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10/07/2013 | FRANCE | N°12-14552

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2013, 12-14552


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., ayant constitué une société dont elle était la gérante, s'est vu confier par contrat de gérance libre l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de produits de beauté, d'hygiène et de soins esthétiques sous le nom « Institut de beauté Yves Rocher » ; que la société Yves Rocher ayant notifié son intention de ne pas renouveler le contrat à son échéance du 20 juin 2006, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale de demandes de requalification du contrat

de gérance en contrat de travail et en paiement de sommes consécutives à l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., ayant constitué une société dont elle était la gérante, s'est vu confier par contrat de gérance libre l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de produits de beauté, d'hygiène et de soins esthétiques sous le nom « Institut de beauté Yves Rocher » ; que la société Yves Rocher ayant notifié son intention de ne pas renouveler le contrat à son échéance du 20 juin 2006, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale de demandes de requalification du contrat de gérance en contrat de travail et en paiement de sommes consécutives à la rupture du contrat et de rappels de salaires au titre de sa qualification et des heures supplémentaires effectuées ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal de la société :
Vu l'article L. 7321-3 du code du travail ;
Attendu que pour condamner la société à payer à Mme X... une somme au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que cette dernière produit des attestations qui témoignent qu'elle était présente pendant toute l'amplitude d'ouverture de l'institut, soit quarante-neuf heures trente par semaine et qu'elle restait le soir après la fermeture pour effectuer diverses tâches ; qu'en retenant cinq heures supplémentaires par semaine le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation du temps consacré par Mme X... à son activité de directrice de l'institut ; qu'il ne peut en effet être déduit de l'obligation contractuelle de la gérante de diriger personnellement l'institut qu'elle devait être présente pendant toute l'amplitude d'ouverture de celui-ci, alors qu'elle employait du personnel sous sa responsabilité ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société Yves Rocher avait fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement dirigé par Mme X..., ou si celles-ci avaient été soumises à son accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident de Mme X... :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Yves Rocher au paiement d'une somme au titre des heures supplémentaires effectuées, l'arrêt rendu le 4 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné la Société YVES ROCHER à payer à Madame X... les sommes de 17.815 euros à titre de rappel de salaire de juillet 2001 à juin 2006, 18.995,40 euros au titre des heures supplémentaires, 15.402 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 4.032 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE « Il n'est pas contesté que Isabelle X... était, comme l'a justement relevé le Conseil de Prud'hommes, responsable du bon fonctionnement de l'institut, de l'équipe d'esthéticiennes, des commandes, du stock, des remises bancaires et de la comptabilité, ce qui correspond aux responsabilités d'une directrice d'institut, cadre. Elle employait quatre salariées, esthéticiennes. Le Conseil d'Etat ayant annulé l'accord du 27 avril 2004 qui fixait la rémunération minimum des cadres seule subsiste la rémunération de référence pour le coefficient 200 qui correspond aux fonctions d'esthéticienne. Or la rémunération d'une directrice d'institut se situe nécessairement à un niveau supérieur. Le Conseil de Prud'hommes a écarté la référence faite par Isabelle X... à la rémunération versée à une directrice d'une succursale, Mme Z..., à hauteur de 2.687 euros, pour retenir les indications d'un « tableau de synthèse salaire de base + variable Standyr » élaboré par la SA YVES ROCHER. Les chiffres figurant sur ce tableau ne sont toutefois étayés par aucun document probant, contrairement aux références produites par l'appelante. Il y a lieu par conséquent de fixer la rémunération mensuelle de Isabelle X... à la somme de 2.687 euros. Au regard des bilans et avis d'imposition produits par Isabelle X..., il apparaît une différence de 17.815 euros bruts entre ce qu'elle a perçu et la rémunération minimale laquelle elle avait droit. Il y a lieu de faire droit à sa demande en paiement de rappel de salaire à hauteur de cette somme » ;
ALORS QUE le travailleur qui obtient l'application des dispositions du code du travail par application de l'article L. 7321-2 du code du travail doit voir sa rémunération être établie en considération de la classification conventionnelle résultant des fonctions qu'il a réellement exercées et au salaire minimum conventionnel correspondant ; que le principe « à travail égal, salaire égal » commande seulement d'assurer l'égalité de rémunération entre salariés qui ont un même travail ou un travail de valeur égale, sous réserve de l'existence de raisons objectives et pertinentes pouvant justifier une différence de traitement ; qu'en se fondant, pour déterminer le montant du salaire qui aurait dû être versé à Madame X... du fait de l'application des dispositions de l'article L. 7321-2 du code du travail, sur le montant du salaire qui était versé à Mme Z..., directrice d'une succursale, et en accordant à Madame X... le même montant, sans établir que les deux directrices étaient dans une situation identique et particulièrement, sans établir l'identité de situation des instituts qu'elles avaient respectivement dirigés, comme elle y était invitée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du « principe à travail égal, salaire égal », ensemble l'article L. 7321-2 du code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société YVES ROCHER à payer à Madame X... la somme de 18.995,40 euros au titre des heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Isabelle X... produit deux attestations d'esthéticiennes qui ont travaillé avec elle et qui témoignent qu'elle était présente pendant toute l'amplitude d'ouverture de l'institut, soit 49 heures 30 par semaine, et qu'elle restait le soir après la fermeture pour effectuer diverses tâches de clôture de caisse, de rangement ou de mise en place de promotions. En retenant 5 heures supplémentaires par semaine, le Conseil de Prud'hommes a fait une exacte appréciation du temps consacré par Isabelle X... à son activité de directrice de l'institut. Il ne peut en effet être déduit de l'obligation contractuelle de la gérante de diriger personnellement l'institut qu'elle devait être présente pendant toute l'amplitude d'ouverture de celui-ci, alors qu'elle employait du personnel sous sa responsabilité » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande. Si tel est le cas, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. La charge de la preuve ne reposant sur aucune des parties, le juge se prononce au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, tels que les fiches de temps établis à la demande de l'employeur. Que Madame Isabelle X... demande un rappel d'heures supplémentaires basé sur les heures effectuées au-delà de 35 heures et prenant comme référence les heures d'ouverture du magasin. Que Madame Isabelle X... ne fournit au Conseil aucun élément factuel permettant d'établir avec certitude les jours et horaires d'ouverture du magasin. Que, si Madame Isabelle X... devait exploiter personnellement le fonds, cela n'excluait pas pour elle la possibilité de s'absenter, ou de prendre des pauses, puisqu'elle avait toute liberté dans l'organisation de son propre temps de travail. Qu'il ressort d'attestations fournies par divers experts comptables que le temps minimum passé par une gérante de magasin, à ses tâches administratives et de gestion, était de 5 heures par semaine, et que ce temps est en sus du temps d'ouverture de l'institut. Le Conseil fixe à 5 heures par semaine le nombre d'heures supplémentaires effectuées par Madame Isabelle X..., qu'il convient de lui régler. Que sur la base d'une rémunération moyenne de 2.250 ¿ pour 35 h, le taux horaire ressort à 14,83 ¿ pour les 4 premières heures et à 18,53 (majoration de 25%) pour la 5°heure. Que le r appel doit s'appliquer sur 255 semaines, dont il faut retrancher les 55 jours fériés. Madame Isabelle X... sera reçue dans sa demande à hauteur de 18.995,40 ¿, et il conviendra de fixer la rémunération moyenne de Madame Isabelle X... à la somme de 2.567 ¿ » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu'en estimant que Madame X... était en droit de prétendre à des sommes au titre d'heures supplémentaires, sans rechercher si la Société YVES ROCHER avait fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement dirigé par Madame X..., ou si celles-ci avaient été soumises à son accord, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7321-3 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE seul le travail commandé par l'employeur, ou à tout le moins connu et accepté par lui, est susceptible de donner lieu au paiement d'éventuelles heures supplémentaires ; qu'en l'espèce la Société YVES ROCHER faisait valoir qu'elle n'avait jamais imposé d'horaires d'ouverture à Madame X... qui jouissait d'une totale liberté quant à ses heures de travail, qu'en ne se prononçant pas sur le fait de savoir si les heures de travail présentées par Madame X... comme des heures supplémentaires correspondaient à du travail commandé par la Société YVES ROCHER, ou à tout le moins connu et accepté d'elle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-1, du code du travail.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société YVES ROCHER à ne payer à Madame X... que la seule somme de 18.995,40 euros au titre des heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Isabelle X... produit deux attestations d'esthéticiennes qui ont travaillé avec elle et qui témoignent qu'elle était présente pendant toute l'amplitude d'ouverture de l'institut, soit 49 heures 30 par semaine, et qu'elle restait le soir après la fermeture pour effectuer diverses tâches de clôture de caisse, de rangement ou de mise en place de promotions ; en retenant 5 heures supplémentaires par semaine, le Conseil de Prud'hommes a fait une exacte appréciation du temps consacré par Isabelle X... à son activité de directrice de l'institut ; il ne peut en effet être déduit de l'obligation contractuelle de la gérante de diriger personnellement l'institut qu'elle devait être présente pendant toute l'amplitude d'ouverture de celui-ci, alors qu'elle employait du personnel sous sa responsabilité » ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Madame Isabelle X... demande un rappel d'heures supplémentaires basé sur les heures effectuées au-delà de 35 heures et prenant comme référence les heures d'ouverture du magasin ; que Madame Isabelle X... ne fournit au Conseil aucun élément factuel permettant d'établir avec certitude les jours et horaires d'ouverture du magasin ; que, si Madame Isabelle X... devait exploiter personnellement le fonds, cela n'excluait pas pour elle la possibilité de s'absenter, ou de prendre des pauses, puisqu'elle avait toute liberté dans l'organisation de son propre temps de travail ; qu'il ressort d'attestations fournies par divers experts comptables que le temps minimum passé par une gérante de magasin, à ses tâches administratives et de gestion, était de 5 heures par semaine, et que ce temps est en sus du temps d'ouverture de l'institut ; le Conseil fixe à 5 heures par semaine le nombre d'heures supplémentaires effectuées par Madame Isabelle X..., qu'il convient de lui régler ; que sur la base d'une rémunération moyenne de 2.250 ¿ pour 35h, le taux horaire ressort à 14,83 ¿ pour les 4 premières heures et à 18,53 (majoration de 25%) pour la 5°heure ; que le rappel doit s'appliquer sur 255 semaines, dont il faut retrancher les 55 jours fériés ; Madame Isabelle X... sera reçue dans sa demande à hauteur de 18.995,40 ¿, et il conviendra de fixer la rémunération moyenne de Madame Isabelle X... à la somme de 2.567 ¿ » ;
ALORS QUE, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et le juge ne peut, pour rejeter la demande d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, mais doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires réalisés par celui-ci et que l'employeur est tenu de lui fournir ; qu'en limitant le nombre des heures supplémentaires effectuées par Madame X... à cinq heures hebdomadaires portant sur les tâches administratives et de gestion effectuées par elle en dehors des heures d'ouverture du magasin tandis que la salariée produisait des attestations démontrant qu'elle était présente pendant toute l'amplitude d'ouverture de l'institut soit 49 heures 30 par semaine et que l'employeur ne produisait aucun élément démontrant le nombre d'heures effectivement réalisées par Madame X..., la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du Code du Travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-14552
Date de la décision : 10/07/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 04 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2013, pourvoi n°12-14552


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.14552
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