LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Attendu que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... est propriétaire d'une parcelle cadastrée AB 109 sise sur le territoire de la commune de Saint-Chaffrey (la commune) et desservie par un chemin ouvert à la circulation publique, qu'il a saisi la juridiction administrative d'une requête en annulation de la délibération du conseil municipal du 2 juillet 2003, autorisant le maire à signer un document d'arpentage destiné à ajouter à la parcelle cadastrée AB 110, appartenant aux époux Y... et desservie par le même chemin, une surface de 16 m² inscrite prétendument à tort, au détriment de ces derniers, parmi les propriétés communales lors de la révision cadastrale, que par jugement du 19 juin 2007, le tribunal administratif de Marseille a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de la propriété de cette surface ; que l'arrêt, confirmatif de ce chef, a dit que celle-ci appartenait à la commune ;
Attendu que pour infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour qualifier la surface litigieuse de voie communale ou de chemin rural et dire qu'elle dépend d'un chemin rural, l'arrêt énonce que, par conclusions signifiées pour l'audience du 17 juin 2008 devant le tribunal de grande instance de Gap, la commune et les époux Y... ont demandé au tribunal de dire et juger que le chemin sur lequel a été prise la surface de 16 m² revendiquée par les époux Y... est un chemin rural qui dépend du domaine privé de la commune ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune des parties n'avait repris devant elle une telle prétention, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les textes susvisés ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la surface de 16 m² visée par le document d'arpentage que le maire de Saint-Chaffrey a été autorisé à signer par délibération du conseil municipal du 2 juillet 2003 dépend d'un chemin rural, l'arrêt rendu le 23 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la commune de Saint-Chaffrey et M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la surface de 16 mètres carrés visée par le document d'arpentage que le maire de Saint-Chaffrey a été autorisé à signer par délibération du conseil municipal du 2 juillet 2003 dépend d'un chemin rural appartenant à la commune de Saint-Chaffrey ;
AUX MOTIFS QUE Louis X... a saisi le tribunal de grande instance de Gap à la demande du tribunal administratif de Marseille, d'où son intérêt évident à agir ; que par conclusions signifiées pour l'audience du 17 juin 2008 devant le tribunal de grande instance de Gap la commune de Saint-Chaffrey et les époux Y... ont demandé au tribunal de dire et juger que le chemin litigieux sur lequel a été prise la surface de 16 mètres carrés revendiquée par les époux Y... est un chemin rural qui dépend du domaine privé de la commune ; que d'ailleurs, dans un jugement du 28 février 1985, le tribunal administratif de Marseille avait relevé que : « considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que le chemin litigieux, qui relie plusieurs parcelles à l'ancienne route nationale 91, est ouvert à la circulation publique depuis de très nombreuses années, qu'il ne porte d'ailleurs pas de numéro de cadastre » ce qui correspond à la définition du chemin rural donnée par l'article L.161-1 du code rural ; que compte tenu de cet aveu judiciaire et du fait que le chemin qui dessert les propriétés Y... et X... correspond très exactement à la définition du chemin rural donnée par l'article L.161-1 du code rural, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la commune de Saint-Chaffrey propriétaire de la surface de 16 mètres carrés visée par le document d'arpentage que le maire de Saint-Chaffrey a été autorisé à signer par délibération du conseil municipal du 2 juillet 2003 et de l'infirmer pour le surplus, le chemin litigieux étant un chemin rural qui fait partie du domaine privé de la commune ;
1) ALORS QUE le juge d'appel, qui ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel, est lié par les conclusions prises devant lui et ne peut modifier les termes du litige dont il est saisi ; qu'en réformant le jugement du 24 juillet 2009 en ce qu'il s'était déclaré incompétent pour qualifier de voie communale ou de chemin rural la surface de 16 mètres carrés visée par le document d'arpentage, et en statuant sur la qualification du chemin litigieux, quand elle devait seulement en déterminer le propriétaire, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé les articles 4, 5 et 954 alinéa 1er et 2 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'il n'appartient qu'au juge administratif de trancher une contestation sérieuse relative à la qualification de chemin rural relevant du domaine privé, ou de voie communale relevant du domaine public d'une commune ; qu'en statuant sur la qualification du chemin litigieux, qui faisait l'objet d'une contestation sérieuse dont était saisi le tribunal administratif de Marseille à l'origine de la question préjudicielle de propriété qui lui était posée, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
3) ALORS QUE, subsidiairement, les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public et qui n'ont pas été classés comme voies communales ; qu'en déduisant le caractère rural du chemin litigieux de la seule circonstance qu'appartenant à la commune de Saint-Chaffrey, il était ouvert à la circulation publique, sans rechercher si une décision de classement était ou non intervenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.161-1 du code rural.