LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux époux X... de ce qu'ils se désistent de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Michel Y..., M. Z... et M. A...
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Michel Y..., depuis décédé aux droits de qui vient sa veuve Mme Y..., avait acquis le 8 juillet 1990, au cours d'une vente aux enchères organisée par M. B..., commissaire-priseur à Limoges, un tableau attribué à Jean-Gabriel C..., appartenant aux époux X... ; que contestant l'authenticité de cette oeuvre, il a, par acte du 1er juillet 2002, assigné les vendeurs, en nullité de la vente, et le commissaire-priseur, en paiement de dommages-intérêts, lui reprochant d'avoir été négligent lors de la rédaction du catalogue et de n'avoir procédé à aucune vérification ; que l'arrêt a prononcé la nullité de la vente, a ordonné la restitution du tableau et a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée à l'encontre de M. B... ;
Sur les premier et second moyens du pourvoi principal des époux X... :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de M. B... :
Vu l'article 52 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 et l'article 2270-1 du code civil, issu de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, applicable à l'espèce ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes, que les actions en responsabilité civile exercées à l'occasion de ventes aux enchères publiques intervenues avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000, se prescrivent par dix ans à compter de la promulgation de ce texte, à moins que la prescription ne soit acquise, avant cette date, selon les règles de prescription applicables antérieurement ;
Attendu que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée à l'encontre du commissaire-priseur et condamner ce dernier à payer à Michel Y... une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, l'arrêt retient que l'instance introduite à l'encontre du commissaire-priseur se prescrivait par trente ans avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000, que compte tenu de la date d'acquisition, l'action était ouverte jusqu'au 8 juillet 2020, que l'instance a été introduite le 1er juillet 2002, soit dans le délai de dix ans prévu à l'article 52 de la loi du 10 juillet 2000, qu'elle est donc recevable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivant par dix ans à compter de la manifestation du dommage depuis l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985, il lui appartenait de rechercher si, au jour de l'introduction de l'instance par acte du 1er juillet 2002, soit dans le délai de dix ans prévu à l'article 52 de la loi du 10 juillet 2000, l'action était ou non prescrite en application de l'ancien article 2270-1 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. B... à payer à Michel Y... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, l'arrêt rendu le 30 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour les époux X..., demandeurs au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'action en garantie des époux X... contre le commissaire priseur et l'expert ;
AUX MOTIFS QUE : « pour rejeter les appels en garantie formés par les époux X... contre Monsieur B..., Monsieur D... et Monsieur A..., il suffira, sans même qu'il soit besoin de rechercher si ceux-ci auraient pu commettre des fautes à l'égard des époux X..., de relever, d'une part que l'obligation de restituer le prix est la conséquence de l'annulation de la vente et de l'obligation de remettre les parties dans le même état qu'avant la vente, respectivement la contrepartie de la restitution de la chose, et que les époux X... ne peuvent demander à en être relevé indemne par quiconque, d'autre part qu'aucune condamnation à dommages et intérêts n'a été prononcée à l'encontre des époux X... à hauteur d'appel » ;
ALORS 1°) QUE l'annulation d'une vente d'une oeuvre d'art, présentée à tort par un commissaire priseur comme authentique, donne certes lieu à restitution du prix par le vendeur, mais conduit aussi à la garantie du commissaire priseur au profit de ce dernier ; qu'en décidant néanmoins que l'obligation pour les époux X... de restituer le prix de la vente était la conséquence de l'annulation de la vente litigieuse et qu'ils ne pouvaient en être « relevés indemnes » par Monsieur B..., la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS 2°) QUE l'annulation d'une vente d'une oeuvre d'art, présentée à tort comme authentique sous la signature d'un expert, donne certes lieu à restitution du prix par le vendeur, mais conduit aussi à la garantie de l'expert au profit de ce dernier ; qu'en décidant néanmoins que l'obligation pour les époux X... de restituer le prix de la vente était la conséquence de l'annulation de la vente litigieuse et qu'ils ne pouvaient en être « relevés indemnes » par Monsieur B..., la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'action indemnitaire des époux X... ;
AUX MOTIFS QUE : « pour rejeter les appels en garantie formés par les époux X... contre Monsieur B..., Monsieur D... et Monsieur A..., il suffira, sans même qu'il soit besoin de rechercher si ceux-ci auraient pu commettre des fautes à l'égard des époux X..., de relever, d'une part que l'obligation de restituer le prix est la conséquence de l'annulation de la vente et de l'obligation de remettre les parties dans le même état qu'avant la vente, respectivement la contrepartie de la restitution de la chose, et que les époux X... ne peuvent demander à en être relevé indemne par quiconque, d'autre part qu'aucune condamnation à dommages et intérêts n'a été prononcée à l'encontre des époux X... à hauteur d'appel » ;
ALORS QUE les juges du fond doivent se conformer aux termes du litige tels qu'ils résultent des écritures des parties ; qu'en l'espèce, les époux X... demandaient expressément l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant pour eux de la perte du gain résultant de la vente litigieuse ; qu'en retenant que les exposants ne pouvaient être garantis par le commissaire priseur, ni par l'expert, sans statuer sur le fondement indemnitaire invoqué par les écritures des appelants, l'arrêt a violé l'article 4 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Bénabent et Jehannin, avocat aux Conseils, pour M. B..., demandeur au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 21 mai 2008 par le Tribunal de grande instance de Marmande en ce qu'il a condamné Maître B... à payer à Monsieur Y... la somme de 5 000 ¿ en réparation du préjudice moral allégué par ce dernier ;
AUX MOTIFS QUE « pour écarter l'irrecevabilité soulevée par Maître B..., tirée d'une prétendue prescription de l'action, il suffira de relever :- qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000, l'action en responsabilité dirigée contre les commissaires-priseurs, se prescrivait par 30 ans, et que compte tenu de la date d'acquisition, l'action était ouverte jusqu'au 8 juillet 2020 ;- qu'à la date d'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000, réduisant le délai de prescription à 10 ans, le délai de prescription fixé par la loi ancienne n'était donc pas expiré ;- que la loi du 10 juillet 2000 disposait en son article 52 " les actions en responsabilité civile engagées à l'occasion des ventes volontaires ou judiciaires de meubles aux enchères publiques ¿, se prescrivent par dix ans à compter (de la promulgation de la loi), à moins que la prescription ne soit acquise selon les règles applicables antérieurement avant ce délai " ;- que le nouveau délai s'est substitué à l'ancien, mais n'a commencé à courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que puisse être pris en considération le délai écoulé sous la loi ancienne ;- que l'action engagée par voie d'assignation délivrée le 1er juillet 2002 à Maître B... est donc recevable » ;
1°/ ALORS QU'en retenant, pour déclarer l'action en responsabilité engagée par Monsieur Y... à l'encontre de Maître B... recevable et condamner en conséquence ce dernier à lui payer la somme de 5 000 ¿ à titre de dommages et intérêts, qu'« avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000, l'action en responsabilité dirigée contre les commissaires-priseurs, se prescrivait par 30 ans, et que compte tenu de la date d'acquisition, l'action était ouverte jusqu'au 8 juillet 2020 », cependant que l'action en responsabilité extracontractuelle dirigée par l'adjudicataire contre le commissaire-priseur relevait de l'ancienne prescription de droit commun qui était de dix ans à compter de la manifestation du dommage, la Cour d'appel a violé l'article 52 de la loi du 10 juillet 2000, ensemble l'article 2270-1 ancien du Code civil ;
2°/ ALORS QUE les dispositions transitoires de la loi du 10 juillet 2000 fixent le délai de prescription, pour les actions en responsabilité civile engagées à l'occasion des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques, à dix ans à compter de la date de la promulgation de la loi, à moins que la prescription ne soit acquise, selon les règles applicables antérieurement, avant cette date ; qu'avant l'entrée en vigueur de cette loi, l'action en responsabilité extracontractuelle dirigée par l'adjudicataire contre le commissaire-priseur relevait du droit commun et se prescrivait par dix ans à compter de la manifestation du dommage ; qu'en l'espèce, pour déclarer l'action engagée par Monsieur Y... à l'encontre de Maître B... recevable et condamner en conséquence ce dernier à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, la Cour d'appel a retenu que le délai de prescription de 10 ans avait commencé à courir à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle puisque suivant l'ancienne prescription, l'action aurait été ouverte jusqu'au 8 juillet 2020 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher la date à laquelle le dommage allégué par Monsieur Y... s'était manifesté, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 52 de la loi du 10 juillet 2000 et 2270-1 ancien du Code civil.