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18/09/2013 | FRANCE | N°12-18010

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 septembre 2013, 12-18010


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 16 août 2004 par la société Expo Ouest international en qualité de responsable technico-commercial, statut ETAM, coefficient 500, de la convention collective dite Syntec ; que selon une lettre du 10 février 2006, le salarié a mis l'employeur en demeure de lui payer 519 heures supplémentaires ; que par une autre lettre du même jour, il a démissionné de son emploi ; que le 31 mai 2006, l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 16 août 2004 par la société Expo Ouest international en qualité de responsable technico-commercial, statut ETAM, coefficient 500, de la convention collective dite Syntec ; que selon une lettre du 10 février 2006, le salarié a mis l'employeur en demeure de lui payer 519 heures supplémentaires ; que par une autre lettre du même jour, il a démissionné de son emploi ; que le 31 mai 2006, l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de sommes au titre de l'exécution et la rupture de son contrat de travail ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre de l'indemnité de travail dissimulé, alors, selon le moyen, que M. Denis X... soutenait dans ses écritures d'appel que compte tenu de la charge de travail qui lui était imposée, de la nature du travail qui lui était confiée, de l'imputation d'heures de récupération sur des jours de congés et des notes de frais transmises à son employeur, ce dernier ne pouvait ignorer que des heures supplémentaires étaient réalisées ; qu'en affirmant que l'intention de dissimuler n'était pas établie sans rechercher si ces circonstances ne caractérisait pas l'intention de dissimuler les heures supplémentaires effectuées par le salarié, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel, qui n'étant pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que l'existence d'une intention de dissimulation de la part de l'employeur n'était pas établie ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1232-1 du code du travail ;
Attendu que pour dire la rupture imputable au salarié et le débouter en conséquence de ses demandes à ce titre, l'arrêt après avoir relevé que le salarié a réclamé ses heures supplémentaires par une lettre du 10 février 2006 et a remis sa démission par une autre lettre distincte du même jour, retient que la lettre de démission ne fait aucunement mention des heures supplémentaires revendiquées ; que si le salarié indique dans la lettre relative aux heures supplémentaires que sa réclamation fait suite à « différentes démarches amiables », aucun élément ne vient corroborer l'existence de demandes antérieures et l'employeur, dans sa réponse du 16 février 2006 accusant réception à la fois de la réclamation et de la démission, fait part de sa surprise; que le salarié a remis sa démission avant l'expiration du délai de huit jours qu'il avait imparti à l'employeur pour le régler ; qu'il ne peut donc être retenu que la démission est liée au non-paiement des heures supplémentaires ; que la lettre de démission étant, par ailleurs, claire et non équivoque quant à l'intention de son rédacteur, il y a lieu de dire que la rupture est imputable au salarié ;
Attendu cependant que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté l'existence d'un différend contemporain de la démission qui devait s'analyser en une prise d'acte de rupture et qu'elle avait condamné l'employeur au paiement de sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, la cour d'appel qui n'a pas recherché si le manquement de l'employeur à ses obligations de paiement de l'intégralité des heures supplémentaires était suffisamment grave pour justifier la prise d'acte, a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 23 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Expo Ouest international aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Expo Ouest international à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Denis X... de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QUE M. X... soutient que sa démission, motivée par le non paiement des nombreuses heures supplémentaires qui lui étaient dues, doit être requalifiée en rupture aux toits exclusifs de l'employeur. ; que M. X... a réclamé ses heures supplémentaires par LRAR dactylographiée du 10 février 2006, mettant en demeure l'employeur de lui payer "sous huit jours" 519 heures supplémentaires ; qu'il a remis sa démission par LRAR manuscrite distincte du même jour, ainsi rédigée : "Veuillez prendre note de ma démission de mon poste ait sein de votre société à réception de la présente. Restant à votre disposition pour la suite légale (...) " ; que force est donc de constater que la lettre de démission ne fait aucunement mention des heures supplémentaires revendiquées. Si M. X... indique dans la lettre relative aux heures supplémentaires que sa réclamation fait suite à "différentes démarches amiables ", aucun élément ne vient corroborer l'existence de demandes antérieures et l'employeur, dans sa réponse du 16 février 2006 accusant réception à la fois de la réclamation et de la démission, fait part de sa surprise en ces termes : « vous me faites part d'heures supplémentaires dont je n'ai jamais eu connaissance contrairement à ce que vous indiquez (...) Votre demande est d'autant plus surprenante qu'elle coïncide avec votre démission. En effet, vous ne m'avez jamais exprimé de demande à ce sujet ni oralement, ni pas-écrit (...) " ; qu'en outre, M. X... remet sa démission avant l'expiration du délai de huit jours qu'il impartit à l'employeur pour le régler ; que dans ces conditions, il ne peut être retenu que la démission est liée au non paiement des heures supplémentaires ; que la lettre de démission étant, par ailleurs, claire et non équivoque quant à l'intention de son rédacteur, il y a lieu de dire que la rupture est imputable au salarié et de débouter M. X... de toutes ses demandes relatives à la requalification de cette démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement de première instance sera infirmé de ce chef.
ALORS QUE la lettre de rupture ne fixe pas les termes du litige et n'empêche pas le salarié de faire état devant les juges de griefs à l'égard de son employeur ; que par ailleurs le défaut de paiement des heures supplémentaires constitue de la part de l'employeur un manquement à ses obligations de nature à lui imputer la responsabilité de la rupture, de sorte que le salarié ne peut être considéré comme ayant donné un consentement clair et non équivoque à sa décision ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le jour de la rupture de son contrat de travail le salarié avait mis son employeur en demeure de lui régler 519 heures de travail supplémentaires demeurées impayées ; que la Cour d'appel a effectivement condamné l'employeur au paiement d'un rappel de salaire conséquent au titre des heures supplémentaires effectuées ; qu'en affirmant pourtant qu'« il y a lieu de dire que la rupture est imputable au salarié », la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil ensemble les articles L.1231-1 et L.1232-1 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Denis X... de sa demande tendant au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.
AUX MOTIFS QUE la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ; qu'en l'occurrence, cette intention ne résulte pas des pièces versées aux débats et des explications fournies desquelles il ressort i) que M. X... jouissait d'une large autonomie dans l'organisation de son travail et, étant basé à Vincennes, ne se trouvait pas sous le contrôle direct de l'employeur localisé à Rennes et ii) qu'il n'est pas établi que M. X... ait revendiqué le paiement des heures supplémentaires avant son courrier de mise en demeure du 10 février 2006 ; que M. X... sera, débouté de sa demande et le jugement infirmé sur ce point.
ALORS QUE Monsieur Denis X... soutenait dans ses écritures d'appel que compte tenu de la charge de travail qui lui était imposée, de la nature du travail qui lui était confiée, de l'imputation d'heures de récupération sur des jours de congés et des notes de frais transmises à son employeur, ce dernier ne pouvait ignorer que des heures supplémentaires étaient réalisées ; qu'en affirmant que l'intention de dissimuler n'était pas établie sans rechercher si ces circonstances ne caractérisait pas l'intention de dissimuler les heures supplémentaires effectuées par le salarié, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Denis X... de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail par la société EXPO OUEST INTERNATIONAL.
AUX MOTIFS QUE la demande de M. X... se fonde non seulement sur la rupture prétendument abusive du contrat de travail, mais également sur l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ; que sur ce second point, il est soutenu que l'employeur n'a "jamais respecté les temps de repos obligatoires, ni quotidiens, ni hebdomadaires", n'a pas payé les heures supplémentaires, a ainsi "maltraité " son salarié "en le faisant travailler jour et nuit sans le payer de ses peines et salaires dus", ne lui a jamais fait passer de visite médicale et l'a fait travailler dans un local inadapté ; que de tous ces griefs, seul pourrait être retenu celui relatif au non paiement des heures supplémentaires, les autres n'étant pas démontrés ; que compte tenu de l'absence de revendication des heures supplémentaires avant le 10 février 2006 et du fait que, le plus souvent, M. X... ne travaillait pas en contact direct avec l'employeur, il ne peut être retenu que le non paiement des heures supplémentaires par l'employeur ait procédé de sa déloyauté, M. X... sera débouté de sa demande.
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que Monsieur Denis X... poursuivait le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail par la société EXPO OUEST INTERNATIONAL ; qu'au soutien de sa demande il produisait une attestation (pièce n° 6 du bordereau de pièces communiquées) dont il résultait que son employeur l'avait contraint à travailler dans un local inadapté ne satisfaisant à aucune exigence de sécurité, l'avait privé de repos et avait jeté la suspicion sur lui, l'accusant même de vol ; qu'en affirmant que le salarié ne démontrait aucun autre grief que celui relatif au non paiement des heures supplémentaires, sans examiner ni même viser cette pièce déterminante, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
ET ALORS QUE Monsieur Denis X... soutenait dans ses écritures d'appel que compte tenu de la charge de travail qui lui était imposée, de la nature du travail qui lui était confiée, de l'imputation d'heures de récupération sur des jours de congés et des notes de frais transmises à son employeur, ce dernier ne pouvait ignorer que des heures supplémentaires étaient réalisées ; qu'en affirmant « qu'il ne peut être retenu que le non paiement des heures supplémentaires par l'employeur ait procédé de sa déloyauté » sans tenir compte de ces éléments qui établissaient une parfaite connaissance de l'employeur des heures supplémentaires effectuées par son salarié, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-18010
Date de la décision : 18/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 sep. 2013, pourvoi n°12-18010


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18010
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