LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 mai 2012), que les sociétés Gicur et Gorke (les sociétés) ont fait assigner la société Dag afin d'obtenir l'annulation de l'avenant au bail commercial conclu entre les sociétés Dag et Gicur, au motif qu'il n'avait pas été soumis à l'autorisation préalable du conseil de surveillance de cette dernière ;
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'avoir déclaré leur action prescrite, alors, selon le moyen, que, même en l'absence de volonté de dissimulation de la convention réglementée non autorisée, du simple fait qu'elle a été matériellement cachée à la personne qui agit, la prescription de l'action en nullité de cette convention ne court qu'à compter de sa révélation ; qu'en considérant au contraire que le point de départ de la prescription ne serait ainsi différé qu'en cas de volonté de dissimulation, la cour d'appel a violé l'article L. 225-90 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant énoncé qu'il ne peut y avoir de dissimulation sans volonté de dissimuler et relevé que la preuve n'était pas rapportée de la dissimulation de l'avenant du 1er janvier 2007, lequel avait reçu exécution au jour de l'entrée de la société Gorke dans l'actionnariat de la société Gicur, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article L. 225-90 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Gorke et Gicur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Dag la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Gicur et Gorke.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les SAS GICUR et GORKE ne démontrent pas la volonté de dissimulation de la SAS DAG de la convention réglementée irrégulière, d'avoir dit en conséquence que le délai de prescription a commencé à courir à la date de la convention, soit le 1er janvier 2007 et d'avoir dit que l'action en nullité intentée par les SAS GICUR et GORKE est prescrite depuis le 1er janvier 2010 ; d'avoir par suite déclaré les SAS GICUR et GORKE irrecevables en leurs actions ;
Aux motifs que « la SAS DAG conclut à la prescription triennale de l'action en nullité formée par les SAS GICUR et GORKE, expirée depuis le 1er janvier 2010 pour une action introduite le 6 mai 2010 ; qu'elle soutient que le point de départ du délai de prescription se situe au 1er janvier 2007, date de l'avenant critiqué, en l'absence d'intention de dissimulation démontrée par les intimées, au sens de l'article L. 225-90 du code de commerce et de l'arrêt de la cour de cassation du 8 février 2011 ayant opéré un revirement de jurisprudence sur ce point ; qu'elle ajoute que les dispositions de l'article 1328 du code civil, mises en avant par les intimées pour retarder le point de départ de la prescription à la date de l'enregistrement, sont inapplicables aux actes de commerce par nature, tel l'avenant au bail commercial dont s'agit ; que les intimées contestent le point de départ du délai de prescription qui n'a pu courir au plus tôt, à l'égard de la SAS GORKE, qu'à compter de la date d'enregistrement de l'avenant le 14 mai 2007 puisqu'elle n'est devenue actionnaire de la SAS GICUR qu'à compter du 2 juin 2008 et avait la qualité de tiers à l'avenant antérieurement ; que s'agissant de la SAS GICUR, elles affirment que le délai de prescription n'a couru qu'à compter de la révélation de la convention réglementée à l'assemblée des actionnaires le 30 septembre 2008 ; qu'elle conteste l'interprétation faite par la SAS DAG de l'arrêt de la cour suprême du 8 février 2011 qui n'a pas opéré de revirement mais a simplement ajouté une condition en cas de dissimulation volontaire ; qu'elles concluent que dans le cas d'une dissimulation volontaire, le point de départ du délai de prescription ne pourrait se situer antérieurement au moment où les titulaires de l'action en nullité ont eu connaissance de la convention ce qui, s'agissant de la SAS GORKE, fait démarrer la prescription au 2 juin 2008, date de son entrée dans l'actionnariat de GICUR ; qu'il est acquis en l'espèce que l'avenant au contrat de bail commercial signé le 1er janvier 2007 est une convention réglementée soumise aux dispositions de l'article L. 225-86 du code de commerce ; qu'il n'est pas discuté que cet avenant a été signé sans autorisation préalable du conseil de surveillance et qu'il encourt, à ce titre, la nullité prévue à l'article L. 225-90 du même code, faute de régularisation par l'assemblée générale des actionnaires ; que selon cet article L. 225-90, l'action en nullité se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention ; que toutefois, si la convention a été dissimulée, le point de départ du délai de prescription est reporté au jour où elle a été révélée ; que s'il y a eu volonté de dissimulation, la révélation s'apprécie à l'égard de la personne qui exerce l'action en nullité afin de garantir l'exigence de sécurité juridique au regard de l'évolution du droit des sociétés ; qu'il s'évince de ces dispositions que, par exception au principe, le point de départ de la prescription peut être reporté au jour de la révélation en cas de dissimulation de la convention : qu'or, l'action de dissimuler comprend nécessairement un élément intentionnel qui s'ajoute à l'élément matériel résultant de l'absence d'autorisation préalable ; qu'il ne peut y avoir de dissimulation sans volonté de dissimuler, contrairement à ce qui est soutenu par les intimées ; que, par suite : soit les SAS GICUR et GORKE démontrent l'intention qu'avait la SAS DAG de leur dissimuler l'avenant du 1er janvier 2007 et elles sont alors bien fondées à invoquer le report du délai de prescription au jour où cette convention leur a été révélée, avec appréciation différenciée de la révélation à l'égard de chacune, soit elles ne démontrent pas la dissimulation alléguée et la prescription court depuis le 1er janvier 2007, date de la convention sans possibilité pour la SAS GORKE d'invoquer la date de l'enregistrement de l'avenant par application de l'article 1328 du code civil ; qu'en effet, l'avenant d'un bail commercial est un acte de commerce par nature dont la date se prouve par tous moyens, conformément aux règles de preuve régissant les actes de commerce ; qu'en l'espèce, les SAS GICUR et GORKE se bornent à déduire l'intention de dissimulation imputable à la SAS DAG de l'absence d'information donnée aux représentants du comité d'entreprise ; mais que la cour constate que cette allégation des intimées, faite de manière simplement allusive dans leurs écritures, n'est étayée par aucune pièce susceptible d'établir les actes positifs imputables à la SAS DAG et caractérisant la dissimulation ; qu'il n'est pas inutile de relever par ailleurs que l'avenant du 1er janvier 2007, applicable à compter de cette date, avait déjà reçu exécution, s'agissant du montant nouveau du loyer et du dépôt de garantie, au jour de l'entrée de la SAS GORKE dans l'actionnariat de la SAS GICUR en juin 2008 ; que la SAS GORKE ne démontre pas que l'existence de cet avenant lui ait été délibérément cachée ; que faute de dissimulation prouvée, le délai de prescription de l'action a débuté le 1er janvier 2007 pour s'achever le 1er janvier 2010 ; que le 6 mai 2010, au jour de l'introduction de l'instance devant le tribunal de commerce de Montpellier, l'action en nullité de la convention réglementée irrégulière était déjà prescrite ; que l'action intentée par les SAS GICUR et GORKE doit être déclarée irrecevable » (arrêt attaqué, p. 5-7) ;
1°) Alors que toute personne a droit au respect de ses biens ; que toute valeur patrimoniale résultant d'une confiance raisonnable en une jurisprudence établie constitue un bien ; qu'en appliquant rétroactivement l'arrêt de revirement du 8 février 2011 (n° 10-11.896) à des faits qui lui étaient antérieurs, la cour d'appel a déclaré prescrite l'action en annulation dont étaient titulaires la société GICUR et la société GORKE et qui n'était pas prescrite au moment de l'introduction de l'instance sous l'empire de la jurisprudence antérieure, constante, alors, depuis 1976 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé la société GICUR et la société GORKE des valeurs patrimoniales résultant de leur action en annulation de la convention illicite, en violation de l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'Homme ;
2°) Alors subsidiairement que, depuis l'arrêt de revirement du 8 février 2011 (n° 10-11.896), il est considéré par l'arrêt attaqué que l'action en annulation des conventions réglementées conclues sans autorisation des organes compétents ne court à compter de leur révélation qu'en cas de dissimulation avérée ; qu'il résulte de ce revirement de jurisprudence, ainsi compris par l'arrêt attaqué, qu'il appartient aux juges du fond d'établir si, objectivement, la convention non révélée a été sciemment dissimulée ou non ; qu'en considérant l'action prescrite au motif que la société GICUR ne prouverait pas l'existence positive d'une dissimulation de la convention litigieuse sans rechercher elle-même si la convention avait, ou non, été dissimulée dans les faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-90 du Code de commerce ;
3° Alors plus subsidiairement encore que, même en l'absence de volonté de dissimulation de la convention réglementée non autorisée, du simple fait qu'elle a été matériellement cachée à la personne qui agit, la prescription de l'action en nullité de cette convention ne court qu'à compter de sa révélation ; qu'en considérant au contraire que le point de départ de la prescription ne serait ainsi différé qu'en cas de volonté de dissimulation, la cour d'appel a violé l'article L. 225-90 du code de commerce.