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09/07/2013 | FRANCE | N°12-19276

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 juillet 2013, 12-19276


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 143-3 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu qu'à peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à un ou à plusieurs objectifs légaux ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 22 février 2012), que la société d'aménagement foncier et d'établissement rural de Poitou-Charentes (la SAFER) a décidé d'exercer son droit de préemption

pour acquérir des biens que M. X...avait promis de vendre aux époux Y...-Z... ; que d...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 143-3 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu qu'à peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à un ou à plusieurs objectifs légaux ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 22 février 2012), que la société d'aménagement foncier et d'établissement rural de Poitou-Charentes (la SAFER) a décidé d'exercer son droit de préemption pour acquérir des biens que M. X...avait promis de vendre aux époux Y...-Z... ; que devenue propriétaire des biens en cause, la SAFER les a rétrocédés à M. A..., exploitant agricole ; que Mme
Y...
et la SCEA de Chez Sicaud ont contesté les décisions de préemption et de rétrocession ainsi que les ventes subséquentes ;
Attendu que pour accueillir ces demandes, l'arrêt retient que la SAFER ne porte pas, dans sa décision de préemption, d'indications concrètes permettant de vérifier que l'objectif poursuivi était conforme aux exigences légales et susceptibles de justifier en quoi l'acquisition de parcelles aussi éloignées de l'exploitation initiale pouvaient, de manière tangible, améliorer la répartition parcellaire du bénéficiaire ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que la décision de préemption mentionnait que la préemption avait pour objectif, sous réserve de meilleures candidatures, d'agrandir une exploitation agricole d'une superficie de 40 hectares dans le voisinage du bien vendu et que la SAFER justifiait de ce que l'exploitation en question était située à 3 kilomètres des terres préemptées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne Mme
Y...
et la SCEA de Chez Sicaud aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum Mme
Y...
et la SCEA de Chez Sicaud à payer à la SAFER Poitou-Charentes la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de Mme
Y...
et la SCEA de Chez Sicaud ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Poitou-Charentes et autre
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR annulé la décision de préemption prise le 20 décembre 2006 par la Safer Poitou-Charentes sur la vente envisagée entre M. X...et Mme Z..., et d'AVOIR, en conséquence annulé, la décision prise les 10 et 14 février 2007 par la Safer d'attribuer les biens préemptés à M. A..., ainsi que les deux actes de vente subséquents des 22 février et 18 juin 2007 ;
AUX MOTIFS QUE (¿) le 15 février 2006, la Safer avisait Claudine Z...de ce qu'elle avait décidé de rétrocéder ces biens à Robert A..., afin d'agrandir son exploitation (¿) ; que l'article L 143-2 précise les différents objectifs qui doivent motiver l'exercice du droit de préemption parmi lesquels l'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes (2° de l'article L 143-2) ; que l'article L 143-3 prévoit en outre que, à peine de nullité, la Safer doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs des objectifs définis par l'article L 143-2 et la porter à la connaissance des intéressés ; que par ailleurs l'article R 143-6 édicte que la Safer qui exerce un droit de préemption est tenue d'indiquer, dans sa décision en quoi cette préemption répond à l'un ou à plusieurs des objectifs énumérés à l'article L 143-2 ; que la décision de rétrocession prise ultérieurement doit obéir aux prescriptions des articles R 143-11 et R 142-4 du code rural c'est-àdire que la Safer a l'obligation de l'afficher en mairie et de la notifier au candidat non retenu et à l'acquéreur évincé, avec indication des motifs ayant déterminé le choix de l'attributaire, ces notifications et affichage devant comporter la désignation sommaire du bien rétrocédé, avec notamment la superficie totale, le nom de la commune, celui du lieu-dit ou la référence cadastrale, le nom et la qualité du cessionnaire ainsi que les conditions financières de l'opération ; que l'obligation légale de motivation de la décision de préemption n'imposait pas à la Safer Poitou-Charentes d'identifier nominativement l'agriculteur susceptible de bénéficier, selon elle, de la rétrocession ; que de même la Safer a pris soin de préciser que la candidature de cet agriculteur entrerait en concurrence avec celles qui seraient susceptibles de se manifester durant le délai légal de publicité de sorte que les droits de toutes autres personnes intéressées étaient préservées ; que par ailleurs, le fait que la vente au profit de Robert A...soit intervenue les 10 et 14 février 2007, alors que la clôture des candidatures avait été fixée au 27 février 2007 n'est pas à lui seul de nature à établir que la rétrocession à Robert A...avait été prédéterminée et que les autres candidatures n'avaient pas été examinées et confrontées à la sienne ; qu'en revanche, il résulte des pièces produites aux débats que Robert A...n'était pas propriétaire des terres situées « à proximité » des terres concernées par la préemption puisque son exploitation était située à environ 3 km des terres de Jean-Pierre X...; qu'or, dans les motifs de sa décision de préemption, la Safer n'a pas porté d'indications concrètes permettant de vérifier que l'objectif poursuivi était conforme aux exigences du code rural et susceptibles de justifier en quoi l'acquisition de parcelles aussi éloignées de l'exploitation initiale pouvait, de manière tangible, améliorer la répartition parcellaire du bénéficiaire ; qu'il apparaît en conséquence que la motivation contenue dans la décision de préemption de la Safer est insuffisante au regard des les exigences légales de sorte qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en ce qu'il annule la décision de préemption et par voie de conséquence la décision de rétrocession et la vente au profit de Robert A...;
1) ALORS QUE lorsque, dans sa décision de préemption, une Safer se réfère à plusieurs objectifs légaux, il appartient aux juges du fond de vérifier si la motivation de l'un au moins de ces objectifs n'est pas suffisante pour justifier la préemption ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la décision de préemption de la Safer Poitou-Charentes du 20 décembre 2006 faisait référence au double objectif de l'article L 143-2 2° du code rural à savoir « l'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes » et que la décision prise par la Safer les 10 et 14 février 2007 d'attribuer les biens préemptés à M. A...était motivée par la volonté « agrandir son exploitation » ; qu'en annulant la décision de préemption du 20 décembre 2006 au seul motif qu'elle ne précisait pas en quoi les parcelles litigieuses pouvaient permettre d'améliorer la situation parcellaire de l'exploitation de M. A..., sans rechercher si la motivation fondée sur l'agrandissement de cette exploitation n'était pas suffisante pour justifier la préemption, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L 143-2, L 143-3 et R 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;
2) ALORS QUE lorsqu'une décision de préemption vise l'objectif d'agrandissement de l'article L. 143-2 2° du code rural et de la pêche maritime, la référence à une exploitation située à proximité constitue une donnée concrète suffisante sans qu'il soit besoin de donner une description détaillée de ladite exploitation ni d'expliquer le parti qu'elle pourrait tirer d'un agrandissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la décision de préemption du 20 décembre 2006 faisait référence à l'objectif, visé par l'article L 143-2 2° du code rural, d'agrandissement des exploitations existantes et qu'elle permettait d'identifier l'exploitation de M. A..., située dans le même village, comme candidate possible à l'attribution ; qu'en décidant que la décision de préemption litigieuse n'était pas suffisamment motivée faute de préciser en quoi les parcelles préemptées pourraient être de nature à améliorer la répartition parcellaire de l'exploitation de M. A..., la cour d'appel a violé les articles L 143-2, L 143-3 et R 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;
3) ALORS QUE le contrôle juridictionnel sur les décisions de préemption prises par les Safer se limite à l'appréciation de leur légalité et de leur régularité et ne peut concerner leur opportunité ; qu'en affirmant que l'attribution des parcelles préemptées à une exploitation située à trois kilomètres des parcelles préemptées ne pouvait pas contribuer à l'amélioration de la répartition parcellaire du secteur agricole considéré, la cour d'appel s'est prononcée sur l'opportunité de la décision de préemption prise par la Safer en violation de l'article L. 143-8 du code rural et de la pêche maritime ;
4) ALORS QUE l'objectif d'amélioration de la répartition du parcellaire est satisfait quand les biens dont la préemption est envisagée sont susceptibles d'être attribués à une exploitation située dans la même commune ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la décision de préemption du 20 décembre 2006 portait sur des parcelles situées à Brie-sous-Archiac et qu'elle faisait référence à l'exploitation de M. A...dont le siège se trouve également à Brie-sous-Archiac ; qu'en affirmant que cette donnée concrète n'était pas suffisante pour démontrer de manière tangible que la préemption poursuivait un objectif d'amélioration du parcellaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation des articles L 143-2, L 143-3 et R 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;
5) ALORS QUE l'objectif d'amélioration de la répartition du parcellaire est satisfait quand l'attribution des biens préemptés est susceptible d'intervenir au profit d'une exploitation qui détient des biens situés à proximité, et ce quand bien même cette exploitation ne serait pas contiguë avec les parcelles préemptées ; qu'en affirmant au contraire que la distance de trois kilomètres séparant l'exploitation de M. A...et les biens préemptés excluait que la décision de préemption puisse améliorer la répartition du parcellaire dans la région considérée, la cour d'appel a violé l'article L. 143-2 2° du code rural et de la pêche maritime ;
6) ALORS QUE la réalité de l'objectif d'amélioration de la répartition du parcellaire doit être appréciée au regard des mérites respectifs du projet figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner et des données concrètes que contient la décision de préemption ; qu'en l'espèce, la déclaration d'intention d'aliéner notifiée à la Safer le 25 octobre 2006 indiquait que la vente envisagée, portant sur des parcelles situées à Brie-sous-Archiac (Charente-Maritimes) devait intervenir au profit des époux Z...domiciliés à Saint-Paul-les Dax (Landes) soit une distance de plus de 200 kilomètres ; qu'en affirmant que l'attribution éventuelle des parcelles à M. A...dont l'exploitation avait son siège à 3 kilomètres des parcelles préemptées n'était pas susceptible d'améliorer la répartition du parcellaire sans s'interroger sur la distance séparant les biens préemptés et le domicile des acquéreurs évincés, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 143-2 2° du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 12-19276
Date de la décision : 09/07/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 22 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 jui. 2013, pourvoi n°12-19276


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.19276
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