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10/07/2013 | FRANCE | N°12-16698

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 juillet 2013, 12-16698


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 2 février 2012), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 20 octobre 2010, n° 09-67.029), que M. Benoît X... a demandé l'attribution préférentielle de certains biens à vocation agricole dépendant de la succession de son père, Bernard X... ; que cette demande, à laquelle s'est jointe Mme Y..., mère du demandeur et usufruitière des biens de la succession par l'effet d'une donation consentie par le défunt, a été formée contre les enfants issus d'une pre

mière union de Bernard X..., co-indivisaires avec M. Benoît X... de la nue...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 2 février 2012), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 20 octobre 2010, n° 09-67.029), que M. Benoît X... a demandé l'attribution préférentielle de certains biens à vocation agricole dépendant de la succession de son père, Bernard X... ; que cette demande, à laquelle s'est jointe Mme Y..., mère du demandeur et usufruitière des biens de la succession par l'effet d'une donation consentie par le défunt, a été formée contre les enfants issus d'une première union de Bernard X..., co-indivisaires avec M. Benoît X... de la nue-propriété des biens successoraux ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 832-4 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu que les dispositions des articles 832, 832-1, 832-2 et 832-3 profitent au conjoint ou à tout héritier, qu'il soit copropriétaire en pleine propriété ou en nue-propriété ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande tendant à l'attribution préférentielle par octroi d'un bail, l'arrêt retient que Mme Y... est usufruitière de tous les biens de la succession par l'effet d'une donation au dernier vivant consentie par son époux ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une demande d'attribution préférentielle peut être formée contre un usufruitier, la cour d'appel, qui n'a pas relevé que le défunt avait manifesté sa volonté d'exclure une telle attribution préférentielle, a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 566 du code civil ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande d'ouverture des opérations de partage formée en cause d'appel par M. Benoît X... et Mme Y..., l'arrêt retient que cette demande qualifiée d'additionnelle, qui concerne la nue-propriété des biens successoraux, ne pouvait avoir d'effet sur le bien-fondé de la demande initiale ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si cette demande n'était pas l'accessoire, le complément ou la conséquence de la demande initiale tendant à l'attribution préférentielle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne M. Stéphane X... et Mmes Delphine et Nathalie X... aux dépens ;
Condamne M. Stéphane X... et Mmes Nathalie et Delphine X... à payer à M. Benoît X... et à Mme Y... la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de M. Stéphane X... et Mmes Delphine et Nathalie X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Benoît X... et Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

II est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande de M. Benoît X... de bénéficier d'un bail conclu dans le cadre de l'article L. 416-5 du Code rural par application de l'article 832-3 ancien du Code civil ;
AUX MOTIFS QUE l'article 832-3 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°80-502 du 14 juillet 1980, seule applicable à la demande formulée par Benoît X... en 2002, dispose que « Si une exploitation agricole constituant une unité économique et non exploitée sous forme sociale n'est pas maintenue dans l'indivision en application des articles 815, deuxième alinéa, et 815-1, et n'a pas fait l'objet d'une attribution préférentielle dans les conditions prévues aux articles 832, 832-1 ou 832-2, le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire qui désire poursuivre l'exploitation à laquelle il participe ou a participé effectivement peut exiger, nonobstant toute demande de licitation, que le partage soit conclu sous la condition que ses copartageants lui consentent un bail à long terme dans les conditions fixées au chapitre VII du titre Ier du livre VI du code rural, sur les terres de l'exploitation qui leur échoient. Sauf accord amiable entre les parties, celui qui demande à bénéficier de ces dispositions reçoit par priorité dans sa part les bâtiments d'exploitation et d'habitation. Les dispositions qui précèdent sont applicables à une partie de l'exploitation agricole pouvant constituer une unité économique. Il est tenu compte, s'il y a lieu, de la dépréciation due à l'existence du bail dans l'évaluation des terres incluses dans les différents lots. Les articles 807 et 808 du code rural déterminent les règles spécifiques au bail visé au premier alinéa du présent article. S'il y a pluralité de demandes, le tribunal de grande instance désigne le ou les bénéficiaires en fonction des intérêts en présence et de l'aptitude des différents postulants à gérer tout ou partie de l'exploitation ou à s'y maintenir. Si, en raison de l'inaptitude manifeste du ou des demandeurs à gérer tout ou partie de l'exploitation, les intérêts des cohéritiers risquent d'être compromis, le tribunal peut décider qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les trois premiers alinéas du présent article. L'unité économique prévue au premier alinéa peut être formée, pour une part, de biens dont le conjoint survivant ou l'héritier était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès. Dans le cas de l'héritier, la condition de participation peut avoir été remplie par son conjoint ». Dès lors que Mme Monique Y... est, aux termes de la donation au dernier des vivants consentie par son époux, usufruitière de l'ensemble des parcelles sur lesquelles M. Benoît X... réclame un bail à long terme, la cour considère que l'article 832-3 ancien précité n'a pas vocation à s'appliquer, la jouissance des parcelles en cause n'étant nullement en indivision et ne pouvant faire l'objet d'un partage, condition impérative pour l'application de la disposition légale précitée. En l'état actuel, les consorts X... ne peuvent consentir un bail à long terme puisqu'ils sont uniquement nu-propriétaires sur les parcelles en cause. Ainsi que le relèvent justement les consorts X..., Mme Y..., si elle souhaite abandonner l'exploitation personnelle des parcelles en cause peut donner à bail à son fils les dites parcelles, sous réserve de leur accord sur la personne du co-contractant et sur les clauses du contrat ou à défaut avec l'accord du tribunal pour passer un tel acte et ce, en application de l'article 595 alinéa 4 du code civil. Contrairement à ce que soutiennent Benoît X... et Monique Y..., l'attribution en jouissance prévue à l'article 832-3 ancien du code civil et la conclusion d'un bail à long terme par application de l'article 595 alinéa 4 du même code ne sont pas des opérations identiques ni juridiquement-dans le premier cas, ce sont les copartageants qui consentent le bail à long terme et dans le second cas, l'usufruitier avec l'accord des nu-propriétaires ou du tribunal, ni dans leurs conséquences - l'attribution en jouissance entraînant l'attribution des bâtiments d'exploitation au locataire, ce qui n'est pas te cas dans le cadre de l'article 595 alinéa 4. Aussi, la cour considère qu'à défaut d'abandon par Mme Y... de son usufruit sur les parcelles en cause, la demande de Benoît X... est en l'état irrecevable ;
1) ALORS QUE l'héritier copropriétaire en nue-propriété, justifiant de sa qualité d'exploitant et démontrant que l'exploitation agricole constitue une unité économique, peut exiger que ses co-partageants en nue-propriété lui consentent un bail de longue durée sur le bien indivis ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de M. Benoît X... tendant à se voir consentir un bail à long terme sur les parcelles litigieuse en application de l'article 832-3 du Code civil, que ce texte n'avait pas vocation à s'appliquer dès lors que Mme Y..., veuve de Bernard X..., étant usufruitière de l'ensemble des parcelles sur lesquelles M. Benoît X... réclamait un bail, la jouissance de ces parcelles n'était pas en indivision, condition impérative pour l'application de cette disposition, la cour d'appel a violé les articles 832-3 et 832-4 anciens du Code civil ;
2) ALORS QUE l'octroi d'un bail à long terme est de droit lorsque la demande est formée par un héritier justifiant de sa qualité d'exploitant et démontrant que l'exploitation agricole constitue une unité économique ; qu'en retenant en l'espèce que le fait que la mère de M. Benoît X..., Mme Y..., soit usufruitière des parcelles en cause rendait sa demande irrecevable, quand l'octroi d'un bail à long terme ne pouvait être refusée à M. Benoît X... dès lors qu'il remplissait les conditions prévues par l'article 832-3 ancien du Code civil, la cour d'appel a violé ce texte.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, la demande de M. Benoît X... en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Bernard X...,
AUX MOTIFS QUE M. Benoît X... étant demandeur en première instance, cette demande formée en appel doit être qualifiée de demande additionnelle. Aussi, elle doit répondre aux conditions de l'article 564 du Code de procédure civile qui dispose que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Dès lors que les opérations de partage sollicitées par M. Benoît X... ne peuvent concerner que le partage en nue-propriété des biens dépendant de la succession de son père, celles-ci ne peuvent avoir d'effet sur le bien-fondé de sa demande initiale, celle-ci étant rejetée en raison de l'existence de l'usufruit de sa mère sur la totalité des biens à partager et non pour défaut d'ouverture des opérations de partage ;
ALORS QUE les parties peuvent, en cause d'appel, ajouter aux demandes soumises au premier juge toutes les demandes qui en ont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en déclarant irrecevable la demande en partage de M. Benoît X... en application de l'article 564 du Code de procédure civile, sans rechercher, comme il était soutenu, si cette demande ne constituait pas l'accessoire ou le complément de sa demande d'attribution préférentielle formulée en première instance, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 566 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 12-16698
Date de la décision : 10/07/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 02 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 jui. 2013, pourvoi n°12-16698


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.16698
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