LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2012), que M. X... et Mme Y... ont adressé aux sociétés Antik Batik et GS2C plusieurs factures, relatives à des fournitures de tissus imprimés, qui n'ont pas été honorées ; qu'ils les ont assignées en paiement ;
Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit à un procès équitable implique l'obligation pour le juge de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties ; qu'en refusant d'examiner les éléments de preuve produits par M. X... et Mme Y... au seul motif que ces documents étaient rédigés en langue anglaise, quand il lui appartenait pourtant de prendre en considération leur contenu, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; que, si le juge est fondé à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, il lui appartient, en vertu de l'article 16 du code de procédure civile, de respecter les droits de la défense ; qu'en l'espèce, l'adversaire n'ayant nullement soulevé un tel moyen, la cour d'appel, en écartant d'office les documents établis en anglais et non traduits qu'avaient produits M. X... et Mme Y..., sans soumettre préalablement ce moyen à la discussion contradictoire des parties, a méconnu le principe de la contradiction et a par là-même violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; que, si le juge est fondé à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, il lui appartient, en vertu de l'article 16 du code de procédure civile, de respecter les droits de la défense ; qu'en l'espèce, l'adversaire n'ayant nullement soulevé un tel moyen, la cour d'appel, en écartant d'office les documents établis en anglais et non traduits qu'avaient produits M. X... et Mme Y..., sans inviter au préalable ces derniers à en fournir la traduction, a méconnu le principe de la contradiction et a par là-même violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que le juge ne peut écarter des débats que les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile ; que lorsqu'il est amené à apprécier la portée d'une pièce en langue étrangère qui n'a fait l'objet d'aucun incident de la part des parties, il doit, s'il s'estime insuffisamment éclairé, inviter la partie à présenter une traduction ou ordonner au besoin une mesure d'instruction ; qu'en refusant d'examiner les pièces produites par M. X... et Mme Y..., quand ces documents avaient pourtant été régulièrement communiqués et n'avaient fait l'objet d'aucun incident par les parties adverses, la cour d'appel a violé les articles 132 et 135 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le juge, sans violer les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est fondé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, faute de production d'une traduction en langue française, sans qu'il soit nécessaire d'ouvrir à nouveau les débats ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer aux sociétés Antik Batik et GS2C la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mme Y...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Rubina Y... et Monsieur Showkat X... de toutes leurs demandes tendant au paiement des créances invoquées à l'encontre des sociétés ANTIK BATIK et GS2C ;
Aux motifs que : « Considérant que, pour critiquer le jugement sur les condamnations prononcées contre elle, les sociétés appelantes :
- excipent du grave conflit qui a opposé leurs associés à compter de 2003 qui étaient les mêmes dans chacune de ces sociétés, à savoir Jean-Christophe
C...
et Gabrielle D..., le premier étant gérant jusqu'au 16/ 10/ 2006 de la SARL GS2C et la seconde de la société ANTIK BATIK depuis le 18/ 06/ 2001, en sorte qu'à compter de 2005, plus aucune relation commerciale n'a été entretenue entre ces deux sociétés dont la première exploitait une boutique de la société ANTIK BATIK qui avait pour activité la fabrication et la commercialisation en gros d'articles de prêt à porter et accessoires sous sa propre marque, que ces associés sont parvenus à un accord en septembre 2006 portant cession par Jean-Christophe C... à Gabrielle D...de 50 % de ses parts, prétendent que le 13/ 11/ 2006, les intimés ont mis en demeure pour la première fois la société ANTIK BATIK de régler des factures datant de 2003 qui a indiqué n'être pas concernée par ces factures,
- il incombe aux intimés de justifier des livraisons et des bons de commandes,
- relativement aux factures établies à l'encontre de la société ANTIK BATIK, Jean-Christophe C... qui n'était ni mandataire social, ni salarié de cette dernière n'avait aucune qualité pour engager cette dernière, tandis que pour les prétendues livraisons faites au 16 rue de Turenne à Paris, qui est l'ancien siège social de la SARL GS2C, il résulte des documents produits que ceux-ci sont tous censés avoir été établis pour la société ANTIK BATIK ; en sorte que les intimés n'ont justifié par aucune pièce probante leur créance ;
Considérant que les intimés répliquent que les deux associés n'ont eu de cesse que de maintenir une confusion entre ces deux sociétés, domiciliées à la date des factures et des lettres de transport à la même adresse, Jean-Christophe C... étant le principal auteur des mails de commande et se présentant comme l'animateur de la société ANTIK BATIK, que les pièces établissent pour quelles sociétés les commandes ont été passées, que ces pièces mettent en évidence qu'il existait un agent représentant aux Etats Unis la société ANTIK BATIK qui a été livré à la demande de la société ANTIK BATIK FRANCE, tandis que RYAD en Arabie Saoudite n'était qu'un lieu de transit pour les livraisons faites en France, que les commandes sont suffisamment attestées par les échanges de mails entre les parties et les pièces manuscrites produites, que la pièce 18 atteste une demande en paiement préalable à l'action judiciaire ;
Considérant qu'il n'est pas contredit que les deux intimés, demandeurs en première instance, réclament le paiement, le premier Showkat X... de diverses factures émises le 18/ 03/ 2000, le 30/ 10/ 2004, 29/ 08/ 2005, 31/ 08/ 2005, 17/ 09/ 2005, 30/ 09/ 2005 et 03/ 10/ 2005 pour un montant total de 59 372 € en soutenant que sur ce montant les sociétés appelantes n'auraient réglé cille le montant de 17 600 €, en sorte qu'il lui serait dû un solde de 41 772 €, la seconde Rubina Y... une somme de 37 835 € au titre d'une facture du 26/ 09/ 2005, et de deux factures du 14/ 10/ 2005 pour un montant total de 37 835 € ;
Considérant que les factures émises par le premier l'ont été sous l'identité de X... HANDICRAFTS :
- celle du 16/ 03/ 2000, pour un montant de 3 300 US $, portant comme acheteur ANTIK BATIK, 18 rue de Turenne Paris et TRANSMEC, ce dernier étant en réalité le destinataire,
- celle du 30/ 10/ 2004 pour un montant de 1 7050 € adressée à ANTIK BATIK,
- celles du 29/ 08, 31/ 08, 17/ 09, 30/ 09/ 2005, pour les montants respectifs de 5 328 €, 20 134 €, 2 520 €, 1 786 € indiquant comme donneur d'ordre ANTIK BATIK Christophe C...,
- celle du 03/ 10/ 2005 pour le montant de 7 261 € adressée à ANTIK BATIK USA,
Considérant que les factures émises par la seconde l'ont été sous l'identité de ASAD EMPORTS :
- celle du 25/ 09/ 2005 pour un montant de 8 876 € portant comme acquéreur 0520, ANTIK BATIK rue de Turenne,
- celle du 14/ 10/ 2005 pour un montant de 28 959 e portant les mêmes acquéreurs que la précédente mais livraison à RYAD,
- celle du 14/ 10/ 2005 pour un montant de 1 933 € portant comme acquéreur GS2C chez ANTIK BATIK rue de Turenne ;
Considérant que, se référant à une mise en demeure qui lui avait été adressée le 13/ 11/ 2006, la société ANTIK BATIK, 8 rue du Foin a indiqué n'être pas concernée par ces factures ;
Considérant que les seules pièces produites concernant la situation juridique des sociétés GS2C et ANTIK BATIK sont un extrait K BIS de la société GS2C délivré le 30/ 10/ 2007 évoquant une immatriculation du 07/ 11/ 1994, une adresse au 08 rue du Foin et indiquant comme gérant M. F..., un extrait K BIS de la société ANTIK BATIK délivré le 13/ 10/ 2004 et indiquant comme gérante Gabrielle D..., et une constitution depuis le 19/ 09/ 1990, et une adresse rue du Foin, un second extrait K BIS de cette même société délivré le 11/ 02/ 2010 portant comme forme juridique SAS à associé unique et comme président GRC, la cession par Gabrielle D...d'une des 250 parts qu'elle détenait dans la société GS2C à Marc G...dont il résulte qu'a cette date elle était associée à parts égales dans cette société avec Jean-Christophe C... qui en détenait donc également 250, cette société ayant alors son siège social 18 rue de Turenne ;
Considérant que si pour contester devoir les sommes réclamées les sociétés ANTIK BATIK et GS2C excipent d'un grave conflit entre les deux associés qu'étaient Gabrielle D...et Jean-Christophe
C...
ayant abouti à la disparition de toutes relations commerciales entre elles et à un accord en septembre 2006, elles n'en justifient pas, qu'elles n'établissent pas plus que, à l'époque des factures litigieuses, la première était gérante de ANTIK BATIK et le second gérant de GS2C tandis que les factures révèlent la confusion faite au niveau de ces deux sociétés ;
Considérant que le tribunal a relevé qu'étaient jointes aux factures des lettres de transport international en provenance de l'Inde à destination de la France, que toutefois celle afférente à la facture du 29/ 08/ 2005 était illisible, qu'aucune n'était jointe à celle du 17/ 09/ 2005 ;
Considérant que les diverses pièces dont les intimés se prévalent soit les pièces 10 à 44 produites pax eux et qui confirmeraient la réalité des commandes et des livraisons sont, à l'exception de la pièce 14 se rapportant à la cession d'une action et de la pièce 15 qui se rapporte à la contestation par les appelantes de la mise en demeure, en langue anglaise et comme telles inexploitables par la cour alors que les intimés n'en analysent pas la teneur précise ;
Considérant que les factures ne sont dues que pour autant qu'elles se rapportent à des livraisons effectives conformément à des commandes par une personne ayant qualité pour passer ces commandes ;
Considérant que quelle que soit la confusion faite au niveau des sociétés GS2C et ANTIK BATIK, les intimés faute de justification par des pièces exploitables n'établissent ni les commandes par ces dernières ni la réception effective par elles laquelle ne saurait résulter des seules lettres de transport internationales ;
Considérant qu'en cet état, le jugement étant infirmé, les intimés sont déboutés de toutes leurs demandes ;
Considérant que les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies, tant en première instance qu'en appel ;
Considérant que Showkat X... et Rubina Y... sont condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel, le jugement étant réformé en ses dispositions relatives aux dépens » ;
Alors, d'une part, que le droit à un procès équitable implique l'obligation pour le juge de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties ; qu'en refusant d'examiner les éléments de preuve produits par Monsieur X... et Madame Y... au seul motif que ces documents étaient rédigés en langue anglaise, quand il lui appartenait pourtant de prendre en considération leur contenu, la Cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Alors, d'autre part, que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; que, si le juge est fondé à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, il lui appartient, en vertu de l'article 16 du Code de procédure civile, de respecter les droits de la défense ; qu'en l'espèce, l'adversaire n'ayant nullement soulevé un tel moyen, la Cour d'appel, en écartant d'office les documents établis en anglais et non traduits qu'avaient produits Monsieur X... et Madame Y..., sans soumettre préalablement ce moyen à la discussion contradictoire des parties, a méconnu le principe de la contradiction et a par là-même violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
Alors que, de plus, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; que, si le juge est fondé à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, il lui appartient, en vertu de l'article 16 du Code de procédure civile, de respecter les droits de la défense ; qu'en l'espèce, l'adversaire n'ayant nullement soulevé un tel moyen, la Cour d'appel, en écartant d'office les documents établis en anglais et non traduits qu'avaient produits Monsieur X... et Madame Y..., sans inviter au préalable ces derniers à en fournir la traduction, a méconnu le principe de la contradiction et a par là-même violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
Alors enfin que le juge ne peut écarter des débats que les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile ; que lorsqu'il est amené à apprécier la portée d'une pièce en langue étrangère qui n'a fait l'objet d'aucun incident de la part des parties, il doit, s'il s'estime insuffisamment éclairé, inviter la partie à présenter une traduction ou ordonner au besoin une mesure d'instruction ; qu'en refusant d'examiner les pièces produites par Monsieur X... et Madame Y... quand ces documents avaient pourtant été régulièrement communiqués et n'avaient fait l'objet d'aucun incident par les parties adverses, la Cour d'appel a violé les articles 132 et 135 du Code de procédure civile.