LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 242-1, A. 243-1 du code des assurances et l'annexe II à ce dernier article, dans leur rédaction applicable en la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juillet 2012), qu'en 1993, M. et Mme X... ont signé un contrat de construction d'une maison individuelle avec la société Les Maisons d'Alvor après avoir souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société UAP aux droits de laquelle vient la société Axa France IARD (Axa) ; qu'après réception des travaux, le 30 septembre 1994, les époux X... ayant constaté des fissures diverses et des moisissures dans la chambre du rez-de-chaussée ont fait une déclaration de sinistre à leur assureur qui a refusé sa garantie ; que les époux X... ont assigné l'assureur en indemnisation et réparation de leurs troubles de jouissance ;
Attendu que pour rejeter les demandes des époux X... contre la société Axa, l'arrêt retient que l'annexe II de l'article A 243-1 du code des assurances dans sa rédaction antérieure à l'arrêté du 19 novembre 2009 impose à l'assureur de notifier le rapport préliminaire de l'expert préalablement à la notification de sa prise de position relative à sa garantie ; que la société Axa a communiqué à M. et Mme X... le rapport de l'expert dans le même courrier dans lequel elle a notifié sa position ; qu'aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances et de l'annexe II à l'article A 243-1 du même code, l'assurance « dommages-ouvrage » qui oppose un refus de garantie, n'encourt de sanction que, si dans un délai de 60 jours il n'a pas notifié à l'assuré sa position ou lui ayant notifié une position de refus, ne lui a pas transmis dans ce délai le rapport de l'expert, puisque toute décision négative doit être expressément motivée ; que ces textes sanctionnent l'obligation pour l'assureur de notifier dans le même délai la position de refus de garantie et le rapport, mais qu'aucun des textes n'exige que l'assurance « dommages-ouvrage » doive notifier sa position dans un délai de 60 jours, et doive, en outre, sous peine de sanction de la déchéance, transmettre le rapport préliminaire à l'assuré avant cette notification, dans un délai que les textes ne précisent pas ; que la loi ne sanctionnant pas par la déchéance de l'assureur l'envoi concomitant du rapport préliminaire de l'expert et de la prise de position de l'assureur, la société Axa n'encourt pas la sanction prévue par les articles précités et n'est pas déchue de son droit de contester le caractère décennal des désordres litigieux ; qu'il convient donc de rechercher si les désordres liés aux fissures revêtent le caractère décennal ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'assureur ne pouvait valablement notifier à son assuré dans le délai qui lui est imparti sa décision sur le principe de sa garantie sans lui avoir préalablement communiqué le rapport préliminaire d'expertise en sa possession, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes d'indemnisation et de réparation des troubles de jouissance formées par M. et Mme X... contre la société Axa France IARD au titre des fissures diverses et des moisissures de la chambre du rez-de-chaussée, l'arrêt rendu le 2 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Axa France IARD à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme X... ; rejette la demande de la société Axa France IARD ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes d'indemnisation formées par M. et Mme X... contre la société Axa France Iard au titre des fissures, des moisissures de la chambre du rez-de-chaussée et de leurs troubles de jouissance ;
AUX MOTIFS QUE sur le non-respect du délai de 60 jours imparti par l'article L. 242-1 du code des assurances : Considérant que la déclaration de sinistre initiale du 10 décembre 1999 qui a été prise en compte par la société Axa signalait deux sinistres, à savoir un désordre n°1 "fissurations diverses sur des parties d'ouvrages du pavillon", et un désordre n°2 "tassement du dallage périphérique en pavillon"; que l'expert commis par l'assureur "dommages-ouvrage" a examiné ces deux désordres et a établi son rapport le 9 février 2000 ; La société Axa a envoyé à M. et Mme X... un courrier daté du 10 février 2000 ainsi libellé : "Nous vous rappelons cette affaire pour laquelle vous trouverez ci-joint, copie du rapport de l'expert. Il ressort de ce document que les désordres allégués ne portent atteinte ni à la solidité, ni à l'habitabilité de l'ouvrage et ne sont donc, par conséquent, pas de nature décennale. Les garanties de la police "dommages-ouvrage" n'ont donc pas lieu de s'appliquer. En revanche, concernant le désordre n° l, portant sur les fissurations, il est nécessaire de laisser l'ouvrage en observation pour une durée de un an. Si, à l'issue de cette période d'observation, vous constatiez une aggravation des désordres, nous vous invitons à reprendre contact tant avec notre expert, qu'avec nos services" ; Qu'il résulte sans ambiguïté des termes de ce courrier que la société Axa n'a pas accepté la mise en jeu des garanties prévues au contrat au motif que les deux désordres déclarés le 10 décembre 1999, objet du rapport de son expert, notifié à l'assuré en même temps que sa prise de position, ne relèvent pas de la garantie décennale; que le fait que la société Axa ait instauré une période d'observation en ce qui concerne le désordre n°1, ce qu'elle a effectivement fait en missionnant à nouveau son expert et en faisant appel à un sapiteur, ne contredit pas sa position de non garantie initiale prise au vu du rapport de son expert; que cette mise en observation caractérise au contraire l'exécution de bonne foi par la société Axa de son contrat puisque le délai de garantie décennale n'était pas expiré à la date du 10 février 2000, et qu'elle a bien indiqué à M. et Mme X... que, s'ils constataient une aggravation des désordres, ils avaient la possibilité de reprendre attache avec elle; que la société Axa n'était pas tenue d'indiquer dans ce courrier les termes des articles L 114-1 et L 114-2 du code des assurances, que par ailleurs M. et Mme X... étaient assistés de leur assureur protection juridique qui savait qu'une nouvelle prise de contact auprès de l'assureur "dommages-ouvrage" devait être faite par lettre recommandée avec accusé de réception; qu'aucune nouvelle déclaration de sinistre portant sur une aggravation des fissures n'a été adressée à l'assureur "dommages-ouvrage" ; qu'enfin, comme il a été dit, la société Axa, en désignant un sapiteur géotechnicien "afin de déterminer le caractère décennal des désordres et, dans l'affirmative, de définir le mode de réparation", après l'expiration d'un délai biennal a montré sa bonne foi; que le fait d'invoquer un moyen d'irrecevabilité, telle qu'une prescription, lors d'une instance en justice ne fait pas disparaître le comportement positif qu'a eu l'assureur antérieurement à l'introduction de l'instance vis à vis de ses assurés; que la société Axa a donc valablement pris position, qu'elle a bien respecté le délai de 60 jours imparti par l'article L 242-1 du code des assurances pour notifié sa décision quant à la mise en jeu des garanties, et il n 'y a eu aucun manquement de l'assureur à son obligation de loyauté; Que l'annexe II de l'article A 243-1 du code des assurances dans sa rédaction antérieure à l'arrêté du 19 novembre 2009 impose à l'assureur de notifier le rapport préliminaire de l'expert préalablement à la notification de sa prise de position relative à sa garantie ; que la société Axa a communiqué à M. et Mme X... le rapport de l'expert dans le même courrier dans lequel elle a notifié sa position ; qu'aux termes de l'article L 242-1 du code des assurances et de l'annexe II à l'article A 243-1 du même code, l'assurance « dommages-ouvrage » qui oppose un refus de garantie, n'encourt de sanction que, si dans un délai de 60 jours il n'a pas notifié à l'assuré sa position ou lui ayant notifié une position de refus, ne lui a pas transmis dans ce délai le rapport de l'expert, puisque toute décision négative doit être expressément motivée ; que ces textes sanctionnent l'obligation pour l'assureur de notifier dans le même délai la position de refus de garantie et le rapport, mais qu'aucun des textes n'exige que l'assurance « dommages-ouvrage » doive notifier sa position dans un délai de 60 jours, et doive, en outre, sous peine de sanction de la déchéance, transmettre le rapport préliminaire à l'assuré avant cette notification, dans un délai que les textes ne précisent pas ; que la loi ne sanctionnant pas par la déchéance de l'assureur l'envoi concomitant du rapport préliminaire de l'expert et de la prise de position de l'assureur, la société Axa n'encourt pas la sanction prévue par les articles précités et n'est pas déchue de son droit de contester le caractère décennal des désordres litigieux ; qu'il convient donc de rechercher si les désordres liés aux fissures revêtent le caractère décennal ;
ET AUX MOTIFS QUE sur le caractère décennal des fissures : considérant que l'expert judiciaire a examiné le pavillon de M. et Mme X... après l'expiration du délai de la garantie décennale puisque l'ouvrage ayant été réceptionné le 30 septembre 1994, le délai d'épreuve de 10 ans a expiré le 30 septembre 2004 ; que, comme l'a dit le tribunal, l'expert a constaté que les fissures évoluaient, suivant l'alternance des saisons, se refermant l'été et s'ouvrant l'hiver, qu'il a expliqué que les désordres affectant les maçonneries du sous-sol et partiellement du rez-de-chaussée sont constitutifs à l'inadaptation du radier aux structures de la maison ; que les premiers juges ont exactement relevé que si les fissures sont susceptibles de porter atteinte à la solidité de l'immeuble ou de le rendre impropre à sa destination, le risque ne s'est pas réalisé dans le délai de garantie décennale ; que les fissures ne se sont pas révélées infiltrantes ;
ET AUX MOTIFS QUE sur les autres désordres : les premiers juges ont exactement retenu que, s'agissant des moisissures de la chambre du rez-de-chaussée, l'expert a indiqué qu'il n'était pas démontré que l'ouvrage est rendu impropre à sa destination du fait du mauvais fonctionnement de la VMC ; que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. et Mme X... de ce chef ;
ET AUX MOTIFS QUE sur la demande de dommages-intérêts : Considérant que la demande principale de M. et Mme X... ayant été rejetée, leur demande d'indemnisation du trouble de jouissance doit également être rejetée ; qu'il a en outre été dit que la société AXA n'a eu aucun comportement fautif envers M. et Mme X... et que loin d'être déloyale, elle a participé activement à la période d'observation des fissures sans exciper (à l'époque) de la prescription biennale ; qu'il est noté que durant cette période, il n'y a pas eu de déclaration de sinistre relative à une aggravation des fissures ; que le rapport d'expertise judiciaire n'a pas permis de caractériser durant le délai d'épreuve de 10 ans l'atteinte à la solidité de l'ouvrage ou l'impropriété à sa destination ; que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté ces derniers de leur demande de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance et du préjudice moral ;
ALORS QUE l'assureur dommages-ouvrage ne peut valablement notifier à son assuré, dans le délai qui lui est imparti, sa décision sur le principe de sa garantie sans avoir préalablement communiqué à son assuré le rapport préliminaire en sa possession établi par l'expert ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Axa France Iard a communiqué aux époux X... le rapport d'expertise préliminaire en même temps qu'elle leur faisait part de son refus de garantie ; qu'en affirmant, pour décider que la société Axa France Iard n'était pas déchue de son droit de contester le caractère décennal des désordres litigieux, qu'aucun texte ne sanctionne l'envoi concomitant du rapport préliminaire de l'expert et de la prise de position de l'assureur, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 et A. 243-1 du code des assurances et l'annexe II à ce dernier article, dans leur rédaction applicable en la cause.