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11/09/2013 | FRANCE | N°12-22472

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 septembre 2013, 12-22472


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 792, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, et l'article 1993 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Lucie X... est décédée le 5 avril 2004, laissant pour lui succéder ses deux fils, Gérard et Christian ; qu'au cours des opérations de partage de sa succession, soutenant que ce dernier ne justifiait pas des sommes qu'il avait prélevées sur les comptes bancaires de la défunte au mo

yen de la procuration qu'elle lui avait confiée, M. Gérard X... en a demandé...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 792, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, et l'article 1993 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Lucie X... est décédée le 5 avril 2004, laissant pour lui succéder ses deux fils, Gérard et Christian ; qu'au cours des opérations de partage de sa succession, soutenant que ce dernier ne justifiait pas des sommes qu'il avait prélevées sur les comptes bancaires de la défunte au moyen de la procuration qu'elle lui avait confiée, M. Gérard X... en a demandé le rapport et l'application de la sanction du recel ;
Attendu que, pour décider que M. Christian X... a commis un recel successoral, l'arrêt retient que, du mois de février 1995 au mois de mai 2004, il a retiré des fonds à hauteur de 342 678,54 euros des comptes bancaires de sa mère au moyen de la procuration et a dissimulé les sommes détournées dans l'intention de rompre l'égalité du partage ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté qu'il n'avait été titulaire d'une procuration qu'à compter du 16 mars 1995, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu à statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en celles de ses dispositions ayant condamné M. Christian X... à rapporter à la succession de Lucie Y..., veuve X..., au titre d'un rapport de dettes et non de libéralités, la somme de 342 678,54 euros et dit que M. Christian X... est coupable de recel et qu'il ne pourra en conséquence prétendre à aucune part sur la somme ainsi rapportée, l'arrêt rendu le 29 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. Gérard X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Christian X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. Christian X... à rapporter à la succession de Mme X..., au titre d'un rapport de dettes et non de libéralités, la somme de 342 678,54 euros, d'avoir dit que M. Christian X... est coupable de recel et qu'il ne pourra en conséquence prétendre à aucune part sur la somme ainsi rapportée, et d'avoir rejeté sa demande subsidiaire d'expertise ;
AUX MOTIFS QUE dans les semaines qui ont suivi le décès de René X..., survenu le 17 septembre 1994, dont la succession, après diverses contestations ayant opposé ses deux fils, Christian et Gérard, qui ont finalement décidé de mettre un terme à leur différend selon un écrit du 21 septembre 1995, a été liquidée par acte authentique des 29 février et 1er mars 1996, sa veuve Lucie Y..., alors âgée de 81 ans et éprouvée par la disparition de son conjoint, a connu une période de tiraillement entre ses deux enfants, ponctuée de retours à son domicile et d'hospitalisations à Mantes-la-Jolie, à proximité du domicile de son fils Christian, situé à Mantes-la-Ville ; que Lucie X... a ensuite été admise, à partir du 17 mars 1995, dans la maison de retraite médicalisée «Semiramis» à Vernon, dans l'Eure, où elle est demeurée jusqu'au mois de juillet 1996 ; qu'elle a suivi, durant l'été 1996, son fils Christian qui, ayant décidé de prendre sa retraite, s'est installé à Corbere, dans les Pyrénées-Orientales, où il a accueilli sa mère à son domicile, dans une annexe transformée en logement indépendant ; que le directeur de la maison de retraite «Força Real» à Millas, atteste enfin qu'elle a été admise de façon permanente, à compter du 10 février 1999, dans cet établissement où elle est décédée le 5 avril 2004 ; qu'il est établi par les pièces du dossier que Lucie X... a donné procuration à Christian X... sur ses comptes postaux à compter du 16 mars 1995 ; que l'article 1993 du code civil dispose que tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant ; qu'après le décès du mandant, le mandataire doit, dans le cadre du règlement de sa succession, rendre compte de sa gestion et justifier de tout ce qu'il a reçu en vertu de la procuration, en application de ce texte ; que c'est donc à Christian X... qui a, en vertu de la procuration dont il était titulaire, effectué des retraits sur les comptes de sa mère, qu'il incombe de justifier de l'utilisation qu'il a faite de ces fonds, et non à Gérard X..., son frère et cohéritier, de démontrer que les retraits effectués par Gérard X... lui ont bénéficié à titre personnel et qu'ils n'étaient pas justifiés par les besoins de la défunte ; que Christian X... n'établit pas quelle affectation il a donné aux retraits qu'il a opérés sur les comptes de sa mère du mois de février 1995 au mois de mai 2004 ; que les relevés bancaires produits par Gérard X... et les vérifications minutieuses auxquelles il a procédé, sans être utilement contredit par Christian X..., établissent que les sommes ainsi détournées s'élèvent à 342 678,54 euros ; qu'il n'y a pas lieu de déduire de cette somme les dépenses découlant des besoins de la défunte qui disposait d'une pension de retraite d'un montant mensuel de 2 500 euros environ et d'un capital de 200 000 euros issus des opérations de liquidation de la communauté et de la succession de son mari, de la vente d'un immeuble à Louye (Orne) et de la perception d'un capital-décès, dans la mesure où, constituées, pour l'essentiel, des frais d'hébergement en maison de retraite, des frais d'auxiliaire de vie, des prélèvements URSSAF et des impôts, elles étaient réglées par des chèques distincts des débits litigieux ; que le moyen tiré par Christian X... de l'article 1348 du code civil est inopérant ; qu'il ne se heurte, en effet, à aucune impossibilité matérielle ou morale l'empêchant de rendre compte à son frère des conditions dans lesquelles il a exécuté le mandat qu'il tenait de leur mère ; qu'il lui aurait suffi, pour satisfaire aux prescriptions de l'article 1993 précité, de s'expliquer sur la destination des nombreux débits litigieux, ce qu'il n'a pas fait, malgré les demandes ; que l'ancien article 829 du code civil dispose que chaque cohéritier fait rapport à la masse, suivant les règles qui seront ci-après établies, des dons qui lui ont été faits et des sommes dont il est débiteur ; que le rapport dont Christian X... est tenu envers la succession de sa mère, au titre des deniers retirés de ses comptes au moyen d'un mandat, est, contrairement à l'avis du premier juge, un rapport de dettes et non de libéralités ; que, dès lors, c'est à tort que le premier juge a fait application de l'article 869 du code civil, selon lequel «le rapport d'une somme d'argent est égal à son montant. Toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de ce bien dans les conditions prévues à l'article 860» ; que s'agissant d'un rapport de dettes, c'est en effet pour le montant nominal de la somme due et non pour !a valeur au partage, du bien acquis que la dette doit être inscrite à l'actif de la masse ; que c'est donc la somme de 342 678,54 euros qui doit être retenue ; qu'il n'est au demeurant pas sans intérêt d'observer, à titre surabondant qu'aucun élément objectif du dossier ne permet d'affirmer, contrairement à l'opinion du premier juge, que c'est avec les deniers prélevés sur les comptes de sa mère, à hauteur de 152 449 euros que Christian X... a acquis en 1996 l'immeuble de Corbere, de sorte qu'en définitive, il devait rapporter à la succession de sa mère la valeur du dernier bien immobilier situé à Port-la-Nouvelle (Aude) acquis en 2004, à l'issue d'une chaîne d'achats et de reventes successifs, pour la somme de 405 000 euros ; qu'il résulte en effet des pièces du dossier que Christian X..., dont Gérard X... minimise le niveau des revenus professionnels, n'a pas attendu le décès de son père et l'influence qu'il a alors acquise sur sa mère pour se lancer dans une activité d'investissements immobiliers ; qu'il prouve qu'il a acquis et revendu, dès 1971 et donc bien avant l'achat de Corbere en 1996, divers biens situés dans les Yvelines (Elancourt, les Essarts-le-Roi et Vernouillet), les plus-values réalisées l'aidant à financer les achats ultérieurs ; qu'en omettant et en refusant délibérément de rendre compte à son frère de l'utilisation des fonds prélevés abusivement sur les comptes de leur mère et qui devraient aujourd'hui se trouver dans l'actif de sa succession, Christian X... a dissimulé des effets dépendant de celle-ci, dans l'intention de rompre l'égalité du partage ; que, coupable de recel, il ne peut dès lors en application de l'article 792 du code civil, prétendre aucune part dans les objets ainsi recélés ;
1°) ALORS QUE la charge de la preuve des éléments constitutifs du recel successoral pèse sur celui qui l'invoque ; qu'en faisant peser sur M. Christian X... la charge de la preuve de l'affectation des retraits opérés sur les comptes de sa mère en vertu de la procuration dont il disposait, quand il incombait à son frère, qui invoquait à son encontre les dispositions sur le recel successoral, de démontrer que les retraits litigieux avaient été affectés à des fins étrangères aux besoins de sa mère, la cour d'appel a violé l'article 792 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, ainsi que les articles 1315 et 1993 du code civil ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE dans ses conclusions d'appel du 31 janvier 2012 (p. 4, alinéas 6 et s., pp. 5-7), qui étaient assorties d'offres de preuve, M. Christian X... s'expliquait précisément sur l'affectation des retraits litigieux aux besoins de sa mère et soutenait que certains retraits avaient été effectués directement par celle-ci ; qu'en retenant néanmoins que ce dernier ne s'expliquait pas sur la destination des débits litigieux, et qu'en omettant et en refusant délibérément de rendre compte à son frère de l'utilisation des fonds prélevés, il avait dissimulé des effets dépendant de la succession dans l'intention de rompre l'égalité du partage, la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées, et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant que M. Christian X... ne s'expliquait pas sur la destination des débits litigieux, et qu'en omettant et en refusant délibérément de rendre compte à son frère de l'utilisation des fonds prélevés il avait dissimulé des effets dépendant de la succession dans l'intention de rompre l'égalité du partage, sans s'expliquer sur ses conclusions d'appel du 31 janvier 2012 (p. 4, alinéas 6 et s., pp. 5-7), par lesquelles ce dernier justifiait de l'affectation des retraits litigieux aux besoins de sa mère et soutenait que certains retraits avaient été effectués directement par celle-ci, ni examiner les éléments de preuve versés aux débats à ce titre, la cour d'appel a violé les articles 455 du code de procédure civile et 1353 du code civil ;
4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en reprochant à M. Christian X... de ne pas avoir justifié de l'affectation des retraits opérés sur les comptes de sa mère du mois de février 1995 au mois de mai 2004, et en le condamnant à rapporter à la succession une somme incluant l'ensemble des retraits effectués sur cette période, tout en constatant que M. Christian X... n'avait été titulaire d'une procuration donnée par sa mère qu'à partir du 16 mars 1995, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 792 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et l'article 1993 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-22472
Date de la décision : 11/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 29 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 sep. 2013, pourvoi n°12-22472


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.22472
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