LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 4 novembre 2011), rendu en matière de référé, que M. X..., propriétaire dans un immeuble en copropriété à Fort-de-France d'un lot partiellement détruit lors d'un tremblement de terre, a assigné le syndicat des copropriétaires ainsi que la société GFA Caraïbes, assureur de ce dernier, en paiement d'une indemnité provisionnelle à valoir sur le coût des dépenses nécessaires à la réparation des désordres ; que le syndicat des copropriétaires a formé reconventionnellement à l'encontre de l'assureur une demande similaire à son profit ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société GFA Caraïbes fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au syndicat des copropriétaires une indemnité provisionnelle, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que dès lors en affirmant, pour condamner la société GFA Caraïbes à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Plein Ciel une indemnité provisionnelle de 300 000 euros, que les biens assurés étant, selon les conditions générales du contrat d'assurance, l'immeuble c'est-à-dire les constructions se trouvant sous la même toiture, les dépendances, les murs et grilles clôturant la propriété, d'évidence les conditions générales du contrat ne limitent pas la garantie aux seules parties communes, l'assureur ne justifiant pas d'une quelconque restrictions à ce titre dans les conditions particulières, ce que déniait la société GFA Caraïbes sur la base des termes des conditions générales, la cour d'appel, qui s'est livrée à une interprétation du contrat d'assurance, a tranché une contestation sérieuse et partant violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°/ qu'en retenant encore, pour condamner la société GFA Caraïbes à lui payer une provision, que le syndicat des copropriétaires ayant pour objet notamment la conservation de l'immeuble dans son intégralité, l'étendue de la réparation n'est pas limitée aux parties communes de l'immeuble mais concerne à l'évidence tous les dégâts ayant affecté l'immeuble au moment du sinistre, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse portant sur l'étendue de l'obligation à garantie de la société GFA Caraïbes et de nouveau violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait de façon évidente des conditions générales du contrat d'assurance et d'un courrier du 25 juin 1997 versés aux débats qu'étaient assurés les dommages ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel et affectant l'immeuble dans son ensemble sans que cette garantie ne soit limitée aux seules parties communes, et que l'assureur ne justifiait pas d'une quelconque restriction à ce titre dans les conditions particulières, la cour d'appel a pu, sans interpréter le contrat ni trancher une contestation sérieuse, allouer une provision au syndicat des copropriétaires ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt retient que l'immeuble Plein Ciel a été conçu et réalisé conformément aux règles techniques en vigueur en 1970, époque à laquelle il n'existait pas de norme parasismique de construction et que le dommage a donc eu pour origine non pas un vice de construction mais le séisme du 29 novembre 2007, que la destruction de son local résulte non d'un élément intrinsèque mais d'une cause extérieure, le séisme, constitutif d'un cas de force majeure, et enfin qu'à supposer même que l'immeuble soit affecté d'un vice de construction, aucun lien de causalité n'est démontré entre l'état de l'immeuble et le dommage subi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence de normes parasismiques applicables à l'époque de la construction n'exclut pas à elle seule un vice de construction, et par des motifs impropres à caractériser la force majeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. X... en paiement d'une indemnité provisionnelle, l'arrêt rendu le 4 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Plein Ciel et la société GFA Caraïbes aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Plein Ciel à payer à M. X... la somme de 3 000 euros et condamne la société GFA Caraïbes à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Plein Ciel la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille treize, signé par M. Terrier, président, et par M. Dupont, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Philippe X... de sa demande tendant à la condamnation in solidum du syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Plein Ciel » et de son assureur, la compagnie GFA Caraïbes, à lui payer une indemnité provisionnelle de 105.125,88 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon Philippe X..., la privation de l'usage et de la jouissance de son lot est imputable à un vice de construction des parties communes dont le syndicat doit répondre en application de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ; que le vice de construction responsable de l'effondrement de l'immeuble résulte d'un défaut de conception de l'immeuble dont les dispositions constructives en zone sismique sont insuffisantes ; qu'or, il résulte des rapports d'expertise versés aux débats (notamment le rapport Valide du 29 novembre 2007 et le rapport Y... des 5 et 8 décembre 2007) que l'immeuble Plein Ciel a été conçu et réalisé conformément aux règles techniques en vigueur en 1970, époque où il n'existait pas de norme parasismique de construction et que la chute d'une partie de l'immeuble a eu pour origine, non pas un vice de construction, mais le séisme du 29 novembre 2007 ; qu'en outre, Philippe X... ne verse aucun rapport d'un technicien établissant que la destruction de son local serait imputable à une partie commune ou à un élément d'équipement commun de l'immeuble qui seraient affectés d'un vice de construction ; que dès lors que, d'une part, la destruction résulte non pas d'un élément intrinsèque mais d'une cause extérieure constitutive d'un cas de force majeure (le séisme du 29 novembre 2007) et que, d'autre part, aucun lien de causalité n'est démontré entre l'état de l'immeuble ¿ à le supposer affecté d'un vice de construction ¿ et le dommage subi, c'est à bon droit que le juge des référés a débouté Philippe X... de sa demande d'indemnité provisionnelle ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. X... a toujours fondé ses demandes sur l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, lequel dispose que le syndicat a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes et qu'il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ; que des pièces produites aux débats et notamment de la lecture des différents rapports d'expertise réalisés sur l'immeuble en cause, il convient de constater qu'aucun des experts mandatés n'a évoqué l'existence d'un vice de construction ; qu'en effet, M. Y... indique que l'effondrement a permis de mettre en évidence des dispositions constructives insuffisantes en zone sismique (manque d'armatures transversales pour le poteau en zone critique et insuffisance de la longueur de recouvrement des armatures inférieures de la poutre et absence d'armatures transversales) ; que M. Z... précise quant à lui que le bâtiment plus rigide car contreventé et plus lourd a repoussé le bloc au niveau de la couverture des édicules, car il n'y avait pas de joint de dilatation ou un joint de dilatation de 2 cm seulement, qu'il n'y avait surtout pas de joint sismique de 6 à 10 cm tel que préconisé actuellement ; que la structure du parking est sur poteaux circulaires et n'est pas contreventée, ce qui a favorisé sa chute et son effondrement ; que les deux experts relèvent en effet qu'à la date de construction du bâtiment, aucune norme parasismique n'était en vigueur et que l'absence d'armatures et/ou de joint sismique a favorisé la chute de la structure du parking et son effondrement ; que par ailleurs, M. X... ne rapporte pas la preuve d'un défaut d'entretien des parties communes par le syndicat ; que dès lors, la responsabilité du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Plein Ciel ne saurait être engagée sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le syndicat des copropriétaires est responsable de plein droit des dommages résultant de tout vice de construction affectant une partie commune, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le vice réside dans la conception de l'ouvrage ou dans sa mise en oeuvre ; que tout manquement du constructeur à son obligation d'assurer la solidité et la pérennité de l'immeuble s'analyse donc en un vice de construction, dont le syndicat est responsable, sans préjudice de toutes actions récursoires ; que l'absence de norme ne saurait donc faire conclure à elle seule à l'absence de vice de construction ; qu'en retenant que le vice de construction était exclu dès lors que les experts n'avaient relevé aucun défaut de conformité à des normes parasismiques qui n'existaient pas encore lors de la construction de l'immeuble, tout en relevant, par motifs adoptés du jugement, que lesdits experts avaient retenu que l'effondrement de l'immeuble était dû à l'insuffisance des dispositifs parasismiques, la cour viole, par refus d'application, l'article 14 de la loi n° 557 du 10 juillet 1965 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, seul un événement, non seulement extérieur, mais également imprévisible et irrésistible peut constituer un cas de force majeure susceptible d'exonérer le syndicat des copropriétaires de la responsabilité qu'il encourt du fait des dommages résultant d'un vice des parties communes ; qu'en affirmant que le séisme survenu en Martinique le 29 novembre 2007 était constitutif d'un cas de force majeure, sans faire ressortir, ni qu'en l'état des connaissances scientifiques au jour de la construction de l'immeuble, un sinistre de pareille intensité pouvait être regardé comme imprévisible, ni que les constructeurs ne disposaient pas des moyens propres à assurer la résistance de l'ouvrage à de tels événements, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, ensemble au regard de l'article 1148 du Code civil ;
ET ALORS ENFIN QUE, sont communes les parties des bâtiments affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux ; qu'est ainsi réputée partie commune, sauf clause contraire, le gros oeuvre des bâtiments ; qu'en l'espèce, il est absolument constant, et d'ailleurs attesté par les commémoratifs mêmes de l'arrêt (cf. l'arrêt attaqué, page 2) qu'à la suite du séisme survenu le 29 novembre 2007, la dalle de parking qui supportait le sol du local professionnel de M. X... s'est effondrée, causant la destruction dudit local ; que ladite dalle étant présumée constituer une partie commune, la cour ne pouvait faire reproche à M. X... de n'avoir pas rapporté la preuve du lien de causalité entre le vice de construction responsable de l'effondrement de la dalle et la destruction de son local, sauf à violer l'article 1315 du Code civil et les articles 3 et 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Potier de La Varde et Buk Lament, avocat aux Conseils, pour la société GFA Caraïbes.
La société GFA Caraïbes fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Plein Ciel une indemnité provisionnelle de 300.000 ¿.
AUX MOTIFS supposés adoptés qu'il ressort d'un courrier en date du 25 juin 1997 que l'immeuble Plein Ciel d'une surface de 4560 m² est garanti en cas de catastrophes naturelles en raison d'une extension de garantie ; ainsi, conformément aux conditions générales du contrat, l'assureur garantit les dommages matériels directs causés aux biens assurés ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, la garantie ne pouvant être mise en jeu qu'après publication au journal officiel de la République Française d'un arrêté ministériel ayant constaté l'état de catastrophe naturelle ; or les biens assurés visées auxdites conditions générales est l'immeuble c'est-à-dire les constructions se trouvant sous la même toiture, les dépendances, les murs et grilles clôturant la propriété ; d'évidence et sans interprétation aucune, les conditions générales du contrat ne limitent pas la garantie aux seules parties communes, l'assureur ne justifiant pas d'une quelconque restriction à ce titre dans le cadre des conditions particulières.
ET AUX MOTIFS QUE l'obligation pour GFA Caraïbes d'indemniser le syndicat des copropriétaires des dommages causés par le séisme du 29 novembre 2007 sur la totalité de l'immeuble Plein Ciel (4560 m²) n'est pas sérieusement contestable dans la mesure où le syndic, souscripteur du contrat d'assurance, a engagé le syndicat des copropriétaires qui a pour objet notamment la conservation de l'immeuble dans son intégralité conformément à l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ; l'étendue de la réparation n'est pas limitée aux parties communes de l'immeuble mais concerne à l'évidence tous les dégâts ayant affecté l'immeuble assuré au moment du séisme, en l'état des pièces versées aux débats, notamment l'évaluation de la reconstruction à l'identique par le BETIB CONSULT, le montant de l'indemnité provisionnelle sera équitablement fixé à 300.000 ¿ étant précisé que la demande d'indemnité complémentaire formé en appel par le syndicat des copropriétaires a été prise en considération pour l'arrêter.
ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que dès lors en affirmant, pour condamner la société GFA Caraïbes à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Plein Ciel une indemnité provisionnelle de 300.000 ¿, que les biens assurés étant, selon les conditions générales du contrat d'assurance, l'immeuble c'est-à-dire les constructions se trouvant sous la même toiture, les dépendances, les murs et grilles clôturant la propriété, d'évidence les conditions générales du contrat ne limitent pas la garantie aux seules parties communes, l'assureur ne justifiant pas d'une quelconque restrictions à ce titre dans les conditions particulières, ce que déniait la société GFA Caraïbes sur la base des termes des conditions générales, la cour, qui s'est livrée à une interprétation du contrat d'assurance, a tranché une contestation sérieuse et partant violé l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile.
ALORS QU'en retenant encore, pour condamner la société GFA Caraïbes à lui payer une provision, que le syndicat des copropriétaires ayant pour objet notamment la conservation de l'immeuble dans son intégralité, l'étendue de la réparation n'est pas limitée aux parties communes de l'immeuble mais concerne à l'évidence tous les dégâts ayant affecté l'immeuble au moment du sinistre, la cour a tranché une contestation sérieuse portant sur l'étendue de l'obligation à garantie de la société GFA Caraïbes et de nouveau violé l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile.