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10/07/2013 | FRANCE | N°12-13831

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2013, 12-13831


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 9 novembre 2011), que Mme X..., engagée par la société Adecco Calédonie pour l'exécution de missions en qualité de caissière auprès de la société Savexpress, a effectué pour cette dernière de nombreuses missions de novembre 2006 à février 2008 ; qu'elle a saisi le tribunal du travail afin de faire juger qu'elle avait été salariée de la société Savexpress dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis le 16 novembre 2006, fait l

'objet d'un licenciement irrégulier, sans cause réelle et sérieuse et vexatoire,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 9 novembre 2011), que Mme X..., engagée par la société Adecco Calédonie pour l'exécution de missions en qualité de caissière auprès de la société Savexpress, a effectué pour cette dernière de nombreuses missions de novembre 2006 à février 2008 ; qu'elle a saisi le tribunal du travail afin de faire juger qu'elle avait été salariée de la société Savexpress dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis le 16 novembre 2006, fait l'objet d'un licenciement irrégulier, sans cause réelle et sérieuse et vexatoire, et d'obtenir diverses sommes ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la salariée avait fait l'objet d'un licenciement abusif et de la condamner à diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'Accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998, qui a valeur constitutionnelle, a définitivement transféré à la Nouvelle-Calédonie les principes directeurs du droit du travail ; que la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 organique relative à la Nouvelle-Calédonie pose, dans son article 22, que la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de droit du travail et droit syndical, dont les principes fondamentaux sont, aux termes de l'article 99, délibérés par voie de loi du pays ; qu'ainsi, en faisant prévaloir « des principes de droit constants » du droit métropolitain sur le code du travail de Nouvelle-Calédonie, adopté par une loi du pays n° 2008-2 du 13 février 2008 et par une délibération du Congrès n° 366 du 14 février 2008, la cour d'appel a directement méconnu les textes susvisés, ensemble excédé ses pouvoirs ;
2°/ que l'article Lp 124-35 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ne permet la requalification en contrat à durée indéterminée que « lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions du présent chapitre » ; que le chapitre IV du code de travail local « prêt de main d'oeuvre et travail temporaire » se borne à prévoir à l'article Lp 124-5 les cas limitatifs dans lesquels il peut être fait appel aux salariés d'une entreprise de travail temporaire dont « 1° remplacement d'un salarié en cas d'absence temporaire » et à l'article Lp 124-8 que « la mission comporte un terme fixé avec précision lors de la conclusion du contrat de mise à disposition » et que « la durée de la mission ne peut excéder six mois » ; d'où il résulte que la cour d'appel qui constatait que les contrats de mission, chacun d'une durée inférieure à six mois, étaient motivés par le remplacement d'un salarié absent, ne pouvait les requalifier en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice dès lors qu'elle s'était exactement conformée aux dispositions du code local du travail ; qu'elle a ainsi violé l'article Lp 124-35 du code du travail de Nouvelle-Calédonie, ensemble les textes susvisés ;
3°/ que en se référant à la jurisprudence qui avait prohibé, même avant la loi du 12 juillet 1990, le recours au travail temporaire lorsque celui-ci visait à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir, par motifs propres et adoptés, énoncé exactement que l'appel à des travailleurs temporaires pour assurer un besoin structurel n'est pas compatible avec le caractère limitatif des cas de recours prévus par les articles Lp 124-3, 124-5 et 124-8 du code du travail de Nouvelle-Calédonie et constaté que les missions successives de la salariée visaient à satisfaire le besoin permanent et durable de l'entreprise, d'assurer le remplacement programmé et récurrent de ses péagers, la cour d'appel, abstraction faite des motifs critiqués par la première branche du moyen, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Savexpress aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Savexpress
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la société Savexpress, entreprise utilisatrice, avait, ainsi que la société de travail temporaire Adecco Calédonie, violé les dispositions légales relatives au travail temporaire, en conséquence dit que Mme X... a bénéficié d'un contrat conclu à durée indéterminée à compter du 16 novembre 2006 jusqu'au 28 février 2008, dit qu'elle a fait l'objet d'un licenciement abusif et condamné in solidum les sociétés Savexpress et Adecco Calédonie à lui payer 480.000 FCP à titre de dommages intérêts pour rupture abusive et 140.000 FCP pour préjudice distinct ;
Aux motifs que « des conséquences juridiques de l'activité exercée par Mme X... »
« que les dispositions de l'article Lp 124-5 du code de travail de Nouvelle-Calédonie prévoient que :
« Il ne peut être fait appel aux salariés d'une entreprise de travail temporaire que pour l'exécution de tâches temporaires dénommées « missions » et seulement dans les cas suivants :1° remplacement d'un salarié en cas d'absence temporaire ou de suspension de son contrat de travail, sauf si la durée de celles-ci initialement portée à la connaissance de l'employeur est supérieure à six mois ;2° Attente de l'entrée en service effectif du salar ié appelé à remplacer un salarié dont le contrat à durée indéterminée a pris fin ;3° travaux urgents dont l'exécution immédiate est n écessaire pour prévenir les accidents imminents, organiser les mesures de sauvetage ou réparer les insuffisances du matériel des installations ou des bâtiments de l'entreprise présentant un danger pour les travailleurs ;4° accroissement exceptionnel et temporaire de l'ac tivité » ;

Que les dispositions de l'article Lp 124-8 du code de travail de Nouvelle-Calédonie précisent que :

« La mission comporte un terme fixé avec précision lors de la conclusion du contrat de mise à disposition.La durée de la mission ne peut excéder six mois.Toutefois, lorsqu'il est fait appel au travail temporaire au titre du 1° de l'article Lp 124-5, le terme de la mission initialement fixé peut être reporté jusqu'au lendemain du jour où le salarié de l'utilisateur reprend son emploi » ;

Qu'il est établi par les éléments du dossier que Mme X... a fait l'objet de novembre 2006 à février 2008 de nombreux contrats de mission dont les dates ont précédemment été rappelées, l'ayant conduit à être toujours affectée en qualité de caissière, au sein de la société Savexpress, afin de remplacer les employés en poste au péage qui étaient absents ;
Que Mme X... a ainsi, au cours de ces 16 mois, travaillé chaque mois sans discontinuité dans le cadre de contrats de mission, totalisant 219 missions, soit 263 jours sur 300 jours travaillés, à l'occasion desquels elle a réalisé, ainsi que cela résulte des bulletins de salaire produits, des horaires mensuels variant de 79 heures à 132 heures ;
Que c'est en conséquence pour de justes motifs que la présente décision entent se réapproprier, que le premier juge a relevé que la société Savexpress ne saurait sérieusement soutenir que le recours au travail temporaire ne remplissait pas une mission qui s'intégrait dans le cadre de l'activité normale et permanente de la société utilisatrice et ce, de façon durable, à savoir assurer le remplacement programmés et récurrents de ses péagers ;
Que de manière habituelle, la SA Savexpress a en effet adopté, comme mode de gestion, le recours au travail temporaire, pour suppléer à des absences programmées et récurrentes de ses employés, et ce alors qu'il s'agissait de fait d'un poste à temps complet qu'elle aurait dû créer pour faire face à un besoin répondant à l'activité habituelle de l'entreprise, ainsi que le premier juge l'a justement relevé ;
Que la SA Savexpress ne saurait s'abriter devant la non rédaction à l'identique du code du travail de Nouvelle-Calédonie, qui n'a effectivement pas repris de dispositions rédigées à l'identique de celles issues de la loi du 12 juillet 1990 qui prévoient en son article L 124-2 du code du travail que « le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice », pour affirmer qu'elle n'a commis aucun abus en la matière en recourant systématiquement à des missions successives pour des durées certes extrêmement courtes mais d'une durée cumulée équivalente à un emploi à temps plein, sur une période de plus d'une année ;
D'une part que les dispositions conjuguées des articles Lp 124-5 et Lp 124-8 du code du travail de Nouvelle-Calédonie sont particulièrement explicites en ce que la durée de la mission ne peut excéder six mois ;
Par ailleurs que si les règles métropolitaines ne sont effectivement pas transposables à la Nouvelle-Calédonie comme le soutient la Sa Savexpress, en revanche les principes de droit demeurent constants et permettaient au premier juge de se référer à la jurisprudence y afférent laquelle a prohibé, même avant la loi du 12 juillet 1990, le recours au travail temporaire lorsque celui-ci visait à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ;
Qu'en outre, il est admis par les parties que les contrats de mission des 31 janvier 2008, 19 février 2008, 21 février, 22 février et 27 février 2008 n'ont pas été signés par Mme X..., en violation des dispositions de l'article Lp 124-9 du code du travail qui prévoient que « Lorsqu'une entreprise de travail temporaire met un salarié à la disposition d'une entreprise utilisatrice, ces entreprises concluent par écrit un contrat de mise à disposition, au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant la mise à disposition » ;
Que c'est ainsi à juste titre que le premier juge a constaté que les sociétés Adecco Calédonie et Savexpress n'avaient pas respecté la réglementation applicable au travail temporaire, en relevant que la société utilisatrice qui a recours à un travailleur temporaire en violation caractérisée des dispositions légales définissant les cas de recours à ce type de contrat peut se voir opposer par le salarié les droits attachés à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission (article Lp 124-35 du code du travail local) et que par ailleurs, l'entreprise de travail temporaire qui embauche un salarié sans lui adresser un contrat signé dans les deux jours de sa mise à disposition, se place en dehors du champ d'application du contrat de travail temporaire, le contrat la liant au salarié est alors soumis au droit commun, la violation de ces prescriptions d'ordre public entraînant la requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée (Cass. Soc. 20 nov. 2001) ;
Qu'ainsi la rupture des relations contractuelles doit s'analyser en un licenciement irrégulier et abusif, le terme du contrat de travail temporaire ne pouvant constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, la société de travail temporaire et la société utilisatrice ayant violé les dispositions légales applicables en la matière ont ainsi concouru à la réalisation du préjudice subi par Mme X... » ;
Alors que l'Accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998, qui a valeur constitutionnelle, a définitivement transféré à la Nouvelle-Calédonie les principes directeurs du droit du travail ; que la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 organique relative à la Nouvelle-Calédonie pose, dans son article 22, que la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de droit du travail et droit syndical, dont les principes fondamentaux sont, aux termes de l'article 99, délibérés par voie de loi du pays ;
Qu'ainsi, en faisant prévaloir « des principes de droit constants » du droit métropolitain sur le code du travail de Nouvelle-Calédonie, adopté par une loi du pays n° 2008-2 du 13 février 2008 et par une délibération du Congrès n° 366 du 14 février 2008, la cour d'appel a directement méconnu les textes susvisés, ensemble excédé ses pouvoirs ;
Alors en tout état que l'article Lp 124-35 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ne permet la requalification en contrat à durée indéterminée que « lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions du présent chapitre » ; que le chapitre IV du code de travail local « prêt de main d'oeuvre et travail temporaire » se borne à prévoir à l'article Lp 124-5 les cas limitatifs dans lesquels il peut être fait appel aux salariés d'une entreprise de travail temporaire dont « 1° remplacement d'un salarié en cas d'absence temporaire » et à l'article Lp 124-8 que « la mission comporte un terme fixé avec précision lors de la conclusion du contrat de mise à disposition » et que « la durée de la mission ne peut excéder six mois » ;
D'où il résulte que la cour d'appel qui constatait que les contrats de mission, chacun d'une durée inférieure à 6 mois, étaient motivés par le remplacement d'un salarié absent, ne pouvait les requalifier en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice dès lors qu'elle s'était exactement conformée aux dispositions du code local du travail ; qu'elle a ainsi violé l'article Lp 124-35 du code du travail de Nouvelle-Calédonie, ensemble les textes susvisés ;
Alors enfin que en se référant à la jurisprudence qui avait prohibé, même avant la loi du 12 juillet 1990, le recours au travail temporaire lorsque celui-ci visait à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-13831
Date de la décision : 10/07/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Code du travail de Nouvelle-Calédonie - Travail temporaire - Contrat de mission - Cas de recours interdits - Emploi lié à un besoin structurel de l'entreprise - Détermination - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Code du travail de Nouvelle-Calédonie - Travail temporaire - Contrat de mission - Cas de recours interdits - Emploi lié à un besoin structurel de l'entreprise - Applications diverses - Succession de missions visant à satisfaire un besoin permanent et durable - Effets - Détermination CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Code du travail de Nouvelle-Calédonie - Travail temporaire - Contrat de mission - Succession de contrats de mission - Requalification en contrat à durée indéterminée - Conditions - Détermination - Portée OUTRE-MER - Nouvelle-Calédonie - Contrat de travail - Travail temporaire - Contrat de mission - Cas de recours - Caractère limitatif - Portée

L'appel à des travailleurs temporaires pour assurer un besoin structurel n'est pas compatible avec le caractère limitatif des cas de recours prévus par les articles Lp. 124-3, 124-5 et 124-8 du code du travail de Nouvelle-Calédonie. Justifie dès lors sa décision la cour d'appel qui, après avoir constaté que les missions successives du salarié visaient à satisfaire un besoin permanent et durable de l'entreprise, requalifie le contrat en contrat de travail à durée indéterminée et dit que la rupture des relations contractuelles doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse


Références :

articles Lp. 124-3, 124-5 et 124-8 du code du travail de Nouvelle-Calédonie

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 09 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2013, pourvoi n°12-13831, Bull. civ. 2013, V, n° 182
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, V, n° 182

Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Lalande
Rapporteur ?: Mme Terrier-Mareuil
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.13831
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