LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... et M. Y... se sont mariés en 1983, sans contrat préalable ; que l'épouse a engagé une procédure en divorce pour faute et a sollicité une prestation compensatoire ;
Sur le premier moyen pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de prononcer le divorce aux torts partagés des époux ;
Attendu, qu'ayant estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que les griefs allégués par le mari constituaient une faute au sens de l'article 242 du code civil, la cour d'appel a nécessairement estimé que les faits imputables à l'épouse n'étaient pas excusés par le comportement de son conjoint ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que, pour fixer le montant de la prestation compensatoire due à Mme X..., l'arrêt énonce que, compte tenu de l'exécution du devoir de secours, elle a perçu une somme supérieure à 160 000 euros, grevant d'autant plus les ressources de son époux depuis la date de l'ordonnance de non-conciliation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que c'est au moment du prononcé du divorce, qui met fin au devoir de secours, que le juge doit se placer pour fixer la prestation compensatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Y... à payer à Mme X... la somme de 200 000 euros au titre de la prestation compensatoire, sous forme de capital, l'arrêt rendu le 9 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué D'AVOIR prononcé le divorce des époux Y... aux torts partagés ;
AUX MOTIFS QUE, Sur la demande reconventionnelle en divorce Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 259-1 du code civil, un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu'il aurait obtenu par violence ou fraude;Considérant que Paul Y... reproche à son épouse d'avoir entretenu une relation extra-conjugale avec l'un des amis du couple et d'avoir abandonné le domicile conjugal durant l'été 2006 ; que Laurence X... s'oppose à cette prétention ;Considérant que Paul Y... verse aux débats la copie de plusieurs mails échangés entre Laurence X... et Daniel Z..., durant l'été 2006 ; qu'il résulte de deux mails échangés, le 12 juillet 2006, entre Daniel Z... et Paul Y... que ce dernier aurait obtenu ces documents en s'introduisant subrepticement dans la messagerie personnelle de son épouse ; que Paul Y... soutient avoir installé sur son ordinateur un programme de sauvegarde d'écran du fait de problèmes informatiques rencontrés avec son ordinateur ; que cette affirmation n'est corroborée par aucun élément tangible; qu'en outre, il résulte de l'attestation établie par Danielle A... qu'il aurait effectivement avoué "avoir piraté la boîte e-mails de Laurence" ; que pour écarter cette attestation qualifiée de pure complaisance, Paul Y... argue d'un parti pris affiché de Danielle A... en faveur de son épouse ; que cependant, aucun élément ne permet de confirmer ces allégations ; que, dans ces conditions, il conviendra de ne pas tenir compte des mails litigieux pour lesquels il n'est pas établi que Paul Y... les aurait obtenus de manière régulière, les circonstances de fait laissant présumer le caractère frauduleux de cette obtention ;Considérant, cependant, que Laurence X... produit elle-même aux débats les mails échangés avec Daniel Z..., durant l'été 2006 (pièces n°27 à 29, 31 et 56) ; qu'ainsi, Laurence X... n'hésite pas à évoquer l'hypothèse d'une "attirance", qui pouvait être "purement intellectuelle" ; que Daniel Z... fait mention d'un week-end, pendant lequel "sans rien se passer, il s'est produit quelque chose" (...) "ces sentiments sont là mais en aucun cas ils ne sont une demande" ; qu'il ajoute "je n'ai pas correspondu avec toi de tout le week-end ; j'ai écrit lundi et depuis j'attends comme une puce" ; que Laurence X... indique que "tu te montres tellement doux et disponible que je me laisse aller à dire des choses que peut être je ne devrais pas. (...) Il m'arrive très souvent d'écrire pour savoir où j'en suis, savoir où je vais. Et là ce n'est plus à une feuille que j'écris, ce n'est plus à moi, c'est à toi ! La feuille ne me renvoie rien que le reflet apaisé de moi-même, avec toi il y a une autre dimension. C'est d'ailleurs assez extraordinaire, tu me réponds toujours et le contenu de ces réponses ne me déçoit jamais. C'est comme une caresse éthérée, un souffle d'air lorsqu'il fait très chaud" ; que, si ces conversations par voie électronique n'établissent pas l'existence d'un adultère, elles dénotent néanmoins une proximité intellectuelle et sentimentale entre Laurence X... et Daniel Z... ; que cette inclination connue de l'époux est révélateur d'une attitude injurieuse à son égard ;Considérant, ainsi, sans qu'il n'y ait lieu de rechercher si Laurence X... a réellement abandonné le domicile conjugal durant l'été 2006, que les faits ci-dessus examinés, qui n'excusent pas ceux imputés à Paul Y..., constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations résultant du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune ; que, dans ces conditions, il conviendra de prononcer le divorce aux torts partagés des époux, le jugement déféré étant infirmé de ce chef ;
1°) ALORS QUE le divorce pour faute ne peut être prononcée qu'en raison de faits constituant une violation grave et renouvelée des devoirs et des obligations nés du mariage et rendant intolérable le maintien de la vie commune, que, pour prononcer le divorce aux torts partagés des époux Y... et donc accueillir la demande reconventionnelle en divorce formée par Monsieur Y..., la cour d'appel s'est bornée à retenir que les conversations par voie électronique entre Monsieur Z... et Madame X... n'établissaient pas l'existence d'un adultère mais dénotaient d'une proximité intellectuelle et sentimentale entre eux et que cette inclination connue de l'époux était révélatrice d'une attitude injurieuse à son égard ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette relation entre Monsieur Z... et Madame X... n'était pas justifiée par le départ du mari du domicile conjugal et par son aveu à celle-ci de ses adultères passés ainsi que de sa double vie aux Etats-Unis, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 242 et 245 du code civil ;
2°) ALORS QUE EN TOUTE HYPOTHESE le divorce pour faute ne peut être prononcée qu'en raison de faits constituant une violation grave et renouvelée des devoirs et des obligations nés du mariage et rendant intolérable le maintien de la vie commune ; que, pour prononcer le divorce aux torts partagés des époux Y... et donc accueillir la demande reconventionnelle en divorce formée par Monsieur Y..., la Cour d'appel s'est bornée à retenir que les conversations par voie électronique entre Monsieur Z... et Madame X... n'établissaient pas l'existence d'un adultère mais dénotaient d'une proximité intellectuelle et sentimentale entre eux et que cette inclination connue de l'époux était révélatrice d'une attitude injurieuse à son égard, sans répondre aux conclusions de Madame X... aux termes desquelles cette relation platonique avait seulement permis à Madame X... de confier son chagrin à Monsieur Z... à l'époque du départ de son mari du domicile conjugal et de son aveu à sa femme de ses adultères passés et de sa double vie ; que la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIREIL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué :
DE N'AVOIR condamné Monsieur Y... à verser à Madame X... qu'une prestation compensatoire de 200.000 ¿ ;
AUX MOTIFS QUE, Sur la prestation compensatoire Considérant qu'en application des articles 270 et suivants du code civil, le divorce met fin au devoir de secours mais l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives ; que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge qui décide des modalités selon lesquelles elle s'exécutera, et que c'est seulement à titre exceptionnel, en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins, qu'une rente viagère peut être accordée; Considérant que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération notamment, la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux durant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, leur patrimoine estimé ou prévisible, tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles et leur situation respective en matière de pension de retraite ;Considérant que Laurence X... sollicite le versement de la somme de 500.000 euros ; que Paul Y... propose celle de 160.000 euros ;Considérant que le mariage a duré 28 ans ; que les époux sont âgés respectivement de 58 ans pour le mari et de 57 ans pour la femme, aucun problème de santé n'ayant été mentionné ; qu'ils ont eu trois enfants, désormais majeurs ; qu'ils ont acquis en indivision, pour moitié chacun, une maison située dans les Alpes Maritimes évaluée à la somme de 65.700 ¿, selon le rapport d'expertise établi par Maître B..., le 2 mars 2009 ; qu'ils détiennent également le bien situé à Pibrac, estimé selon l'expert, à la somme de 388.600 ¿ ;Considérant que Laurence X..., qui exerçait l'activité d'assistante sociale, a cessé son activité professionnelle pour se consacrer à l'éducation des enfants et pour suivre son époux, au gré de ses affectations, la dernière étant située en Allemagne ; que selon un relevé de carrière établi le 29 septembre 2006 par la CNRACL, ses droits à la retraite seraient évalués à11 ans 7 mois et 18 jours, étant précisé cependant qu'elle ne pourrait percevoir aucune pension de cet organisme faute de totaliser 15 ans de service ; que selon le relevé établi par la CRAM, le 20 octobre 2006, au titre du régime général, elle a validé 32 trimestres ; qu'elle a été employée, en qualité d'assistante sociale au Conseil Général de la Marne, en dernier lieu du 1er mai 2000 au 24 juillet 2003 ; qu'il ne peut être sérieusement discuté qu'elle éprouvera des difficultés pour retrouver un emploi ; qu'elle détient, en propre, un terrain nu situé en Corse, évalué à la somme de 6.562,28 ¿ selon les informations contenues dans l'attestation sur l'honneur signée le 23 juin 2011, Paul Y... ne justifiant pas d'une estimation supérieure ; qu'ainsi, à l'exception du devoir de secours versé par Paul Y..., elle ne perçoit aucun revenu ;Considérant que Paul Y... exerce la profession de pilote d'essais chez Airbus, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; que selon ses dires, il perçoit un revenu mensuel moyen de l'ordre de 21.468,72 euros ; qu'il évalue le montant de sa pension, à compter du 1er octobre 2013, date de son départ en retraite, à la somme mensuelle d'environ 8.500 euros, s'appuyant pour se faire sur une simulation faite sur internet qui ne comportait aucune indication chiffrée ;Considérant que le prêt principal souscrit par le couple pour acquérir le bien immobilier situé à Pibrac vient à échéance en septembre 2013, une somme d'environ 46.000 euros restant encore à rembourser ; que Laurence X... ne peut tirer argument de l'existence de comptes bancaires détenus par son époux, ces comptes de dépôt et d'épargne, ouverts auprès de la Société Générale et de HSBC, ayant été énumérés dans le rapport d'expertise de Maître B... et pris en considération dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial ; que l'expert judiciaire a relevé l'absence de preuve quant à la détention par Paul Y... de stocks options chez EADS ;Considérant que les éventuelles sommes détournées par Paul Y... feront l'objet d'une réintégration dans l'actif de communauté, à charge pour Laurence X... d'en rapporter la preuve ; qu'à défaut, elle n'est pas fondée à exciper de l'existence de détournement de fonds ; qu'enfin, compte tenu du paiement du devoir de secours, elle a perçu, à la date du présent arrêt, une somme supérieure à 160.000 euros, grevant d'autant les ressources de Paul Y... depuis la date de l'ordonnance de non-conciliation ;Considérant que les parties se sont mariées sans contrat de mariage préalable ; que la prestation compensatoire ne saurait corriger les conséquences du régime matrimonial librement choisi par les époux ; qu'au surplus, la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes mais à permettre de pallier l'importance du déséquilibre des situations économiques respectives des époux ;Qu'il s'ensuit que le prononcé du divorce crée une disparité dans les conditions de vie respectives des époux au détriment de la femme ; que cette disparité sera compensée par la condamnation de Paul Y... à verser à Laurence X... une prestation compensatoire d'un montant de 200.000 euros sous forme de capital ; que le jugement déféré sera infirmé en ce sens » ;
ALORS QUE la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux et que le juge la fixe en tenant compte de leur situation au moment du divorce ; que pour fixer la prestation compensatoire due par Monsieur Y... à Madame X..., la Cour d'appel a relevé que le premier avait versé à la seconde la somme de 160.000 ¿ au titre du devoir de secours, grevant d'autant ses ressources depuis l'ordonnance de non-conciliation ; qu'en statuant ainsi, bien que cette circonstance n'ait pas à être prise en considération dans l'évaluation de la prestation compensatoire, la Cour d'appel a violé, ensemble, les articles 270 et 271 du code civil.