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10/07/2013 | FRANCE | N°12-13856

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 juillet 2013, 12-13856


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 novembre 2011), que la société Serval produit et commercialise des aliments pour le bétail, auxquels elle intégre de la poudre de lait fourni par la société Laiterie du bocage ornais (la société Bolaidor), qu'un lot de poudre de lait livré en octobre 2005 a présenté un surdosage en fer ; que la société Serval a assigné la société Bolaidor et son assureur, la société Mutuelles du Mans assurances IARD (la société MMA), en réparation de divers pré

judices consécutifs au surdosage ; que l'arrêt infirmatif a partiellement accue...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 novembre 2011), que la société Serval produit et commercialise des aliments pour le bétail, auxquels elle intégre de la poudre de lait fourni par la société Laiterie du bocage ornais (la société Bolaidor), qu'un lot de poudre de lait livré en octobre 2005 a présenté un surdosage en fer ; que la société Serval a assigné la société Bolaidor et son assureur, la société Mutuelles du Mans assurances IARD (la société MMA), en réparation de divers préjudices consécutifs au surdosage ; que l'arrêt infirmatif a partiellement accueilli ces demandes indemnitaires et mis hors de cause l'assureur ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches : Attendu que la société Serval reproche à l'arrêt de retenir un partage de responsabilité s'agissant du préjudice relatif au stock contaminé et de rejeter les demandes formées au titre des autres préjudices, alors, selon le moyen :
1°/ que le partage de responsabilité ne peut intervenir entre l'auteur du dommage et la victime que dans la mesure où la faute de cette dernière est bien la cause de son propre dommage ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que « l'élément déclenchant restait tout de même le surdosage accidentel en fer affectant la livraison du 25 octobre 2005 » par la société Bolaidor ; qu'elle a cependant retenu un partage de responsabilité au motif que la société Serval n'aurait pas interrompu immédiatement sa production après avoir constaté l'excès de fer, que son système de surveillance était déficient et qu'elle-même avait déjà pu produire des aliments surdosés en fer ; qu'en prononçant un partage de responsabilité alors même qu'elle constatait que la cause du dommage était le surdosage en fer affectant la livraison par la société Bolaidor du 25 octobre 2005, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; qu'en réduisant les dommages-intérêts dus à la société Serval aux motifs que celle-ci n'aurait pas mis en oeuvre les mesures nécessaires pour interrompre immédiatement sa production, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1150 du code civil ;
3°/ que l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; que la limitation de dommages-intérêts ne peut être prononcée que dans la mesure où le créancier n'a pas pris les mesures sûres et raisonnables propres à éviter ou modérer son préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que c'était grâce à la procédure de surveillance mise en place par la société Serval que celle-ci avait pu déceler le surdosage en fer et qu'après une seconde vérification elle avait interrompu sa production ; qu'en limitant les dommages-intérêts aux motifs que cette interruption aurait dû être mise en place dès les résultats de la première procédure, sans vérifier si le modus operandi mis en oeuvre par la société Serval n'était pas sûr et raisonnable au regard des circonstances, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles 1147 et 1150 du code civil ;
Mais attendu que, procédant à l'analyse des opérations de fabrication des produits défectueux, la cour d'appel a constaté que si la société Bolaidor avait livré un lot de 75,760 kg de poudre de lait, dont 12,541 kg étaient affectés d'un surdosage en fer, les dommages dont la société Serval demandaient réparation trouvaient leur origine non seulement dans la faute ainsi commise par la société Bolaidor, mais aussi dans de nombreuses déficiences qui lui étaient imputables, tels l'insuffisance du système d'analyse de la poudre de lait, l'interruption tardive de la production malgré les résultats alarmants des premières analyses, de même que l'absence de mise en quarantaine, de recyclage ou de refus de la poudre de lait surdosée, qui l'avaient conduite, bien qu'informée de ce surdosage, à intégrer celle-ci dans son processus de fabrication ; qu'aucun des griefs n'est fondé ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que les dommages-intérêts sont d'un montant qui place le créancier dans la situation où il se trouverait si le contrat avait été dûment exécuté, en considérant la perte qu'il a faite et le gain dont il a été privé, et qui pouvaient être prévus au moment de la conclusion du contrat ; qu'en limitant les dommages-intérêts au seul stock contaminé de marchandises livrées par la société Bolaidor, sans prendre en compte les coûts de production et la valeur qu'aurait eue l'aliment fabriqué s'il n'avait pas été pollué, la cour d'appel a violé les articles 1147, 1149 et 1150 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que seuls devaient être pris en considération les frais de préparation et de manipulation supplémentaires nécessités par l'intégration des poudres initialement surdosées dans la production de la société Serval, sans qu'on puisse lui reprocher d'avoir omis de prendre en compte le stock contaminé déjà écoulé dont la société Serval a nécessairement intégré les coûts de production dans son prix de vente, la perte de valeur de l'aliment pollué relevant pour sa part du chef de préjudice distinct relatif à la distribution d'aliments surchargés en fer ; que le grief n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :
Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que le juge ne peut dénaturer les éléments de preuve versés au débat ; qu'en l'espèce le bordereau de pièces de la société Serval établissait qu'était versé au débat l'ensemble des pièces communiquées à l'expert, parmi lesquelles de nombreuses plaintes de clientèle et ristournes négociées pour conserver la clientèle qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté les demandes relatives à la distribution d'aliments surchargés en fer, la perte d'activité, et à l'atteinte à l'image et à la notoriété aux motifs en particulier que la société Serval ne ferait « état d'aucune plainte de clients, ni d'aucune réclamation, que ce soit sur le plan technique ou commercial, ni encore d'aucun versement d'indemnité à des clients insatisfaits » ; que ce faisant, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble le principe selon lequel on ne peut dénaturer les éléments de preuve versés au débat ;
Mais attendu, d'abord, que le moyen manque en fait, en ce qu'il vise le préjudice relatif à la perte d'activité et celui relatif à l'atteinte à l'image et à la notoriété dont la réparation est rejetée par des motifs autres que ceux que critique le grief ; qu'ensuite, pour écarter le préjudice allégué relatif à la distribution d'aliments surchargés en fer, la cour d'appel a retenu, par un motif non contesté, qu'il n'était produit aucun élément de preuve à caractère objectif permettant d'accueillir ce chef de demande, en sorte que le motif critiqué apparaît surabondant et le grief de dénaturation, par suite, inopérant ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt de prononcer la mise hors de cause de la société MMA, alors, selon le moyen, qu'en cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre plusieurs chefs de dispositifs, le cassation de l'un entraîne nécessairement la cassation de l'autre ; qu'en l'espèce, la société MMA a été mise hors de cause en particulier parce que « les demandes formées par la société Serval au titre du préjudice d'élevage, de la perte d'activité, et de l'atteinte à l'image et à la notoriété, ont été rejetées par la cour d'appel, si bien que la question de savoir s'ils sont ou non garantis par la police d'assurance, en tant que dommages immatériels, ne se pose pas » ; que l'indivisibilité des chefs de dispositifs étant ainsi établie, la cassation de l'arrêt d'appel au regard du premier moyen entraînera dès lors nécessairement sa cassation en ce qu'il a dit que la société MMA devait être mise hors de cause, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le rejet du premier moyen rend inopérant le second ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Serval aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour la société Serval
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la Société Bolaidor n'est qu'en partie responsable du dommage subi par la Société Serval à la suite d'un surdosage en fer d'une livraison de poudre de lait intervenue le 25 octobre 2005 et dit que la Société Bolaidor ne doit en conséquence contribuer à la réparation du dommage qu'à hauteur de la moitié des dommages subis relatif au stock contaminé, condamné la Société Serval à payer à la Société Bolaidor la somme de 205.351,36 ¿ au titre du solde restant dû concernant des livraisons antérieures et débouté la Société Serval au titre des autres préjudices ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le fondement juridique de la demande de la société Serval : Que la société Serval, qui présente une demande indemnitaire, se borne à viser l'article 1134 du Code civil et à invoquer une responsabilité contractuelle dans le dispositif de ses écritures, sans expliciter autrement, dans ses motifs, le fondement juridique de ses diverses demandes ; Qu'elle ne qualifie pas davantage le contrat la liant à la société Bolaidor ; Que tout au plus, elle vise, en page 13 de ses conclusions, l'article 1603 du Code civil, applicable en matière de vente, selon lequel le vendeur "a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend", sans présenter ensuite de développement spécifique et circonstancié sur ces deux obligations, et en tirer les conséquences juridiques ; Que l'essentiel de son argumentation tend à établir, dans les faits, la faute de la société Bolaidor, l'importance du préjudice qui en est résulté, et l'absence de toute faute gui lui soit imputable et de nature à diminuer l'étendue de son indemnisation, tout en contestant de manière véhémente les conclusions du rapport d'expertise ; Qu'en l'absence de toute autre argumentation juridique, il y a donc lieu de considérer que la société Serval se situe exclusivement sur te terrain de la responsabilité contractuelle de droit commun, telle qu'elle résulte des articles 1147 et suivants du Code civil ; Sur les demandes de la société Serval ; Sur les responsabilités : que la société Serval reproche, en substance, à la société Bolaidor, avec laquelle elle est en relations habituelles, de lui avoir livré un lot de lait en poudre présentant une teneur en fer excessive au regard du cahier des charges dont elle avait connaissance, ce lot ayant été incorporé aussitôt dans les produits qu'elle fabrique, lesquels sont destinés à l'allaitement des veaux destinés à la boucherie ; que s'il n'est pas discuté que cette teneur en fer excessive ne présente aucun danger pour la santé du consommateur, elle a pour conséquence de favoriser le développement de l'hémoglobine des veaux et de donner à leur viande une couleur rouge, ce qui contrarie leur commercialisation, la viande de veau devant présenter au contraire une couleur blanche ; que la livraison défectueuse a eu lieu le 25 octobre 2005 ; Qu'un premier contrôle effectué en interne le 26 octobre 2005 par les services de la société Serval a révélé, le 28 octobre 2005, un taux de 155mg/kg de fer alors que la norme se situe à 5 mg/kg ; Qu'un second contrôle pratiqué le 28 octobre 2005, soit le jour où le premier résultat d'analyse a été connu, a montré, le 31 octobre 2005, un taux de 111,6 mg/kg de fer ; Qu'ainsi, il peut être retenu une valeur moyenne de 134 mg/kg de fer, ce qui est très supérieur à la norme de 5 mg/kg prévue au cahier des charges soit 5 mg/kg ; que la société Bolaidor ne conteste pas ce surdosage dû à la fois à des éléments conjoncturels et à une organisation déficiente ; Qu'elle dispose d'une station d'épuration contenant un bassin de décantation primaire et une lagune d'oxygénation ; Qu'une cuve de chlorure férlque est installée en aval de la lagune d'oxygénation avec deux pompes doseuses fonctionnant en alternance ; que la société Bolaidor expose que lors du week end des 15-16 octobre 2005, à la suite d'une panne affectant l'une des deux pompes, l'autre s'est mise automatiquement en route et que l'employé de maintenance a pris l'initiative de doubler le réglage de cette pompe, si bien que la station d'épuration a rejeté dans la rivière une eau à haute teneur en fer ; Que le 17 octobre 2005, une équipe de maintenance a rempli un réservoir de 100 m3 avec de l'eau prélevée clans la rivière, anormalement chargée en fer, un volume de 28 m3 étant ensuite utilisé pour fabriquer une partie de la poudre de lait qui a été livrée le 25 octobre 2005 à la société Serval ; Qu'ainsi, sur une quantité de 75.760 kg de poudre de lait livrée, 12,541 kg étaient affectés d'un surdosage en fer ; par ailleurs qu'il ressort des opérations d'expertise que les rejets de la station d épuration s'effectuent dans un petit cours d'eau et qu'en aval de ce point de rejet, la société Bolaidor a installé les pompes de prélèvement d'eau permettant d'incorporer l'eau de cette rivière au lait devant être déshydraté ; Que l'eau ainsi prélevée en aval du point de rejet de la station d'épuration était donc chargée en chlorure férique, contaminant ainsi le lait destiné à être déshydraté, et la poudre de lait produite après déshydratation ; Considérant qu'indépendamment de l'erreur commise par l'équipe de maintenance les 15 et 16 octobre2005, dont l'équipe de production n'a pas été informée, la structure même de production, et spécialement l'emplacement du point de rejet de la station d'épuration, en amont de ¡'emplacement des pompes de prélèvement de l'eau de la rivière, témoigne d'une erreur de conception ; Que par ailleurs, il n'est ni établi, ni même allégué, que la société Bolaidor ait pris une quelconque initiative pour informer la société Serval du caractère défectueux de la poudre de lait livrée ; Considérant que la société Bolaidor ne conteste pas ces éléments, mais considère qu'ils ne sont pas déterminants dans la survenance du dommage dont la société Serval demande réparation, compte tenu des propres manquements de cette dernière à ses obligations ; qu'il est exact qu'en dépit des résultats alarmants des premières analyses pratiquées le 26 octobre 2005 et connus le 28 octobre 2005, la société Serval n'a pris aucune mesure pour interrompre sa production, décider d'une mise en quarantaine, d'un recyclage ou d'un refus de la poudre de lait, se contentant de mettre en place de nouvelles analyses, dont les résultats n'ont été connus que le 31 octobre 2005 ; Considérant pourtant que la procédure de contrôle interne de la société Serval lui imposait, en cas de résultat défavorable, non seulement de réaliser une nouvelle analyse sur des échantillons de la production, mais également de procéder à un recyclage si la non conformité était confirmée, recyclage qui n'a pas été rendu possible dans la mesure où les produits fabriqués n'ont pas été mis en quarantaine ; Qu'ainsi, informée dès le 28 octobre d'un taux de fer plus de cent fois supérieur à la norme attendue, la société Serval a intégré la poudre de lait surdosée en fer dans son processus de fabrication et n'a véritablement réagi qu'à compter du 31 octobre 2005, en interrompant sa production ; Que par ailleurs qu'il ressort des opérations d'expertise que le spectromètre utilisé par la société Serval pour opérer ses contrôles internes n'était pas fiable et parvenait à des résultats inférieurs à ceux obtenus par le laboratoire Lasa, organisme extérieur auquel elle avait recours pour vérifier et valider ses propres contrôles ; Que si le spectromètre d'absorption atomique utilisé par le laboratoire Serval était contrôlé et étalonné chaque année par la société Varian, aucune précision n'a été apportée à l'expert sur les interventions de maintenance de cette société, laquelle n'est d ailleurs pas dans la cause ; Qu'en tout état de cause, qu'informée des résultats du laboratoire Lasa, la société Serval n'a pas réagi, l'expert soulignant : "un écart important aboutissant à une moyenne de résultats différente de 16,5 % en juillet, 26,5 % en octobre 2005. Serval ne nous fournit aucune alerte, aucune étude de danger, aucune action corrective, aucune intervention sur les équipements (doseuses et appareils d'analyse), aucune revalidation des procédés et équipements en réglant ce problème ; Qu' en outre qu'il ressort des analyses demandées par les MMA que la société Serval produisait, au moins depuis le 17 octobre 2005, des aliments pour bétail surdosés en fer, et ceci avant même la survenance du sinistre ; Qu'ainsi l'incident de surdosage ferrique affectant la poudre de lait livrée le 25 octobre 2005, a mis en évidence des défaillances antérieures de la société Serval dans son dispositif de contrôle interne et dont elle n'avait perçu ni l'importance, ni la portée ; que néanmoins les propres négligences ou manquements de la société Serval ne sont pas nature à exonérer la société Bolaidor de toute responsabilité dans la survenance du dommage, l'élément déclenchant restant tout de même le surdosage accidentel en fer affectant la livraison du 25 octobre 2005 ; qu'à la suite de savants calculs très vivement critiqués par la société Serval, et qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause, du moins à ce stade de la procédure, l'expert judiciaire conclut que la société Bolaidor n'a fourni que 27 % de la quantité de fer excédentaire constatée sur les 12.500 kg de poudre de lait livrée, 73 % résultant d'autres causes ; Mais considérant, qu'à supposer validés les différents calculs de l'expert, il n'en résulte pas automatiquement que la part de responsabilité de la société Bolaidor dans la survenance du dommage ne serait que de 27 %, ce pourcentage n'étant que la conséquence technique des fautes imputées à la société Bolaidor, sans avoir nécessairement une incidence directe sur l'appréciation de leur gravité et sur celles commises par la société Serval ; Qu'en effet, compte tenu des manquements fautifs relevés de part et d'autre, la cour dispose en l'espèce d'éléments suffisants pour juger que la société Bolaidor devra répondre de la moitié du préjudice subi par la société Serval, cette dernière devant en supporter l'autre moitié, tant en raison de son absence de réactivité que des insuffisances de son dispositif de contrôle interne, dont elle est seule responsable ; b°- Sur les préjudices : que la société Serval aurait dû prendre les mesures appropriées pour faire cesser la production d'aliments surdosés en fer dès le 27octobre 2005, date à laquelle les résultats des premières analyses ont été portés à sa connaissance ; Qu'il n'en demeure pas moins que le point de départ du préjudice de la société Serval se situe au 25 octobre 2005, date à laquelle la poudre de lait surdosée lui a été livrée, et qu'il s'est prolongé jusqu'au 31 octobre 2005, date à laquelle elle a interrompu sa production ; que les préjudices doivent être analysés non en fonction du projet d'accord transactionnel envisagé par Les parties dans un premier temps, mais en fonction des conclusions du rapport d'expertise, des écritures des parties, et des pièces communiquées. 1- Sur le préjudice relatif au stock contaminé : que l'expert exclut de ce poste de préjudice les produits contaminés qui ont été réincorporés dans les productions de la société Serval ; Que seuls doivent être pris en considération les frais de préparation et de manipulation supplémentaires nécessités par la réintégration des poudres surdosées dans la production de la société Serval ; que ces frais étaient évalués par l'expert à 97.258,73 ¿ dans son pré-rapport, et ont été fixés sans explication à 50.028,23¿ dans son rapport définitif ; Que seule une erreur de plume explique cette différence ; Qu'il convient donc de retenir la somme de 97.258,73 ¿ au titre des frais concernant le stock contaminé, tout en excluant les frais de justice, les frais divers, les frais d'expertise judiciaire et tous autres frais étrangers à ce poste de préjudice ; Sur le préjudice relatif à la distribution d'aliments surchargés en fer : que la société Serval évalue à 313.620 ¿ le préjudice correspondant â la détérioration de la viande produite avec des aliments surdosés, et à la perte de ses qualités substantielles en raison d'un excès de fer ; Mais considérant que quelles que soient les conclusions de l'expert sur ce point, qui parvient à ce montant par un calcul théorique, il n'est produit en l'espèce aucun élément de preuve à caractère objectif permettant de retenir un tel montant ; surtout que si la société Serval est productrice d'aliments pour les veaux d'élevage, elle n'exerce pas elle même une activité d'élevage et ne peut, par procuration, demander réparation d'un préjudice qui n'est pas le sien, étant observé qu'il n'est fait état d'aucune plainte de clients, ni d'aucune réclamation, que ce soit sur le plan technique ou commercial, ni encore d'aucun versement d*indemnité à des clients insatisfaits. 3) Que la demande formée au titre de la réparation d'un préjudice de distribution sera donc rejetée ; 2.- Sur le préjudice lié à la perte d'activité : que ce préjudice a été évalué par l'expert à la somme de 119.217 ¿ de manière forfaitaire et hypothétique pour l'année 2006 ; Que si la société Serval demande désormais l'allocation d'une somme de 200.000 ¿ à ce titre, elle ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier le bien fondé de ses prétentions ; qu'il n'est pas établi que l'incident de surdosage ferrique ait entraîné une perte de clientèle, que ce soit pour l'année 2006 ou pour les années suivantes. qu'un préjudice hypothétique n'ouvre pas droit à réparations ; Que la société Serval sera donc déboutée de la demande qu'elle a formée de ce chef ; 3- Sur l¿atteinte à l'image et à la notoriété : que la société Serval réclame à ce titre l'allocation d'une somme de 300,000 ¿ a titre de dommages et intérêts. Mais considérant qu'elle ne justifie pas davantage de son préjudice, et ceci d'autant moins que la société Serval a choisi de ne pas communiquer sur F incident de surdosage et de n'en rien dire â ses clients ;Que n'ayant pas mis en place une stratégie de transparence et de communication externe, elle ne peut demander réparation d'un préjudice qu'elle s'est attachée à dissimuler ; Considérant que la société Serval sera déboutée de la demande qu'elle a formée de ce chef. 5.-Sur le montant total de l'indemnisation : que seul le premier poste de préjudice ouvre droit à réparation au profit de la société Serval ; Que compte tenu du partage de responsabilité par moitié ci- dessus ordonné, la société Bolaidor sera condamnée à payer â la société Serval une indemnité de 97.258,73 : 2 - 48.629,36 ¿, à titre de dommages et intérêts (¿)Sur le solde des sommes dues par la société Serval à la société Bolaidor : Considérant qu'avant toute procédure judiciaire, il a été décidé par la société Serval, en accord avec la société Bolaidor, de retenir une somme de 604.663,40 ¿ correspondant à des lettres de change destinées au paiement de fournitures de la société Bolaidor, livrées antérieurement au présent litige, et sans rapport avec celui-ci, Que par ordonnance de référé, le président du tribunal de commerce de Niort a débloqué la somme de 399.312,04 ¿ ; qu'il reste donc dû la somme de 604.663,40 - 399.312,04 = 205.351,36 ¿ ; Que la société Serval sera donc condamnée à payer cette somme à la société Bolaidor, et non la somme de 205.353 ¿ comme en ont décidé les premiers juges à la suite d'une erreur de calcul »
ALORS QUE 1°) le partage de responsabilité ne peut intervenir entre l'auteur du dommage et la victime que dans la mesure où la faute de cette dernière est bien la cause de son propre dommage ; qu'en l'espèce la Cour d'appel a constaté que « l'élément déclenchant restait tout de même le surdosage accidentel en fer affectant la livraison du 25 octobre 2005 » par la Société Bolaidor ; qu'elle a cependant retenu un partage de responsabilité au motif que la Société Serval n'aurait pas interrompu immédiatement sa production après avoir constaté l'excès de fer, que son système de surveillance était déficient et qu'elle-même avait déjà pu produire des aliments surdosés en fer ; qu'en prononçant un partage de responsabilité alors même qu'elle constatait que la cause du dommage était le surdosage en fer affectant la livraison par la Société Bolaidor du 25 octobre 2005, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS QUE 2°) l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; qu'en réduisant les dommages et intérêts dus à la Société Serval aux motifs que celle-ci n'aurait pas mis en oeuvre les mesures nécessaires pour interrompre immédiatement sa production, la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1150 du Code civil ;
ALORS QUE 3°) l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences ; que la limitation de dommages et intérêts ne peut être prononcée que dans la mesure où le créancier n'a pas pris les mesures sûres et raisonnables propres à éviter ou modérer son préjudice ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que c'était grâce à la procédure de surveillance mise en place par la Société Serval que celle-ci avait pu déceler le surdosage en fer et qu'après une seconde vérification elle avait interrompu sa production ; qu'en limitant les dommages et intérêts aux motifs que cette interruption aurait dû être mise en place dès les résultats de la première procédure, sans vérifier si le modus operandi mis en oeuvre par la Société Serval n'était pas sûr et raisonnable au regard des circonstances, la Cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles 1147 et 1150 du Code civil ;
ALORS QUE 4°) les dommages et intérêts sont d'un montant qui place le créancier dans la situation où il se trouverait si le contrat avait été dûment exécuté, en considérant la perte qu'il a faite et le gain dont il a été privé, et qui pouvaient être prévus au moment de la conclusion du contrat ; qu'en limitant les dommages et intérêts au seul stock contaminé de marchandises livrées par la Société Bolaidor, sans prendre en compte les coûts de production et la valeur qu'aurait eue l'aliment fabriqué s'il n'avait pas été pollué, la Cour d'appel a violé les articles 1147, 1149 et 1150 du Code civil ;
ALORS QUE 5°) le juge ne peut dénaturer les éléments de preuve versés au débat ; qu'en l'espèce le bordereau de pièces de l'exposante établissait qu'étaient versé au débat l'ensemble des pièces communiquées à l'expert, parmi lesquelles de nombreuses plaintes de clientèle et ristournes négociées pour conserver la clientèle qu'en l'espèce, la Cour d'appel a rejeté les demandes relatives à la distribution d'aliments surchargés en fer, la perte d'activité, et à l'atteinte à l'image et à la notoriété aux motifs en particulier que la Société Serval ne ferait « état d'aucune plainte de clients, ni d'aucune réclamation, que ce soit sur le plan technique ou commercial, ni encore d'aucun versement d'indemnité à des clients insatisfaits » ; que ce faisant, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble le principe selon lequel on ne peut dénaturer les éléments de preuve versés au débat.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la mise hors de cause de la Société MMA ;
AUX MOTIFS QUE « Considérant que la société Bolaidor a souscrit auprès de la compagnie MMA une police d'assurance responsabilité civile n° 110,724.818. Que ce contrat garantit la "responsabilité civile après livraison". Que les dommages matériels sont définis comme étant "toute destruction, détérioration, perte, disparition d'une chose ou d'une substance(¿) Que les dommages immatériels sont définis comme "tous préjudices pécuniaires, autres que corporels ou matériels", et spécialement "tous dommages immatériels consécutifs à des dommages corporels ou matériels garantis par le présent contrat." Considérant que pour les "dommages matériels et immatériels consécutifs", le plafond de garantie est de 1.829.388 ¿ par sinistre, avec une franchise de 1.524 ¿. Que pour les dommages immatériels non consécutifs à des dommages corporels ou matériels, le plafond applicable est de 152.449 ¿ par sinistre, avec une franchise de 3.048 ¿ ; qu'il n'est pas discuté que le surdosage en fer d'aliments destinés à l'allaitement des veaux ne présente aucun danger pour la santé humaine, ou pour la santé animale ; Que le dommage dénoncé par la société Serval n'est donc pas un dommage matériel ; Que par ailleurs les demandes formées par la société Serval au titre du préjudice d'élevage, de la perte d'activité, et de l'atteinte à l'image et à la notoriété, ont été rejetées par la cour, si bien que la question de savoir s'ils sont ou non garantis par la police d'assurance, en tant que dommages immatériels, ne se pose pas ; enfin que sont exclus de la garantie les frais de réparation, remplacement, dépose et repose, ainsi que "de correction, réparation, rectification, remplacement ou redistribution des produits incriminés" ; Qu'il en résulte que les frais de préparation et de manipulation supplémentaires évalués par l'expert à 97.258,73 ¿ ne sont pas couverts par la police d'assurance, Considérant que la compagnie MMÀ ne doit donc pas sa garantie à la société Bolaidor au titre de sa condamnation à payer à la société Serval la somme de 48.629,35 ¿ au titre du réemploi des aliments surdosés, Que la MMA sera donc mise hors de cause, aucune garantie n'étant due »
ALORS QUE en cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre plusieurs chefs de dispositifs, le cassation de l'un entraîne nécessairement la cassation de l'autre ; qu'en l'espèce, la Société MMA a été mise hors de cause en particulier parce que « les demandes formées par la société Serval au titre du préjudice d'élevage, de la perte d'activité, et de l'atteinte à l'image et à la notoriété, ont été rejetées par la cour, si bien que la question de savoir s'ils sont ou non garantis par la police d'assurance, en tant que dommages immatériels, ne se pose pas » ; l'indivisibilité des chefs de dispositifs étant ainsi établie, la cassation de l'arrêt d'appel au regard du premier moyen entraînera dès lors nécessairement sa cassation en ce qu'il a dit que la Société MMA devait être mise hors de cause, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-13856
Date de la décision : 10/07/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 18 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jui. 2013, pourvoi n°12-13856


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.13856
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