de M. X... soutenues oralement à l'audience p.9, B, 1), si le salarié ne s'était pas tenu au cours de cette période à la disposition de son employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article1134 du code civil.