LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire le 27 juin 2003 de la société Ateliers de la Nave, un plan de redressement a été adopté par jugement du 28 juillet 2004 ; que par requête du 20 octobre 2009, M. X..., aux droits duquel vient la société Sébastien X..., agissant en qualité de représentant des créanciers, a saisi le tribunal d'une requête en rectification d'erreur matérielle de ce jugement ; que M. Y... est intervenu volontairement à titre accessoire en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Attendu que pour déclarer M. X..., ès qualités, recevable en sa requête en rectification d'erreur matérielle, l'arrêt retient que la mission du représentant des créanciers persiste le temps de la vérification des créances ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Ateliers de la Nave faisait valoir dans ses conclusions que M. X... n'avait plus la qualité de représentant des créanciers, sa mission étant achevée par suite de la taxation définitive de ses honoraires par le juge-commissaire et de la transmission de la reddition des comptes et qu'en tout état de cause, le représentant des créanciers ne dispose plus du pouvoir d'agir en rectification d'erreur matérielle après le jugement adoptant le plan, sa mission étant limitée à la terminaison de la vérification des créances, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Sébastien X..., ès qualités, et M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la société Ateliers de la Nave
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré recevables l'action en rectification d'erreur matérielle que M. Sébastien X..., pris dans sa qualité de représentant des créanciers de la société Ateliers de la Nave, aujourd'hui : la société X... Sébastien, et l'intervention volontaire de M. Jean-Jacques Y..., pris dans sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de ladite société ;
AUX MOTIFS QU'« il se déduit des termes de l'article 462 du code de procédure civile qu'a qualité et intérêt à agir en rectification d'erreur matérielle la personne qui a été partie à la décision juridictionnelle dont l'erreur est alléguée ; qu'en conséquence la requête en rectification d'erreur matérielle introduite par Me X... agissant en qualité de représentant des créanciers de la société Ateliers de la Nave est, de ce seul fait, recevable, dès lors qu'il avait bien la qualité de partie au jugement du 28 juillet 2004 arrêtant le plan de continuation de la société ; qu'il sera au surplus observé qu'en application de l'article L. 621-67, alinéa 2, du code de commerce dans sa version applicable à l'espèce, la mission du représentant des créanciers persiste "le temps nécessaire à la vérification des créances" ; que le jugement sera réformé en ce qu'il a déclaré la requête irrecevable » (cf. arrêt attaqué, p. 3, 2e attendu) ; « que l'intervention volontaire du commissaire à l'exécution du plan est également recevable, celui-ci ayant qualité et intérêt à agir puisqu'il est également chargé de la répartition des dividendes entre les créanciers ; que le jugement sera également réformé en ce qu'il a déclaré son intervention irrecevable » (cf. arrêt attaqué, p. 3, 3e attendu) ;
1. ALORS QUE la société Ateliers de la Nave faisait valoir, dans sa signification du 20 juin 2011, p. 3, alinéas 1 à 4, que la société X... Sébastien n'avait plus, au moment où elle a agi en rectification d'erreur matérielle, la qualité de représentant des créanciers de la société Ateliers de la Nave, sa mission étant achevée depuis le 2 décembre 2004 ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE la société Ateliers de la Nave faisait valoir, dans sa signification du 20 juin 2011, p. 3, alinéa 6, que « le représentant de créanciers, à supposer qu'il puisse en cette qualité agir encore à ce jour, ne dispose pas de la qualité ni de l'intérêt à agir, dès lors qu'il ne peut représenter et agir que dans l'intérêt collectif des créanciers, et non agir en vue de modifier une disposition concernant un créancier » ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3. ALORS QUE la société Ateliers de la Nave faisait valoir, dans sa signification du 20 juin 2011, p. 3, alinéa 7 et p. 4, aliénas 1 et 2, qu'en toute hypothèse « le représentant des créanciers après adoption du plan ne dispose pas du pouvoir de demander la réparation d'une prétendue erreur matérielle affectant le jugement, sa mission étant limitée à la terminaison de la vérification du passif » ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4. ALORS QUE la société Ateliers de la Nave faisait valoir, dans sa signification du 20 juin 2011, p. 4, § II, alinéas 1 à 4, que, le commissaire à l'exécution du plan de redressement n'étant pas partie au jugement qui arrête le plan, il n'a pas qualité pour agir, contre ce jugement, en rectification d'erreur matérielle, et, en outre, qu'il ne peut agir que dans l'intérêt collectif des créanciers et non dans l'intérêt d'un seul d'entre eux ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR ordonné la rectification du jugement rendu, le 28 juillet 2004, par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Béthune, et D'AVOIR décidé, en conséquence, que, dans le dispositif de ce jugement, il y a lieu d'ajouter, au paragraphe commençant par « donne acte aux créanciers suivants de ce qu'ils ont accepté l'option 2 du plan¿ », la société Lille aciers à la liste des autres sociétés ;
AUX MOTIFS QUE, « si l'erreur invoquée en l'espèce n'a pas été commise par la juridiction, elle affecte toutefois les éléments et documents préparatoires à la décision du tribunal ; qu'il apparaît en effet que, du fait d'une erreur matérielle de retranscription dans l'établissement de l'état des réponses des créanciers à la lettre circulaire faite le 9 juin 2004 leur ouvrant un choix entre un paiement à 25 % immédiat et un paiement échelonné à 100 %, la réponse de la société Lille aciers, donnée par l'intermédiaire de la Sfac le 12 juillet 2009 en temps utile, a été omise ; que le tribunal, dans son jugement, a validé le système de paiements optionnels proposé ; que ce n'est que du fait d'une erreur purement matérielle de retranscription que la créance de Lille aciers a été omise » (cf. arrêt attaqué, p. 3, § sur ce, 1er attendu) ; « que la demande de rectification d'erreur matérielle est fondée, le fait que la rectification de cette erreur modifie les données du plan étant sans incidence, dès lors qu'elle aboutit seulement à mettre le dispositif du jugement en conformité avec les motifs qui y sont développés » (cf. arrêt attaqué, p. 3, § sur ce, 2e attendu) ;
1. ALORS QUE l'action en rectification d'erreur matérielle ne peut être exercée que pour réparer, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande, les erreurs matérielles que contiennent les jugements ; qu'elle n'a pas pour objet de mettre le dispositif d'un jugement d'accord avec ses motifs ; qu'en énonçant, pour accueillir l'action en rectification d'erreur matérielle dont elle était saisie, que la rectification demandée « aboutit seulement à mettre le dispositif du jugement du 28 juillet 2004 en conformité avec les motifs qui y sont développés », la cour d'appel a violé l'article 461 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE le juge de l'action en rectification d'erreur matérielle n'a pas le pouvoir de modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ; qu'au résultat de la rectification à laquelle la cour d'appel procède, la société Lille aciers cesse d'appartenir à la classe des créanciers ayant droit au seul paiement immédiat de 25 % de leur créance, pour s'agréger à la classe des créanciers ayant droit au paiement sur neuf ans de 100 % de leur créance, tandis que la société Ateliers de la Nave, qui, grâce au paiement immédiat de 25 % de sa créance, se trouvait quitte de sa dette envers la société Lille aciers, devient débitrice, sur neuf ans, de l'intégralité de cette même dette ; qu'ayant ainsi modifié les droits et obligations reconnus aux parties par le jugement du 28 juillet 2004, la cour d'appel a excédé les pouvoirs qu'elle tenait de l'article 461 du code de procédure civile.