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12/09/2013 | FRANCE | N°12-21225

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 septembre 2013, 12-21225


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil et l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, statuant sur second renvoi après cassation (2e Civ., 3 novembre 2011, pourvoi n° 10-25. 442), que la société Beckmann France (la cliente) a confié la défense de ses intérêts à la société d'avocats X... (l'avocat) dans un lit

ige l'opposant aux victimes d'un accident ; qu'à la suite de deux arrêts me...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil et l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, statuant sur second renvoi après cassation (2e Civ., 3 novembre 2011, pourvoi n° 10-25. 442), que la société Beckmann France (la cliente) a confié la défense de ses intérêts à la société d'avocats X... (l'avocat) dans un litige l'opposant aux victimes d'un accident ; qu'à la suite de deux arrêts mettant sa cliente hors de cause, l'avocat a facturé le 10 janvier 2005 des honoraires complémentaires demeurés impayés ; que l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre en fixation de ses honoraires et frais ;
Attendu que pour fixer le montant des honoraires, l'ordonnance énonce qu'une convention d'honoraires de résultat a été régulièrement conclue entre l'avocat et la société Beckmann France et qu'il convient de fixer le montant de cet honoraire à la somme déjà versée de 85 652, 03 euros ; Qu'en statuant ainsi, alors que la convention liant les parties prévoyait d'abord le paiement par la cliente d'un honoraire fixe en fonction des diligences accomplies, ensuite d'un honoraire complémentaire de résultat duquel devait être déduit l'honoraire de diligence une fois le résultat atteint, le premier président a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 16 mai 2012, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Beckmann aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société X...

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé le montant de l'honoraire de résultat de la société X... à la somme, déjà versée, de 85 652, 03 euros TTC ;
Aux motifs qu'il est de jurisprudence désormais établie, notamment après le second arrêt rendu en la cause par la Cour de Cassation le 3 novembre 2011, que l'honoraire complémentaire de résultat convenu peut être réduit s'il apparaît exagéré au regard du service rendu ; qu'en l'espèce, X... a assisté la société Beckmann France dans deux séries d'actions en responsabilité qui ont trouvé leur origine dans le même accident d'avion ; que la première procédure s'est terminée par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 16 mars 2001, et la seconde par un arrêt de la même cour du 17 décembre 2004 ; que sur le fond, les deux procédures soulevaient des problèmes juridiques identiques concernant le régime de la responsabilité susceptible d'être appliqué à la société Beckmann France et celui de la mise en cause de l'assurance de cette société ; que la première procédure a permis d'éviter des condamnations sur le fondement de la péremption d'instance ; que la seconde procédure a permis d'éviter des condamnations grâce aux moyens de défense tirés d'une consultation d'un professeur de droit de l'université Paris II, M. Y..., réalisée à la demande de X... et que la société Beckmann France a directement réglée à cette société d'avocats pour un montant de 8. 204, 81 euros TTC ; que le complément d'honoraires litigieux réclamé par X..., soit 285. 183, 37 euros TTC, doit être apprécié au regard de la seconde procédure ayant abouti à l'arrêt du 17 décembre 2004 ; que la rémunération du travail de l'avocat qui sollicite un honoraire complémentaire de résultat doit être à la mesure de l'importance des intérêts financiers en cause, du résultat obtenu au profit du client et des moyens mis en oeuvre pour parvenir à ce résultat ; que X... considère que la décision de la cour d'appel de Versailles en date du 17 décembre 2004 a permis d'éviter à la société Beckmann France une condamnation pécuniaire à hauteur d'une somme de 2. 566. 619 euros correspondant au montant total des demandes indemnitaires présentées par les ayants-droit des victimes de l'accident d'avion de 1988, et qu'elle est donc fondée à réclamer à cette dernière un honoraire complémentaire de résultat égal à 10 % de ce montant, soit 256. 661 euros HT ; que le montant des condamnations évitées, sur la base duquel est calculé l'intéressement facturé, ne doit correspondre qu'aux risques réellement encourus ; que X... qui réclame aujourd'hui l'honoraire complémentaire susmentionné, indiquait dans un courrier au Garage du Bac du 9 février 1999, que celui-ci n'était susceptible de faire l'objet que d'une condamnation partielle compte tenu de la responsabilité des autres intervenants, notamment la société Castrol, et ajoutait : « Il nous semble raisonnable, en l'état des éléments dont nous disposons à ce jour, de maintenir la provision d'ores et déjà constituée au titre des procédures liées à l'accident d'avion du mois de novembre 1988 » ; que la société Garage du Bac avait par ailleurs la possibilité, en cas de condamnation, de bénéficier d'une prise en charge par sa propre compagnie d'assurances, la compagnie Axa Assurances, appelée en garantie dans les deux séries de procédures ; qu'au vu de ces éléments, les risques encourus par la société Garage du Bac n'ont ainsi été provisionnés, sur les conseils de X..., qu'à hauteur de 638. 761 euros ; que le travail de recherche, la nature et les difficultés des affaires confiées à X..., ont été d'autre part considérablement réduits, en raison du travail effectué par d'autres intervenants, repris à son compte par cette société d'avocats ; qu'ainsi, la péremption d'instance qui a mis fin à la première procédure, a certes été soulevée par X... mais après que ce moyen ait déjà été soulevé par trois autres défendeurs ; que pour la seconde procédure, le tribunal de grande instance de Versailles a débouté les demandeurs en se fondant sur les moyens repris par X... de la consultation du professeur Y... ; que dans la mesure où l'appel principal avait été formé hors délai, la cour d'appel de Versailles a quant à elle simplement statué sur l'irrecevabilité des appelants ; qu'un consultant extérieur, M. Z..., a par ailleurs été mandaté et rémunéré directement par la société Garage Du Bac pour fournir à X... tous les éléments permettant de mettre en cause sa compagnie d'assurance en cas d'action directe des ayants-droit des victimes ; qu'en définitive, le complément d'honoraires de 285. 183, 37 euros réclamé par X..., ne correspond ni à l'intérêt véritable du litige, ni aux éléments déterminants de la rémunération de l'avocat tels que fixés par l'article 10 alinéa 3 de la loi du 31 décembre 1971 ; que l'honoraire de 85. 652, 03 euros déjà versé par la société Beckmann France représente quant à lui plus de 13 % du montant des condamnations qui pouvaient être légitimement envisagées ; qu'il s'ensuit, qu'après infirmation de la décision d'honoraires rendue le 1er août 2005 par M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris, il convient de dire qu'une convention d'honoraire de résultat a été régulièrement conclue entre X... et la société Beckmann France, et de fixer le montant de cet honoraire à la somme, déjà versée, de 85. 652, 03 euros TTC ;
Alors que, d'une part, la convention d'honoraires valablement formée tient lieu de loi aux parties qui l'ont faite ; que le juge de l'honoraire est tenu de la respecter ; que la convention qui prévoit un honoraire de diligences ainsi qu'un honoraire de résultat oblige le client au paiement de l'honoraire de résultat, en complément de l'honoraire de diligences ; qu'en constatant qu'un honoraire de résultat était valablement stipulé tout en réduisant néanmoins le montant total des honoraires au montant de l'honoraire de diligences de 85. 652, 03 euros qui avait été réglé au titre des deux procédures, le premier président de la cour d'appel a ainsi confondu l'honoraire de résultat dans l'honoraire de diligences, en méconnaissance des termes de la convention d'honoraires et en violation des articles 1134 du code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en sa rédaction applicable en l'espèce ;
Alors que, d'autre part, le juge de l'honoraire ne peut réduire l'honoraire de résultat que si celui-ci est exagéré par rapport au service rendu ; qu'il lui appartient alors de vérifier concrètement le résultat obtenu ; que lorsque le client encourt une condamnation au paiement d'une somme d'argent, en conséquence d'une demande chiffrée dirigée contre lui, le juge de l'honoraire ne peut, pour réduire l'honoraire de résultat, juger que le risque réellement encouru serait inférieur au montant de cette demande et que le rejet de celle-ci serait sans lien avec les diligences de l'avocat, sauf à caractériser l'irrecevabilité ou le mal fondé manifeste de la demande ; qu'en l'espèce, en retenant, pour réduire l'honoraire de résultat convenu entre la société Beckmann France et le cabinet X..., que le risque réellement encouru par la société Beckman France était inférieur à la somme de 2. 566. 619 euros demandée par les ayants droits des victimes de l'accident d'avion, sans dire en quoi cette demande aurait été manifestement irrecevable ou mal fondée, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en sa rédaction applicable en l'espèce ;
Alors que, de troisième part, l'éventualité d'un recours contre des tiers ou des garants à la suite d'une condamnation n'est pas de nature à écarter le risque de condamnation et à minorer le résultat obtenu par l'avocat dès lors que la condamnation n'est pas prononcée à la suite de ses diligences ; que pour juger que le risque de condamnation encouru par la société Beckmann France n'était que partiel, le premier président de la cour d'appel a estimé que la responsabilité d'autres intervenants aurait pu être retenue et que la société Beckmann France avait par ailleurs la possibilité, en cas de condamnation, de bénéficier d'une prise en charge par sa propre compagnie d'assurances, la compagnie Axa Assurances ; qu'en statuant par de tels motifs hypothétiques, qui n'étaient pas de nature à écarter le risque d'une condamnation totale de la société Beckmann France, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en sa rédaction applicable en l'espèce ;
Alors que, par ailleurs, le quantum d'un risque de condamnation judiciaire ne peut dépendre du montant de la provision inscrite en comptabilité en conséquence d'une procédure à laquelle une société est partie en qualité de défendeur à une action en responsabilité ; que cette provision comptable dépend de la seule décision arbitraire en opportunité de la société au regard de sa situation fiscale et de l'estimation qu'elle conçoit, ab initio, du risque de condamnation ; qu'en se fondant toutefois, pour déterminer le risque de condamnation de la société Beckmann France, sur le montant de 638. 761 euros provisionné par cette société dans ses comptes, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en sa rédaction applicable en l'espèce ;
Alors que, enfin, l'utilisation, par l'avocat, de consultations établies par des tiers à sa demande, ou d'argumentations développées par d'autres parties au procès, n'est pas de nature à permettre la réduction de son honoraire de résultat, dès lors qu'il est avéré que cette utilisation a permis d'obtenir le résultat judiciaire recherché ; qu'en retenant, pour réduire l'honoraire de résultat du cabinet d'avocats X..., que celui-ci avait utilisé une consultation juridique établie par le professeur Y... et avait par ailleurs repris une argumentation développée par un litisconsort, circonstances dont il résultait que l'utilisation de ces informations avait permis d'obtenir le résultat judiciaire recherché, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en sa rédaction applicable en l'espèce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 12-21225
Date de la décision : 12/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 16 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 sep. 2013, pourvoi n°12-21225


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.21225
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