LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 26 juin 2012), que par acte authentique du 26 mars 2004, la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence-Alpes-Corse (la caisse) a consenti à M. et Mme X... (les emprunteurs) deux prêts de 100 000 euros et 54 000 euros destinés au financement de l'acquisition d'une maison d'habitation ; qu'une cour d'appel a prononcé la déchéance partielle du droit de la caisse aux intérêts en réduisant leur taux au taux légal ; qu'ultérieurement, la caisse a délivré aux emprunteurs un commandement valant saisie immobilière puis les a assignés à l'audience d'orientation ;
Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt d'avoir déclaré le commandement de payer valant saisie valable, alors, selon le moyen, que toute modification des conditions du prêt dont le taux d'intérêt est fixe doit donner lieu à la remise à l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable ; qu'en l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes en date du 5 janvier 2010 ayant prononcé la déchéance partielle du droit aux intérêts constituait une modification substantielle des conditions initiales du prêt ; qu'en conséquence, la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière devait être précédée de la notification aux emprunteurs des tableaux d'amortissement des prêts conformes à la décision susmentionnée ; qu'en validant toutefois ledit de commandement de payer en l'absence de la notification de nouveaux tableaux d'amortissement, la cour d'appel a violé ensemble les articles 2191 du code civil, L. 312-8 et L. 312-10 du code de la consommation ;
Mais attendu que les modifications des conditions d'obtention du prêt résultant d'une décision judiciaire prononçant la déchéance du droit aux intérêts, les articles L. 312-8 et L. 312-10 du code de la consommation ne sont pas applicables ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence-Alpes-Corse la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Jacoupy, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir en recouvrement de sa créance de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Sur la fin de non recevoir tirée de ce que le créancier poursuivant n'aurait pas qualité à agir en recouvrement de sa créance résultant du défaut de paiement d'un prêt immobilier, parce qu'une poursuite de saisie immobilière contreviendrait aux dispositions de l'article L 512-85 du Code Monétaire et Financier, le juge de l'exécution, par une motivation complète, a exactement retenu que l'action de la CAISSE D'EPARGNE, établissement de crédit qui effectuait des opérations habituelles de banque, était recevable à agir à l'encontre des débiteurs défaillants sans contrevenir à ses statuts »,
AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Sur la validité de la procédure :
Pour soutenir en premier lieu la nullité des poursuites de saisie immobilière, M et Mme X... se prévalent d'un défaut de qualité pour agir de la CAISSE D'EPARGNE en ce que ce réseau d'établissements doit notamment contribuer « à la lutte contre l'exclusion bancaire et financière de tous les acteurs de la vie économique, sociale et environnementale » et qu'il appartient dès lors à la requérante de justifier de ce que son action est conforme à son statut, son objet social et aux dispositions d'ordre public susvisées.
Ils soutiennent que les poursuites de saisie immobilière engagées à leur encontre ne peuvent que tendre à les exclure et les précariser en sorte qu'il convient de prononcer l'irrecevabilité de ces poursuites pour non-respect des dispositions de l'article L. 512-85 du code monétaire et financier et de l'objet social de la CAISSE D'EPARGNE.
En tout état de cause, si au terme de l'article 122 du code de procédure civile le défaut de qualité constitue une fin de non recevoir qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, il n'en demeure pas moins que la qualité pour agir doit s'apprécier au regard des dispositions de l'article 31 du même code, prévoyant que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elles qualifient pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, au-delà des dispositions de l'article L 512- 85 précité, l'article L 512 -88 précise que les caisses d'épargne et de prévoyance sont des établissements de crédit et peuvent, nonobstant les dispositions de l'article 3 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, exercer toutes opérations de banque.
L'article 511-1 du même code précise que les établissements de crédit sont des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque au sens de l'article L 311-1.Ils peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leurs activités au sens de l'article L 311-2.
En vertu des dispositions de l'article L 311-1, les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement.
Il s'évince de l'examen conjugué de ces dispositions que la CAISSE D'EPARGNE est parfaitement recevable en son action.
Au demeurant, il convient de se reporter à la nomenclature du code monétaire et financier pour s'en convaincre, celui-ci abordant dans son livre 5 les prestataires de services, le titre Ier étant consacré aux établissements du secteur bancaire, le chapitre 1er aux règles générales applicables aux établissements de crédit, le chapitre 2 aux banques mutualistes ou coopératives, lesquelles se trouvent ensuite détaillées dans les sections 2 à 9, la section 8 concernant le réseau des caisses d'épargne.
Ainsi, si chacun des établissements visés dans ces sections présente des particularismes en termes de mission, d'organisation, de fonctionnement, il n'en demeure pas moins des établissements de crédit dépendant du secteur bancaire. Le moyen d'irrecevabilité présenté à ce titre ne peut donc être retenu »,
ALORS QU'il appartient aux caisses d'épargne de contribuer à la lutte contre l'exclusion bancaire et financière de tous les acteurs de la vie économique, sociale et environnementale ; qu'en l'espèce les poursuites de saisie immobilière engagées par la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE à l'encontre de Monsieur et Madame X... contribuaient nécessairement à l'exclusion de ces derniers de la vie économique et sociale; qu'ainsi, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE n'avait pas de qualité pour agir à l'encontre des époux X...; qu'en rejetant la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir en recouvrement de créance opposée à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE, la cour d'appel a violé l'article L. 512-85 du Code monétaire et financier.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le commandement de payer valant saisie valable ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Sur la conformité de la créance aux dispositions de l'article 2191 du Code Civil que les appelants tirent de la violation, par le créancier poursuivant, des dispositions de l'article L 130-10-6ème alinéa du Code de la Consommation après le prononcé d'un arrêt de la Cour du 5 janvier 2010 qui avait prononcé la déchéance partielle du droit aux intérêts conventionnels, et qu'ils tirent de l'absence de déchéance du terme, de sorte que la créance ne serait ni liquide ni exigible, le juge de l'exécution a exactement décidé que les dispositions du Code de la Consommation sur le caractère obligatoire de la notification d'un tableau d'amortissement ensuite de l'octroi d'un prêt, n'avaient pas lieu de s'appliquer après le prononcé de l'arrêt de la Cour d'Appel de NIMES du 5 janvier 2010 qui ne s'analyse pas comme une nouvelle opération de crédit, mais comme une décision judiciaire prononçant, sur les intérêts applicables au remboursement du prêt d'origine ensuite de la déchéance du terme qui avait été prononcé depuis le 5 août 2009 (LRAR du 6 août 2009) »,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« M. et Mme X... invoquent en deuxième lieu la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière au motif que sa délivrance n'a pas été précédée de la notification des tableaux d'amortissement des prêts conformes aux décisions de justice rendues, notamment à l'arrêt de la Cour d'Appel de NIMES du 5 janvier 2010, en violation de la règle d'ordre public édictée par l'article L 312-8-6 du Code de la Consommation.
Aux termes de cet article, qui énumère les mentions légales que doit comporter l'offre de prêt, toute modification des conditions d'obtention d'un prêt dont le taux d'intérêt est fixe, donne lieu à la remise à l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable.
Toutefois, force est de constater qu'en l'espèce aucune modification des conditions d'obtention des prêts n'est intervenue, la modification apportée par la décision de la Cour d'Appel touchant les conditions de remboursement.
De surcroît, il convient de rappeler que l'obligation de réitération de l'offre ne vise que les seules situations entraînait pour l'emprunteur un alourdissement de ses obligations contractuelles et non celles conduisant à leur allègement, comme au cas présent »,
ALORS QUE toute modification des conditions du prêt dont le taux d'intérêt est fixe doit donner lieu à la remise à l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable; qu'en l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de NIMES en date du 5 janvier 2010 ayant prononcé la déchéance partielle du droit aux intérêts constituait une modification substantielle des conditions initiales du prêt; qu'en conséquence, la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière devait être précédée de la notification aux époux X... des tableaux d'amortissement des prêts conformes à la décision susmentionnée; qu'en validant toutefois ledit de commandement de payer en l'absence de la notification de nouveaux tableaux d'amortissement, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 2191 du Code civil, L. 312-8 et L. 312-10 du Code de la consommation.